Les nouvelles pistes de l’affaire Grégory

Vingt-cinq ans après le meurtre de leur fils Grégory, Christine et Jean-Marie Villemin multiplient les initiatives afin de contribuer à l’identification du coupable. En effet, le procureur général de Dijon a réouvert l’enquête en 2008 et les derniers résultats ADN relancent le célèbre fait divers. C’est ainsi que la section de recherches de la gendarmerie de Dijon a été chargée de prélever l’ADN d’une soixantaine de protagonistes de l' »affaire ».


A l’heure où la justice recherche des traces ADN sur des scellés du dossier, Michel Villemin vient de réitèrer une demande de constitution de partie civile qui lui avait pourtant été refusé le 9 Décembre 1986. Frère de Jean Marie Villemin, c’est lui qui a reçu le dernier appel du corbeau qui revendiquait le crime de Gregory. Me Stasi a interdit à son client tout contact avec la presse. Seul Eric Nicolas, journaliste à l’Est Républicain a pu rencontrer celui qui, un temps, fut suspecté du meurtre du garçonnet. Il a accepté de répondre à quelques questions sur le fait divers criminel qui a bouleversé l’opinion publique.

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Interview d’Eric Nicolas, journaliste à l’Est républicain

Haut Courant : Où étiez-vous pendant l’ « affaire » Grégory ?

Eric Nicolas : En Octobre 1984, j’avais 19 ans, je venais d’avoir mon Bac. A l’époque, le fait divers ne m’avait pas spécialement interpellé. Enfin, pas plus qu’un autre. J’avais d’autres préoccupations à cet âge là. C’est seulement l’année d’après que j’ai pris conscience de l’ampleur de l’affaire, quand Bernard Laroche a été tué par Jean-Marie Villemin.

HC : Aujourd’hui, en tant que journaliste, quel regard portez-vous sur le rôle des médias de l’époque ?

E.N : Tout d’abord, il faut reconnaître que c’est une affaire extraordinaire, de par tous les rebondissements et débordements qu’elle a suscitée. Je m’occupe des faits divers depuis un an et demi, et je dois reconnaître que c’est un fait divers phénoménal. Il y a eu des errements de la part de tous les acteurs : le juge d’instruction racontait les auditions aux journalistes. Ces derniers pondaient des papiers tous les jours, alors forcément, certains ont raconté tout et n’importe quoi.

HC : Peut-on comparer ce fait divers au désastre médiatique d’Outreau ?
EN : Pour moi, l’affaire Grégory, c’est le plus gros fait divers du siècle. L’affaire d’Outreau est sismique, car c’est toute la chaîne pénale qui s’est fourvoyé. Mais elle a été résolue, alors que celle de la Vologne bouillonne depuis plus de 20 ans.

HC: C’est Michel Villemin qui vous a contacté ?

E.N : Non, c’est moi. J’étais au courant de sa requête, j’ai creusé le personnage et je me suis mis en rapport avec son avocat, Me Stasi. En 25 ans, Michel Villemin n’a parlé que très peu. La dernière fois qu’on l’a entendu, c’était en 2006 dans l’émission « On ne pouvait pas le rater » de Fogiel sur RTL, lorsqu’il avait déposé plainte pour diffamation (nldr : suite à la diffusion sur France 3 du téléfilm La vallée de Raoul Peck)


HC : Pensez-vous vraiment que l’enquête en cours a des chances d’aboutir à la vérité ?

EN : Bien sûr. Le but de cette enquête, c’est vraiment d’utiliser tous les progrès technologiques pour essayer d’aller vers une vérité judiciaire. Les recherches ADN ont déjà permis de disculper le couple Villemin, une fois pour toute. Pour les éléments nouveaux, il y a ce courrier envoyé aux grands parents Villemin le 24 Juillet 1985, donc après la mort de Laroche, dans lequel on a retrouvé l’ADN d’un homme sur le corps de la lettre ainsi que celui d’une femme sur le timbre postal.

HC: Ce courrier, c’était encore le corbeau ?

EN : C’était une lettre de menace qui disait : « Je vous ferez à nouveau la peau. Prochaine victime, Monique (ndlr : la grand-mère). » Dans cette affaire, il y a plusieurs corbeaux, on le sait. Le laboratoire qui opère actuellement les analyses m’a affirmé avoir trouvé un « magnifique ADN » sur le timbre du courrier en question. En ce moment, il est comparé à l’ADN de 66 personnes. En Février prochain, on saura s’il correspond à l’un d’entre eux. Cet élément n’est pas négligeable car il peut faire avancer l’enquête.

HC : Les médias vont-ils à nouveau se déchaîner sur cette affaire ?

EN : J’ose espérer qu’il n’y aura pas les mêmes débordements, même si ce fait divers suscite un engouement considérable. De toute façon, les Vosgiens ne veulent plus voir personne.

L’identité génétique, atout de la police scientifique

« Une chance sur cinq milliards de tomber sur deux individus ayant le même profil génétique, pour dix éléments communs entre une personne et une trace. » Philippe Mallet, le chef du service central de l’identité judiciaire au siège de la police scientifique d’Ecully (Rhône) est formel : les résultats montrent incontestablement l’efficacité du fichier national automatisé des empreintes génétiques (le Fnaeg). Créé par la loi en 1998, le Fnaeg est une base de combinaisons numériques permettant de caractériser un individu et de l’identifier.

Actuellement étendu à la quasi-totalité des crimes et délits, ce fichier peut également intégrer le profil génétique des personnes mises en cause lors d’une simple enquête. En 2007, le Fnaeg recensait 615 590 prélèvements. En juin 2006, Philippe Mallet ambitionnait de porter à terme le nombre de profils à 2,4 millions (tout comme le fichier des empreintes digitales).

Le Fnaeg s’avère précieux dans sa capacité à retrouver des coupables très longtemps après des crimes non élucidés. L’an dernier, sa base de données comprenait plus de 12 000 traces d’inconnus, relevées sur des lieux de crimes ou délits. C’est ainsi que Robert Greiner s’est fait rattrapé par la justice, dix-neuf ans après les faits dont il est accusé.

Aujourd’hui, faucheurs d’OGM, manifestants anti- CPE ou nationalistes corses s’opposent de plus en plus souvent à subir un prélèvement, destiné à obtenir une empreinte génétique. Ce refus constitue une infraction pouvant se traduire par une amende ou même un passage au tribunal.