Des collégiens à la découverte du dessin de presse

« À quel âge, vous avez commencé à dessiner ? », « Vous connaissez des dessinateurs en prison ? », « Combien de dessinateurs il y a dans le monde ? »… 18h30, jeudi dernier, dans l’amphithéâtre de Pierres Vives, à Montpellier, les enfants interrogent les 29 dessinateurs de presse présents à l’occasion de la première édition du festival Hérault Trait Libre. Du 15 au 17 novembre, les dessinateurs du monde sortent de leur bulle, une occasion rêvée pour expliquer le rôle du dessin de presse.

« Si on m’avait tout expliqué avec des images à l’école, j’aurais tout pigé ! », Plantu

L’un des enjeux du festival du dessin de presse est de faire que « les dessinateurs rencontrent le public » explique Plantu, le célèbre dessinateur du Monde. Au programme des festivités, un thème rassembleur : l’eau. Mais, au-delà de ce thème universel, les organisateurs mettent un point d’honneur à expliquer le dessin de presse. Alors quand il faut sensibiliser, c’est dès le plus jeune âge. Ainsi pour l’inauguration du festival de nombreux enfants sont présents. Visite de l’exposition «Lignes d’eau »[[L’exposition reste ouverte au public jusqu’au 28 février 2013 à Pierresvives]] et conférence-débat sont menu du jour.

Après la visite, Plantu ouvre la séance dans l’amphithéâtre. Il insiste sur le rôle essentiel du dessinateur et de l’image pour comprendre la société : « Le rôle du dessinateur est de dessiner tout ce qui se passe pour provoquer un débat. Si on m’avait tout expliqué avec des images à l’école, j’aurais tout pigé ! »

Dans l’assemblée, douze élèves du collège les Escholiers de la Mosson sont présents. S’ils ont préparé leurs questions en classe, ils ne manquent pas une occasion pour prendre la parole. Cette rencontre est l’aboutissement d’un travail suivi : « on a été invité il y a un mois par Pierres vives, plusieurs rencontres ont été organisées avant le festival et mardi dernier les élèves ont dessiné sur le thème de la journée de la gentillesse avec le dessinateur Wingz » précise Denis Tuchais, leur professeur documentaliste.

« Ce qui compte c’est le message », Aurel

Contrairement à ce qui se fait dans une salle de classe, les élèves sont invités à se lever quand bon leur semble pour venir dessiner. En effet, chacun peut s’exprimer en direct sur un écran d’ordinateur relié au grand écran de l’amphithéâtre. Alors que quelques-uns n’osent pas et s’inquiètent de ne pas savoir dessiner, Kap, dessinateur Catalan, intervient: « la première chose, c’est de penser. Alors tout le monde ici est dessinateur ». Aurel, dessinateur Montpelliérain, ajoute que «même si vous dessinez des bonhommes en bâtons, c’est bon. Ce qui compte c’est l’idée que l’on veut faire passer, le message ».

Entre les dessinateurs et les élèves le courant passe bien. Très bien même, Kroll, caricaturiste bruxellois, décide d’inverser les rôles et pose à son tour une « qui s’est déjà fait punir par un professeur car il dessinait en classe ? ». Une dizaine de jeunes se lèvent dans l’assemblée, des rires éclatent dans la salle, les professeurs esquissent un sourire. Et Kroll renchérit : « moi, ça m’arrivait souvent, désormais je dessine en direct le dimanche à la télévision pendant les débats, comme quoi j’ai montré à mes professeurs que l’on pouvait dessiner en écoutant ». À ces mots, les enfants applaudissent.

Chacun y va de son mot d’humour pour encourager les enfants à s’exprimer. À Kroll de conclure : « tous les enfants dessinent, c’est juste que certains s’arrêtent! »

Le Canard croque la Vème République

Le dessinateur Cabu et l’un des anciens rédacteurs en chef du Canard Enchaîné Jacques Lamalle donnaient une conférence à Montpellier mercredi 26 novembre. Ils s’étaient déplacés pour présenter l’ouvrage « Le Canard Enchaîné : la Vème République en 2000 dessins », publié en octobre dernier. Avant le débat : séance d’autographe.

Les dessins au Canard

La satire de la Vème République pèse 650 pages et non moins de 4,5 kilos. C’est un minimum, car il y a de quoi dire. La Conférence-débat commence à 18h. Cabu est encore attablé dans le coin des dédicaces. C’est alors Jacques Lamalle qui ouvre le débat, auprès de Didier Thomas Radux du Midi Libre, qui anime la rencontre, et de Man, dessinateur pour ce même journal. Le Canard Enchaîné, c’est une douzaine de dessinateurs. Pour l’ancien rédacteur en chef, il y a eu de bons clients comme « le Grand Charles » (de Gaulle), Giscard, et aujourd’hui « le petit nerveux » (Nicolas Sarkozy). De Gaulle était aussi bon lecteur. Comme le rappelle J. Lamalle, le Général avait coutume de demander : « Que dit le volatile cette semaine ?« . Mais la meilleure vente date d’octobre 1979. Le journal révélait l’affaire des diamants de Giscard [[Cette affaire mettait en cause Valery Giscard d’Estaing lorsqu’il était ministre des finances au début des années 1970. Il aurait reçu du président centrafricain des plaquettes de diamants d’une valeur d’un million de francs. L’affaire est révélée par le Canard Enchaîné.]] Plus d’un million d’exemplaires sont vendus.

Le coeur à gauche

Jacques Lamalle le concède. « On a le coeur à gauche… Mais nous ne sommes pas encartés« . Fouillant dans sa mémoire, il revient sur l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981. « Nous étions contents. Puis, soudain, nos sources ne parlaient plus« . Finalement, un Canard Enchaîné complaisant n’a pas lieu d’être. Au delà des clivages politiques, l’ancien rédacteur en chef résume : « Notre vocation est d’être dans l’opposition, plutôt que du côté de la majorité au pouvoir« .


Il est 20h, Cabu n’a pas rejoint la conférence. La foule devant la table des dédicaces s’est dissipée trop tard. Pas le temps de lâcher son crayon. Il file vers la sortie, lançant un baiser en guise de mot d’excuse…

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