SEANCE DU JOUR #4 – Dede, le carcan des traditions

Après le court métrage Dinola, Mariam Khatchvani revient au Cinemed avec une version long métrage. Une fresque poignante des sociétés traditionnelles géorgiennes.

Le Cinemed aime accompagner les jeunes cinéastes. C’est le cas de la réalisatrice de 31 ans, Mariam Khatchvani. Avec Dede, présenté en avant-première française, elle nous embarque au plus profond de la Géorgie, où les mariages forcés sont toujours monnaie courante.

Petit village de Svanétie, au nord-ouest de la Géorgie, dans les monts du Caucase. La religion et les rîtes spirituels règnent en maîtres, « tout est la volonté de Dieu ». 1992, les hommes reviennent de la guerre. Nous suivons l’histoire de la jeune Dina, promise à David par son grand-père, « C’est le meilleur parti du village ». Elle ne l’aime pas, « On ne peut pas se forcer à aimer ». Elle est amoureuse de Gegi, le frère d’armes de David. Mais dans une région où la tradition permet aux hommes d’enlever leur future épouse, « Une femme n’a pas son mot à dire ». Dina s’obstine et parvient à fuir le destin que lui impose la société patriarcale, elle devient mère (Dede). Mais ce destin n’aura de cesse de lui revenir en pleine figure, « on ne peut rien y changer c’est la tradition ». Dans des villages où même certaines femmes entretiennent l’ordre établit, c’est finalement le prêtre qui se montre le plus progressiste.

Primée au Cinemed en 2013 pour Dinola, point de départ du scénario de Dede, Mariam Khatchvani signe là un premier long métrage puissant et instructif. Présenté en compétition officielle pour l’Antigone d’Or, le film dépeint avec justesse et dans une certaine lenteur, le poids des traditions ancestrales qui pèsent sur les femmes et qui régissent la société géorgienne. Des femmes souvent sacrifiées au nom de la paix sociale, « il faut que tu restes sinon le sang coulera entre nos familles », et des hommes qui « ont soif de sang ».

Dede, c’est l’histoire de la grand-mère de la réalisatrice. C’est aussi l’histoire, toujours actuelle, de sa région natale, que Mariam Khatchvani décrit comme « un coin de paradis, malgré les conditions difficiles ». La cinéaste a d’ailleurs tourné avec les vrais villageois sur place, « Dina représente le peuple ». Des villages isolés du monde, où il neige la majeure partie de l’année. Des populations repliées sur leurs croyances et leurs rîtes, qui permettent d’entrer en contact avec les ancêtres et soigner les malades. Mariam Khatchvani est elle-même très attachée à ces rituels, « j’y crois vraiment », confie-t-elle. Elle a d’ailleurs débuté son tournage durant la semaine des esprits, afin que celui-ci se déroule sans accrocs.