L’Ambulance ou le néo-réalisme serbe

Les réalisateurs des Balkans sont décidément à l’honneur pour cette 31ème édition du Cinémed. Retenu à Cuba (où il enseigne actuellement), Goran Radovanovic a accepté de nous en dire plus sur ce premier film.

Dix années ont passé depuis les onze semaines de frappes aériennes de l’OTAN sur la Serbie. A Belgrade, les traces des bombardements n’ont jamais totalement disparu.
C’est au coeur de cette capitale que L’Ambulance, premier long métrage de Goran Radovanovic a été tourné. A travers le quotidien d’un service ambulancier, ce film historique contemporain évoque le drame relatif aux profonds bouleversements subis par la société serbe depuis la chute du régime. Interview du réalisateur.

Haut Courant : Vous êtes déjà connu pour vos documentaires comme Chicken Elections. The Ambulance est votre premier long métrage. Depuis quand l’aviez vous en tête?

Goran radovanovic : Honnêtement, je ne sais pas. En fait, je sentais qu’il fallait que je rassemble et que je transforme les images de mes documentaires en un film de fiction rassemblant les mémoires collectives. J’ai donc commencé à écrire un script reflétant le « Zeit Geist » (ndlr : en Allemand : l’esprit du temps. Comprendre climat intellectuel) du drame politique et social serbe.

Pourquoi avoir suivi ce phénomène depuis un service ambulancier?

Sans doute parce que c’est de là qu’on peut voir le mieux la sensibilité et la fragilité de notre société.

Les personnages de votre film sont tristes, très affectés par les évènements de 1999, surtout les plus jeunes. Comment avez-vous réussi à orienter dans cette direction des enfants qui n’ont aucun souvenir de cette période?

Et bien peut-être parce que je suis un peu triste moi-même. Peut-être que c’est mon passé slave… C’est toujours difficile de diriger des enfants. Celui qui le fait doit très bien savoir comment les orienter. Pour cela, il faut avoir de la pratique, l’expérience de la vie. Je pense que je l’ai depuis que j’ai deux garçons.

Avez-vous réalisé un film politique?

Je voulais l’intituler « Un film historique et contemporain », comme il est dit dans le sous titre. Car l’histoire contemporaine est toujours politique! En ce sens, oui. Mais objectivement, j’étais plus focalisé sur l’esprit du temps que sur la politique.

Le film traite d’une période charnière pour la Serbie. Comment l’avez-vous vécue à l’époque?

Ce que j’ai pu ressentir en tant qu’être humain n’a pas d’importance. Mais en tant qu’artiste, j’étais vraiment heureux de pouvoir suivre l’un des plus importants évènements historiques, comme le fut la chute du régime par exemple. Bien sûr, je n’oublierai jamais la première bombe en Europe depuis la Seconde Guerre Mondiale : pendant 78 jours, l’OTAN a bombardé mon pays et ma ville.

Comment la nouvelle génération serbe considère t-elle ce passé?

Ce que je vois, à mon échelle, ce sont de jeunes gens frustrés, comme leurs parents : ils ne voient pas de futur pour eux. Lorsqu’on ne peut même pas imaginer de futur, comment considérer le passé ?

L’Ambulance (Hitna pomoc)

Serbie – 2009 – 1 h 24 mn –

Réalisation : Goran Radovanovic –

Scénario : Goran Radovanovic –

 Interprétation : Vesna Trivalic, Natasa Ninkovic, Nenad Jezdic, Tanasije Uzunovic, Sonja Kolacaric, Jelena Stupljanin –

Rencontre avec Sorak Dejan

Dejan Sorak, le réalisateur du superbe « In the land of wonders » (« U zemlji cudesa », en Croate), nous a livré les clés et les anecdotes de son film.

In the land of wonders pour un pays qui a connu la guerre, est-ce vraiment approprié?

Évidemment, cette région du monde est tout, sauf le pays des merveilles. C’est tout le contraire, mais ce n’est pas qu’une terre dévastée.

Le film traite de sujets graves, des conséquences de la guerre mais sans jamais tomber dans le pathos. Comment faites vous?

J’ai voulu éviter tout sentimentalisme. L’émotion n’est pas une composante du jeu de mes acteurs, elle en est une conséquence. Dans la façon de diriger les scènes, je voulais garder un aspect brut, cruel.

Cruel, comme l’est la petite Alica?

Cette petite fille n’est plus une enfant, elle est l’une des pires conséquences de la guerre. Elle est cruelle et en quelque sorte plus âgée que sa propre mère. Elle est capable de regarder la mort en face.

Marija Stjepanovic, qui joue le rôle d’Alica est éblouissante. N’était-il pas trop difficile de faire tourner une enfant dans ce registre là?

En effet, ce que je redoutais le plus, c’est que l’enfant abandonne le tournage au bout d’une semaine. Mais Marija est très intelligente, même si elle m’a détesté tout le long du tournage. Chaque fois que j’essayais de lui expliquer quelque chose, elle regardait en l’air. Comme elle était jalouse des autres acteurs, elle faisait exprès de les déstabiliser pendant leurs scènes. D’ailleurs, dès la seconde répétition, l’acteur principal était effrayé et a refusé de rester seul avec Marija qu’il comparait à « un petit dragon ». Mais elle était parfaite, douée d’un instinct naturel. Lorsqu’elle répétait la scène de la mendicité, elle a d’ailleurs réussi à récolter quelques kunas. Et puis, quand on a tourné dehors pendant vingt six nuits, Marija n’a pas dormi, pas même une sieste.

Justement, vous avez tourné une grande partie du film de nuit. Pourquoi?

L’histoire débute à la campagne et continue dans la ville. Deux univers qui se font violence se rencontrent. Tout comme l’illustre le contraste entre le jour et la nuit omniprésente. Lorsque l’héroïne du film s’échappe et franchit la clôture du jardin, elle pénètre dans un nouveau monde telle Alice au pays des merveilles après la traversée du miroir.

Vous avez réalisé un film de fiction inspiré de la réalité. Quel regard portez vous sur les Balkans d’aujourd’hui?

Les cancers dus à la présence d’uranium appauvri dans les sols sont véritables, un des acteurs vient de Bosnie et a d’ailleurs vu des membres de sa famille contaminés après les bombardements de l’OTAN.
Mais je n’ai pas voulu faire un film politique, je trouve dommage de dépenser l’argent des subventions pour tourner un documentaire sur le sujet. On peut en trouver soi-même en cherchant sur Internet. En tant que metteur en scène, j’aime voir toutes les facettes d’une seule et même chose.

C’est donc un film plein d’espoirs?

On a rangé les armes, mais la guerre a continué dans les Balkans : il reste des mines, de l’uranium dans nos sols par exemple. Vous savez, nos usines, nos moyens de production ont été détournés, tout le monde revendiquait son droit, il a été très difficile de sortir de ce conflit. La pauvreté et la violence en sont les conséquences visibles. D’ailleurs, un des titres possibles de ce film était « Wash Hands ».

Il y a des miracles dans In the land of wonders, vous y croyez dans la réalité?

Si Alica veut en finir avec les contes de fée, elle commence à ressentir des choses comme un vrai être humain pendant son voyage. C’est le vrai miracle du film.

Un Matt Damon peut en cacher un autre…

Dans son dernier film The Informant, Steven Soderbergh a de nouveau décidé de nous surprendre, avec un personnage bien plus surprenant encore!

Mark Whitacre, inspiré d’une histoire vraie, a un bon, même un très bon poste au sein de l’entreprise d’agroalimentaire Archer Daniels Midland. Face aux décisions peu scrupuleuses de ses supérieurs, il décide de comploter avec le FBI pour les dénoncer. Il risque certes de perdre sa place… Mais le spectateur croit volontiers à cet homme intègre dans un film qui se veut moralisateur. Que nenni! L’homme d’affaires s’avère en fait être de ceux qu’il dénonce…

Les grosses lunettes, la moustache, les cravates ridicules: le spectateur oublierait presque qu’il s’agit de Matt Damon, l’habituel « beau gosse » du cinéma hollywoodien. On est subjugué par le personnage qu’il incarne, indiscernable, drôle et pathétique à la fois, tant ses agissements sont contradictoires…

Soderbergh s’est appliqué à proposer un thriller qui n’en est pas un. Ou peut-être une parodie de thriller qui n’en est pas une non plus! Le film est soigné, travaillé, et épuré. Chaque détail a son importance. Le rythme est lent, certes, mais c’est pour mieux concentrer le spectateur sur ce personnage complexe, en laissant de côté la « peopolisation » du scandale survenu dans les années 1990 et qui a depuis fait l’objet d’un livre de Kurt Eichenwald, journaliste au New York Times (The Informant: A True Story).

Un chapeau bas à Monsieur Soderbergh pour ce vingtième film.

Gad Elmaleh s’éclate des deux côtés de la caméra

L’humoriste préféré des Français présente « Coco », son premier film. Il raconte cette nouvelle expérience. Rencontre.

Comédien, réalisateur et auteur, Gad Elmaleh a endossé toutes les casquettes du métier pour tourner son premier film. «C’est parti d’une envie d’acteur. Je n’ai pas eu envie d’être réalisateur, j’ai eu envie d’être acteur libre» , explique-t-il lors d’une avant-première de Coco à Montpellier (sortie en salles le 18 mars).

Pour cela, il s’est accordé la plus grande des libertés dont un acteur puisse rêver, «celle de se diriger soi-même» . Et quand Gad Elmaleh dirige, autant dire que l’improvisation est la bienvenue, «presque la moitié des dialogues ont été improvisés sur le plateau» .

A l’instar de Chouchou en 2003, Gad Elmaleh reprend ici l’un des personnages de son spectacle La vie normale. «J’avais envie de jouer un personnage exubérant. J’avais besoin de cet excès, de cette folie. Dans ce genre-là, le personnage de Coco était idéal.» Coco ou l’histoire d’un self-made-man de 40 ans, exemple parfait de la réussite sociale. Un nouveau riche, parti de rien et qui a connu une fulgurante « success story » grâce à son invention de l’eau frétillante. Mégalo, flambeur, exubérant, Coco veut faire de la bar-mitsvah de son fils «l’événement national de l’année» avec pour seul mot d’ordre : «s’é-cla-ter» . Pour y parvenir, il loue le Stade de France, embauche la Patrouille de France pour graver « Mazel Tov » dans le ciel et veut «férieriser» le lendemain pour prolonger la fête.

«Pour fabriquer de la comédie, il ne faut pas se marrer tout le temps»

Un clin d’oeil aux origines du comédien. Juif d’Afrique du nord, Gad Elmaleh a voulu que son film prône une valeur de tolérance : «Je fais un contre-pied aux clichés. La famille juive de Coco accepte sa femme goy. Cela me tenait à coeur de montrer une famille qui s’ouvre à une autre religion et une autre culture.» Le personnage de Coco est dépassé par son propre succès. Tout lui réussit. Et peut-être même un peu trop. Il croit que l’argent peut acheter n’importe qui et n’importe quoi. Et pourtant…
Réaliser son premier film, Gad Elmaleh confie que «ça fait peur. C’est clair que je n’ai pas su tout faire. Il y a des choses qui m’ont échappé. C’est les maladresses d’un premier film». Face à ses «maladresses» , le jeune réalisateur reconnaît avoir eu un avantage certain, celui d’être acteur : «J’ai su comment diriger puisque je l’ai moi-même été.» Entouré de Manu Payet et d’Ari Abittan, ses partenaires dans Coco, Gad Elmaleh le réalisateur reste fidèle à Gad l’humoriste. «L’avantage d’être réalisateur, c’est que je ne me suis pas fait passer le casting et que je n’ai pas eu à coucher avec le réalisateur cette fois-ci.» Mais n’allons pas plus loin puisque, comme Gad Elmaleh aime à le dire, «pour fabriquer de la comédie, il ne faut pas se marrer tout le temps. Le comique, c’est du sérieux.»

Article publié dans le Midi Libre (15/03/09)

Watchmen, aux sombres héros de l’amer

Le roman graphique était culte. Son adaptation sur grand écran, entre prouesses esthétiques et mise en scène magistrale, frole le chef d’oeuvre.

Un 1985 alternatif. Les Etats-Unis et l’URSS sont bien en pleine Guerre froide, mais Nixon est président. L’horloge de l’Apocalypse, allégorie de la tension entre les deux blocs, indique minuit moins cinq. A minuit, le monde entrera dans une guerre nucléaire. Au milieu de ce chaos politique et humain, des héros, usés, qui ont décroché, fatigués d’un monde lâche, sale et empli de noirceur. Quand l’un des leurs est assassiné, Rorschach, sorte de vengeur masqué taché, part enquêter. Un seul mot d’ordre : la vengeance.

Mélancoliques, violents ou dépressifs, les Watchmen sont avant tout des êtres humains. Ils sont le revers de l’Amérique des Spider-Man et Clark Kent, les rejetons de Gotham City et de Batman. En dehors du Dr Manhattan, ils ne possèdent pas de super-pouvoirs. Leur force est leur idéal, leurs faiblesses un coeur et une âme. Fils d’alcooliques, de prostituées ou de tueurs, ils protègent les humains de leurs vices, qu’ils connaissent, qu’ils comprennent, auxquels ils luttent au quotidien. Watchmen – Les Gardiens, se regarde comme un portrait au vitriol de l’Amérique de la Guerre froide, de ses institutions, de la violence et de la politique. Il montre des héros faibles, imparfaits, sans compassion, mais non sans raison.

smiley_watchmen.jpg

« Si, au final, Watchmen est considéré comme une bande-annonce de 2h30 pour le livre, ce sera ma plus belle récompense ». Chaque plan, chaque dialogue, chaque personnage de Zack Snyder, est un hommage direct au roman graphique d’Alan Moore et de Dave Gibbons. Comme sur 300, le réalisateur américain transpose un mimétisme parfait de la bulle à l’écran. Snyder nous offre du cinéma graphique avec un talent et une mise en scène d’une grâce ravageuse. Si sur 300, Snyder exposait une esthétique innovante et superbe, entre cinéma et BD, quitte à en oublier au passage la dynamique ou l’histoire, il gomme tout ses vices avec les Watchmen. L’esthétique sert directement l’histoire, et la mise en scène ne s’essouffle que par (rares) moments. Une lenteur qui n’est objectivement que le principal défaut du film. Mais comme dans toute peinture, il faut du temps pour décanter l’oeuvre, pour s’émerveiller. Parfois nerveux, lent, lyrique ou accrocheur, Watchmen reste éperdument d’une beauté parfaite.

Car Watchmen regorge de pépites cinématographiques. Le générique sur Bob Dylan est fabuleux, tout comme le reste de la bande-son (Sound of Silence de Simon and Garfunkel, Hallelujah de Léonard Cohen, mais aussi Janis Joplin, Jimi Hendrix, Billie Holliday…), de vieux tubes de rock placés avec une justesse remarquable. On n’oubliera pas également le clin d’oeil à Coppola avec La Chevauchée des Walkyries sur la guerre du Vietnam. Le flash-back sur l’ancienne vie du Dr Manhattan est peut être l’un des passages les plus réussis du film, entre émotion, pureté ou simple scène d’anthologie. Watchmen ne se contente donc pas d’être un bel objet, il fascine, transporte et hypnotise.
Dans la lignée de The Dark Knight, Watchmen est un film de super-héros pour adulte et par la même occasion, l’un des deux meilleurs films du genre de l’histoire du cinéma.

Interview des parents de « Ricky »: Alexandra Lamy et Sergi Lopez

Sergi Lopez et Alexandra Lamy étaient de passage à Montpellier le 22 janvier 2009, à l’occasion de la sortie de « Ricky », de François Ozon, pour rencontrer le public des cinémas d’art et d’essai Diagonal. Sorti en salles aujourd’hui, le film représentait la France à la Berlinale 2009 qui vient de s’achever.

Votre première réaction à la lecture du scénario de François Ozon ?

Alexandra Lamy: Comme vous quand vous avez vu le film : on est extrêmement surpris.

Sergi Lopez : On a envie de le faire. Parce que plein de choses nous troublent. On se dit comment il va faire ? C’est un film de SF ? Mais non, ce n’est pas un film de SF puisque ça parle d’un milieu social très modeste et puis d’une vraie situation familiale. Tu ne sais pas comment le classer.

Le cinéma français n’est pas très habitué au genre fantastique : aviez-vous une appréhension par rapport à ça ?

S. Lopez : C’est vrai qu’au départ, la grande question, c’est : « ça va être possible ? ». Est-ce que c’est possible de faire un film qui part d’une situation très réaliste, et où tout d’un coup on part dans une situation complètement barrée où il y a un enfant qui a… des ailes !?
Est ce que c’est possible de raconter cette histoire d’une façon réaliste sans qu’on débranche ? Mais on finit par y croire et par accepter cette famille réelle, recomposée, cette histoire d’amour, cet enfant.

A. Lamy : On a fait une avant-première à Paris et le distributeur a invité 100 enfants de plus de 8 ans. Quand on m’a dit ça, je suis dit « ça va être compliqué ». Finalement, je crois que ce sont eux qui ont le plus accepté le film. Tout, même le début, qui est dur, mais comme dans tous les contes. Nous, les adultes, on perd un peu ce côté infantile…
Ce que je trouve bien, c’est qu’au début, cet enfant c’est le vilain petit canard. Pour moi, le film porte sur la différence.
Vous avez le droit de l’interpréter comme vous voulez. Au moins, le film ne vous prend pas par la main.

S. Lopez : Ozon nous propose d’accepter quelque chose d’énorme, mais le film est bourré de fausses pistes, de fausses indications : la scène dramatique du début qui nous plonge dans une réalité dure, la petite fille au regard un peu étrange…

Vous connaissiez le cinéma de François Ozon ?

A. Lamy : Moi oui. J’avais vu 8 Femmes, Sous le sable, 5×2, Angel. Ce que j’aime chez Ozon c’est qu’on ne sait pas où le classer : il nous surprend tout le temps. Au moins il ose. (Rires)

S.Lopez : Moi non. Je le connais en tant qu’être humain, mais je n’ai pas vu ses films.

A.Lamy : Et pourtant il a pensé à Sergi tout de suite pour jouer Paco !

Et vous, Alexandra, qui étiez jusqu’ici habituée de la comédie, comment avez-vous appréhendé ce film et ce rôle ?

Alexandra :Tout le monde me connaît d’ « Un gars, une fille », mais je ne viens pas de là. Au théâtre, on me connaît dans le drame. J’ai fait le conservatoire de Nîmes. Ce film, ce n’était pas nouveau pour moi. Merci François de m’avoir laissé la chance de pouvoir passer les essais, ce qui n’est pas le cas de tout le monde. Pourquoi je ne fais que des comédies romantiques ? Mais parce qu’on ne me propose que ça !
En plus, il l’a fait sans vouloir me changer.

On apprend que c’est vous qui avez distillé de petites touches d’humour dans le scénario, plus sombre au départ, de Ozon…

A. Lamy : Oui, j’ai même retravaillé la relation que j’avais avec ma fille : lui voulait que je sois extrêmement froide, qu’il n’y ait aucun contact entre elles. Or pour moi, cette femme est hyper- maternelle : elle fait passer ses enfants avant tout, avant son amour pour Paco. On a fait la scène des deux façons, François a choisi la mienne au montage, et m’a dit Merci.

Sergi, votre rôle est lui aussi ambigu : quel regard portez-vous sur Paco ?

S. Lopez : Il paraît qu’en général les filles trouvent Paco très sympa, alors que les garçons le voient comme une mauvaise personne. C’est très bien qu’on ne sache pas. Parce que finalement, dans la vie, on peut être tout à la fois : tendre, et des fois horrible, très charmant et parfois être une ordure. Moi je crois que Paco il est comme ça, d’ailleurs il part parce qu’il est très sensible finalement.

Vous évoquiez plus tôt « un cinéma d’auteur qui veut dire quelque chose », alors que veut dire ce film ?

S. Lopez : Ayez des enfants. Soyons disponibles à écouter des histoires même si on ne sait pas où les caser. Ayez le courage de rêver à des choses inattendues. Pour moi, le film porte sur la place que chacun doit se trouver dans une famille.

A. Lamy : Je suis d’accord. Amusez vous à l’interpréter comme vous voulez. Ce film porte sur la différence, sur l’envol d’un enfant qui quitte le cocon familial…

Chomsky, sociologue critique sur fond criticable

Offert par le duo Azem et Mermet de la bande « là bas si j’y suis» de France inter, « Chomsky et cie » est une belle leçon de pensée libre et rebelle de l’intellectuel américain le plus controversé Noam Chomsky. Ce documentaire à la sauce Michael Mooresque est très intéressant sur le fond, un peu moins sur la forme, mais il a le mérite d’exister !

Chomsky est un penseur qui n’a pas sa langue dans la poche, un américain qui critique la politique et les médias de son pays. Le tout, sans aucun complexe. Théorie à l’appui, Noam Chomsky mène une croisade, depuis une trentaine d’années, contre l’instrumentalisation des relations publiques et le système de propagandes médiatiques.

De Paris à Boston, de Montréal à Toronto, Olivier Azem a réalisé ce long métrage en mai 2008. Le documentaire est un méli-mélo d’entretiens avec Chomsky et ses camarades de pensée, ainsi que des flashs-back historiques. Mermet et Azem offrent un espace simple et simpliste à Chomsky pour opposer trois principes qui lui sont chers : l’autodéfense intellectuelle, le libre arbitre et la liberté d’expression « la plus absolue SVP ! ».

Le militant, en effet, défend le principe de la liberté d’opinion… Même quand il n’approuve pas les messages qu’elle véhicule. D’ailleurs, le documentaire revient sur l’affaire Faurisson [[Robert Faurisson, un révisionniste qui provoqué une polémique en reniant l’existence de la Shoah]]. Chomsky justifie sa position au nom de la liberté d’expression. Un point de vue très critiqué par certains intellectuels français. Mais Chomsky nous pousse à poser la question suivante : Peut-on tout dire au nom de la liberté d’expression ? En France de nombreux journalistes et sociologues s’interrogent sur le sujet. Certains d’entre eux mettent des garde- fous, d’autres préfèrent « se la jouer philosophe », mais personne n’a de réponse définitive.

Notre cher Chomsky aurait bien fait de se pencher sur le sujet au lieu d’assassiner la bonne foi de l’information. Le critique « accrédité » des médias américains ne dissocie pas les medias et la presse. D’autant plus que ce sont deux concepts et phénomènes différents.

A ce propos le journaliste Edwy Plenel nous confie « Chomsky est certes un grand linguiste mais en tant que sociologue des medias, sa critique n’est pas vraiment pertinente. Il ne se remet pas en question. De plus, Il opte pour une sociologie critique alors qu’il n y a pas mieux qu’une sociologie compréhensive pour comprendre les medias ».
Or, dans le documentaire, l’intellectuel donne sa version de sa sociologie « Je ne veux pas amener les gens à me croire, pas plus que je voudrais qu’ils suivent la ligne du parti, ce que je dénonce : autorités universitaires, médias propagandistes avoués de l’état, ou autres .Par la parole comme l’écrit». Certes, les travaux de Noam Chomsky sont une référence en France notamment dans le domaine de la linguistique, mais ses théories sur la critique des medias ne peuvent pas être appliquées en Europe ou en France car chaque société médiatique possède ses propres enjeux et ses dynamiques d’action. Patricia Jullia, enseignante et chercheuse à l’université Montpellier 3 pense que le modèle de critique que propose Chomsky est exclusif à la société médiatique américaine, car les medias français ne fonctionnent pas de la même manière. Bref, il n y a pas de comparaison possible.

Enfin, Chomsky et cie sont des amis qui nous veulent du bien puisqu’ils nous conseillent un cours d’autodéfense intellectuelle. Leçon n°1 : choisissons nos sources. Leçon n°2 : comparons-les et leçon n°3 : faisons notre propre opinion ! C’est le meilleur antidote contre toute manipulation médiatique ou idéologique… du public.

Toujours à l’affiche à l’Utopia (Montpellier)

« Twilight » : le film qui fascine les adolescents

Le film « Twilight : fascination », réalisé par l’américaine Catherine Hardwicke, est né de l’adaptation d’un best-seller de Stephenie Meyer. Il raconte la rencontre amoureuse d’une adolescente et d’un vampire. Véritable succès outre-atlantique, le long-métrage est sorti en France le 7 janvier.

Une adolescente qui tombe amoureuse d’un vampire, rien de très original direz-vous… Et pourtant, le film « Twilight : fascination » fait fureur aux Etats-Unis. Et le phénomène gagne peu à peu l’hexagone. La raison d’un tel succès ? Le livre dont il découle est un best-seller, son adaptation était donc très attendue des fans. S’interroger sur la popularité du long-métrage ne reviendrait-il pas à essayer d’expliquer le succès du livre ? Pas tout à fait, car la réalisation du film met l’histoire en valeur de manière originale.

Bella Swan, 17 ans, est contrainte d’emménager chez son père à Forks, une petite ville du nord-ouest des USA, où le temps est toujours gris. Originaire de l’Arizona, sa nostalgie du soleil et de la grande ville se dissipe lorsqu’elle fait la connaissance d’Edward Cullen, dans son nouveau lycée. Les deux jeunes gens s’éprennent l’un de l’autre. Mais l’adolescent mystérieux au charme irrésistible cache un lourd secret… Bella ne va pas tarder à découvrir qu’il est un vampire… et qu’elle est une victime potentielle, malgré l’amour que le jeune homme lui porte.

Par bonheur, le film limite les clichés sur l’adolescence américaine : pas de « pom-pom girls » anorexiques en vue, ni de sportifs sexy, ni même de fêtes où drogues et alcool coulent à flot… Le long-métrage n’a pas cherché à reproduire les archétypes de la jeunesse au lycée. Il ne s’agit pas non plus d’une réalisation sur les « suceurs de sang ». Le film nous épargne les clichés sur les vampires, récurrents dans la littérature et le cinéma. Pas de canines pointues donc, ni de crypte, ni même de désintégration à la vue du soleil… Dans le long-métrage, le fantastique tient une place importante, mais il s’agit avant tout d’une histoire d’amour impossible entre deux jeunes êtres, viscéralement épris l’un de l’autre.

En fait, l’originalité du film ne tient pas dans son scénario mais dans sa réalisation. Les protagonistes et les décors sont plutôt sombres, et pourtant l’histoire est tournée vers la vie. Les paysages naturels, les forêts et les collines sont omniprésents et magnifient l’intrigue. La réalisatrice a mis la beauté froide des personnages au service du romantisme. Le jeu des acteurs est juste. Mon seul regret est de ne plus avoir quinze ans ! Car si le film limite les clichés sur l’adolescence, l’amour que se portent les deux jeunes gens peut sembler parfois excessif pour un public adulte.

« Twilight : fascination » est le premier volet des aventures de Bella et Edward. L’auteur du livre éponyme a en effet écrit trois autres ouvrages. La prochaine adaptation cinématographique, intitulée « Twilight : tentation », devrait sortir en novembre 2009 aux Etats-Unis, et peu de temps après en France.

20th Century Boys : une adaptation sans tuerie

Présentée en avant première mondiale à Paris le 30 Août 2008, l’adaptation du manga de Naoki Urasawa a fait une entrée timide le 14 Janvier dans les quelques salles obscures de l’Hexagone qui ont bien voulu s’y risquer. Bien qu’il échoue à se détacher du manga éponyme, plagiant jusqu’au style de son auteur, 20th Century Boys n’en est pas moins incontournable pour tout mordu de scénario alambiqué jusqu’à la lie et un délicieux apéritif avant la seconde itération, prévue pour 2010.

Ils ne dépassent pas le mètre vingt, ne connaissent du sexe que ce qu’ils en voient dans les revues érotiques chipées à un paternel peu regardant, et pourtant ils s’y croient. Du fin fond de leur cabane en herbe qu’un transistor à piles emplit d’un rock qui n’en est qu’à ses débuts, ils en ont l’intime conviction : sauver le monde, ils y parviendront. On est en 1969, dans un Japon encore en reconstruction, et cette bande de copains de 10 ans y croit dur comme fer : plus tard ils tiendront le destin de la planète entre leurs mains. Du scénario dont ils seraient les héros ils en ont fait « le cahier des prédictions ». Un vulgaire cahier à spirales bardé de fautes d’orthographes d’élèves de CM1. Presque 30 ans ont passé, et l’humanité n’a pas fait appel à leurs services. Le temps, lui, a fait son œuvre. Les voilà devenus des monsieur tout le monde, de parfaits lambdas dans la mégalopole nippone. Kenji, meneur et grande gueule, tient un combini, une supérette japonaise. Autant dire pas grand-chose. Le petit gros pleurnichard qu’était Maruo s’extasie désormais devant les clientes pubères de sa papèterie pour étudiantes. Quant aux autres, ils n’ont pas mieux réussi. Avec 99 le monde voit l’ère du changement se pointer, les disparitions se multiplier. San Francisco, Londres, les épidémies mortelles suivent à l’identique l’antique cahier de prédiction. L’un des leurs se le serait approprié pour faire d’un délire de casse cous un projet mégalo. On l’appelle « Ami », on le prétend capable de tout, et il veut jouer à la fin du monde.

20th Century Boys est en 2009 le porte étendard du cinéma contemporain de l'Archipel. Un septième art à la fois complexe, esthétique, et grand public.

« Un réalisateur frileux »

A l’origine, 20th Century Boys est un manga sophistiqué et adulte comme aime les faire le désormais célèbre mangaka, Naoki Urasawa, déjà connu pour l’excellent Monster. Yukihiko Tsutsumi, lui, ne compte que trois longs métrages à son actif en qualité de réalisateur. Aucun n’avait atteint la rive occidentale. Des trois 20th Century Boys qu’il réalisera, ce premier jet long de 2heures et vingt minutes transpose à l’écran les six premiers tomes du manga papier. Une adaptation soignée, peut-être trop. Trop souvent soporifique, trop banal, le cadrage vient surcharger un récit captivant. Alliant la prise de face et le gros plan, Yukihiko Tsutsumi se montre frileux dans tous les aspects de sa mise en scène. Soucieux de ne pas déroger à l’œuvre originale, le réalisateur maintient le même tempo sans jamais sans éloigner. Comme Naoki Urasawa découpait son action à même le papier, il applique la mécanique du flash back à outrance. Des va et vient pas forcément indispensables quand ils ne sont pas tout bonnement inutiles. Seule la dernière demi-heure, dans un Tokyo embrasé, proie d’un robot titanesque, se donne les moyens d’étonner le spectateur. Qu’il s’agisse de la caméra ou des effets spéciaux, ni kitch ni tape à l’œil le face à face est monumental. Au point qu’à la sortie de la salle, les pupilles bien dilatées, on ne parle que de ça. Le suspens, insoutenable, l’envie d’en savoir plus, d’en voir davantage.

Le doigt tendu, autrefois l'emblème des fiers à bras, aujourd'hui celui d'Ami et de son parti de l'amitié. La propagande peut commencer.

« Un casting irréprochable »

Gamins comme adultes, le casting de 20th Century Boys est voulu irréprochable. Et sans conteste, il l’est. Rien qu’à leur visage, leur premier geste à peine esquissé, le lecteur du manga reconnaîtra les personnages qu’il a soutenus tout au long des 24 volumes d’une épopée qui part de 1969 à 2015. Sans compter de véritable tête d’affiche, le film doit énormément à l’interprétation des 9 copains devenus selon les cas guerriers de fortune en chemise à carreaux ou costumes trois pièces.

20th century boys, le film, est une adaptation fidèle, ni transcendante ni mauvaise, juste décevante. Mais à la différence du travail de réécriture effectué sur d’autres mangas comme Death Note, le cinéphile risque de se perdre s’il n’est pas un minimum familiarisé avec les aventures de Kenji et ses amis. Quand bien même, le film de Yukihiko Tsutsumi reste une mise en bouche appétissante avant le second épisode et les autres adaptations de poids lourds du manga à prévoir cette année. A savoir Dragon Ball en avril et Astroboy en Octobre, rien que ça!

Slumdog Millionaire, ce que la destinée nous réserve

Sorti en salles le 14 janvier, le dernier film de Danny Boyle expose la vie, l’effervescence des quartiers pauvres indiens. Une belle réussite.

Chacun son chemin. C’est l’histoire de trois mousquetaires. D’une vie sur rails, d’un frère aîné sans peur, d’un Jamal innocent et de cette fille qui l’attend sur le quai d’une gare. C’est l’histoire d’une destinée. Celle d’un gamin des bidonvilles indiens venu empocher le pactole à l’émission « Qui veut gagner des millions ? ». La rue, la saleté, la misère, ses expériences, vont conduire Jamal à répondre correctement, dans une atmosphère d’ébullition nationale. Chaque réponse est une tranche d’existence, une histoire à raconter, une épopée à romancer.

Danny Boyle est grand. Chaque film est une occasion pour lui de se réinventer. Du film noir (Petits meurtres entre amis), au fantastique (28 jours plus tard, Sunshine), en passant par le film existentiel (Trainspotting, La Plage), le réalisateur anglais transpire un amour inconsidéré pour le cinéma de genre. Sur chaque film une approche différente, mais un je-ne-sais-quoi qui ne change jamais, une patte de l’auteur – une exception dans le cinéma mondial – la beauté de ses images. Un film de Danny Boyle, c’est un peu un spectacle de sons et lumières. Visuellement, le metteur en scène « so british » nous envoie un uppercut des plus violents. Servi par une bande-son moitié electro, moitié musique bollywoodienne, son Slumdog Millionaire est une succession dynamique de photographies superbes de l’Inde et de sa population. Il ne pleut pas de la même façon dans un film de Danny Boyle que dans toute autre rafale cinématographique.
Sa mise en scène est adéquate à l’objet filmé : en faisant le pari de l’Inde, la deuxième croissance mondiale après la Chine, Danny Boyle veut montrer une population vivante, bouillonnante, presque imprévisible. En vivant un an en Inde, l’anglais s’est approprié une culture, une jeunesse, qui électrise chaque plan de ce Slumdog Millionaire.

Chacun son destin. Une histoire d’amour. Un drame. Une comédie. Un documentaire. Slumdog Millionaire, c’est tout ça. Croisant la force incroyable que représente la destinée dans la culture traditionnelle indienne, à tout ce que cela peut représenter de naïf dans nos cultures occidentales, Danny Boyle délivre un très grand film sur la faculté, la force, le courage d’accomplir l’impossible. Récompensé récemment de quatre Golden Globes, dont celui du meilleur film et du meilleur réalisateur, Slumdog Millionaire sera un concurrent sérieux dans la course aux Oscars. Sait-on jamais ce que la destinée lui réserve.