Europe : 2005-2008, même combat ?

Un double « non » franco-hollandais en 2005, un « non » irlandais en 2008 et une myriade de ratifications parlementaires : les politiques n’ont pas confiance en leurs concitoyens qui eux, n’ont toujours pas confiance en l’Europe.

2005-2008 : l’Europe reste incomprise. Trois ans après le double refus référendaire de la France et des Pays-Bas de ratifier la première constitution européenne, le récent, et finalement prévisible, « non » irlandais semble moins problématique. Néanmoins, l’adoption par la majorité des pays membres d’un processus de ratification du « Traité simplifié » par voie parlementaire révèle la méfiance que les dirigeants européens ont en leurs populations.

Lorsqu’en 2005, l’idée même de constitution avait été abandonnée, les dirigeants feignaient avoir compris le sens du double-refus : la construction européenne est incomprise et trop abstraite pour les citoyens. Dans son programme présidentiel, Nicolas Sarkozy promettait de relancer l’Europe.

«Beaucoup d’Européens ne comprennent pas la façon dont on construit l’Europe»

A deux semaines de la présidence française de l’Union Européenne, rien n’a changé, les craintes restent les mêmes. «L’Europe, ça été vécu pour protéger, et tant d’Européens pensent que l’Europe, ça inquiète. À nous d’en tenir compte, pas dans six mois, tout de suite», expliquait récemment Nicolas Sarkozy. Comme s’il prenait à peine conscience du phénomène. Et le président français d’ajouter : «Beaucoup d’Européens ne comprennent pas la façon dont on construit l’Europe en ce moment. Il faut qu’on en tienne compte très rapidement et qu’on change notre façon de faire l’Europe. L’idée européenne, on n’a pas le droit de la saboter, mais il faut qu’on fasse différemment.» Différemment. Autrement qu’avec le couple franco-allemand en tête ? De nombreux observateurs attribuent ce nouvel épisode à la faille du couple, pourtant pierre angulaire de la construction européenne depuis ses débuts.

RTEmagicC_Logo_priorites.JPG.jpgLe 1er juillet, le chef de l’Etat français prendra la présidence du Conseil de l’Union Européenne pour six mois. Son style arrogant et détonant risque de se confronter aux mœurs nettement plus policées des diplomates bruxellois. Nicolas Sarkozy risque d’appliquer à Bruxelles son style hexagonal : aller vite, être partout, au risque de parfois se contredire. Au programme de cette présidence française intitulée « l’Europe protection », quatre axes de travail : l’immigration, l’environnement, la défense et la PAC (politique agricole commune).

«L’Europe craint les initiatives de Nicolas Sarkozy»

L’immigration, sujet des plus épineux et qui risque fortement de créer des tensions. Sous la houlette du couple Sarkozy-Hortefeux et de Berlusconi, le président du conseil italien, le thème, annoncé comme prioritaire, a été nommé « La gestion globale et concertée des migrations ». Le conflit est ainsi latent entre l’Espagne d’un côté, et la France et l’Italie de l’autre. Toujours dans le cadre de l’immigration, « les 13 et 14 juillet 2008, les 44 pays du nord et du sud de la Méditerranée se retrouveront pour faire le point sur les futurs contours de l’Union pour la Méditerranée. » (touteleurope.fr) Ce projet, cher au président français, ne fait pas l’unanimité à Bruxelles, loin de là.

Autre sujet de discorde, historique celui-là, la politique agricole commune qui, une fois de plus, devrait mettre à jour certaines fractures au sein de l’Union. Nicolas Sarkozy souhaite engager « une véritable refondation en profondeur » de la PAC « sans attendre l’échéance de 2013. » « En marge des thèmes officiels, l’Europe craint les initiatives de Nicolas Sarkozy sur d’autres dossiers sur lesquels ces dernières sorties ont été diversement appréciées : les carburants et le développement durable, ou encore la politique monétaire », est-il ainsi écrit sur le blog politique de fluctuat.

La méthode Sarkozy va s’attaquer à l’Europe. Le non irlandais place d’emblée la France face à ses propres difficultés. Nicolas Sarkozy clamait haut et fort son initiative de relance du processus par le traité de Lisbonne. Quelles suites à l’épisode irlandais ? Les six prochains mois révèleront l’ampleur de l’impasse dans laquelle la construction européenne s’embourbe depuis maintenant trop longtemps.

Démocratie en question

Lundi 4 février, le Parlement français va se réunir en congrès à Versailles afin d’homologuer la révision de la Constitution préalable à la ratification du traité européen de Lisbonne, signé par les 27 le 13 décembre 2007. Celle-ci pourra ensuite intervenir, sous la forme d’un projet de loi dont le vote est prévu le 7 février à l’Assemblée nationale, puis au Sénat.

Le sujet ne fait pas couler beaucoup d’encre tant le résultat semble connu d’avance. En première lecture dans les deux assemblées, ce projet de loi constitutionnelle avait largement reçu l’aval des députés et des sénateurs (304 pour, 77 contre et 100 abstentions le 16 janvier à l’Assemblée nationale, puis 210 pour, 48 contre et 62 abstentions deux semaines plus tard au Sénat.)europe.png
Les défenseurs du « oui », élus UMP et centristes principalement, ne devraient donc pas connaître trop de difficultés à réunir les 3/5 des suffrages exprimés, nécessaires à cette approbation d’autant plus que des divisions sont attendues chez les socialistes.

Volte face présidentielle

Le référendum de 2005, rejeté à 54,68% par le peuple français n’ayant pas eu le gain escompté par les partisans de cette Constitution, les Parlementaires doivent relancer le processus de construction européenne, comme l’a souhaité Nicolas Sarkozy lors de la campagne présidentielle.
Pourtant, le 9 mai 2004, le Président français, alors Ministre des finances, avait affirmé sa volonté de voir l’Europe se construire par le biais du peuple : « Si l’Europe reste la seule affaire des responsables politiques et économiques, sans devenir la grande affaire des peuples, reconnaissons que l’Europe sera, à plus ou moins brève échéance, vouée à l’échec. Bien sûr, l’Europe doit être au service des peuples, chacun peut le comprendre. Mais l’Europe ne peut se construire sans les peuples, parce que l’Europe, c’est le partage consenti d’une souveraineté et la souveraineté, c’est le peuple. À chaque grande étape de l’intégration Européenne, il faut donc solliciter l’avis du peuple. Sinon, nous nous couperons du peuple. Si nous croyons au projet Européen comme j’y crois, alors nous ne devons pas craindre la confrontation populaire. Si nous n’expliquons pas, si nous ne convainquons pas, alors comment s’étonner du fossé qui risque de s’amplifier chaque jour davantage entre la Communauté européenne et la communauté nationale ? »

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Baroud d’honneur des « nonistes »

Depuis, Nicolas Sarkozy a visiblement fait volte face. Il désire que la France, qui prendra la présidence de l’Union Européenne le 1 juillet, soit l’un des premiers Etat-membre à ratifier le Traité. Plus exactement, la France deviendrait le quatrième pays à l’adopter, après la Hongrie, la Slovénie et Malte. Seule l’Irlande, contrainte par sa Constitution, organisera un référendum. L’entrée en vigueur des nouvelles institutions est prévue le 1er janvier 2009.
Les partisans du « non » se sont mobilisés jusqu’au bout afin de défendre leur position. Le Comité pour un Référendum s’est ainsi réuni samedi 2 février à Paris. Au cours d’un meeting à la Halle Carpetier, Jean-Pierre Chevènement s’est insurgé contre ce procédé : « ils se moquent du peuple ». Un sondage CSA, paru dans l’Humanité du dimanche 3 février, montre que 59% des Français souhaitent un nouveau référendum alors que seulement 33% se sont déclarés favorables à la ratification de ce Traité.