Belle toute nue: Voyeurisme de foire « parce que vous le valez bien »

À l’heure où les émissions de relooking sont un peu essoufflées, où mannequins et maigreur sont discrédités, M6 a la solution. La chaîne va plus loin dans le relooking en proposant de remodeler le corps mis à nu, fait dans la « psychologie de comptoir » pour aider de pauvres femmes complexées et lutter contre l’anorexie en présentant des candidates plutôt bien « en chair ». Une adaptation à la sauce française de la série anglaise plus trash « How to look good naked ».

La recette est payante, 3,3 millions de téléspectateurs et 22% de part d’audience selon le site lemediascope [[http://lemediascope.fr/?s=belle+et+nu]].
Il faut dire que ce soir-là, même heure, les Experts désertaient la chaîne concurrente après un match de foot sans intérêt pour laisser place à « Enquêtes et révélations » qui a fait 15,1 % de part d’audience.

Le concept ? Déshabiller des jeunes femmes qui ne se sentent pas bien dans leurs corps, leur dire qu’elles sont magnifiques, leur proposer des sous-vêtements magiques qui écrasent et repulpent ce qui tombe trop. Enfin, les faire poser nues et afficher la photo sur les murs de Paris pour les exposer au regard des autres. Tout ça afin qu’elles regagnent confiance en elles et qu’elles s’assument comme elles sont. Tout un programme.

Pour que la sauce prenne il faut un animateur, plus précisément un coach, phénomène on ne peut plus à la mode.
C’est William Carnimolla, pseudo styliste de Britney Spears et Matt Pokora qui a été choisi. Cliché du type hyper maniéré qui travaille dans la mode, il a l’art de la psychologie et des phrases intelligentes qui rassurent: « Tu es fière d’être une femme? Et bien la poitrine, c’est la femme alors assume la« . Le tout agrémenté de « ma puce », « ma belle », « ma chérie » pour que le message passe mieux. Bref la bonne copine qui dit tout ce qu’on a envie d’entendre mais qui est payée pour le faire.
Comment se passe le casting ? On imagine que les candidates se mettent toutes en sous-vêtements et que les filles sont prises en fonction du nombre de bourrelets, histoire de démarrer l’émission sur les chapeaux de roue. Non, plus sérieusement, écoutons William, alias le coach, sur le site de la chaîne:  » Quand on caste les jeunes filles, on regarde si elles veulent juste être relookées ou si elles ont un vrai complexe. On essaie d’avoir des clientes qui ne se sentent pas belles et à travers la mode, on tente de résoudre leurs problèmes. »[[http://www.m6.fr/html/emissions/belle-toute-nue/index.html]] . Mieux qu’un psy, rien ne semble valoir le pouvoir de la mode !

Le programme fait débat. Oui, ça fait du bien de voir des femmes « normales » à l’écran, des femmes qui nous ressemblent. Mais sous couvert de lutter contre la mode comme véhicule de l’anorexie, l’émission exploite les rondeurs et le mal-être en plus d’encourager un voyeurisme pervers déjà bien utilisé dans la télé réalité.
Si tant est qu’elle permette à la candidate de se sentir bien à travers le regard et les nombreux compliments des passants débriefés à l’avance, l’émission enferme dans une idéalisation qui peut faire tomber de haut. Car soyons honnêtes, Le téléspectateur lambda n’est pas toujours compatissant derrière son écran.
Enfin, comme si décomplexée rimait avec nudité, il faut poser nu et accepter d’apprendre des danses de cabaret vulgaires pour être une femme sans tabou. La pudeur est devenue un complexe. S’assumer, c’est se faire remarquer, se mettre à nu. Une logique implacable.
On se demande aussi si les véritables complexées arriveraient à se déshabiller devant inconnus et caméras.
L’émission ne dit pas si il y aura des « beaux tout nus », histoire de mettre un peu d’égalité entre les voyeurismes.

Le mot de la fin est laissé à l’hebdomadaire Télérama qui résume assez bien le nouveau gagne-pain d’M6. »Déshabillée de ses fameuses justifications malhabiles et fumeuses, l’émission n’est qu’une exploitation nauséabonde du mal être. »

Alors, usez de la zapette!

Ah ben web mais bon

Le pôle 3 des Etats généraux de la presse reprend la réflexion sur le web et les modèles de journalisme qu’il importe. Seulement rien de concret n’en est sorti pour l’instant. Conscients du vide à occuper, les sites web d’information ont pris les devants. Exemples.

« Internet et les nouveaux modèles », s’il est un intitulé qui laisse espérer un vent de renouveau sur la presse française c’est bien celui du pôle 3 des Etats Généraux de la Presse Ecrite. Or, pour l’instant, c’est plutôt calme plat sur la mer numérique. Pas même une légère brise à l’horizon du .com. Certes, la révolution web vient tout juste d’entamer sa marche et les susnommés Etats Généraux ont à charge d’y répondre de la manière la plus adéquate possible, mais à l’heure numérique rien de concret, pas même un remous théorique n’émane du « think tank » présidé par Bruno Patino, l’ex patron du Monde-Interactif. De « visionnaire et reconnue » [Voir son discours inaugural du 2 Octobre]] , la réflexion plébiscitée par Nicolas Sarkozy se cantonne pour le coup à l’invisible et l’indiscernable. Même constat sur la toile, où le roulis règne en maître : quand [Rue 89 se prête au jeu, « sans illusion », MediaPart organise ses propres états généraux. Et, tant craints qu’isolés du débat, les blogueurs tanguent entre l’incrédulité et l’incompréhension la plus totale. Le triste naufrage d’une idée au départ pas si mauvaise : des Etats généraux de la presse pour sauver la presse.

Après plus d’un mois de concertations alambiquées aux aboutissements encore incertains, l’on pourrait penser qu’Internet et ses plumes ne sont pas vraiment les bienvenus aux Etats Généraux de la presse, et l’on aurait presque tort de se priver.

Comme à son habitude, Nicolas Sarkozy n’a pas tourné sept fois son curseur dans sa fenêtre avant « de lâcher son com’ » au discours inaugural du 2 Octobre. Selon le président, « pour le moment en tout cas, la presse numérique ne constitue pas un modèle alternatif rentable ». L’instigateur des Etats Généraux critique par ailleurs, comme l’avait fait Danièle Giazzi l’auteure du rapport éponyme avant lui, « le respect incertain de la propriété intellectuelle ainsi que le risque de relâchement de la qualité de l’information », supposés symptômes d’un world wide web fourre tout. Entre autre chose, le fait que les éditions électroniques de journaux proposent sans frais les archives du support papier n’est pas pour aider au constat déjà bien terne de l’Elysée. Des sites officiels qui participent à « leur propre concurrence pour rien » et une gratuité qui « aggravent les problèmes», bien loin d’enfoncer les portes le bilan présidentiel ferme les fenêtres.

C’est un fait, Nicolas Sarkozy ne croit pas, et ses amitiés propriétaires de la presse française non plus, au média Internet. Minoritaire, jugé impropre à une information de qualité et surtout inadapté aux logiques de rentabilité d’une entreprise de presse, le média numérique représenterait aux yeux du président « un espoir (…) mais aussi beaucoup de menaces ».

Alors, la réflexion sur le net n’est-elle pas à chercher du côté du banc des accusés, le net lui-même ? Car, sauf en de rares exceptions (Télérama, plus récemment Marianne et Le Parisien), la presse papier apparaît bien incapable de réfléchir posément aux Etats Généraux ainsi qu’à l’avenir de la presse qu’ils dessinent. Ce n’est un secret pour personne, les sites d’information n’en sont encore qu’à leurs balbutiements. Ses égéries, à l’instar du Monde Numérique, seraient bien en mal de survivre sans le support alimentaire des médias papiers, audiovisuels en plus de l’aide « substantielle » des agences de presse. A cet égard, Rue 89 et MediaPart ont pour ainsi dire un clic d’avance. Information gratuite, payée par la publicité et la conception de sites web d’une part, journal numérique pour abonné de l’autre, les deux sites d’information exclusivement webienne incarnent deux alternatives économiques créatrices. Partis de rien si ce n’est leur nom, leur savoir faire et l’envie de réussir là où les médias traditionnels (qui les ont formés) ont échoué, Rue 89 et Mediapart : deux médias professionnels, deux exemples à la rentabilité encore à prouver d’un possible autre choix que celui proposé par Nicolas Sarkozy. Celui des grands groupes appuyés sur les agences de presse [[Recommandation 9 du Rapport Giazzi : Doter l’Agence France Presse d’un statut et d’une
direction pérennes, soutenir son projet numérique. Danièle Giazzi estime en outre qu’il « il est indispensable de renforcer le rôle de l’AFP (…), cette institution joue un rôle central et prééminent dans la qualité de l’information diffusée par les médias français.»]] et la notion de « marque » exportable d’un média à l’autre. Car dans les rédactions de ces tout jeunes médias, tous les rédacteurs ou presque accusent d’une certaine expérience dans les médias traditionnels. Un milieu formateur, qui, semble-t-il, ne répond plus à leurs attentes fondatrices, celles que l’on se forge sur le terrain et que l’on inculque normalement dans les écoles sans jamais s’en défaire : l’objectivité d’abord, l’anticonformisme ensuite, l’information avant tout.

Ces médias uniquement internet, comparables à Bakchich et Arrêt sur Images, le Rapport Giazzi déposé en septembre dernier sur le bureau du président de la république compte bien leur apporter une aide financière méritée. Celle dont jouissent les médias traditionnels et leurs sites web depuis plusieurs années déjà [[Recommandation n°5 du rapport Giazzi : Élargir les aides de la commission paritaire aux nouveaux supports d’information, extension du régime de TVA réduite aux publications uniquement Internet.]] . Un juste retour des choses voire un rééquilibrage dira-t-on. Car, si l’est des journaux qui informent, qui ont du moins tenté de le faire durant la tenue des Etats Généraux de la Presse, ce sont bien les médias Internet (nous vous invitons à ce titre à découvrir le site norovision.fr qui développe une analyse des médias des plus pertinentes). Au risque, comme ce fut le cas pour Arrêt sur Images, de s’en voir exclu.

Ce qu’il en ressort pour l’internaute lambda? Pas grand-chose de gratuit en tout cas. Débourser quelques euros pour connaître le futur de la presse, c’est parfois cher payé mais actuellement la seule option possible devant l’insuffisance du milieu en matière d’autocritique.

Débat alternatif : peut-on refuser de serrer la main du Président de la République

« Casse-toi alors pauvre con ». Quand le Président de la République dérape, Internet saisit le buzz au bond et éclabousse l’opinion publique. La vidéo circule à vitesse grand V alors l’Elysée envoie son équipe ministérielle au créneau pour laver l’affront. L’opposition charge de son côté et s’offusque de l’altercation. L’affaire aurait pu se tasser mais quelques jours plus tard, une jeune esthéticienne esquive la main tendue du chef de l’Etat à un moment où Nicolas Sarkozy est au plus bas dans les sondages.
Haut Courant lance son débat alternatif : peut-on refuser de serrer la main du Président de la République? Est-ce l’homme ou la fonction qui était visée?

Les municipales doivent-elles être un enjeu national?

Chaque semaine, la rédaction d’Hautcourant ouvre et prolonge un débat sur un sujet qui fait l’actualité. Grâce à vos commentaires, vous pouvez aussi participer. Ce premier débat concerne la problématique des municipales : enjeu local ou national?

Comme lors des régionales 2004 remportées par la gauche, la question de la politisation nationale d’un scrutin local se pose. Deconfite après les échéances nationales de 2007, la gauche appelle de nouveau au vote sanction à l’encontre du président Sarkozy. La droite de son coté, troublée par la baisse dans les sondages du chef de l’Etat, veut relativiser et faire de ce scrutin, un vote uniquement local. Sa position était différente lorsque l’exécutif connaissait une cote de popularité plus élevée et que Nicolas Sarkozy lançait lui-même la campagne.

Un vote local avant tout, par Nicolas Chapelle

« Le vote municipal doit être local. Considérer qu’il s’agît d’un vote national équivaut à ramener la politique locale au rang de la gestion. C’est absurde, que l’on vive dans une grande ville, ou dans un village reculé. C’est nier l’existence de particularités locales. Évidemment, la construction stato-nationale française s’est faite sur le schéma d’un centre annexant une périphérie, et la république s’est construite avec pour seul mot d’ordre l’universalisme. Mais qui est dupe aujourd’hui?

Faire de ce vote une sanction nationale, c’est se dispenser du débat sur les enjeux locaux. Or, C’est en premier lieu au niveau local que se posent les questions du logement, de l’emploi, de la formation, de l’environnement, des transports, et au-delà : du cadre de vie.

Si l’enjeu de ce vote est national, alors, on considère que les instances locales sont strictement techniciennes. C’est à la fois irréaliste et dangereux. Irréaliste parce que c’est omettre les marges de manoeuvre des humains et groupe d’humains. Dangereux parce que les seuls états qui nient ces marges de manoeuvres sont les états totalitaires.

Nous avons dans un passé proche, constaté un vote local sanction de la politique nationale. En 2004, toutes les régions à l’exception de l’Alsace étaient passées à gauche. Que s’était-il passé ensuite? Une démission du premier ministre? Non. Une dissolution de l’Assemblée Nationale? Non plus. Un simple remaniement ministériel. Penser que l’on peut infléchir une politique nationale par un vote local c’est se perdre dans les méandres du système politico-administratif français. Le gouvernement n’est responsable ni devant les maires, ni devant les présidents de régions. Il l’est devant le parlement. Jusqu’à nouvel ordre, les deux se situent actuellement plutôt dans le même camp.

Enfin, jouer la carte du vote nationale dimanche, c’est nier la dynamique européenne. Les partenariats entre l’Europe, les régions, et les villes (ou intercommunalités) se multiplient, et se passent le plus souvent de l’échelon national. C’est d’ailleurs le poids de l’Etat en France qui freine ces partenariats par rapport à ce qui peut se passer en Espagne ou en Allemagne. »

Un enjeu national, par Julien Ginoux

 » Je m’engagerai parce que le concept même d’élections dépolitisées est absurde  » affirmait Nicolas Sarkozy lors de sa conférence de presse, le mardi 8 janvier. Deux semaines plus tard, le 22 janvier en déplacement à Pau, face à la mauvaise tournure prise par les sondages et l’effritement de sa cote de popularité, le président déclarait  » je ne veux pas me mêler du détail des municipales « . Ce recul tactique a été approuvé par des maires UMP sortants, inquiets de voir que l’impopularité naissante du président allait polluer leur propre campagne.

Un an après la victoire de Nicolas Sarkozy et de la droite aux élections présidentielles et législatives, et comme il en a toujours été dans le passé, ces élections seront le premier grand test électoral. Souvenons-nous des trophées de la gauche aux municipales de 1977 préfigurant la victoire de François Mitterrand en 1981 ou de la déconvenue de cette même gauche en 1983.
Stratége politique oblige, on perçoit, depuis plusieurs semaines, la volonté du gouvernement et du président de ne pas donner une dimension nationale à ce scrutin local avant d’avoir connaissance des résultats. Elles seront politisées si la droite obtient une large majorité des maries. En revanche, en cas de revers, elles seront purement locales.

Le président de la République souhaite bénéficier sur le plan local de la même domination que sur la scène nationale. Ainsi, considérer les élections municipales comme un enjeu national, c’est aussi considérer l’importance des exécutifs locaux et de leur fonction de contre-pouvoir.

Certes, les élections de dimanche célèbrent les particularismes locaux et honorent les 36 782 communes de France. Elles permettent notamment dans les villages, l’instauration de débats contradictoires sur des thèmes qui font le quotidien des habitants. Mais les élections municipales ne peuvent être déconnectées des enjeux nationaux. Il est difficile de concevoir qu’une commune puisse être en mesure d’établir des politiques relatives au logement ou à l’emploi indépendamment des instances politiques nationales.

Et la constitution rappelle ce fait. La majorité des grands électeurs qui élisent les sénateurs sont des élus municipaux, ainsi le mode de scrutin de cette assemblée parlementaire donne une dimension nationale au scrutin municipal.