Marée noire sur le plastique

Ordinateurs, rouges à lèvres, vêtements, emballages alimentaires … Leur point commun ? Le plastique. Tous contiennent ce matériau, l’un de principaux dérivés du pétrole, carburants mis à part. Et quand l’or noir flambe, l’ensemble des matières plastiques s’envole également. Avec un impact important dans la vie quotidienne et sur le sacro-sanctifié pouvoir d’achat. Filière oubliée de la crise pétrolière et matériau environnementalement dangereux, le plastique sera-t-il bientôt plastiqué ?

« Le plastique c’est fantastique. » Enfin, pas tant que ça. C’est pourtant l’une des matières les plus omniprésentes de notre quotidien : de la bassine au rouge à lèvres, du t-shirt à la poêle à frire en passant par toutes sortes d’ustensiles médicaux, d’emballages, de bouteilles et de sacs. Le pétrole, c’est aussi ça. Et quand son prix croît, les répercussions ne retombent pas uniquement sur l’essence et les carburants. Principal dérivé de la pétrochimie, le plastique est en première ligne.

4 millions de tonnes chaque année

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Quel rapport existe-t-il entre pétrole et plastique ? La plupart des molécules de base servant à la fabrication des matières plastiques proviennent de produits pétroliers Or le mode de vie occidental en (ab)use sans modération. Pour exemple, la consommation annuelle des français dépasse les 4 millions de tonnes. Les secteurs d’utilisation les plus gourmands en la matière se situent principalement du côté des emballages (38%) et du bâtiment (19%). On en retrouve aussi dans l’électricité (10%), les transports (10%) … Et ce n’est pas tout. L’habillement non plus n’y échappe pas. Ainsi plus de 50% des fibres textiles proviennent d’une confection chimique à base de pétrole. Cette insertion dans le textile est moins prégnante dans les pays du sud avec lesquels les pays industrialisés ont du mal à rivaliser sur la production de fibres naturelles.

« La fin du plastique bon marché »

Le plastique, 3ème matériau d’emballage en tonnage, soit 38% de la transformation française dans le domaine, connaissait déjà une tendance à la hausse depuis la fin des années 1990. Certains experts l’ont expliqué comme étant une augmentation cyclique classique. Mais une majorité, dont Normand Mousseau, professeur au département de physique de l’Université de Montréal, a plutôt penché pour une fin du plastique « bon marché ».
« Les produits en plastique deviendront plus chers, pas seulement à la suite de l’augmentation du prix des matières premières et de l’énergie, mais aussi à cause des exigences de plus en plus sévères liées à la protection de l’environnement et des consommateurs », déclare l’auteur canadien d’ « Au bout du pétrole » dans une interview accordée à l’Agence Science-presse le 16 mai 2008. Et quand le pouvoir d’achat se réduit comme peau de chagrin, un surcoût des produits de consommation dérivés du plastique pèse lourd sur le caddie de la ménagère.

Un mal pour un bien ?

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A l’instar de son cousin dérivé du pétrole (le carburant), le plastique est facteur de pollution. Son principal défaut : il n’est pas biodégradable, à l’exception de certains plastiques peu robustes et aux prix élevés. Or, les déchets plastiques sont omniprésents et s’accumulent. Pour s’en débarrasser, il n’existe que deux solutions à choisir entre Charybde et Scylla : soit les brûler, soit les enterrer. Polluer l’air ou la terre. Alors qu’un horizon où le baril dépasserait les 200 dollars fait planer le spectre de l’inflation, on ne peut oublier les conséquences bénéfiques possibles, aussi négligeables soient-elles. Et même si ce n’est pas exactement l’idée que l’on se fait de la lutte contre la pollution, une telle hausse du pétrole ne réduirait-elle pas la fabrication exagérée d’emballages ? Ne serait-elle pas une nouvelle épreuve pour in fine, trouver un ersatz à cette pétro-dépendance, voire relancer d’autres matériaux comme les fibre naturelles pour les textiles ?

En Suède, les vaches font rouler des trains

Plutôt que de les regarder passer, les vaches peuvent maintenant faire avancer les trains. A Linköping, en Suède, la compagnie Svensk Biogas a développé une méthode innovante pour fabriquer du carburant propre à partir des déchets de Swedish Meats l’abattoir voisin.

Le procédé permet non seulement de recycler les éléments impropres à la vente, mais aussi d’en extraire le méthane. Ce gaz, déjà présent dans le système digestif de tout être vivant se trouve en quantité chez les vaches qui disposent de quatre estomacs.

Les déchets de l’abattoir sont transférés à l’usine de Svensk Biogas qui les traite pour les purifier et les faire décanter. Les produits organiques mijotent durant un mois, puis le méthane est extrait et transformé en carburant. Les restes de matière première servent d’engrais bio aux fermiers du comté. Rien ne se perd… Le biogaz présente aussi un impact plus léger que le gaz naturel sur l’effet de serre car il ne s’agit pas d’une énergie fossible.

Carl Lilliehöök, le directeur de Svensk Biogas est ravi de la méthode. « Selon la taille de la vache, nous pouvons récupérer entre 80 et 100 kilos de matière première. Ces déchets ne seraient pas recyclés sans le procédé, bien qu’ils soient biodégradables. Nous expérimentons ce système depuis deux ans, et récupérons actuellement 54 000 tonnes de déchets qui nous permettent de produire 5 millions de mètres cubes de gaz chaque année.»
Le biogaz est déjà utilisé par les 70 bus de la ville, le ramassage des ordures, la plupart des taxis. Les surplus de production sont vendus dans les stations services de la région pour les voitures adaptées. Mais la figure de proue s’appelle Amanda. Ce train qui fonctionne exclusivement au biocarburant depuis l’automne 2005 assure la liaison entre Linköping et Västervik, une petite ville de la côte Est suédoise. Carl Lillehöök estime qu’avec les entrailles d’une seule vache, Amanda peut parcourir 4 kilomètres ; moins d’une soixantaine de bovins suffisent à effectuer un aller-retour.

Amanda, premier train au biogaz

Le « PDG écolo » admet une faiblesse. « Pour la même énergie, il faut 20% de biogaz en plus que de fuel classique, donc c’est plus cher. Mais le prix du pétrôle augmente, et les économies pour l’environnement sont immenses. »

L’alternative économique proposée par Svensk Biogas ne renversera peut-être pas à elle seule le réchauffement climatique, mais leur industrie intestinale soulève l’intérêt d’autres états, parmi lesquels la Californie, la Chine, l’Ouganda ou l’Argentine. Amanda est encore fille unique, mais plus pour très longtemps.