À Montpellier, les filles portent les crampons !

Dans le monde de l’ovalie comme du ballon rond, les garçons règnent en maître sur Montpellier. Ce n’est pas pour autant que les filles se laissent faire. Au début des années 2000, Thierry Perez pour le rugby et Louis Nicollin pour le football ont chacun lancé une équipe féminine dans leur discipline. Depuis, elles occupent le haut du classement mais pas la Une des journaux. Reportage au cœur du sport féminin.

Le sport est bien souvent une histoire d’héritage familial. Côté football, Sarah M’Barek, ancienne arrière et entraîneur du MHSC[ Montpellier Hérault Sport Club]] féminin depuis cinq ans, a suivi les traces d’un père coach et d’un frère joueur. « J’ai appris à toucher le ballon dans mon quartier à Tours » se souvient la jeune trentenaire. Côté rugby, Élodie Persico, troisième ligne et codirigeante de la section féminine du [MHR[[Montpellier Rugby Club]], doit son amour du sport à une culture parentale et « l’aura du grand Biterrois ». Ses études et ses amis de fac l’ont menée jusqu’au club montpelliérain qu’elle n’a pas quitté depuis.

Ces deux femmes ont plus en commun que leurs études en STAPS et leurs sélections en Équipe de France : elles souhaitent avant tout transmettre leur savoir à la nouvelle génération, afin qu’elle puisse vivre ce qu’elles ont vécu.
Pour Sarah M’Barek, ses joueuses doivent surtout respecter des principes de base. « Signer une licence, c’est se donner à fond pour son club, avoir envie de progresser, prendre du plaisir et se souvenir d’où l’on vient. »

Elodie Persico n’a quant à elle pas suivi cette voie. « Entraîner était hors de question puisque je suis déjà prof d’EPS[[Éducation Physique et Sportive]], déclare-t-elle en souriant. Ce que j’aime dans le rugby, c’est l’aspect combatif. Il m’arrive encore de jouer pour dépanner les filles de l’équipe 2. »
La relève n’a rien perdu de cet engouement, bien au contraire. Elles sont là pour le jeu et la compétition. Et pas question de complexer par rapport au succès des garçons.

Moins de muscles, plus de techniques… et de titres

Audrey Parra et Élodie Poublan

Rugbywomen depuis leur enfance et jeunes internationales, Audrey Parra et Élodie Poublan s’entendent sur un point : « On jouait avec les garçons étant petites et on n’a rien à leur envier… hormis leur côté pro grâce auquel ils peuvent vivre de leur passion. Mais on se bat avec autant, voire même plus, d’envie que les joueurs du MHR. »
Marie-Laure Delie, attaquante de 23 ans du MHSC et de l’Équipe de France fait le même constat : « Avant que j’intègre mon premier club à 12 ans, j’étais dans une équipe mixte, se rappelle la jeune fille. Ça ne m’a pas empêchée d’être capitaine et de mieux me débrouiller que les garçons. »

Le premier a priori sur le sport féminin peut être un manque de combativité et d’engagement physique dans l’effort. Leurs actions sont certes moins rapides mais les filles compensent par une plus grande technicité. « On suit l’évolution des garçons en donnant de l’importance à la musculation, en développant notre jeu au pied, en allongeant nos passes, note Élodie Persico. Ce n’est plus seulement le rugby qui compte, c’est la performance. »

Christophe Sourgnes, entré à la direction du club il y a un an et lui-même ancien joueur s’accorde à dire que « les matches des féminines sont plus fluides et moins pollués par les chamailleries sur le terrain qu’on voit surtout chez les garçons. » Les filles du MHR, n’ayant pas de statut professionnel, jonglent entre boulot et passion. Elles ont deux entraînements fixes par semaine, plus un rendez-vous le lundi afin de travailler la technique individuelle. Sans compter les rencontres du week-end !

« On a envie de sortir un élitisme féminin mais on manque de dispositions telles que des aménagements horaires ou des infrastructures. Au Pays Basque par exemple, il y a un terrain tous les 500 mètres », s’exclame Élodie Persico.
Ce n’est pas pour autant que les filles se laissent aller. Au foot comme au rugby, elles ont pu s’entourer d’un staff complet : adjoint, préparateur physique, soigneur… Même les entraîneurs ont eu une carrière sportive de haut niveau.

Sarah M’Barek a fait 18 ans de club, dont 7 en Équipe de France et 5 au MHSC avant d’y entraîner l’équipe féminine. Quant à Nicolas Roger, coach des rugbywomen, il a fait ses armes au MHR avant de prendre la tête du collectif en 2000.
Le coaching a si bien marché que côté palmarès, les filles sont plus productives que les garçons.

Pour le MHSC féminin :

• double-championnes de France en 2004 et 2005

• triple vainqueurs du Challenge de France (équivalent de la Coupe de France chez les hommes) en 2006, 2007 et 2009

Pour le MHR féminin :

• double-championnes de France en 2007 et 2009

• championnes d’Europe en 2008

Malgré ces titres, les joueuses souffrent d’un manque de reconnaissance en particulier concernant le rugby.

Un foot au top pour un rugby à la traîne

Sans parler des salaires, les féminines ne disposent pas d’une couverture médiatique équivalente à celle de leurs homologues masculins.
Coach du MHSC, Sarah M'Barek
Au foot, un public restreint mais fidèle a réussi à se former autour des féminines du MHSC. « Même si l’on est délocalisé à Sussargues, on attire environ 200 spectateurs par rencontre, remarque Sarah M’Barek. Notre jeu est moins tourné vers le contact et ça plait. »
En novembre 2009, elles ont eu l’honneur de fouler la pelouse du stade de la Mosson en huitième de finale de la Ligue des Champions face au Bayern Munich : « On a réuni environ 9 000 personnes ce jour-là, dont Hélène Mandroux. Avoir une femme maire est une plus pour le sport féminin », avance la coach.

Les filles du MHR n’ont pas cette chance. Rien qu’au niveau du recrutement, les CV ne se bousculent pas au portillon. Alors que Sarah M’Barek a pu créer un groupe selon son idéal de jeu, allant jusqu’au Japon pour dénicher la perle rare, Nicolas Roger a moins d’opportunités. « Notre gros point faible se situe dans le recrutement des piliers et talonneurs… et il faut doubler les postes, déplore Élodie Persico. En sachant que les filles, entre les minimes et les cadettes, ne peuvent pas jouer avec les garçons ni être accueillies dans une équipe féminine avant leur 16 ans, toute une tranche d’âge est sacrifiée. »

De ce point de vue, la France fait pâle figure face aux pays anglo-saxons, où la culture du rugby est incontournable. Les Anglaises sont semi-pros et leur statut se traduit sur le terrain. « J’ai pu les voir lors de mes sélections internationales et leur gabarit n’a rien à voir avec ceux de nos équipes, reconnaît Élodie Persico. Quant aux All Blacks féminines, leur jeu est parfait, on les regarde avec admiration. »

Le constat est moins amer pour le foot. Les filles du MHSC sont 7ème du classement des clubs européens et la France se situe dans le peloton de tête avec l’Allemagne et la Suède. Et depuis deux ans, elles bénéficient d’un contrat fédéral qui leur donne le statut d’amateur. « Elles peuvent tirer des revenus du sport, mais ce ne sont que des extras, explique Sarah M’Barek. À côté, certaines travaillent au club, au secrétariat ou à la boutique officielle. »

Si le sport féminin est bien ancré dans les terres montpelliéraines, seule la passion les fait vivre. Cécile Prunel, 29 ans et joueuse dans l’équipe II du MHR, a mis le sport au centre de sa vie. La seconde ligne admet que « sans nos dirigeants qui se bougent pour nous, le club ne serait sans doute pas ce qu’il est. »