La dégustation, un art ouvert à tous

Déguster le vin, reconnaître un cépage ou déceler les arômes comme un professionnel nécessite pas mal de connaissances et d’expérience. Mais, relax, les non-initiés peuvent aussi profiter de ses charmes. A condition de laisser parler ses sens.

« La dégustation est un échange, un partage, dit Michel Tata, œnologue au Domaine de la Colombette à Béziers, mais il existe de nombreuses perceptions possibles des vins. » A les entendre discourir sur une cuvée, les professionnels donnent souvent le sentiment de pratiquer un art élitiste. Pourtant, « les œnologues se doivent de rester humbles dans la dégustation » souligne Michel Tata.
Déguster un vin est un art. Il consiste à déceler ses arômes, distinguer sa robe ou mesurer son intensité. Et ce n’est pas si compliqué.

L’éveil des sens

Le vin touche les sens. Il les anime, les réveille, les émeut ou les crispe. La dégustation est un chemin, une progression vers l’identité d’un cru.

Première étape : l’œil se porte sur la couleur du vin. Sa robe éclaire la bouteille mais surtout la carafe et bien sûr le verre. Elle recèle une part de son identité qui en dit déjà beaucoup sur sa qualité, son harmonie et sa structure. Michel Tata confirme que la vue joue un rôle primordial dans l’appréciation d’un vin : « Elle permet de distinguer la brillance et les défauts qu’il peut exister. » D’un vin blanc brillant et ensoleillé à un rouge sombre et profond, la vue se laisse guider par la teinte et l’intensité colorante d’un vin. Pour Thierry Trebillon, œnologue consultant, « la couleur peut permettre de distinguer le millésime du vin. Plus un vin est violacé, plus il y a de chance que ce soit un vin jeune ».

Après la vue, place à l’odeur. Elle anime le nez, le chatouille, l’excite. « L’approche olfactive est très importante. Elle définie l’aspect du vin et son éventuelle acidité » poursuit Michel Tata. Le nez d’un vin se fait en deux temps. Une première approche, directe, laisse échapper certains arômes, discrets ou ténus. Vient ensuite le moment de la danse, tournoyante. Agité, le vin laisse exploser des parfums dominants. L’oxygène incorporé offre alors une nouvelle expérience sensorielle. Il dévoile l’intensité aromatique du vin. Le nez s’approche, décèle une palette d’arômes, leur puissance et leur dominante.

degustationmilbio23.jpg Il est un guide suprême ! Arômes de fruits rouges, d’agrumes, ou d’épices, les sensations sont éveillées. L’intensité aromatique est dévoilée par la distance entre le nez et le verre. Certaines effluves sont très prononcées au premier abord puis se diluent et laissent échapper des odeurs plus discrètes à mesure que le nez s’approche.
L’excitation des sens se poursuit par la dernière phase de la dégustation. Il est temps de solliciter le goût. Le vin se dépose sur les papilles et le palais. Il raconte une histoire et appelle à l’interprétation. « En bouche, on doit déceler un équilibre entre l’alcool, l’acidité, les sucres, les arômes et les tanins » insiste Thierry Trebillon.

« Le plus difficile dans la dégustation est d’analyser le vin pour reconnaître le cépage ou la région d’origine. L’expérience joue alors un rôle primordial » selon Michel Tata. Thierry Trebillon conseille aux non-initiés de ne pas chercher à déterminer tel ou tel arôme, avec précision. Il regrette l’inscription sur les étiquettes des mentions d’arômes présents dans le vin. « C’est du folklore commercial. Je considère que c’est trompeur pour le consommateur. L’objectif est de retrouver des familles d’arômes. Est-on plutôt en présence de fruits rouges, de fruits noirs ou d’agrumes ? » A vous de jouer !

[DIRECT] Salon Millésime Bio à Montpellier

Du 26 au 28 janvier 2015, Sud Vin Bio organise le salon Millésime Bio au Parc des Expositions de Montpellier. Plus de 800 producteurs et viticulteurs, certifiés bio et originaires du monde entier, exposent leur production de vin biologique. Il s’agit du plus grand rassemblement de producteurs et négociants bio au monde.

Consultez notre dossier spécial consacré au vin biologique. Retrouvez de nouveaux articles et de nouvelles découvertes.

Haut Courant vous propose de suivre en direct le salon Millésime Bio :

Une semaine avec Europe Ecologie

Pendant une semaine, Haut Courant a suivi Europe Écologie dans la dernière ligne droite de la campagne des régionales : réunions, meetings, débats participatifs, rencontres avec les différents candidats. Haut Courant vous donne ainsi un aperçu du programme d’Europe Écologie ainsi que de ses différentes figures.

Le bio, ce petit eldorado de quelques vignerons du Languedoc

Marginaux, les producteurs biologiques ? Dans le secteur du vin, les clichés sont tenaces. Mais les esprits évoluent. Lors de la 6ème Fête des Vignes de novembre dernier, trois producteurs ont arboré le label AB (pour Agriculture biologique sans pesticide ni engrais), le plus souvent délivré par l’organisme de contrôle Ecocert. Tous confirment l’attrait grandissant du public pour leur mode de production. Mais aucun n’y voit une issue possible à la crise qui frappe durement les vins languedociens depuis dix ans. Tour d’horizon.

La révolution zamapiste

A la croisée des chemins entre tendance bio, consommation responsable et retour à la terre, promenade du côté du Jardin des Vesses à Lansargues (Hérault) et rencontre du troisième type. Aussi éloigné de l’agriculture raisonnée que de l’agriculture chimique, Laurent Chabaud nous invite à devenir acteur de notre propre alimentation en proposant d’intégrer une AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) certifiée bio.

Un jeudi soir comme tous les autres depuis trois ans, le rendez-vous est donné sur le parking des Arceaux, au fond à gauche. Sous l’aqueduc de bleu vêtu, la pluie tombe en fines gouttes sur les cagettes en bois de Laurent, comme pour former une délicate rosée sur les fruits et légumes de la cinquantaine de paniers. Ils sont aujourd’hui composés d’une salade, de deux poireaux, d’un demi céleri rave, d’un oignon et d’une tranche de courge, de quelques carottes, pommes de terre, pommes et poires. Cinq kilos : une bonne dose de goût et de vitamines à partager en couple, en famille ou en coloc’.

« Salut, tu vas bien ? » : Laurent connaît presque tous les prénoms d’une liste d’émargement que chacun signe en arrivant. Ils seront pour la plupart au rendez-vous, les autres se seront organisés pour qu’un autre « zamapiste » lui prenne son panier ou pour le récupérer samedi, au marché, sur le stand de son producteur. C’est que chaque membre d’une AMAP, et c’est bien ce qui fait la spécificité du système, est tenu par un véritable engagement : le temps d’un semestre, le consommateur assure à l’agriculteur l’achat d’un panier par semaine, à hauteur de 54 euros par mois. Un véritable abonnement à une nourriture bio de qualité et de saison, produite à 22 kilomètres à peine de sa cuisine. Et pour l’agriculteur, l’assurance de pouvoir vivre du fruit de son labeur, sans trop produire pour ensuite jeter, comme sont contraints de le faire maints confrères, agriculteurs bio ou non, « parce que y’a quand même des gens qui crèvent la dalle !».

Une petite entreprise qui ne connaît pas la crise

Laurent n’en est pas peu fier, de son AMAP. Et pour cause: créée il y a trois ans, elle lui assure de pouvoir cultiver son exploitation de trois hectares tournants sans le souci du lendemain –le règlement mensuel étant versé a priori- tout en transmettant son savoir à un stagiaire, voire à un futur employé. Se cantonnant au départ aux employés de l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement) de Montpellier, le cercle s’est bientôt élargi « surtout par le bouche à oreille » pour parvenir à un chiffre qui restera secret. Vous êtes prévenus : la capacité d’accueil d’une AMAP bio est limitée, les dernières places sont « sur le marché »…

Fier, mais aussi pédagogue : « Vous connaissez les études du professeur Joyeux ? », et d’embrayer sur ce cancérologue montpelliérain qui a conduit une étude comparative sur les résultats des trois types d’agriculture, comparant non seulement leur taux de produits chimiques mais aussi celui de sels minéraux, vitamines et autres bienfaits. Le résultat est stupéfiant quant aux risques de contracter un jour un cancer… « L’étude a été enterrée, bien sûr…».

Mais si le label bio fait la particularité de l’AMAP créée autour de l’exploitation de Laurent Chabaud, ses consommateurs, « de 17 à 80 ans, jeunes pour la grande majorité, environ 30 ans », ont encore bien d’autres arguments à avancer, sans toutefois verser dans le prosélytisme. En vrac, le souci de faire des économies tout en aidant celui qui produit le contenu de son assiette, « une relation de confiance », l’aspect éducatif de redécouverte de certains légumes et d’une autre façon de s’alimenter et de concevoir les repas, l’ambiance zamapiste enfin. Le renouveau d’un lien social oublié dans les rayons des hypermarchés, « c’est aussi ça une AMAP ! » : plus qu’un retour aux anciennes valeurs, une (r-)évolution qui pourrait s’avérer majeure, pour peu qu’elle soit relayée.

« Micro-parking » :

Marie-Hélène Petiot
Marie-Hélène Petiot, enseignante, 44 ans, 3 enfants (7, 13 et 16 ans), Montpellier, zamapiste depuis 1 an :
« J’ai connu le système des AMAP par les médias. J’ai été séduite par le côté biologique bien sûr, mais aussi par l’idée du contrat : aider un paysan en lui payant six mois à l’avance ses paniers pour qu’il puisse s’organiser plus facilement. Les produits sont biologiques tout en étant moins chers qu’au marché bio des Arceaux. Nous sommes cinq, donc j’achète tout de même d’autres fruits et légumes au supermarché. En plus, l’ambiance est sympathique : par exemple quand on découvre de nouveaux légumes, on s’échange les recettes. J’aime ce côté éducatif, instructif. Et puis ça m’oblige à les cuisiner. Je suis curieuse d’aller voir l’exploitation et j’aimerais y emmener les enfants qui font un peu la tronche tous les jeudi soirs… »

Julien et Maud
Julien, 31 ans, chef de projet dans un bureau d’étude spécialisé dans l’assainissement et Maud, 27 ans, comptable pour un syndic de copropriété, Montpellier, zamapiste depuis 2 ans :
« On a fait des recherches via Internet. Adhérer à cette AMAP c’est une façon de s’obliger à manger de tout, plus que de manger bio, de varier les fruits et légumes de saison, de les faire produire dans la région. On partage le panier à trois en coloc, en ne mangeant que le soir à la maison. »

Lenny Mercier, 26 ans, en thèse de biologie à Montpellier II, zamapiste depuis octobre:
« J’ai connu cette AMAP par un ami qui m’a dit que c’était la moins chère et la seule à être bio. On cuisine en famille, et quand on ne sait pas quoi faire on consulte marmiton.fr. Aujourd’hui, je prends deux paniers : le mien et celui d’un ami qui n’a pas pu venir ce soir. Je compte aller à Lansargues voir ça de plus près au printemps. »

Tin-Hinane, trentenaire, zamapiste depuis 1an et demi:
« Au début, nous prenions nos paniers sur le site d’Agropolis, à l’IRD, là où travaille mon compagnon. Ce qui nous plaît dans le système des AMAP, c’est l’idée d’une agriculture de proximité, ça permet d’acheter des légumes à côté, de ne pas les faire venir de n’importe où, de permettre à un agriculteur de vivre. La seule contrainte quand on est très pressé, c’est qu’il faut quand même cuisiner. Au début, on était un peu dépassé, on n’avait même pas fini le panier que le suivant arrivait. Surtout que y’a des légumes qu’on est pas habitué à cuisiner, comme les choux et les navets. »

Kamel Hadj-Kaddour, 30 ans, chercheur, zamapiste depuis 1 an :
« Pour moi, c’est adopter une démarche raisonnée de l’agriculture, mais c’est aussi motivé par le goût. C’est forcément plus cher, mais les produits sont cultivés dans le coin. En temps que chercheur, je suis séduit par les initiatives du CIRAD, institut de recherche gérant des AMAP pour développer le concept.»