Cannabis légal : des commerces sous haute-surveillance

Le 17 octobre, le Canada légalisait le cannabis sous toutes ses formes. En France, celui-ci est toujours interdit mais un de ses dérivés se vend en toute légalité dans les boutiques spécialisées en France, la CBD

Du cannabis légal ? The Hemp Concept ou encore Streetshop, ces boutiques montpelliéraines ont pour point commun la vente de produits à base de CBD. Le cannibidiol  a trouvé sa place dans les vitrines. Il prend l’apparence d’un cannabis serait autorisé à la commercialisation en France.

Toutefois la ministre de la santé, Agnès Buzyn, qui avait pourtant déclaré en juin dernier vouloir aller vers une autorisation du cannabis thérapeutique, a aussi annoncé la multiplication des perquisitions dans diverses boutiques françaises proposant du CBD . « Nous avions deux boutiques à Paris qui ont du fermer suite aux saisies d’Interpol qui n’ont débouché sur rien puisque tout notre matériel et nos produits nous ont été restitués quelques mois après », dénonce Sébastien Krupski, un des gérants de The Hemp Concept à Montpellier.

Accusés de trafic de stupéfiants et incitation à la consommation au cannabis à Paris, Krupski et son associé Roman Soer ont pu continuer leur activité dans la métropole Héraultaise. « La loi est interprétée différemment selon les procureurs de la République de chaque région et il se trouve qu’ici nous sommes autorisés à vendre nos produits », affirme ce dernier. La clientèle intéressée par les vertus thérapeutiques du chanvre va de 25 à 90 ans et cherche généralement des produits destinés à les relaxer sans aucun effet psychotique.

Des enseignes toujours dans le collimateur de la justice

Les huiles, infusions ou encore compléments alimentaires à base de chanvre vendus dans les petites enseignes proviennent essentiellement de Suisse, d’Italie, de Hollande mais également d’Amérique du Sud. « Ce n’est pas tant l’importation qui nous coûte cher car ce sont des matières premières, mais surtout les avocats nécessaires les dédouanements », confie Sébastien Krupski.

Vincent Borrel, vice-président de Streetshop France, évoque la même incompréhension concernant la législation du CBD. « Notre magasin à Montpellier a été perquisitionné et après quatre mois d’analyse, le dossier a été classé sans suite. Les autorités sont incohérentes sur le sujet, aucun de nos produits ne dépasse le taux de THC légal (la substance apportant les effets psychotiques ) qui est de 0.2% mais nous avons toujours des problèmes avec la justice », explique t-il.

Le vice-président révèle également que de nombreux emplois ont été perdu suite aux saisies encouragées par la ministre de la santé entre juin et juillet dernier dans plusieurs commerces et coffee shop français qui ont fleuri un peu partout dans l’hexagone cette année.

Les restrictions françaises font débat

Raison principale de ces perquisitions, une faible quantité de THC présente dans les huiles et autres infusions, ce que la législation française interdit. La Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) signale que le seuil de THC autorisé par la loi européenne (0.2%) concerne uniquement la plante et non pas le produit final. L’Etat français a lui décidé de restreindre cette législation en autorisant uniquement les graines et  fibres de cannabidiol.

La fleur de CBD,  toujours prohibée dans l’hexagone est malgré tout en vente dans les boutiques car les commerçants estiment que la « loi européenne doit primer sur les restrictions françaises », selon Vincent Borrel.  Cette répression de l’Etat n’empêche pourtant pas  la France d’être le plus gros consommateur européen de cannabis à ce jour (plus de 40% des Français de plus de 15 selon une enquête Ifop).

« La France sera le dernier pays occidental à légaliser le cannabis »

Hervé Denis, avocat spécialisé dans le trafic de stupéfiants à Paris évoque la complexité de la législation du Cannabidiole (CBD) en France. « La loi européenne a instauré un taux légal de THC dans le chanvre devant être inférieur à 0.2% mais elle laisse chaque pays décider comme il veut. L’Etat français ne l’a pas entièrement adopté », précise le juriste.

La France ne tolère aucun pourcentage de THC dans les produits finis. La loi de libre-circulation n’est pas non plus applicable dans ce contexte.

« Seul le chanvre industriel, comme celui provenant de Pologne, peut-être considéré comme légal après contrôle », ajoute t-il. Hervé Denis considère que c’est surtout la promotion des produits à base de chanvre qui ont entraîné la fermeture de certaines boutiques. « Sur le terrain de la promotion, des poursuites sont possible pour incitation à la consommation », explique t-il. Selon l’homme de droit, seuls les vendeurs thérapeutiques pourraient passer entre les mailles du filet à condition d’avoir une autorisation de mise sur le marché. « Avec autant de conditions à remplir, il est certain que la France sera le dernier pays occidental à légaliser le cannabis », conclue t-il.

La drogue, véritable fléau des établissements scolaires

En quelques années, les chiffres de la consommation de drogue ont explosé. Lors d’un déplacement houleux au lycée Paul-Bert, à Paris, François Fillon s’est exprimé sur ce fléau en milieu scolaire. Le Premier ministre a même présenté les principaux axes d’un plan d’action, prévu pour fin juin. Pour l’Observatoire français des drogues et toxicomanies, l’établissement scolaire demeure le premier lieu où trouver du cannabis. Recueillis devant un grand lycée montpelliérain, des témoignages confirment cette tendance. Pourtant, dans la région, les actions de prévention se multiplient.

Des résultats au bac (82 %) en adéquation avec la moyenne nationale, une architecture moderne, un encadrement dynamique, des enseignants motivés. Ici, aussi bien qu’ailleurs, on étudie les maths ou la philo, mais aussi le cinéma, le théâtre, les arts plastiques. Jean-Monnet est un lycée qui a plutôt bonne réputation. Et pourtant… Devant l’établissement, la drogue circule au quotidien. En France, en milieu scolaire, c’est partout comme ça.

« Il n’y a jamais de problème pour trouver de l’herbe ou du shit… » Pour Sébastien, élève en première, le lycée montpelliérain ne déroge pas à la tendance nationale. Il affirme même que plusieurs revendeurs y sont scolarisés : « Des jeunes de l’extérieur et même des collégiens des alentours viennent se fournir devant le lycée. » En effet, ils sont nombreux, âgés entre 12 et 16 ans à grouiller sur le parking, à l’heure des sorties. « Les après-midis, on vient se poser à côté du lycée pour fumer », explique Nardre, 16 ans et non scolarisé. Si, selon Sébastien, il s’agit exclusivement de drogues douces, certains sont moins catégoriques. « Trois fois par jour, trois jeunes vendent de la drogue devant le lycée et notamment de la cocaïne », raconte Cyril, 17 ans.

Moins dramatiques ou plus naïfs, certains élèves comme Cédric et Paul nient la circulation de drogue dans leur institution : « Il n’y en a pas vraiment ou sinon, c’est seulement des drogues douces. Après, ça ne nous intéresse pas, donc on ne fait pas trop attention. » Mais si beaucoup consomment des stupéfiants, de nombreux adolescents témoignent avoir reçu la visite de policiers pour leur faire de la prévention.

Une approche des pouvoirs publics mal adaptée

« Tous les ans, le lycée nous fait remplir un QCM pour se rendre compte de notre consommation. L’an dernier, en seconde, un policier est venu nous parler des risques de la drogue », explique Emilie. « C’est une bonne chose. Cela permet de nous faire découvrir certains produits méconnus », se réjouit-elle. « Pour moi, ça ne sert à rien même s’il faut le faire. Il vaudrait mieux trouver des choses qui choquent », réplique Pierre.

Élève en terminale, Icham, 20 ans, pense que l’approche actuelle des pouvoirs publics n’est pas adaptée : « Faire venir un policier, cela ne sert à rien. Un jeune qui apporterait son témoignage d’ancien drogué sensibiliserait davantage les lycéens », estime-t-il.

Attendant sa fille à la sortie du lycée, Didier Valez ne semble pas préoccupé par le sujet : « Avec ma femme, nous ne nous sommes jamais véritablement posé la question. » Pour lui, la prévention dans les lycées apparaît nécessaire. Il avoue ne pas savoir comment aborder un tel problème : « Je touche du bois. Pour l’instant notre fille ne fume pas et ne boit pas. Mais, si elle s’y mettait, je ne sais absolument pas comment je réagirais. » Un témoignage qui illustre à merveille le flou qui règne aujourd’hui autour de la lutte contre la drogue.