Les scandales de pédophilie ébranlent l’Eglise

L’Église est–elle victime d’une campagne de dénigrement ? Le pape Benoit XVI est–il suffisamment engagé dans la lutte contre la pédophilie ? Peut-il mettre fin à la culture du secret ? Le mariage des prêtres est-il une solution ? Autant de questions qui nous torpillent l’esprit. C’est dire, le Pape doit avoir le moral dans les chaussettes depuis l’éclatement d’une série d’affaires de pédophilies à travers le monde. Et ce fut un week-end pascal particulier pour le Vatican secoué par ces scandales à répétition.

Le 3 avril, le prédicateur du Vatican a fait une gaffe : il a rapproché les attaques contre le pape et l’antisémitisme. Le 4 avril, le doyen des cardinaux a lancé un message de soutien au pape. L’archevêque de Paris, Mgr Vingt-Trois dénonce une « campagne de dénigrement » contre le pape. Mais, l’Église n’a t-elle pas des choses à se reprocher ?

Le mea culpa de Mgr Jacques Gaillot sur l’accueil d’un prêtre pédophile

Le 5 avril dans les colonnes du Parisien Mgr Jacques Gaillot, ancien évêque d’Evreux, reconnaît avoir accueilli dans son diocèse, dans les années 1980, un prêtre coupable d’actes pédophiles. Ce, expliquant qu’«à l’époque, l’Eglise fonctionnait ainsi».«On rendait service. On vous demandait d’accueillir un prêtre indésirable et vous l’acceptiez. C’est ce que j’ai fait, il y a plus de vingt ans. C’était une erreur», confie Mgr Gaillot.

En 1987, l’Eglise avait autorisé un prêtre canadien, Denis Vadeboncoeur, a exercé en France alors qu’il avait été condamné à 20 mois de prison au Canada en 1985 pour de multiples faits de pédophilie. Mgr Jacques Gaillot, au courant de ces faits, l’avait pourtant nommé en 1988 curé et vicaire épiscopal, le mettant en contact avec des enfants dans l’ouest de l’Eure. Ainsi, Denis Vadeboncoeur a été condamné en 2005, par la cour d’Assises de l’Eure, à 12 ans de réclusion criminelle pour viols d’un mineur, commis entre 1989 et 1992. Au cours du procès, Mgr Gaillot avait déjà exprimé des regrets. Aujourd’hui, il assure que «dans l’Eglise, les choses ont changé. Maintenant, on s’en remet à la justice. On sort peu à peu de cette culture du secret».

Le 5 avril, le pape a pris la parole : « les prêtres doivent être des messagers de la victoire sur le mal ». Il assure que «dans l’Eglise, les choses ont changé».

Pour avoir quelques réponses, HautCourant est allé à la rencontre de deux spécialistes : Odon Vallet, historien des religions et créateur de la Fondation Vallet, venant de publier Les enfants du Miracle aux éditions Albin Michel, et Bernard Lecomte, journaliste et écrivain qui vient de publier un livre ô combien promontoire intitulé Pourquoi le Pape a mauvaise presse aux éditions DDB. Dans son dernier ouvrage, ce dernier se pose plusieurs questions : pourquoi le pape, chef spirituel d’un milliard de croyants, est-il si mal traité par les médias ? Pourquoi Benoit XVI est-il aussi impopulaire dans le pays qui fut naguère la «fille aînée de l’Eglise» ? Est-ce du à son manque de charisme, comparé à son prédécesseur ou est-ce du à ses récentes fautes de communication : discours de Ratisbonne, affaire Williamson, drame de Recif, condamnation du préservatif ?

Et si le mariage des prêtres était la solution ?

Le célibat des prêtres et la culture du secret sont responsables de tous les maux de l’Eglise

Odon VALLET

«Le sexe est un sujet tabou dans l’Eglise. Est-ce que le prêtre n’est pas de faiblesse comme tout le monde ? Le prêtre était vu pendant longtemps comme étant infaillible. Et, d’un coup, on apprend tout ces monstruosités. On voit des prêtres alcooliques. Seul, le pape peut dire :  » j’autorise les prêtres à se marier » mais c’est impossible, ce serait un bouleversement.

Il y a aussi le droit : l’Eglise est régie par le droit catholique, le dernier code date de 1983.
Si le Vatican dit : nous ne pouvions pas juger des prêtres, c’est vrai. Le droit canon a vécu et il faut le réformer. On peut se demander ce qui se cache dernière chez certaines personnes qui veulent devenir prêtre. C’est minoritaire mais ça existe.
»

Bernard LECOMTE

«Le pape est traité d’obscurantiste. Les catholiques peuvent se demander si tout cela n’est pas de trop. Le Vatican a un fonctionnement archaïque, et ce n’est pas à l’Eglise de suivre les médias. Le pape doit vaincre la culture du secret, l’Eglise doit être plus transparente.

Pendant des siècles l’Eglise, comme toutes les institutions, traitaient cela en interne. Il y a la sacralisation de l’enfant. Puis, la judiciarisation de la société a poussé l’Eglise à abandonner l’omerta. Dès lors, on ne peut plus garder cette confusion. Il y a un motu proprio qui date de 2001. Rien n’est simple, il ne faut prendre ce sujet à la légère».

L’Eglise peut-elle se relever ?

«Elle va se faire mais cela va prendre du temps.»

Noël : Une liturgie à multiple facettes pratiquée par des catholiques montpelliérains

Depuis le 28 Novembre, les fidèles ont débuté une nouvelle année chrétienne. Durant trois dimanches, dominicains, carmes et paroissiens célèbrent l’attente de la naissance du Christ.

Les deniers de l’Eglise sont « un devoir de justice »

En pleine campagne des deniers de l’Église, le père Noël Saignes, de la paroisse de Lunel, dans l’Hérault, revient sur la nécessité de donner.

Que sont les deniers de l’Église ?

Les deniers permettent à un diocèse de donner un salaire aux prêtres, ainsi qu’aux quelques permanents laïcs qui s’occupent de l’Église. La campagne débute aux alentours des Rameaux (la semaine avant Pâques). La participation reste libre mais il s’agit d’un devoir de justice, car il faut payer les gens qui animent la paroisse, ainsi que les prêtres retraités. Notre objectif est humain et spirituel, nous n’avons pas vocation à faire tourner une affaire, mais nous avons besoin d’équipements et d’argent pour accompagner la vie spirituelle des fidèles.
J’aime la citation de De Bacciochi, un théologien, qui disait : «la conviction va jusqu’au portefeuille compris.»

Comment procédez-vous ?

De deux manières : les donateurs de l’année précédente sont réinvités par courrier. Pour les autres, nous rappelons au cours des messes la possibilité de donner et invitons les gens à se procurer les enveloppes qui expliquent la procédure. Il faut le rappeler, car certains utilisateurs de l’Église oublient que c’est à eux de la faire vivre. Pourtant, 80 % des gens demandent un enterrement à l’Église, et nous avons plus de mariages prévus que l’année dernière. En moyenne, nous recevons 144 € par an et par donateur dans le diocèse de l’Hérault. Il y a un diocèse par département.

En quoi les deniers sont-ils différents de la quête ?

La quête n’a pas le même but. La quête « classique » sert à entretenir les lieux de culte. Certains éléments coûtent gement de la sono, ou la création d’un local pour les jeunes. Il faut rajouter les bulletins mensuels, le nettoyage, etc. Nous ne recevons aucune subvention de l’État ni du Vatican. La municipalité assure le maintien de l’édifice « hors d’eau », ainsi que l’entretien de l’orgue, seul monument histo- rique mobilier de la ville (il da- te du XIXe siècle). Tout le reste nous incombe. Une partie des quêtes exceptionnelles (mariages, enterrements, baptêmes) est réservée au diocèse, et une autre sert à compléter les salaires des prêtres. Une fois par mois, la recette de la quête va au diocèse pour une cause précise. Nous ne faisons pas de bénéfices.

Vous avez 69 ans et officiez depuis 44 ans, n’avez-vous pas peur pour votre retraite ?

Non, quand on met les gens devant leurs responsabilités, ils se montrent très généreux. Même si le nombre de dona- teurs n’augmente pas beau- coup, les gens donnent plus, ils ont conscience de l’impor- tance de leur participation et l’augmentent en conséquence. On suggère aux gens de donner l’équivalent de deux ou trois jours de travail. Je pense que c’est un miracle qu’une institution comme l’Église tienne, alors que rien n’est obligatoire. Les gens demeurent motivés.

Salaires de curés (dans l’Hérault

Malgré les difficultés que rencontre l’Église dans le renouvellement de ses effectifs et la désaffection des fidèles, les finances se portent plutôt bien à Lunel. Si les prêtres perçoivent un salaire mensuel de 860 € dans le diocèse de l’Hérault, composé à la fois des dons des deniers (environ 450 €) et des quêtes exceptionnelles (mariages, baptêmes, enterrements) récoltées par la paroisse, les permanents laïcs touchent 10 % de plus que le SMIC.

Les dons ont augmenté ces dernières années. En 2002, la paroisse de Saint-Philippe-du-Vidourle, qui comprend Lunel et 5 autres communes, de Marsillargues à Saint-Nazaire-de-Pezan, a récolté 35 000 €. En 2007, elle a engrangé plus de 55 000 € des dons du denier. Soit une augmentation de 58,12 %. Ces sommes, mutualisées au niveau du diocèse afin de compenser les paroisses « moins généreuses », s’avèrent nécessaires à la subsistance des 200 prêtres en activité, des 66 retraités et des 50 laïcs qui s’occupent de l’administration et assistent les religieux. Le père Saignes reçoit moins d’argent depuis qu’il a atteint 65 ans (il a aujourd’hui 69 ans) car il perçoit une retraite de la caisse nationale des cultes. L’âge officiel de la retraite des prêtres est fixé à 75 ans, mais des aménagements sont possibles à l’approche de cette échéance, comme un service allégé.

Si le salaire des prêtres est exclusivement assuré par les dons aux deniers, seulement 9 % des catholiques font preuve de générosité. Dans l’Hérault, la moyenne annuelle des dons par donateur s’élève à 120€, un montant inférieur à la moyenne du diocèse de Lunel (144).