Quand l’art burlesque s’acoquine avec le sein…

Ce week-end se tenait à Montpellier la première édition du festival burlesque. Organisé par l’association « Les Boudeuses », ce festival proposait en ce début d’automne, une initiation à l’effeuillage burlesque à travers différents ateliers et shows professionnels. En soutien à « Octobre Rose », manifestation nationale de la lutte contre le cancer du sein, une partie des bénéfices a été reversée au profit de cette cause. Une conférence sur « la représentation des femmes et de leur corps dans l’art et les médias actuels » était également proposée au public montpelliérain qui s’est montré timide.

Difficile en cette époque où le diktat de la mode féminine nous incite toutes à désespérer de nos propres corps, de nous imaginer sur scène dévoilant aux yeux de tous nos petites rondeurs ou autres « disgrâces corporelles ». C’est pourtant le pari osé qu’ont voulu relever Justine Maillard, artiste photographe, et ses « Boudeuses » qui ont choisi d’afficher leur distance avec « l’image dominante de la femme-objet véhiculée par l’art et les médias actuels en préférant bouder dans leur boudoir ». Parce que l’art burlesque apporte une dimension supplémentaire à leur message, elles ont proposé, tout au long de ce week-end au public montpelliérain, de partir à la découverte des multiples facettes de cette culture, dont la connaissance se limite bien souvent à sa sublime ambassadrice : Dita Von Teese.

L’origine du Burlesque

Le mot burlesque, d’origine française, s’est exporté aux États-Unis dans les années 50. Il qualifiait alors des spectacles fantaisistes mettant en scène des danseuses coquines, telles que Betty Page, qui, tout en se dénudant, jouaient leur propre comédie sexy et drôle. Dans les années 90, ce courant artistique reparaît aux Etats-Unis d’abord, sous le nom de New Burlesque puis en France à partir de 2010. Le mouvement intègre la mode des tatouages et des pin-up et revisite les années oubliées du Moulin rouge et du Chat noir. Selon Justine Maillard, le burlesque, c’est avant tout « mettre à nu son soi intérieur d’une manière théâtrale, inspirée des années cabaret ».

L’effeuillage au fil du week-end

Pour s’immerger en douceur dans cet univers fait de plumes et de rêves, le public a pu découvrir lors d’un vernissage d’ouverture au Tralala, le travail photographique de Justine Maillard intitulé « Paris ma jolie ». Une mise en scène sensuelle et décalée des plus grandes effeuilleuses parisiennes, portée par une réflexion sur l’identité féminine.
Les ateliers animés par des professionnelles à l’hôtel Mercure ont permis aux pin-up en herbe de partir en quête de leur personnage burlesque : maîtrise de l’espace et maintien du corps, confection de pasties (caches-tétons) originaux, bases de l’effeuillage…. Et parce que rien ne vaut une belle démonstration, les Boudeuses ont offert aux Montpelliérains deux soirées magistrales où les icônes burlesques de renommée internationale telles que Lada Redstar, Miss Anne Thropy, Brian Scott Bagley (chorégraphe de Dita Von Teese, rien de moins…) se sont partagées la scène avec d’autres artistes, toutes aussi sublimes bien que moins connues, parmi lesquelles Lou on the rock’s, Lady Kitty, Sherry BB notre pin-up locale, et bien sûr la magnifique Palombe , maîtresse de cérémonie de ce festival. Le public, peu nombreux, composé essentiellement d’hommes et de femmes déjà familiers du burlesque, bien souvent venus entre amis ou en couple, a pu savourer la pétillante subversion de ces femmes qui, bien conscientes du poids de l’Eternel Féminin, détournent les codes et les transgressent pour mieux en rire.

L’art burlesque : féministe ?

Sans se considérer comme féministe, le mouvement burlesque revendique néanmoins une certaine conception de la liberté féminine. Liberté que l’on ne dévoile pas à tout le monde, pas tous les jours. Liberté saisie lors de moments intimes : la danseuse avec son public, la femme avec son amant. Liberté de s’épanouir, de rire, de jouir comme le souligne Julia Palombe, danseuse burlesque professionnelle, « l’enjeu est d’inviter les femmes à une prise de confiance et de conscience, à être à l’aise face aux regards des autres, hommes ou femmes, à prendre le temps de se donner, de s’affirmer. Nous avons testé le modèle working-girl, femme toujours pressée et débordée mais ça ne marche pas, ce n’est pas le chemin pour s’aimer.»
Pour Justine Mallard qui a tenu, à cette occasion, à mettre à l’honneur la lutte contre le cancer du sein, le burlesque est pour toutes ces raisons « l’art qui s’acoquine le mieux avec le sein, il permet aux femmes de construire leur propre estime d’elles-mêmes, de se redéfinir à leur façon », une affirmation partagée par le sexologue Yves-Philippe Francqueville, animateur de la conférence pour qui « le combat contre la maladie s’articule autour de la ré-harmonisation du corps, il faut aimer son corps ». Alors dans un contexte de crise, crise identitaire, crise du sens, crise du genre pourquoi ne pas faire adopter la devise de la Palombe : « On n’est pas obligé de faire la gueule, en temps de crise on fait tourner les pasties ! »

L’Amérique : « Titelle » la veut et elle l’aura

En février dernier, Hautcourant a rencontré Christelle Cenatiempo Jorda, une jeune styliste montpelliéraine qui venait de lancer son activité. En janvier 2011, « Titelle » va franchir une nouvelle étape décisive : elle et ses créations néo pin’up des années 50 vont traverser l’Atlantique, à la conquête de Los Angeles. L’occasion de retrouver cette jeune femme de 23 ans, qui veut se faire une place dans la Cité des Anges.

Les Ficelles de Titelle : rencontre avec une jeune créatrice montpelliéraine

La pin-up attitude est remise au goût du jour par Christelle Cenatiempo surnommée Titelle. Cette jeune créatrice montpelliéraine nous fait entrer dans son univers : « j’ai réservé cette pièce de mon appartement pour mon atelier ». Un mannequin, des tissus à pois noirs et blancs et sa machine à coudre. Travaillant à son domicile, elle a commencé son activité, il y a trois ans pendant ses études universitaires en droit et science-politique. Elle menait de front une formation musicale et des cours de danse. Le déclic se produit lorsque Stephan Benimeli, gérant de l’ancien bar rock le Kill Bear, lui propose de présenter ses accessoires pour un défilé. Enthousiaste, elle se lance dans l’auto-entrepreunariat. Tout va très vite. Son projet « Les Ficelles de Titelle » finit par prendre de l’ampleur lorsqu’elle reçoit des commandes de la région et du nord de la France : « j’ai dû faire un choix. J’ai arrêté mes études de science-politique en septembre dernier ».

De fils en aiguilles, sa passion s’est révélée à travers ses autres activités artistiques : « lorsque j’étais chanteuse dans un groupe de rock, je confectionnais mes propres vêtements de scène ». Son goût pour la couture semblerait être un héritage familial notamment de par sa grand-mère qui tenait une mercerie. Christelle confie ses petites habitudes de l’époque avec un léger sourire : « quand j’étais adolescente, je « customisais » mes vêtements avec la machine à coudre de ma mère. J’ai toujours aimé bricoler ». Elle est autodidacte : « j’ai appris toute seule. Je me suis achetée des bouquins pour apprendre quelques techniques. Je demandais aussi conseil à ma famille et à des gens du métier ». Dans le milieu artistique, il est parfois difficile de trouver son style. Christelle l’a trouvé en sortant son épingle du jeu. Elle revisite la mode rétro des années 1950. L’esthétique féminine a une importance majeure : « des icônes représentent la pin-up et le burlesque comme Dita Von Teese ou encore Bettie Mae Page. Les suicide Girls sont la version moderne ». Ces personnages féminins ne la laissent pas indifférente : « je suis un peu comme elles, je suis une déterminée » dit-elle d’un regard pétillant. D’ailleurs, sa passion est gravée jusqu’en dans sa peau. Son pull marin laisse apparaître un tatouage sophistiqué sur son épaule pâle. Il représente un mètre ruban, des ciseaux, un dé à coudre et une fleur. « Je l’ai fait en septembre 2009. Il symbolise une période importante en matière de décision. Je me suis lancée dans mon activité. ». Ses influences en matière de haute couture sont notamment Karl Lagerfeld et Chantal Thomas. Du côté de la fabrication, elle privilégie le travail manuel appuyé sur le dessin. Au niveau de l’esthétique, la place des ficelles est très importante. De nombreux corsets sont faits avec des croisements de rubans dans le dos. Elle a réalisé une broderie de boutons de nacre qui appartenaient à sa grand-mère, pour le corset d’une robe de mariée. Elle crée aussi des accessoires (barrettes, bracelets, broches, etc.). Son travail ne se résume pas qu’à la confection des vêtements. Elle consacre une grande partie de son temps à la communication pour se faire connaître et élargir son réseau professionnel. Son site Internet lui permet de vendre ses collections de vêtements et d’accessoires en ligne. Le contact direct avec le public est fait dans le cadre de salons, marchés de l’artisanat ou encore des défilés. Elle présentera d’ailleurs, sa nouvelle collection au gala des étudiants en Polytechnique ce samedi 6 Février au Casino du Grau du Roi. De fil en aiguilles, elle pourra peut-être tirer son épingle du jeu?