Hasta Siempre

Héros de son vivant, icône quasi-christique depuis sa mort, Ernesto Guevara ne cesse de renaître depuis des décennies.
Dans son actualité la plus récente, il y a le film de Soderbergh (Ocean Eleven, Erin Brockovich) qui, au dernier festival de Cannes, a valu à Benicio Del Toro le prix de l’interprétation masculine dans le rôle du Che.

Un homme controversé

Le 25 novembre 1956, un jeune médecin argentin, fortement marqué par les inégalités sociales et la situation fragile de l’Amérique Latine, embarque sur le Gramma en direction de Cuba. Au côté d’autres volontaires, membres comme lui du mouvement du 26 juillet (dirigé par Fidel Castro), ils ambitionnent de renverser Batista par la lutte armée. Il n’a alors qu’une trentaine d’année, aucune expérience dans l’art de la guerre, une femme et une fille restées sur le continent et des idéaux de plus en plus prégnants…

Dans son livre Souvenirs de la guerre révolutionnaire, Ernesto Guevara qualifie d’extrêmement difficile son arrivée sur l’île de Cuba. « Tous purent atteindre le sommet et le passer. Mais pour moi ce fut une épreuve terrible. J’y suis arrivé mais avec une crise d’asthme telle qu’il m’était difficile de faire le moindre pas. Je me souviens des efforts du guajiro Crespo pour m’aider à avancer. Quand je n’en pouvais plus et que je lui demandais de m’abandonner, le guajiro me disait, dans le jargon propre à notre troupe : Argentin de merde, tu vas avancer ou je te fais avancer à coups de crosse. » Une déclaration que Soderbergh a décidé de prendre en compte pour bâtir son film : un homme tour à tour courageux, souffreteux, volontaire, un guerrier qui punit de mort ceux qui désobéissent et ne fait pas de sentimentalisme pour ceux qui tombent au combat mais qui emploie ses heures creuses à enseigner la lecture, l’écriture et à soigner les paysans de la Sierra Maestra.

Le premier volet du film, « Che, l’argentin » nous montre l’ascension du médecin étranger au poste de commandant légitime et respecté: par Fidel qui le traite en ami, par ses hommes qui voient en lui un leader et par les populations locales, qu’il fascine et appâte avec ses principes de redistribution de la terre. Le 17 janvier 1957, la prise d’une petite caserne de La Plata fait office de première victoire pour le petit groupe de guerrillos. Rapidement, on s’éloigne le petit groupe que formaient les débarqués du Gramma grossit par le recrutement massif de paysans. La victoire attendue survient à Santa Clara, au cœur de la province de Las Villas. Dernier barrage avant la Havane, la ville représente des enjeux considérables pour la guérilla. L’attaque débute dans la nuit du 27 décembre. Le 1er janvier, la caserne Leoncio-Vidal se rend, entrainant la capitulation de la ville. Au même moment, Batista prend la fuite pour Saint-Domingue.

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Un film polémique

Le film sort sur les écrans français en deux fois: le 7 et 28 janvier 2009 avec le soutien d’une gigantesque campagne de publicité. Tour à tour réalisateur, scénariste et producteur, Soderbergh a porté ce projet sept années durant. Aussi mise-t-il beaucoup sur sa réussite en salle. Après une première consécration au festival de Cannes en 2008, le film pourrait faire son apparition à la prochaine cérémonie des Oscars.

Une page d’histoire, minutieuse et documentée, qui ne comble pas tout le monde. Si les longues séquences dans la Sierra Maestra apportent de nombreux renseignements sur les méthodes employées par la guérilla cubaine, les enjeux politiques qui guidaient ces hommes sont renvoyés à quelques flashs en noir et blanc de prises de parole du Che dans des conférences internationales. En 1964, au siège des Nations Unis, le petit médecin argentin qui peinait à respirer dans les premières heures de la révolution respire toujours mal, mais clame haut et fort devant une salle silencieuse que son île restera indépendante, que l’impérialisme américain est diabolique et l’exploitation du Tiers-monde, par les deux camps de la Guerre Froide, regrettable!

Un jeu d’acteur incontestablement bon pour un personnage froid, distant, dont on nous cache les plus vils côtés. Une épopée guerrière en somme qui nous apprend beaucoup sur ce que fut la renaissance d’une île et le quotidien de ses héros.

Il Divo de Paolo Sorrentino : divin mais pas trop

En salle depuis le 31 décembre 2008, Il Divo retrace la chute du président du Conseil italien, Giulio Andreotti au début des années 1990. Paolo Sorrentino réalise ici une satire (érudite) du pouvoir en Italie esthétiquement réussie. Une noirceur rythmée à la musique et au burlesque intelligemment parsemés. Quel dommage que le scénario soit si compliqué !

Giulio Andreotti, il divo, entame son septième mandat à la tête du gouvernement. Il commandite des assassinats politiques à la mafia. Il est craint. Pourtant il n’a pas le physique d’un Corleone, plutôt d’un droopy fantomatique. Ce septuagénaire bossu arbore des lunettes grossissantes posées sur des oreilles décollées. Jambes serrées et bras scindés au corps, il se déplace avec une vélocité clownesque.

L’improbable éminence noire interprétée magistralement par Toni Servillo fait rire mais surtout frémir : « Seuls ceux qui croient en Dieu peuvent comprendre que pour obtenir le bien, il faut faire le mal « .
La répartie cynique réservée à il divo dans les dialogues frappe, le spectateur désormais à l’affût de ses répliques autant que des accélérations du film. En effet, l’ancien publicitaire et réalisateur de L’Ami de la famille et Conséquences de l’amour a su utiliser des plans et mouvements de caméra efficaces, mis en valeur par une musique éclectique. Le tout décrivant un univers noir bien que souvent ridiculisé, l’Italie en proie aux attentats des brigades rouges, des exactions de la mafia et des opérations mains propres éclaboussant le monde politique et son seigneur (Il Divo) Andreotti.

Là réside la grande faiblesse du film. Le spectateur doit s’accrocher s’il ne veut pas être submergé par les détails des procès, meurtres ou par l’avalanche de noms d’hommes politiques. Difficile aussi de suivre le fil de l’intrigue tant les scènes sont décousues.

Bref, un désordre noir, burlesque au visuel impeccable qui mérite tout de même son prix du jury obtenu au dernier festival de Cannes.

Montpellier fête la culture en 2009

Montpellier n’est pas Paris. Si « Tout Paris » il y a, tout n’est pas à Montpellier. Mais dans la capitale du Languedoc, dans cette cité à la vie douce et au soleil généreux, une culture, modeste mais altruiste, tend à se développer. En 2009, concerts, exercices scéniques et festivals alimenteront les lieux culturels de la ville, du Kawa Théâtre à l’Esplanade du Corum en passant par le Rockstore, donnant corps et âme à une ville qui aime se nourrir de culture.

Concerts : Lenny Kravitz et Indochine en tête d’affiche

En tournée pour « It’s time for a love revolution« , Lenny Kravitz (photo) sera l’atout majeur du Zénith de Montpellier et se produira, lui et ses ray-ban, le 28 avril sur la scène de Grammont. LENNY_KRAVITZ.jpg Dans le domaine étranger, Montpellier nous réserve d’ailleurs quelques belles surprises : Ayo (18 janvier au Corum, soul-funk-reggae allemand) Fall Out Boy (14 mars au Zénith, pop-punk-rock américain) et Ska-p (27 mai au Zénith, ska-punk-rock festif espagnol). Côté français, hormis Indochine (16 novembre au Zénith) qui s’affiche un peu partout en France, citons sans ordre de talent Julien Clerc (28 janvier, Zénith), Gojira (6 février, Rockstore), Debout sur le zinc (11 février, Rockstore), Patrice (21 février, Rockstore), Erik Truffaz (26 février, J.A.M), La Ruda (26 mars, l’Antirouille), Benabar (27 mars, Zénith), La chanson du dimanche (2 avril, Rockstore) Fatal Picards (24 avril, Rockstore), Babylon Circus (1er mai, Rockstore), Tryo (2 mai, Zénith), Thomac Dutronc (16 mai, Zénith) et Superbus (3 décembre, Zénith).

Exercices scéniques : du rire, des larmes… sans Dieudonné

Encore une fois, les théâtres de Montpellier afficheront des programmes riches et variés : « De Gaulle en mai » (du 20 au 24 janvier au Théâtre des Treize Vents), « Le clan des divorcés » (le 30 janvier à la Salle bleue), « Vive Bouchon » ( jusqu’au 28 février au Kawa Théâtre), ou encore « Les hommes viennent de Mars et les femmes de viennent de Venus » ( le 19 mai au Corum). Côté humour, Montpellier attire les meilleurs one-man-show du moment : Nicolas Canteloup (25 mars, Zénith), Franck Dubosc (28 mars, Zénith), Valérie Lemercier (31 mars, Zénith, photo) et Gad Elmaleh (10 et 11 décembre, Zénith). lemercidr.jpg Du rire pour 2009 donc, et non du négationnisme refoulé. Montpellier vient en effet de nous gratifier de sa première (bonne) résolution de l’année : déprogrammer Dieudonné, trublion médiatique inintéressant, du Kawa. Une décision qui fait date, et qui inscrit la ville comme une âpre défenseur du devoir de mémoire.

Festivals : la culture sous toutes ses formes

Chaque année, Montpellier met en exergue ses festivals pour une diversité et une densité exceptionnelle : cinéma (Festival chrétien du cinéma en février, Festival ciné Montpellier en mars, Cinéma sous les étoiles en août, Festival cinéma méditerranéen en octobre), sport (Montpellier danse en juin-juillet, Battle of the year en avril, Festival international des sports extrêmes – FISE – en mai) ou encore musique (Festival de Radio France en juillet, Electromind en juillet, Les internationales de la guitare en septembre). A ceci s’ajoutent les manifestations culturelles suivantes : Printemps des poètes en mars, Comédie du Livre en mai et Quartiers Libres en septembre qui dynamisent et étayent la vitalité culturelle de la ville.

Programmation Rockstore
Programmation Kawa Théâtre
Programmation Théâtre des Treize Vents
Programmation Opéras Montpellier
Programmation Musée Fabre

Enfants soldats

Inspiré du livre d’Emmanuel Dongala « Johnny chien méchant » (Edition Serpent à Plumes), « Johnny Mad Dog » a été réalisé par Jean-Stéphane Sauvaire et produit par Matthieu Kassovitz et Benoît Jaubert.

« Johnny Mad Dog » est un film qui nous transporte tout droit dans un cauchemar. C’est l’histoire d’un jeune adolescent, tout juste quinze ans, armé jusqu’au dent, qui est à la tête d’un petit escadron de rebelles libériens. Tous sont des enfants et des adolescents. Enrôlés dès leur plus jeune âge, ils participent à la guerre civile qui vise à faire tomber le Président du Libéria et à prendre le pouvoir. Un conflit entre tribus sert de prétexte à ce coup d’État. Les partisans du gouvernement, militaires comme civils, sont sauvagement attaqués, pillés, assassinés.

Ce groupe d’enfants semble tout droit sorti d’un mauvais rêve. Outre leur mitraillette, chacun porte un déguisement, tel un trophée. Un petit garçon de dix ans porte des ailes de papillon, ce qui lui vaut son surnom de « Butterfly ». Un autre porte une robe de mariée, dérobée dans une maison. Ils se travestissent, comme s’ils voulaient conserver une part d’enfance, de jeux, d’innocence.

Mais ils tuent aussi. Ils violent. Ils pillent. Pour tenir le coup, drogue, alcool et chansons guerrières scandées à longueur de temps. Ces enfants ne rient pas, ils hurlent. Pour les recruter et leur faire perdre toute humanité, les chefs rebelles les forcent parfois à tuer leurs propres parents, comme le film nous le montre en première scène.

Johnny Mad Dog (incarné par Christopher Minie) est un adolescent en colère, haineux, endoctriné. Il ne sait que tuer et obéir aux ordres. Il est persuadé d’agir pour le bien de son pays, pour la paix. Pendant ce temps, Laokolé (jouée par Daisy Victoria Vandy) tente de fuir les combats avec son père infirme et son petit frère de six ans. Leurs chemins vont se croiser. L’amour et la haine vont se faire face, s’affronter et s’entremêler.

Ce n’est pas la première fois que le thème des enfants soldats est traduit au cinéma. En 2006, « Blood Diamond », le film de Edward Zwick dans lequel jouait Leonardo Di Caprio et Djimon Hounsou, relatait entre autres l’enrôlement des enfants dans la guerre civile au Sierra Leone. Comme toujours, ces enfants sont victimes de guerre hypocrites. Sous couvert de conflits ethniques, l’appât du gain et du pouvoir est le leitmotiv des ces atrocités.

A la fin de la guerre au Libéria, lorsque les rebelles auront remporté la mise, Johnny Mad Dog comprendra qu’on s’est moqué de lui. Les crimes qu’on lui a ordonné de commettre n’ont servi qu’à une poignée d’intéressés.
La violence de ce film réside surtout dans la haine que ces enfants laissent exploser.

Un discours de Martin Luther King, diffusé en fond sonore, nous rappelle la culpabilité de l’Occident dans ces conflits sanglants. Il nous rappelle la misère profonde d’une Afrique qu’on a pillée sans vergogne avant de la laisser pour compte, remplie de frustration, d’injustice et de ressentiment. Les luttes pour le pouvoir, qui déchire la plupart des pays africains, ne sont que la démonstration de cette frustration, engendrée par un système dont l’Afrique a toujours été exclue.

Le fait que « Johnny Mad Dog » raconte ces conflits à travers les enfants, exerce un impact d’autant plus grand sur le spectateur. On se surprend même à penser à notre propre société dans laquelle discrimination et exclusion se côtoient chaque jour. On pense alors à la chanson d’Ab Al Malik, « Soldats de Plomb » où il compare les enfants des cités à des enfants soldats. Ils ruminent leur haine et leur frustration en attendant la revanche. Le message de ce film, c’est qu’aucun enfant ne devrait user d’une arme pour faire entendre sa colère.

L’incroyable histoire de Benjamin Button

Le 4 février 2009, sortira en salles « L’Etrange histoire de Benjamin Button », l’invraisemblable fable d’un homme qui rajeunit. David Fincher (« Seven », « Fight Club »), qui porte ce projet coup de poker depuis près de dix ans, joue sa place de réalisateur prodige du cinéma mondial. Enquête sur le film évènement de 2009.

L’homme sans âge. L’histoire paraît incroyable : celle d’un homme (Brad Pitt) qui naît avec le corps d’un ancêtre, pour finir sa vie nouveau-né, enfant d’un monde inversé. Une fin à l’aube même de la création. Il aura fallu sept ans à David Fincher, pour mettre en scène ce conte moderne. Un peu moins d’une décennie d’attente afin que la technique et les effets spéciaux progressent. Résultat : à chaque époque de sa vie décroissante, vieillard, adulte, adolescent, Brad Pitt est Benjamin Button. L’enjeu est bel et bien là : en faisant le pari des effets spéciaux au détriment du maquillage ou du changement d’acteur (Robert Redford avait été pressenti un temps pour jouer Brad Pitt vieux), Fincher a débloqué un budget inédit pour une comédie dramatique – pas moins de 200 millions de $ – soit une somme équivalente au Titanic de James Cameron. Ici, pas de bateau dantesque, tout le travail de cette allégorie cinématographique reposant sur les épaules de Benjamin Button et des meilleurs crèmes anti-rides du moment : les images de synthèse.

La Paramount et Fincher en sursis. Les enjeux pour Benjamin Button sont énormes. La Paramount qui produit le film, espère faire un très gros coup, autant aux Oscars qu’au box-office. Brad Grey [[Information de L’Express.fr]], le mentor de la Paramount, qui porte un soutien total à Fincher, a même repoussé la sortie d’un autre film évènement, The Soloist, de Joe Wright avec Jamie Foxx et Robert Downey Jr, pour laisser le champ libre à son joyau sans âges. Récemment séparée de Dreamworks, la Paramount peut perdre en contrepartie un investissement colossal, dans un film où l’incertitude plane comme jamais au moment où le réal’ californien peaufine le montage final. Fils prodige du cinéma américain, réalisateur inspiré (Alien 3, Seven, Fight Club, Panic Room et Zodiac), David Fincher surprend et remet en question son cinéma à chaque coup d’essai. Sur Benjamin Button, adaptation d’une nouvelle de Francis Scott Fitzgerald, Steven Spielberg, Ron Howard et Spike Jonze se sont déjà cassé les dents. Compliqué, risqué, inadaptable, Benjamin Button est le film de toutes les enchères. Fincher a remporté l’appel d’offres. Reste à en savoir le prix.

Mesrine ressuscité

Récemment, on a beaucoup parlé de Jacques Mesrine. Un peu moins du film. On a débattu avec ardeur de la pertinence de l’affiche et sa ressemblance avec le Christ. Un peu moins de la prestation (hors-norme) de Vincent Cassel. On a discuté, démêlé, chicané sur certains faits, certaines scènes, avérées ou non, du dyptique. Mais on a oublié que le film de Richet était une fiction. Un pur moment de cinéma.

Mesrine, un bon, une brute, un truand ? Et puis, mince, on s’en fout. Que le film, essentiellement L’ennemi public n°1, fasse la propagande d’une certaine légitimité de son personnage principal, qu’à travers une objectivité proclamée, apparaissent des petits mouvements de caméra sympathiques pour son héraut, est finalement désuet. Jean-François Richet a pris la liberté de donner son point de vue de Jacques Mesrine : un gangster sombre et violent au commencement, associé à un fanfaron épicurien et louable dans ses dernières années. Deux Mesrine pour deux films différents. Deux points de vue d’un homme pour des milliers d’interprétations.

Mesrine, le film. Dès les premiers moments de L’instinct de mort, Richet dévoile une patte, un ton, une mise en scène nerveuse et percutante. A la manière d’un Michael Mann, sa caméra est mouvante, et ne s’essoufle jamais. La force de Mesrine, c’est sa capacité à s’extirper des temps morts avec une facilité déconcertante. Les évasions de chaque prison sont filmées avec une tension palpable, qui mêle le spectateur à la fuite de Mesrine et aux moyens d’y accéder. Richet transpose les passages intimes de la vie de Mesrine (ses parents, ses amours, sa fille) à des scènes d’action brutales, sans transition, avec cette même nervosité qui le caractérise tout au long du dyptique. On ne sort pas heureux d’une projection comme Mesrine. On sort troublé.

Cassel, et les autres. Les plus grands rôles sont souvent ceux qui suggèrent les plus grandes transformations. Dans L’ennemi public n°1, Vincent Cassel, celui-là même qui ironisait De Niro dans La Haine, rasé à blanc et survet’ Adidas d’occasion, se métamorphose à chaque plan, à chaque scène. Si Mesrine excellait dans l’art des déguisements, Cassel surprend dans l’implication et la force de son jeu d’acteur. Fine moustache et raie sur le côté façon Guerre d’Algérie, chauve sur le dessus et vingt kilos dans la bedaine, ou frisettes et pull à col roulé rouge, Cassel illumine le film de son talent et s’allie à la puissance de la caméra de Richet, pour une implication totale dans l’histoire, et la personnalité de Jacques Mesrine.
A côté, un casting inouï, toutefois des seconds rôles qui passeraient presque pour des figurants à côté de M. Vincent. Depardieu en mafioso – initiateur – sans scrupules – avec valeurs – de la carrière de Mesrine, Mathieu Amalric en François Bes, compagnon de route et d’évasion, qui parle avec les yeux et Ludivine Sagnier, en fille facile et influençable, amoureuse transie du gangster. Tous bons, et pourtant tous seconds.

Un film de truands, brut et bon. Mesrine, c’est du pur cinoche. Du cinéma à l’américaine, avec des moyens (merci Thomas Langmann), des acteurs (on rajoutera Cécile de France, Samuel Le Bihan et Gilles Lellouche) et un réalisateur qui connaît parfaitement les rimes du divertissement et du talent.
Malgré tout, il manque ce petit quelque chose, cette petite flamme, rare et intense des meilleurs films de l’année. Peut être ce trouble, cette aliénation, cette part de réalité et d’histoire que dégage Jacques Mesrine lui-même. Mesrine, le film, est peut être tout simplement victime de son sujet.

Rencontre avec Martin Provost au croisement des Arts

Le prolifique et rêveur Martin Provost avait rendez-vous mercredi 8 octobre avec le public des cinémas d’art et d’essai Diagonal de Montpellier à l’occasion de la sortie en salles de son troisième long-métrage, Séraphine. L’histoire d’une domestique à qui Dieu serait apparu, lui ordonnant de peindre, celle d’une femme dont le destin bascule lorsqu’elle rencontre le célèbre collectionneur d’art Wilhelm Udhe, qui crie au génie.
Quelques heures avant un échange riche et passionné avec des spectateurs conquis, rencontre avec l’homme et l’enfant, le dramaturge et le romancier, le comédien et l’acteur, le metteur en scène et le réalisateur, qu’il incarne tout à la fois. Chuchotée comme une confidence, l’histoire d’un petit garçon qui rêvait de cinéma, celle d’un songe qui devient réalité…

Martin Provost, pouvez-vous nous parler de votre parcours sur le chemin du 7ème Art et nous dire comment vous êtes arrivé à ce métier qui est aujourd’hui le vôtre ?
D’abord un bac littéraire, que j’ai eu miraculeusement. Je rêvais d’être réalisateur. À l’époque, la FEMIS s’appelait encore l’IDEC, mon père s’était renseigné et m’a dit : « Martin, tu ne peux pas entrer à l’IDEC tu n’as pas le niveau en maths ». J’avais eu 0,5 au bac ! Je suis donc parti à Paris avec ma petite valise en me disant : « Je vais être comédien pour commencer ». J’ai eu la chance de travailler assez vite : j’ai tourné dans un premier film 6 mois après, un film de Nelly Kaplan, qui s’appelait Néa. J’écrivais déjà pour le théâtre. Ma première pièce, Le Voyage Immobile, a été montée au Studio d’Ivry, je l’ai jouée avec Yann Collette, produite par Philippe Adrien. Il montait Amphitrion et Le Médecin volant à la Comédie française : il m’a dit « Martin, est-ce que tu veux venir jouer le jeune premier dans Le Médecin volant ? ». J’ai dit oui, je suis donc entré à la Comédie Française comme pensionnaire à l’essai. C’est l’époque où le Français [comprendre Comédie Française] a connu une grande révolution : Jean-Pierre Vincent a été nommé, et il m’a engagé comme pensionnaire. J’y suis resté six ans.
Et puis quand Jean-Luc Poulain a été nommé, moi j’ai quitté tout ça. Ce fut la fin de ma vie d’acteur, qui ne me rendait pas heureux.

Où trouvez-vous votre bonheur ?
Quand j’étais au Français, j’écrivais tout le temps. J’ai écrit une autre pièce, Les Poupées, qui a été montrée à Avignon, à la Chapelle Sainte Claire et après au TEP. Mon premier roman, Aime-moi vite, est sorti à cette époque-là. J’ai fait un deuxième court-métrage joué par Catherine Jacob, Cocon, après J’ai peur du noir que j’avais moi-même produit. Et puis, j’ai écrit un premier scénario que j’ai essayé de monter en long-métrage. J’avais rencontré une comédienne espagnole, Carmen Maura, qui avait adoré le scénario et voulait à tout prix le faire. En fait, c’était un sujet très ambitieux pour l’époque : l’histoire d’un enfant qui voyait le monde dans un dessin animé… J’aurais jamais pu le réaliser. Carmen Maura m’a alors dit : « Il faut absolument que tu tournes ton premier film : je suis libre du [tant au tant] ». J’avais trois semaines : j’ai écrit Tortilla Y Cinema en trois jours, on est allé voir Canal+, ils nous ont donné un peu d’argent, et j’ai tourné le film en quinze jours. J’avais fait mon premier long !
Parallèlement, je continuais l’écriture. J’écris toujours d’ailleurs : des scénarios, des pièces pour France Culture. Un autre roman est sorti en février 2008 au Seuil : Léger, humain, pardonnable.
Entre-temps, il y a eu un autre film, Le Ventre de Juliette, sorti en 2003 à dix copies…

Qu’est-ce qui vous donnait envie, à 17 ans, de devenir réalisateur de cinéma ?
Un mot : le désir. Depuis petit, je rêve de ça. J’avais un grand-père qui faisait des films en amateur, j’ai joué mon premier film avec lui : je devais avoir 5 ans, c’était Pierre et le Loup, toute ma famille y était. J’avais un oncle aussi, ici dans la région, qui était photographe. De l’autre côté, celui de mon père, ma grand-mère, enfant, était chanteuse de rue… Voilà, il y a quand même une sorte de tradition familiale.

Séraphine, ou la consécration

On en vient à la genèse de Séraphine, né des cendres d’un autre film…
Oui, j’avais essayé de monter un film après Le Ventre de Juliette, j’avais travaillé deux ans dessus. À un moment, le film ne s’est pas monté : pas assez d’argent. Tout s’est effondré, j’étais vraiment mal. À ce moment-là, quelqu’un avec qui je travaille à France Culture m’a dit : « Martin, il faut absolument que tu t’intéresses à Séraphine, c’est pour toi. » Quand on m’a parlé de ce personnage dont je n’avais jamais entendu parler, je suis allé sur Internet. C’était il y ans 3 ans: il y avait 4-5 lignes, ça m’a suffi pour voir qu’il y avait une histoire intéressante. J’ai continué les recherches : j’ai trouvé de vieilles éditions de livres de Wilhem Udhe en français. Je suis allé à Senlis où a été transférée la salle créée en 1947 à la mort de Udhe au Musée d’Art moderne, composée de quatre tableaux extraordinaires. Et puis j’ai rencontré Françoise Cloarec, psychanalyste et peintre, qui a fait sa thèse sur Séraphine -elle vient d’ailleurs de publier La Vie rêvée de Séraphine de Senlis chez Phébus.
Et puis, surtout, j’ai pensé à Yolande [Moreau], avant même d’écrire le scénario. Le plus troublant, c’est que deux mois après, à la bibliothèque Kandinski, on m’a apporté un dessin de Séraphine fait par un voisin, le poète Leblanc : c’était Yolande ! C’était extraordinaire. Je lui ai apporté, elle est devenue blême, puis elle m’a dit : « C’est pas flatteur, mais c’est bien moi ».

Je sais que vous tenez à préciser que votre film n’est pas un biopic…
C’est vrai que je ne voulais pas faire une biographie de Séraphine, ça ne m’intéressait pas. Je cherchais un axe pour raconter cette histoire. Au prime abord, le personnage de Wilhem Udhe ne m’apparaissait pas extrêmement sympathique : il y a des zones d’ombre dans sa vie, et d’ailleurs je les ai respectées. Au fil de mes recherches, je me suis rendu compte que j’avais affaire à un personnage lui aussi totalement inconnu, très important, et un type absolument formidable. Je me suis dit : « Vraiment, c’est la rencontre entre ces deux personnes, ces deux marginalités, qui est importante pour moi». Ça avait des résonances très fortes par rapport à mon existence. C’est pourquoi j’ai décidé de raconter la rencontre entre Séraphine et Udhe sur ces deux périodes-là.

Vous semblez être très attaché à votre personnage…
Elle me fait penser à Van Gogh : le même genre de parcours, deux personnage plein d’amour qui essayent par la peinture de donner, qui n’ont pas de retour, et qui en meurent.

Diriez-vous que Séraphine Louis était folle ?
À la fin de sa vie, elle était cataloguée comme schizophrène, paranoïaque, elle était haïe, battue, par les autres malades. Mais déjà au couvent où elle est entrée à seize ans –et est restée jusqu’à l’âge de quarante ans, jusqu’au jour où, dit-elle, son ange gardien lui est apparu à la cathédrale et lui a dit de se mettre à la peinture- elle écrivait des lettres dans lesquelles elle se disait tout le temps menacée. Elle présentait des tendances paranoïaques évidentes… Mais ce que je comprends tout à fait. Quand on peint, quand on écrit, la vie n’est pas facile. Surtout pour une femme de ménage !
Elle faisait ce qu’elle appelait ses « travaux noirs » le jour, c’est-à-dire les tâches les plus ingrates, et la nuit, ce qu’elle appelait ses « travaux de lumière », c’est-à-dire qu’elle peignait. Pour en revenir à la folie de Séraphine, quand on regarde ses toiles, on voit qu’il y a un embrasement, surtout à partir du moment où Udhe lui permet d’arrêter ses « travaux noirs », et selon moi le contact avec les choses matérielles et difficiles qui la maintenaient dans la réalité, elle entre dans un épanouissement artistique très violent et se consume.

Son rapport à la nature est fondamental dans son œuvre, vous vous attachez à l’illustrer dans la vôtre…
Quand elle était petite, elle gardait les moutons et les vaches. Elle avait un rapport extrêmement proche aux animaux : elle en a beaucoup parlé quand elle était internée. C’est quelque chose qui me parle. C’est vrai qu’on a jamais su vraiment avec quoi elle peignait : avec de la laque Ripolin, elle vernissait ses tableaux avec du vernis ménager, elle volait l’huile des bougies dans les églises… Pour le reste, on dit qu’elle peignait avec son sang, ça c’est moins sûr… Donc j’ai imaginé des choses. J’ai peint un peu moi-même il y a longtemps, je peignais avec des betteraves, de l’œuf, tout ce qui me tombait sous la main, donc je sais que c’est possible. Il suffit de voir les tableaux de Barcelo. C’était tout ça que je voulais raconter à propos de la nature. Séraphine me fait penser à une Indienne : elle marchait toujours pieds nus, je crois qu’elle a capté quelque chose de l’ordre de l’esprit de la nature, quelque chose de très païen qui n’a rien à voir avec la religion. Pour moi, c’est ça qu’elle a transmis dans ses toiles. Elle a laissé libre cours à quelque chose qui l’a traversée, c’est sûr, quelque chose de l’ordre du divin…

L’épisode de la robe de mariée est visiblement le plus marquant pour le public, avec une interrogation lancinante : est-ce que c’est vrai ? Cette séquence marque une rupture dans le film, la fin de sa vie d’artiste pour Séraphine, qu’on interne dans un établissement où elle finira sa vie…
C’est vrai qu’elle avait commandé une robe de mariée, pourquoi on ne sait pas, je pense qu’elle imaginait des épousailles spirituelles… Le besoin du scénario a fait qu’on l’a lié avec un autre fait avéré : elle redistribuait tout ce qu’elle avait amassé en les déposant sur le perron des habitants de Senlis. Dans le film, elle vient de passer une nuit entière à peindre, un tableau qui s’appelle La Séraphine Bleue.

Comment avez-vous travaillé l’image pour faire ainsi ressortir les couleurs flamboyantes des tableaux ?
À la costumière et aux décorateurs, j’avais demandé qu’il n’y ait aucune couleur franche, pour que petit à petit les tableaux, qu’on a entièrement refait, ressortent. Il n’y a donc que des verts, bleus, du gris, du blanc cassé… Et puis on a cherché avec Laurent Brunet une pellicule qui pouvait accentuer cet effet-là sans tuer la couleur des tableaux. Et ça a marché !

Comment avez-vous travaillé sur le personnage de Séraphine avec Yolande Moreau ?
On avait la chance d’être voisins, on a passé beaucoup de temps ensemble, Elle vous le dirait mieux que moi : « ça s’est fait par petites touches ». On est devenu très proches et je crois que c’est ça qui a fait qu’à un moment Séraphine s’est complètement incarnée. Et puis, j’ai été comédien donc il y a quand même des trucs que je sais, j’essaie surtout de ne jamais faire souffrir un comédien, d’agir comme un père vis-à-vis de son enfant. Je lui ai montré des films : Mouchette de Bresson, Gervaise de René Clément, pour les gestes des lavandières, Last Days de Gus Van Sant, pour le rapport à la nature… Je l’ai emmenée partout, montré tous les paysages. Elle est allée d’elle-même voir le curé de Vernon pour qu’il lui apprenne les chants en latin… . Elle a pris des cours de peinture avec les peintres qui ont refait les tableaux. Elle dit que c’est rien mais c’est un travail énorme !
Le premier jour de tournage, on tâtonne toujours un peu. On venait de tourner une scène dont aucun de nous deux n’était satisfait, là je lui ai dit : « Pense à Dieu » : en un éclair, ça a été là, et c’est resté jusqu’au bout.

L’argile et le verre dans tous leurs états

A Montpellier, une compétition de films réunit des artistes, cinéastes, céramistes et verriers, pour découvrir création contemporaine et traditions ancestrales.

L’argile et le verre dans tous leurs états: voilà la thématique du Festival international de cinéma qui s’ouvre ce vendredi 4 avril au Corum de Montpellier (jusqu’au 6 avril). Depuis 1998, ce rendez-vous, créé par le céramiste Loul Combres, permet de découvrir la création contemporaine, mais aussi des traditions ancestrales, liées à l’argile et au verre, à travers des documentaires, des films d’animation et des films expérimentaux. Ce festival abrite une compétition.
S’il reste spécialisé, accueillant de nombreux invités (réalisateurs, potiers, sculpteurs, peintres, ethnologues, architectes…), le festival est largement ouvert au public. Il a d’ailleurs enregistré 1 500 entrées en 2006 (son rythme est biennal).
Les amateurs d’arts plastiques trouveront dans la sélection des films consacrés à d’importants artistes: Pablo Picasso avec Minotauromaquia, la confrontation entre Miquel Barcelo et Josef Nadj dans Paso Doble (une rencontre née au Festival d’Avignon en 2006), ou encore le sculpteur Richard Deacon avec L’art et la manière. La compétition explore aussi l’histoire comme en témoigne Emile Gallé: la nature dans l’art, évocation du fameux maître de l’Ecole de Nancy.
Un jury présidé par Joan Gardy Artigas désignera les lauréats parmi les 24 films en lice (un prix est décerné par le public).
Les travaux de jeunes réalisateurs étudiants (de l’université Paul-Valéry notamment) sont également présentés. Ils mettent en scène des artistes invités au festival. Le plus célèbre est Ousmane Sow, le sculpteur sénégalais. Son Lanceur de bronze est exposé avec les pièces d’autres créateurs à la Maison des relations internationales. Car au festival, les oeuvres en argile ou en verre ne sont pas seulement cinématographiques.

Paru dans le Midi Libre du 04.04.08

American Pie 6 : Beta House, la saga ne tient qu’à un string

Le nouvel opus d’American Pie est sorti le 21 décembre en DVD. Il est loin le temps où les teenage movies se révélaient originaux et où le public riait presque honteusement des gags lourds et scabreux. Beta House recycle ce qui a fait le succès des précédents épisodes sans jamais décoller du plancher des vaches, pire : il s’enterre dans une accumulation de poitrines dénudées et de sécrétions en tout genres.

American Pie 6, un film qui ne laissera d'empreintes que dans le fond des pantalons American Pie 6 : Beta House n’a pas eu de sortie en salles, fort heureusement serait-on tenté de dire. La version est Unrated (non-censurée), une mention attirante mais trés décevante au vu du film. A croire que les producteurs n’ont gardé que les scènes dénudées au détriment des dialogues. L’histoire est limpide et même un élève de dix ans pourrait la comprendre.

Erik et Cooze Stifler (de la famille du fameux Stifler présent dans la trilogie originale) rentrent à l’université et doivent intégrer une confrérie (la maison Beta). Pour se faire, ils doivent accomplir des épreuves toutes plus folles les unes que les autres. Tout se joue finalement lors d’Olympiades, un jeu interdit par l’Université bien des années auparavant. La maison Beta se retrouve opposée à celle des Geeks (présentés ici comme des intellectuels richissimes).

Le film constitue la preuve qu’il ne suffit pas d’ajouter des seins à gogo et des sous-entendus à peine déguisés pour faire un bon American Pie. Les poitrines dénudées se retrouvent érigées en acteurs principaux, les dialogues se résument en de grandes phrases philosophiques : « J’aime l’odeur des nibars humides le matin » et toutes les épreuves des fameuses Olympiades (qui confondent allègrement mythologies grecque et romaine) sont des prétextes à l’alcool à outrance et au sexe débridé.

Un étudiant se plonge à corps perdu dans ses études

La force d’American Pie 1 était de suggérer, le numéro 6 dévoile tout et surtout ses défauts. Fini la branlette dans la chaussette et bonjour l’éjaculation filmée au ralenti. Les gags se raréfient au fur et à mesure que la pellicule avance. Beta House devient alors un métrage digne de feu le film du dimanche soir de M6.

Le film devrait plaire aux adolescents prépubères accros aux soubresauts de leurs slips et aux fans de la franchise, qui sont souvent les mêmes personnes. De quoi donner l’envie d’aller étudier dans une « prestigieuse » université américaine.

Africa Paradis

Réalisé par Sylvestre Amoussou
Bénin / France, 2007, 1H26
Avec Eriq Ebouaney, Stéphane Roux, Charlotte Vermeil, …

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2033 : les Etats-Unis d’Afrique prospèrent tandis que l’Europe rate son unification et sombre dans la misère. Olivier, ingénieur en informatique sans emploi, vit en France avec Charlotte, institutrice. Comme beaucoup d’autres, le jeune couple décide de faire le grand pas en traversant la Méditerranée illégalement. Arrivés sur la terre du paradis noir, ces nouveaux clandestins sont arrêtés par la police des frontières. Seul Olivier parvient à s’échapper. Tous deux sont victimes du racisme et de l’intolérance. Leur sort dépend d’une lutte politique sans merci entre deux députés : Yokossi, membre du Parti Radical et proche du ministre de l’Intérieur, proclame « l’Afrique aux Africains » ; son ennemi juré, Modibo Koudossou, s’éprend de Charlotte et soutient l’intégration des immigrés, le cœur empli de bons sentiments.

C’est le monde à l’envers. Pour son premier long métrage en tant que réalisateur, le comédien Sylvestre Amoussou aborde sur un ton léger un sujet qui fait polémique. L’idée de départ, originale, amène à réfléchir sur la condition des sans papiers, auxquels le spectateur s’identifie: emplois subalternes, logements précaires, peur de l’uniforme. Les deux Européens deviennent une proie facile et mettent en lumière des comportements xénophobes fondés sur des préjugés. Néanmoins, la mise en scène ne parvient pas à combler le manque de moyens de ce film à petit budget ; certaines situations, jouées par des acteurs novices, suscitent l’amusement. Faut-il les prendre au second degré ?

L’œuvre de S. Amoussou plonge le spectateur au cœur de l’actualité, dans un contexte où le discours sur l’immigration choisie prend toute son ampleur. Au lieu d’apporter une solution efficace à cette question, les gouvernants ne font qu’accumuler les lois dans ce domaine. L’immigration est donc devenue problématique aux yeux de l’opinion publique, alors qu’elle reste minime à l’échelle européenne. Les immigrés représentent seulement 10% de la population en France. Un taux relativement faible comparé à d’autres Etats de l’Union Européenne.