Les Etats-Unis maîtres de l’humanitaire en Haïti

En décidant de contrôler l’aéroport de Port au Prince, les Américains ont pris en charge la coordination de l’aide humanitaire en Haïti. Cette décision fait polémique puisque, entre le vendredi 15 janvier et le samedi 16 janvier, deux avions français n’ont pas pu atterrir dans la capitale haïtienne. Bien plus qu’un élan humanitaire, le secours d’Haïti semble être, pour les États-Unis, un enjeu politique.

Les USA contrôlent le ciel d’Haïti

Six jours après le séisme de magnitude 7 qui a frappé l’île d’Haïti, les Américains ont décidé de prendre en charge la coordination de l’aide humanitaire en prenant le contrôle de l’aéroport de Port au Prince. Barack Obama, qui avait annoncé qu’il était prêt à débourser sur le champ plus de 100 millions de Dollars pour venir en aide aux sinistrés, a également envoyé un porte-avion à propulsion nucléaire, l’USS Carl Vinson avec dix-neuf hélicoptères à son bord. Ce bâtiment naval servira notamment de base flottante pour les rotations des aides aériennes. De plus, depuis le weekend dernier, quelques 4 200 militaires américains sont sur la zone et 6 300 troupes supplémentaires sont attendues d’ici le début de cette semaine.

Des avions interdits d’atterrir

Les États-Unis, en mettant en place de tels dispositifs, ont la volonté de mettre fin à la situation chaotique du cheminement de l’aide humanitaire et d’endiguer les émeutes qui ne cessent de progresser chaque jour dans la capitale haïtienne. Le problème est, qu’entre le vendredi 15 janvier et le samedi 16 janvier, deux avions français n’ont pas pu atterrir sur le petit aéroport de Port au Prince par ordre des forces américaines qui ont privilégié l’atterrissage de leurs propres avions. Le premier avion français transportait un hôpital de campagne et l’autre était un avion-cargo affrété par Médecins Sans Frontières avec à son bord un hôpital chirurgical gonflable.

Si le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, sur le plateau d’Europe 1 a voulu éviter toute polémique en affirmant que la décision américaine «est tout à fait heureuse» , l’association Médecins Sans Frontières (MSF) émet des réserves. En effet, MSF a lancé, dimanche 17 janvier, un appel d’urgence en demandant que «les avions-cargos transportant du matériel médical et chirurgical d’urgence soient autorisés à atterrir en priorité à Port-au-Prince afin de soigner les milliers de blessés en attente d’opérations chirurgicales vitales.» Les médecins n’ont pas été les seuls à s’inquiéter de l’autoritarisme américain. Alain Joyandet, secrétaire d’État chargé de la Coopération et de la Francophonie avait dénoncé «un manque d’arbitrage ou de discernement» de la part des Américains.

Des intérêts colossaux pour les Américains

C’est sans véritable concertation internationale que les États-Unis ont pris la décision d’organiser à eux seuls la coordination de l’aide humanitaire. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette démarche.

Tout d’abord, les États-Unis sont historiquement liés à Haïti. De 1915 à 1935, les Américains ont occupé l’île. Sous cette occupation, Haïti revint temporairement à la stabilité, mais au prix de révoltes sociales qui allaient favoriser l’arrivée au pouvoir des militaires. Washington mit en place un gouvernement soumis à ses volontés et s’engagea en contrepartie à fournir au pays une assistance politique et économique. Toutefois, rappelons qu’en 1918, les Américains réprimèrent dans le sang une révolte paysanne qui fit plus de 15 000 morts. L’hostilité de la population à l’égard de l’occupant progressa et conduisit finalement, en août 1934, au départ des Américains. Mais, la relation entre les deux États, et l’influence américaine ne s’est jamais véritablement éteinte. Si bien que plus d’un demi million d’Haïtiens résident actuellement aux États-Unis.

Mettre en place «l’une des plus grandes opérations de secours de l’histoire» est aussi un bon moyen pour les États-Unis de mettre entre parenthèse leur image expansionniste, la guerre en Irak et les conflits en Afghanistan. C’est aussi une méthode pour donner un second souffle à Barack Obama embarrassé par un prix Nobel de la paix qu’il ne peut pas vraiment assumer.

Enfin, les USA sont certainement les seuls à pouvoir mettre en œuvre une telle logistique. Ce qui fait d’eux les mieux placés pour organiser l’aide humanitaire.

En revanche, cette gestion autocratique ne doit pas engendrer des tensions avec les autres pays au risque de faire oublier le principal objectif : reconstruire Haïti.

Pour aller plus loin

www.wsws.org/francais/News/2010/jan2010/hait-j18.shtml

http://structures.ac-martinique.fr/cdi/pages/histoirhaiti.htm

http://www.humanite.fr/article2758879,2758879

Dépigmentation de la peau : au-delà du complexe, des raisons…complexes

Les crèmes pour éclaircir la peau connaissent un essor inquiétant en Afrique. Des produits utilisés en médecine pour traiter des cas graves d’allergies, de chocs hémorragiques… Mais ayant découvert qu’ils dépigmentent, les gens en font un usage abusif, dangereux pour leur santé : problèmes dermatologiques, maladies graves…On suspecte aujourd’hui des conséquences gynécologiques pour les femmes. Le Docteur Fatimata Ly, présidente de l’association internationale d’information sur la dépigmentation artificielle (AIIDA), a organisé une journée de sensibilisation le 17 mai dernier au Sénégal et fait le point sur Afrik.com. Une pratique qui malgré les dangers prend de l’ampleur et dont les causes demeurent complexes.

On suspecte fortement les corticoïdes, présentes dans les produits éclaircissants, d’entraîner des accouchements de bébés avec un plus petit poids de naissance, des risques de stérilité… Fatimata Ly reste néanmoins prudente. Selon elle, il faudrait réaliser d’autres études pour prouver les conséquences gynécologiques. En tout cas, les dangers pour la santé sont multiples (hypertension, diabète, problèmes osseux, cécité…). Selon une étude réalisée en 2004, par une équipe de dermatologues à Bobo-Dioulasso, au Burkina-Faso, sur 100 femmes, 50 utilisent des produits dépigmentants. « Le phénomène a pris tellement d’ampleur qu’il est devenu le troisième problème de santé publique dans ce pays, après le paludisme et les maladies respiratoires », affirme le Docteur Andonaba.

Quant à Mulumba wa Tshita, chimiste au Service de toxicologie à l’Institut national des recherches biologiques en RD Congo, ce dernier a affirmé le 29 mai à l’agence Panafricaine de presse (PANA) : « les utilisateurs des produits de dépigmentation, nombreux en RD Congo, s’exposent à plusieurs complications dermatologiques, dont le cancer de la peau et d’autres tumeurs. » Plus choc encore : « sur 250 personnes qui se dépigmentent, il a été enregistré 5 cas de décès. La dépigmentation tue », a lâché le Docteur Thierno Dieng, de l’Hôpital le Dantec à Dakar (Sénégal) le 17 mai, à l’occasion de la conférence nationale sur le sujet.

crédit photo : www.congoforum.be

Filières parallèles

Au-delà de ces maladies, la peau déguste : acné, brûlures, mycoses, eczéma… Les femmes souffrent de cicatrisations difficiles. Et voient leur peau décliner en plusieurs teintes au gré des agressions solaires. Devenue trop fragile, elle se couvre de taches noires, et rend difficile une intervention chirurgicale au cas où la personne a un problème. Et dans certains cas, les allergies entraînent le pire. La pathologie dermatologique est la deuxième cause de mortalité après le paludisme au Sénégal. Les femmes pratiquant la dépigmentation utilisent des produits contenant de l’hydroquinone (substance qui colorie la peau) à forte concentration. La dose à usage médical ne doit pas dépassée 2 %. Certains produits vont jusqu’à 22 %. Un arrêt à temps peut éviter certaines conséquences lointaines et minimiser les séquelles déjà installées sur la peau, sans les supprimer totalement. Interdite dans l’Union européenne depuis février 2001 (elle provoquerait le cancer), on trouverait pourtant à Paris, dans certains marchés, des produits contenant de l’hydroquinone.

Au Sénégal, la dépigmentation est interdite chez les élèves des cours élémentaire, primaire et secondaire. Mais rien n’est fait contre la vente des produits à base d’hydroquinone. Les spécialistes sénégalais de la peau ont appelé en 2000 déjà, le gouvernement à interdire l’importation des produits éclaircissants (en provenance de Grande Bretagne, des Etats Unis, du Nigeria, du Pakistan…). Une mesure de ce type a été prise en 1995 en Gambie et en 1992 en Afrique du Sud. Les résultats restent mitigés car des filières parallèles d’approvisionnement se développent. « En RD Congo, le ministère de la Santé publique a déjà interdit la vente et l’usage de produits à base d’hydroquinone sur les marchés, voire même la publicité de ces produits à la télévision. Mais les fabricants et les médias font la sourde oreille », déplore le chimiste Mulumba wa Tshita.

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Eau de javel

La dépigmentation de la peau daterait de la seconde guerre mondiale selon Togosite.com. Les militaires noirs américains, basés en Asie du Sud, ont découvert que les femmes asiatiques utilisaient des produits pour obtenir un teint laiteux et plus clair. Ils auraient « rapporté ces crèmes dans leurs bagages pour leurs sœurs, mères ou épouses en quête de nouveautés cosmétiques ». Les noires américaines auraient vite emboîté le pas aux Asiatiques, notamment pour éliminer des problèmes de résidus d’acné, de cicatrices, de taches ou pour unifier leur teint. Pas de débats sur la dépigmentation en Amérique, car l’usage de ces crèmes ne sert apparemment pas en général, à camoufler un problème d’identité. Sauf l’exemple de Michael Jackson, mais ce cas relève d’une « pathologie personnelle ».

Sur le continent africain, paradoxalement dans les pays où le concept de négritude est le plus exacerbé, la dépigmentation est devenue plus problématique. Surtout en Afrique francophone, au Sénégal et au Congo (où beaucoup d’hommes s’éclaircissent la peau également). Le phénomène de dépigmentation est apparu en Afrique à la fin des années 60. L’éclaircissement de la peau par différents procédés est désormais pratiqué dans plusieurs régions (Togo, Mali, Afrique du Sud). C’est par les hôtesses de l’air puis des femmes d’affaires qui ont séjourné aux Etats-Unis, que les éclaircissants ont d’abord été introduits en Afrique, auprès d’une classe sociale privilégiée.

Initialement citadine, la dépigmentation s’est répandue dans les campagnes. Ce qui soulève un autre problème. Les produits cosmétiques à base d’hydroquinone, sont les moins chers donc beaucoup plus utilisés par celles qui n’ont pas de grands moyens. Et selon le Dr Andonaba, leur utilisation requiert une préparation préalable de la peau pour accélérer l’éclaircissement et obtenir un teint uniforme. Pour cela, les plus démunies élaborent des mixtures pour le moins « décapantes ». Les femmes utilisent de l’eau de javel pour se frotter la peau dans le but d’éliminer la mélanine [[Cellules qui produisent du pigment noir et protègent la peau contre les rayons solaires et les cancers de la peau]] qui se trouve en surface, avant d’appliquer le produit qui se chargera de la destruction de la mélanine en profondeur.

« Etre plus clair comme les métis oui, comme les blancs, non. »

Naomi Campbell, le modèle...

Les causes de cette pratique n’ont pas pu être définies exactement. Pourtant, Ferdinand Ezembe, psychologue à Paris spécialisé dans la psychologie des communautés africaines, l’affirme : « cette attitude des noires par rapport à la couleur de leur peau, procède d’un profond traumatisme post-colonial. Le blanc reste inconsciemment un modèle supérieur. Pas étonnant dans ces conditions qu’un teint clair s’inscrive effectivement comme un puissant critère de valeur dans la majeure partie des sociétés africaines ». Le site Grioo.com [[Créé en 2002, Grioo.com est un site qui traite à la fois de l’actualité de la communauté afro mais aussi de son Histoire. Il propose des brèves, des articles et des forums de discussion sur le continent et les communautés d’origine africaine dans le monde]] va très loin. « Toute personne de race noire qui se dépigmente la peau est un grand complexé, qui a complètement honte d’être né noir. Il serait vraiment temps que les africains et particulièrement nos sœurs africaines se reprennent et soient fières de leur peau afin de mieux revendiquer leur identité culturelle. Si cela n’est pas, nous nous acheminons vers une auto-extermination de la race noire. Tous nos actes et pensées sont singés, mimés sur l’Occident et l’Amérique. Pour tout dire, la dépigmentation de la peau soit-elle à outrance ou pas est une véritable aliénation culturelle ».

Grioo.com cite pourtant le Dr Fatimata Ly, toujours nuancée, qui souligne de son côté que si la principale motivation des femmes est d’ordre purement esthétique avec 89 % des cas, 11 % des femmes ont recours à cette pratique dans un but thérapeutique. Et 41 % des femmes sont souvent guidées par « un suivi de la mode ainsi que par l’imitation des relations ». Pour la présidente d’AIIDA, « les arguments souvent brandis comme l’acculturation ne sauraient être considérés comme des explications plausibles ». Les femmes interrogées déclarent s’adonner à la pratique de l’éclaircissement et non au blanchissement. L’image du blanc comme modèle à suivre, est souvent réfutée par les adeptes de ces produits blanchissants, souligne Togosite.com dans un article mettant en garde contre la dépigmentation. Mais qui date déjà de 2006. « Etre plus clair comme les métis oui, comme les blancs, non. Quand tu es claire de peau, les hommes t’apprécient », témoigne Nabou. Angèle réfute l’accusation d’aliénation : « Je le fais un peu car ma peau n’est pas nette, tout simplement ».

Alors souci d’esthétisme, suivisme, méconnaissance ? Dans tous les cas, la dépigmentation volontaire ne concerne pas seulement la femme africaine même si elle est très répandue chez elle. Les asiatiques, les indiennes, les magrhébines, les afro-américaines et certaines antillaises la pratiquent également. Et nous, européens qui voulons à tout prix nous bronzer, nous transformant en lézards de plage, nous exposant dangereusement aux rayons et aux coups de soleil. Pour certains, crèmes auto-bronzantes ou monoï toutes ! Voir séances d’UV. Le monde à l’envers.