Dilma Rousseff, première femme présidente du Brésil

Les sondages du second tour la donnaient gagnante avec plus de dix points d’avance sur son adversaire José Serra du Parti de la Social Démocratie Brésilienne (PSDB). Avec 56 % des voix, Dilma Rousseff, 62 ans, candidate du Parti des Travailleurs (PT), a été sans surprise élue dimanche 31 octobre à la tête de la huitième économie mondiale.

L’ambiance était à la fête dans le camp de Dilma Rousseff dimanche soir. Avant même la proclamation des résultats par le Tribunal Électoral Supérieur, les sondages de sortie des urnes assuraient à la candidate de Lula de l’emporter. Les différents fuseaux horaires qui traversent le pays ayant différé les dépouillements d’un État à l’autre du Brésil, c’est tard dans la soirée que la victoire du PT a été annoncée.

Lula a donc réussi le pari fou de faire élire, grâce à sa propre popularité, son ancienne ministre, une femme méconnue du public qui n’avait jamais affronté les urnes. Au détriment de José Serra, 68 ans, candidat de l’opposition qui avait pendant un temps espéré emporter ces élections et qui n’obtient que 44 % des voix au second tour.
Candidat malheureux de l’élection présidentielle de 2002 face à Lula, Serra avait démissionné de son poste de gouverneur de Sao Paulo pour pouvoir se présenter cette année. Crédité d’une certaine avance par les sondages avant le premier tour, le candidat du PSDB avait déchanté lorsque la tendance s’était inversée au profit de la candidate du PT, soutenue par la forte popularité de Lula.

Le programme de Dilma Rousseff s’inscrit dans la continuité de la politique de son mentor.
Elle l’a d’ailleurs réaffirmé dimanche soir à Brasilia dans son premier discours.
Elle s’assurera de pérenniser le développement économique de son pays et la mise en place de mesures sociales en faveur des plus démunis, les deux domaines de réussite de Lula.
Rousseff a également ajouté qu’elle améliorait les infrastructures, une nécessité pour un pays qui accueillera la coupe du monde de football et les jeux olympiques d’été dans les années à venir. La réforme de l’éducation, point noir de la gouvernance Lula, sera aussi une priorité.

Dilma Rousseff doit maintenant former son gouvernement, son mandat de quatre ans débutera le 1er janvier 2011, date de passation des pouvoirs entre Lula et sa dauphine.

Dilma Rousseff, future présidente du Brésil ?

Le 31 octobre prochain aura lieu le deuxième tour des élections présidentielles du Brésil. Elles opposent Dilma Rousseff, candidate du Parti des Travailleurs (PT) à José Serra, candidat du Parti de la Social Démocratie Brésilienne (PSDB). Donnée gagnante au premier tour des scrutins, la candidate du PT doit finalement affronter les urnes à nouveau, pour mieux l’emporter ? Décryptage.

Les 136 millions d’électeurs brésiliens ont encore quelques jours pour évaluer les programmes électoraux des deux candidats en lice pour les présidentielles.
Soutenue par l’estimé Président Luiz Inacio Lula da Silva, Dilma Rousseff, 62 ans, va peut-être accéder à la fonction suprême sans n’avoir jamais accompli de mandat électoral.
Avec 46,9% des voix obtenues au premier tour devant le social démocrate (PSDB) et ex-gouverneur de Sao Paulo, José Serra, qui a recueilli 32,6% des suffrages, la candidate reste la favorite du second tour.

Voter Dilma c’est voter Lula

Ayant atteint le quota maximum de deux mandats consécutifs fixé par la Constitution, Lula a mis sa popularité au service de Dilma Rousseff.
Cette dernière, ancienne chef de la maison civile (équivalent du premier ministre), a pu sortir de l’ombre pour affronter pour la première fois l’épreuve des urnes.

Cependant, l’appui de Lula ne serait pas désintéressé puisqu’il resterait dans les coulisses du pouvoir.
Pour beaucoup, il vivrait le mandat de Dilma Rousseff comme une transition avant les élections présidentielles de 2014. Il pourrait briguer un troisième mandat, fort de la continuité politique assurée par sa protégée.
L’actuel Président avoue ainsi vouloir faire corriger par sa candidate les erreurs commises lors de sa présidence, pour qu’elle réussisse là où il a échoué.

Dilma Rousseff entend, quant à elle, poursuivre la politique de l’actuel Président. Un mélange de pragmatisme économique et d’interventionnisme social qui a porté ses fruits puisque le pays est en plein essor économique.
Quasi inconnue de l’opinion publique il y a un an, elle était pourtant présente dans les différents gouvernements de Lula depuis 2003. Rousseff, compétente et autoritaire, était surnommée la « dame de fer ».
Toutefois, l’ancienne guerillera a su gommer son austérité et lisser son image à coup de marketing électoral. L’opposition a d’ailleurs raillé ce changement d’attitude mais aussi d’allure, la candidate du PT étant présentée comme une marionnette façonnée par son mentor. Ses capacités techniques en matière d’économie et d’énergie ne suffisant pas semble-t-il à pallier son manque de charisme.

Le bilan de Lula à double tranchant

Si la dauphine de Lula doit sa bonne place dans les sondages à la popularité du Président sortant, elle hérite des dossiers qui demeurent les bêtes noires du gouvernement actuel.
Fernanda, étudiante brésilienne qui vit à Paris, suit de loin les débats de son pays natal, non sans avoir un avis sur la question. Elle estime que si Dilma Rousseff n’a pas connu le plébiscite annoncé par les sondages, c’est en raison du bilan mitigé de Lula. Celui-ci aurait ainsi fait émerger la candidate verte Marina Silva avec près de 20% des suffrages au premier tour.

Fernanda pointe surtout du doigt les lacunes de la présidence Lula en matière d’éducation, opinion partagée par le journaliste Gustavo Ioschpe du journal « Veja » cité par « Courrier International ». La réforme de l’éducation est en effet prioritaire de par son rôle déterminant dans le développement d’un pays émergent.
Selon l’étudiante, la popularité de Lula est basée sur des mesures sociales de court terme, comme les crédits à bas taux ou les bourses qui poussent les parents à scolariser leurs enfants.
De ce fait, l’éducation, l’écologie, les réformes fiscales, agraires et institutionnelles sont autant de dossiers qui ont connu des carences gouvernementales.

Un second tour chahuté

Le candidat social démocrate, José Serra, bénéficie avec ce second tour d’une chance de refaire son retard. La candidate verte Marina Silva étant résolument neutre, il peut de nouveau espérer renverser la tendance.
L’enjeu de ce second tour prend donc des allures de bras de fer entre Serra et Rousseff. Le report des vingt millions de voix recueillis par la candidate écologiste est convoité par les deux candidats.

De plus, Dilma Rousseff a dû aussi faire face à diverses polémiques. La candidate s’était déclarée favorable à la légalisation de l’avortement, sujets sensibles dans un pays à majorité catholique.
Des groupes de pression religieux ont mené une offensive qui a finalement fait reculer la candidate. Dans une lettre aux églises, celle-ci a dû s’engager à ne pas prendre des mesures contraires aux principes de l’Eglise, comme la légalisation du mariage homosexuel ou de l’avortement.
Cette pratique n’est en effet permise que dans les cas où la santé de la mère est en jeu, ou s’il y a eu viol.

Par ailleurs, Rousseff a dû également composer avec les alliés de circonstance du Parti du Mouvement Démocratique Brésilien (PMDB), en acceptant Michel Temer sur sa liste.
Le personnage est sujet à controverses pour ses lacunes en économie et son éthique douteuse, qui l’a récemment impliqué dans deux enquêtes pour corruption. Un délit qui avait déjà entaché la campagne de Dilma Rousseff lorsque la chef de la maison civile qui lui avait succédée avait été mise en cause avant de donner sa démission.

Les derniers sondages semblent donner raison aux efforts de la candidate de Lula en la créditant d’une avance de dix points sur son adversaire. Toutefois les études d’opinion ne font pas les élections, en témoigne l’expérience du premier tour. En quelques jours, tout peut encore basculer.