Cinéma : « Nos Héros Sont Morts Ce Soir », longue vie à nos héros

David Perrault nous propose un premier film qui risque de passer inaperçu au près du grand public. Dommage, il conjugue pourtant une beauté visuelle populaire avec une réflexion sur un mal bien commun.

Situé à Paris dans le milieu du catch au début des années soixante, Nos Héros Sont Morts Ce Soir est un film esthétique. Il met en scène Victor (Denis Ménochet), traumatisé de la Guerre d’Algérie, et son ami Simon (Jean-Pierre Martins) qui le pistonne pour une place sur les rings. Le catch ici n’est qu’un prétexte et son monde n’est pas développé au-delà de quelques clichés (lutteurs écervelés, patron tyranniques, combats truqués). Cet univers est avant tout l’occasion de capter des images, des ambiances, d’autant plus particulières qu’elles sont marquées par le style de l’époque.

David Perrault nous offre ainsi nombre de plans longs sur ces gueules de gars bourrus, sur la grâce des femmes qu’ils côtoient. Il nous permet de profiter de ces corps sur une B.O. limitée à 5 ou 6 titres (dont deux des Tarantula), mais ô combien juste. Le rythme est lent, l’immersion n’en est que meilleure. Le noir et blanc lumineux est complètement approprié, participant à poser l’ambiance, de sorte que l’on croirait presque que le film à été tourné en 1963. Belmondo au détour d’une rue n’étonnerait même pas.

Suis-je le masque que je porte?

Film visuel, Nos Héros Sont Morts Ce Soir propose aussi une réflexion sur le déficit de confiance en soi et les artifices des Hommes pour y palier. Simon esquive, son acolyte se camoufle. Victor est irrécupérable. Incapable de se gérer soi-même, il ne se libère de son aliénation qu’en portant le masque qui représente ce qu’il voudrait être réellement. Ce qui justifie son questionnement: Sommes-nous, au fond, le personnage que l’on joue?

Si cette interrogation s’applique évidemment à tous les artistes, acteurs, showmans et autres politiciens, elle peut se poser à tout-un-chacun. Se cacher derrière un visage qui n’est pas le nôtre permet-il de dissimuler ce que l’on rejette de nous ou bien de faire émerger une part difficilement accessible de notre être? Est-ce encore une forme de cocon, un passage d’une forme inaboutie de nous vers quelqu’un d’épanoui? Le film ne donne pas de réponse. Il montre des choix possibles mais pas forcément glorieux, motivés par des conditions difficiles.

Nos Héros… possède donc cette qualité rare que de faire plaisir aux yeux et de faire agir le cerveau, sans prétention. Un film humble qui vaut la peine d’être vu!

Guillaume Canet et Jappeloup, le couple de la semaine

Avec Jappeloup, Christian Duguay revient sur le destin incroyable de Pierre Durand et son petit cheval noir. Au début des années 80, Pierre abandonne une brillante carrière d’avocat pour s’adonner à la passion de son père : le saut d’obstacle. Sur les conseils de son père, il mise tout sur un cheval fougueux, impulsif et chétif (moins d’un mètre soixante au garrot). 
Pourtant au fur et à mesure des compétitions et des épreuves, le duo progresse et frôle l’excellence. Accompagné de Raphaëlle (la groom du cheval) et de sa femme, Pierre fait face à l’adversité du monde équestre. Impétueux, fier et jamais satisfait, le cavalier est aussi caractériel que son cheval. Après des années d’entraînement, le duo désormais célèbre doit faire face à nouvelle épreuve : les jeux olympiques de 1988 à Séoul. 

« Je ne me reconnais pas dans Jappeloup » confiait Pierre Durand au Figaro en février dernier.  [[http://www.lefigaro.fr/cinema/2013/02/18/03002-20130218ARTFIG00556-pierre-durand-je-ne-me-reconnais-pas-dans-jappeloup.php]]

On oublie souvent que Guillaume Canet avant d’être un grand acteur, était un très bon cavalier. En revenant vers sa passion initiale, il signe bien plus qu’un simple film de cheval. 
Le projet a mis seize ans à aboutir, et il est à la hauteur des espérances du spectateur. Les adeptes de sports équestres seront bluffés par les images incroyables qui saisissent les exploits de Jappeloup et son cavalier. Quand aux autres, amateurs ou curieux, il se peut bien qu’ils aient envie de chevaucher un canasson à leur tour en sortant de la séance. Plus que l’histoire fantastique de Pierre Durand et son cheval miniature – que lui-même dénigrait avant de le monter ; on peut compter sur le réalisme du film qui reprend d’ailleurs des vidéos personnelles de Guillaume Canet en cavalier. 
Bouleversant et captivant, même en n’ignorant rien de la fin on ne peut s’empêcher de céder à l’angoisse du suspens et d’une hypothétique défaite. Jappeloup c’est un film qui parle de chevaux, certes, mais c’est aussi du sport de haut niveau, une énorme passion et des émotions intense, véhiculés par les performances grandioses des acteurs réunis. Acclamé par la salle, c’est un film français qui vaut (enfin) le détour comme le confirme Pierre Durand lui-même. Le sportif, qui confiait en février dernier au Figaro, les incartades de la fiction par rapport à sa réalité, concédait en même temps qu’ « en tant que spectateur, c’est un beau film à aller voir ».

Terrence Malick, merveilleusement décevant

« Tu m’as sorti des ténèbres. Tu m’as ramassé du sol ; m’a ramené à la vie. » [[Citation du film]]

À la merveille déroule l’histoire passionnelle de Neil (Ben Affleck) et Marina (Olga Kurylenko). De Paris au Mont-Saint-Michel, les deux amants savourent leur histoire d’amour avant de partir s’installer dans l’Oklahoma avec la fille de Marina. Rapidement les deux jeunes femmes, qui se sentent mal à l’aise dans cette petite communauté américaine, retournent vivre à Paris. Neil se console alors de leur départ dans les bras d’une amie d’enfance (Rachel MacAdams). De son côté, Marina ne supporte pas le manque de son amour et sombre dans la dépression. En parallèle de ce triangle sentimental, un prêtre catholique qui doute de sa vocation (Javier Bardem). Un casting hollywoodien, une bande-annonce survoltante pour un résultat bien décevant. 

« Tu es partout même si je ne te vois pas. Tu es en moi. Tu es autour de moi. » [[Citation du film]]

On en attendait tellement qu’on finit terriblement déçue. Le film de Terrence Malick est une succession de belles images que l’on ne saisit pas. Un enchaînement de scènes plus belles les unes que les autres, mais qui se suivent sans s’imbriquer. La réalisation est voluptueuse, la mise en scène pleine de virtuosité. Les images que capturent la caméra sont d’une beauté à couper le souffle : les acteurs aussi bien que leurs jeux, ou encore les paysages environnants sont magnifiés. Mais derrière toute cette beauté, rien ne perce. Les émotions sont suggérées mais le spectateur ne les ressent pas. C’est un cinéma d’auteur qui donne à voir, sans réussir à faire parler. Une histoire d’amour passionnel qui devrait emporter, mais dont l’exploitation cinématographique n’engage aucune sentimentalité. C’est un film magnifiquement mis en scène mais qui n’exprime rien. Tout y est, et pourtant il semble manquer l’essentiel qui nous ferait un peu vibrer. Et pour un drame sentimental, il est triste de quitter la salle sans avoir pu ressentir une seule émotion. 

« Choisir c’est s’engager. S’engager c’est prendre le risque de souffrir. De se tromper. D’échouer. » [[Citation du film]]

Möbius : love story sur fond de thriller financier

Grégory Lioubov, agent des services secrets russes, est chargé de surveiller les agissements de Rostovski un puissant homme d’affaire russe. Pour l’aider, son équipe recrute Alice une jeune surdouée de la finance qui devra jouer de ses charmes pour obtenir de nouvelles informations. Doutant de sa loyauté, Grégory Lioubov brise toutes les règles de la profession et entre en contact avec la jeune femme. Mais face à l’assurance et à la beauté d’Alice, Grégory cède rapidement à la tentation et une liaison naît entre les deux personnages au risque de faire échouer leur mission. 

« J’ai connu des agents très doués, qui en quelques secondes précipitaient leur perte et signaient leur arrêt de mort . »  [[Citation du film]]

Le film qui se présente comme un thriller financier n’en a que l’apparence. Les premières vingt minutes nous plongent certes dans le monde de l’argent et des manipulations boursières, mais rapidement les petites magouilles des traders russes et monégasques laissent place à l’intrigue principale : à savoir l’histoire impossible et interdite entre Jean Dujardin (Grégory Lioubov) et Cécile de France (Alice). 

Leur relation dangereuse est un peu le seul point de repère fixe qui reste au spectateur. Parce qu’au fur et à mesure de l’intrigue, l’histoire se complexifie davantage, à tel point que l’on ne sait plus qui travaille pour qui. Les services secrets russes sont sur le coup, mais aussi les services secrets américains, la CIA, ou encore la brigade monégasque de la répression des fraudes… Les gros bras de la finance et les organisations gouvernementales – officielles ou non – perdent rapidement l’attention du spectateur, quand le duo Dujardin/Cécile de France parvient heureusement à arrimer leur attention.

Au final, si l’on se passionne pour le film c’est parce que le jeu grandiose des deux acteurs nous tient en haleine. La séduction magnanime et leur passion impossible que l’on espère voir triompher à la fin du film sans savoir vraiment comment les deux pourront s’en sortir indemnes. Car aucun des deux ne dit la vérité à l’autre et tel est pris qui croyait prendre. La chute finale renverse l’histoire de fond en comble… sans trop en dévoiler bien sûr, le film vaut le détour mais ne vous en attendez pas à une nouvelle immersion dans l’univers des traders. Möbius se rapproche davantage des Liaisons dangereuses que de Margin Call.

« Avez-vous entendu parler du ruban de Möbius ? Si je prends cette bande de papier, je la fais tourner et avec cette demie torsion je joins les deux extrémités… (…) Il n’y a plus ni recto, ni verso. Il n’y a qu’une seule face, vous comprenez ? » [[Citation du film]]

Les Misérables, une comédie musicale qui enchante

Victor Hugo est à l’honneur cette année. Après l’adaptation de « L’homme qui rit » c’est Tom Hooper qui porte sur grand écran le chef d’oeuvre littéraire des Misérables.

Loin du roman d’origine, l’adaptation ne ravira pas les adeptes du classique de Victor Hugo. Pour les autres, amateurs de salles sombres et de grand spectacle, le film vous laissera sans voix. A bannir aussi, si vous ne supportez pas les comédies musicales, puisque tous les dialogues, réflexions et autres jeux des comédiens sont chantés.
Deux heures et demi de lyrisme et d’émotions grandioses : Hugh Jackman (Jean Valjean) et Russel Crowe (Javert) s’illustrent à merveille dans un registre loin de leur répertoire habituel pour le plaisir des yeux et des oreilles. Le grand public sera séduit aussi par la prestation brillante d’Anne Hathaway (Fantine) récompensée pour l’occasion de l’Oscar du meilleur second rôle féminin, ainsi que sa reprise du titre « I have a dream » . La puissance de la voix et la violence de l’interprétation renverse et bouleverse le spectateur.
Enfin, le casting révèle aussi une nouvelle génération prometteuse avec la charmante Amanda Seyfried (Cosette), le touchant Eddy Redmayne (Marius) ainsi que le petit Gavroche interprétée par Daniel Huttlestone.

« Here’s the thing about equality, everyone’s equal when they’re dead » [[Citation du film]]

Si la mise en scène du roman peut surprendre et révolter les partisans de la tradition Hugolienne, les thèmes chers à l’écrivain engagé restent partie prenante du film. Les questions sociales et idéologiques traversent le scénario du début à la fin. La problématique de la réhabilitation après l’enfermement, de la prégnance de la religion et du pardon divin ou encore de l’égalité entre hommes et classes sociales restent au centre du jeu.
C’est une société misérabiliste qui s’agite, se met en branle.
La jeunesse est vivace et révolutionnaire, quand les hommes sont passionnés et prêt à mourir pour leurs revendications. Javert dans sa rage insensé de justice, Jean Valjan luttant pour sa réintégration et le couple Cosette/Marius amoureux transis, animés de sentiments d’un autre temps. Des idéaux et une rage de vaincre magnifiés qui ne laissent pas indifférents à une époque où ils ont tendance à disparaître lentement.

Ciné débat sur les prisons au Kalaj

Reportage sur le ciné débat organisé samedi dernier au Kalaj. A l’initiative du Genepi, la soirée s’est découpée en deux parties : la diffusion du film « enfermés Vivants » (http://cine2000.org/enfermesvivants.html) réalisé par Felix Gonzalez et un débat sur les prisons en France.

Soirée ciné-débat au Kalaj by Hautcourant on Mixcloud

K-In Actu

Les membres de l’équipe d’Haut Courant animent l’émission K-In Actu en collaboration avec Kaïna TV.

Au programme du 22 janvier 2013 :

Reportage sur les emplois sous contrat d’avenir – Jordane Burnot, Clothilde Dorieux, Marion Genevoix, Coralie Pierre

Interview de Sébastien Clausier, responsable de la crèche Zébulon et employeur d’une jeune sous contrat d’avenir

Le Rapporteur: Entretien avec Monotov – Richard Lacroix, Simon Robert

Chronique Cinéma – Coline Chavaroche

Chronique Viens dans mon quartier – Lucie Lecherbonnier

Présentation: Coralie Pierre, Simon Robert


K-In actu 01 par masterjournalisme08

« Arrêtez-moi » : de l’insoutenable violence conjugale

Dix ans jour pour jour après le suicide de son mari, une femme (Sophie Marceau) vient s’accuser du meurtre de celui-ci. Au commissariat, la policière chargée de la permanence (Miou Miou) l’interroge et cherche à comprendre les mobiles du crime. Lorsqu’elle comprend que la femme en question était victime de son mari violent, elle refuse de l’arrêter. Mais la jeune femme insiste et s’entête, cette nuit est la dernière qui lui reste avant que ne tombe le délai de prescription de l’affaire. Alors qu’elle a commis le crime parfait, pour quelles raisons cette femme vient-elle se dénoncer ? Et pourquoi la policière refuse t-elle de prendre sa déposition ? 

« Faites qu’elle m’arrête. Faites que je sois reconnue coupable parce que j’étais victime » [[Citation du film]]

Dans ce face à face tendu entre deux femmes de caractère, une seule pourra en sortir gagnante. Si l’on peut vraiment parler de victoire. L’histoire est violente, les propos sont secs, abrupts, assassins. Le sujet bien sûr ne laisse personne indifférent mais le choix de la mise en scène est réaliste, presque trop. La caméra filme et diffuse les images directement du point de vue de la victime. Tabassée, martyrisée, violentée physiquement et verbalement, rien n’échappe au spectateur. On ne manque rien des coups, des frappes et des sévices.

« Il m’a frappé pour me tuer, j’oublierai jamais ça »   [[Citation du film]]

Sophie Marceau en victime de violence conjugale excelle dans la maîtrise de son rôle. Envahie par la folie et la psychose paranoïaque, elle alterne entre abattement, désespoir et agressivité. Les visions de son défunt mari qu’elle a précipité dans le vide un jour où il l’avait poussé à bout, la hantent et l’obsèdent. Aux portes de la démence, elle subit le harcèlement de son fils, froid, cynique et d’une violence psychologique aussi intense que celle de son père.
Quant à Miou Miou, elle incarne avec justesse une femme lieutenant, alcoolique et droguée, usée par une trop longue carrière remplie de faits divers glauques et sanglants – un bébé passé sur le grill, une fillette de quatre ans utilisée comme un ballon de foot – aucun détail sordide ne nous est épargné tout au long du film.

« Même quand ça arrive pas, on a peur que ça arrive » [[Citation du film]]

« Arrêtez-moi », réalisé par Jean Paul Lilienfeld, c’est une plongée au cœur de l’enfer et de la déraison. On ressent à la fois les coups qui sont portés et la peur du quotidien pour une femme battue et qui s’en cache. Honteuse, elle apprend à ne rien laisser paraître de la torture qu’elle subit jour après jour. Alors qu’elle commet le crime parfait, rongée par le remords et les visions hallucinatoires d’un mari qui continue de la terroriser par delà la mort, on comprend la folie dans laquelle elle a sombré. Plus d’une heure et demie de suspens, d’angoisse et de réalisme. Violent mais saisissant, le duel des deux femmes fascine et émerveille. Le film qui traite d’un sujet souvent banalisé est à voir sans hésiter.

Zero Dark Thirty : l’impitoyable traque de Ben Laden

L’histoire est simple : le film de Kathryn Bigelow retrace la longue et impétueuse traque de l’ennemi public américain numéro un des États-Unis, Oussama Ben Laden, par une unité des forces spéciales américaines. Au cœur de la CIA, Maya (interprétée par Jessica Chastain) lutte seule contre tous, dans un monde d’hommes qui ne lui laisse rien passer. Depuis les attentats du 11 septembre, en passant par les interrogatoires musclés en Afghanistan, le film reprend toutes les étapes qui ont conduit à l’opération finale du 2 mai 2011 au Pakistan. Opération qui signera la mort du chef d’Al-Quaïda.

Zero Dark Thirty : 30 minutes après minuit [[Dans le jargon militaire, Zero Dark Thirty renvoie aux 30 minutes après minuit, ainsi qu’à un espace-temps où il fait toujours nuit, qu’importe l’heure et le moment de la journée.]]

Avant même sa sortie, le film faisait déjà parler de lui. La traque du terroriste le plus recherché de l’histoire américaine a largement été soumis à controverse. Initialement programmé pour octobre 2012, il fut d’abord taxé de propagande pro-Obama, avant d’être lynché pour son traitement implacable de la torture. Au final, s’il y a bien un point qui met tout le monde d’accord c’est la prestation époustouflante de Jessica Chastain. Sans conteste possible, elle campe à merveille une jeune agent de la CIA qui consacre sa vie à la traque de Ben Laden. Imperturbable, forte et obsessionnelle, l’actrice nous livre son plus beau jeu pour incarner à merveille un rôle difficile. Elle sera récompensée aux Golden Globes comme « meilleure actrice dans un drame ».

Quant au reste du casting, la distribution est telle que les acteurs semblent avoir été faits sur mesure pour les rôles. Malgré la longueur du film, le spectateur est rapidement pris en haleine et plongé dans le cœur de cette traque acharnée. En adoptant un point de vue impassible et objectif, Kathryn Bigelow choisi d’illustrer sans tenter d’infléchir le spectateur dans un sens ou dans un autre. Violent et sans détour, les scènes s’enchaînent sans laisser le temps de reprendre son souffle. De la torture insoutenable aux interrogatoires infructueux, en passant par les investigations parfois vaines et décourageantes, les agents de la CIA s’entêtent – au nom de la nation et de la défense du territoire – à mettre la main sur les terroristes les plus dangereux. Entre docu-fiction et film d’espionnage, Zero Dark Thirty s’illustre dans un genre nouveau à ne pas rater.

Django Unchained libère le passé

Quatre ans après son dernier film, Quentin Tarantino nous replonge dans les salles obscures et livre son neuvième long métrage, pour le plus grand bonheur du public.

On l’attendait son retour !
Après le génie de Reservoir Dogs, la furie de Pulp Fiction, et la quintessence atteinte avec Jackie Brown, le réalisateur au physique de dinosaure avait divisé ses fans. Pour Kill Bill, on lui reproche de s’enfermer dans l’ « hommage » au point de ne faire que référence. La collaboration GrindHouse avec Rodriguez fut un échec et Inglorious Basterds n’avait pas la magie qu’on admet à Tarantino. En apprenant donc qu’il allait revenir sur grand écran avec un western, il fallut des ongles à ronger pour combler l’attente.
Sorti en salle mercredi dernier, Django Unchained réaffirme le talent du réalisateur, qui procure un film qui fera référence. Au rythme d’un 6 coups qui se déversent sur vous, en voici les raisons :

BANG#1 : Des airs de RedDead

Si KillBill Vol. 2 rendait hommage au Western-Spaghetti, Django Unchained est un film du genre. Tenant son titre du film de Sergio Corbucci (1966), Django ressort du passé et se libère. Le réalisateur n’hésite pas à nous le faire comprendre dès le générique, élément incontournable de toutes ses réussites. Tarantino habitué à soigner les détails se fait ici un grand plaisir de remettre au goût du jour un style oublié depuis trop longtemps, adaptant notre époque à celle-ci. C’est la violence d’action des films d’aujourd’hui, plongée dans l’atmosphère d’hier.

BANG#2 : un casting explosif !

Déjà habitué à des génériques garnis, Tarantino nous offre ici un véritable cirque ambulant où les acteurs sont eux mêmes revisités. D’abord Jamie Foxx, la rage au ventre et le regard sur le bout des chaussures, aussi discret qu’imposant. Christopher Waltz garde la folie qu’on lui découvre dans Inglorious mais change de morale. Samuel L Jackson, habitué à se travestir pour rentrer dans un rôle, se fourvoie en adorateur de l’esclavagiste. Aussi, Kerry Washington rappelle la princesse de Pulp Fiction : un Graal qui n’a pas besoin de grand chose pour exister, si ce n’est du héro.
Enfin, là où le genre aime généralement les antihéros (ces salauds qu’on adore), Django Unchained met en scène des personnages dont la morale est à l’épreuve des balles. De véritables héros dont l’époque oblige à rendre certains comptes.

BANG#3 : l’essence du film : l’esclavage et la morale

L’autre originalité de ce film, c’est aussi son contexte. Alors que sort quelques jours plus tard Lincoln de Steven Spielberg et que la France débat sur le mariage homo, la question qui pique ici est celle de la morale. A travers la question de l’esclavage, Tarantino trouve un moyen d’affirmer que les choses changent. Le thème de la traite des noirs offre un véritable décalage, proposant aux personnages une cause qu’on sait aujourd’hui humainement nécessaire, faisant de l’histoire une épopée digne de Spartacus. Le mot « nigger » est si souvent prononcé qu’il n’est pas banalisé mais bien désacralisé. Le regard du blanc face à un noir à cheval, rappelle que la morale est elle aussi dépendante de son époque.

BANG#4 : la bande son.

Encore une cartouche qui touche sa cible. Tarantino qui aura reçu des prix pour ses choix musicaux, continue et excelle. Les différentes pistes mêlent Ennio Morricone, le Beethoven de John Ford à Sergio Leone, à Rick Ross et Tupac. Le choix des différents univers musicaux est millimétré avec les plans et le mélange dirigé par une baguette de maître. En parfait accord avec les extravagances techniques du réalisateur, les musiques offrent des ambiances dignes des plus grands westerns. Certaines des pistes « craquent » car Tarantino est allé jusqu’à reprendre ses propres vinyles pour en extraire la pulpe.

BANG#5 : les références

Tarantino doit aimer l’adage « rien ne se perd, rien ne se créé » car ses films sont tous empreins de très nombreuses références pour le plaisir des plus érudits. Django Unchained ne renvoi pas au film de 1966 que pour son titre, mais aussi par la présence de l’acteur, Franco Nero. Dont la scène ne laisse nul doute au souhait de Tarantino de faire revivre le passé, même si pour cela il faut lutter. Des lieux aux apparitions, il faut un œil averti pour déceler tous les clins d’œil qui traînent dans le film. On trouve d’ailleurs de très nombreux anachronismes par rapport à 1858, année où se situe l’action.
Mais ce souci goulu du détail permet à Tarantino de nous rendre l’odeur des vieux films, de la poussière au sang. De Spartacus à Shaft, ce sont des années de cinéma qui ont permit à Tarantino de nous offrir une telle énergie artistique et il ne le cache pas.

BANG#6 : du Tarantino en barre !

Car Quentin Tarantino c’est cela avant tout. Du spectacle, de l’aventure et du technicolor. Des humains avec des flingues et des vies. Un scénario qui se faufile avec l’élégance d’une Black Mamba. Et si on entend déjà beaucoup dire que le film est « long », les amateurs seront ravis de se poser pendant plus de deux heures pour voir défiler un nouveau moment de divertissement offert par l’amateur de Kangol. Ce film ne ment pas sur sa fraîcheur.

Le scénario du réalisateur vient redonner un élan dans sa filmographie. Alors que Clint Eastwood se meurt, Tarantino persiste!