L’Inglorious Bar: la bière, Tarantino et le rock américain

Stéphane et Salvatore sont des tenanciers fatigués, mais heureux. Ils ont ouvert, il y a désormais deux mois, l’Inglorious Bar dans le centre de Montpellier. Depuis, de 18h à 1h du matin, leur superbe bar ne désemplit pas. Pourquoi parler d’un bar en particulier alors que Montpellier n’en manque pas? Parce que celui-ci est une perle rare.

Des affiches américaines sur les murs d’une belle salle voûtée, du rock, du vrai, sortant de baffles suspendues, des tables rondes et hautes et, au fond, à l’ombre de la lumière rouge, un comptoir où s’affairent deux hommes au crâne rasé et à la barbe noire. C’est le nouveau bar dont tout le monde parle en ce moment. Stéphane tenait à Montpellier le Kill Beer jusqu’à il y a encore peu. Lorsqu’il a décidé, avec Salvatore de rouvrir un bar, il ne pouvait que réitérer son hommage au réalisateur Quentin Tarantino. L’Inglorious Bar fait référence au dernier film du réalisateur, le très burlesque  »Inglorious Basterds ».  »On a fait le bar dans lequel on aurait aimé aller en tant que clients » confie Stéphane, le plus grand des deux. Le concept est simple: dans cet établissement, on y va pour boire des bières entre amis, mais aussi pour écouter du vrai rock, pas du ‘‘rock FM’’, comme le dit Salvatore.  »Il y a des gens de 50 ans qui viennent ici et qui sont contents d’écouter du Johny Cash, du Elvis, du Janis Joplin », continue-t-il.

Le groupe Mudweiser inaugure la saison de concerts

Inglorious2.jpg Mais les deux barmans ne font pas que passer de la bonne musique. Ils programment également des concerts. Pour l’anniversaire des deux mois du bar, c’est le groupe Mudweiser qui va venir faire un live dans la salle aménagée du sous sol. Le groupe de rock, qui comprend Reuno, ancien chanteur de Lofofora, jouera le 18 novembre à l’Inglorious Bar. Pour Salvatore,  »l’âme du bar, ce soir là, ce sera eux ». Plus tard, en janvier, ils accueilleront les Barbiches Tourneurs, qui reprennent avec talent des grands standards du rock comme ‘‘Take a walk on the wild side’’ de Lou Reed ou ‘‘Sweet Dreams’’ de Eurythmics.

Lorsqu’on leur demande de faire le bilan de ces deux derniers mois d’ouverture, ils répondent en coeur que tout a été ‘‘parfait’’.  »Au delà de toutes nos espérances », termine Stéphane. Même si leur succès est déjà important, il est toujours bon de saluer ces bars montpelliérains qui veillent à ce que la scène rock soit toujours préservée et célébrée.

Lucie Delorme

Le nouveau directeur artistique du Pavillon Populaire, Gilles Mora, offre aux Montpelliérains la première rétrospective française sur les travaux de Ralph Eugene Meatyard. Un plongeon dans les profondeurs du sud des États-Unis, dont l’étrangeté fascine encore.

Au départ, la Ville a fait appel à Gille Mora pour une seule exposition. «Je devais préparer une grosse expo sur un photographe américain», explique ce spécialiste de la modernité photographique américaine. Elle devait célébrer, entre autres évènements, le 50e anniversaire du jumelage entre Montpellier et Louisville. Quand l’équipe municipale lui a demandé de s’engager pleinement dans la direction artistique du Pavillon Populaire, il a accepté.

«Je n’ai jamais vu une ville aussi jeune et énergique sur le plan culturel, continue Gilles Mora. La tradition de la photo y semble bien ancrée et elle aura une place dans la programmation à venir.» Il souhaite présenter quatre expositions par an : deux montées par des commissaires étrangers et deux autres par ses soins. Pendant les quatre autres mois de l’année, le Pavillon Populaire sera ouvert aux créations montpelliéraines.

À partir de la mi-février, la galerie d’art photographique accueillera des œuvres rattachées au thème de la photographie urbaine. Alain Sayag, qui a travaillé au centre Georges Pompidou à Paris, et Monika Faber, la conservatrice en chef de la collection photographique de l’Albertina de Vienne, présenteront chacun une exposition. Mais jusqu’au 30 janvier, Ralph Eugene Meatyard, pour le Kentucky, ainsi que Clarence John Laughlin et Alex Harris, pour la Nouvelle-Orléans, occupent les murs du bâtiment.

Des photographies réalistes et improbables

Ralph E. Meatyard
Il faut s’approcher des cadres pour découvrir la complexité du travail de l’artiste. « Ralph Eugene Meatyard est né dans le Kentucky et y officiait en tant qu’opticien, raconte Gilles Mora. Le week-end, il faisait des photos qui se sont avérées être les plus importantes de la création contemporaine. » La série intitulée « The Family Album of Lycbelle Crater » est assez déroutante. Meatyard met en scène, de manière banale, ses proches. Les masques dont ils sont affublés les rendent méconnaissables… mais aussi familiers et universels.

En jouant avec l’optique de l’appareil, Meatyard arrive à capter le mouvement, donnant un effet original à ses œuvres. Il nous emmène dans un monde étrange, quasi-parallèle au nôtre. A la fois réalistes et improbables, les clichés de Meatyard entrent dans les fictions narratives que l’écrivain fantastique Ambrose Bierce appelait les « romances ». Avec ces 120 tirages originaux, Gilles Mora rend hommage à un artiste méconnu qui a pourtant influencé de nombreux photographes.

Clarence J. Laughlin

La Nouvelle-Orléans en état de catastrophe permanent

Voilà cinq ans que l’ouragan Katrina a ravagé la Nouvelle-Orléans. «Afin de célébrer à notre façon les artistes qui ont pris en images Katrina», Gilles Mora a choisi de «mettre en perspective les travaux de deux photographes attachés à cette région». Des personnages fantomatiques peuplent les cadres de Clarence John Laughlin. Avec son «œil qui ne dort jamais», selon les termes de l’artiste, il met en scène des femmes au milieu d’immeuble en ruines. Elles symbolisent un sud rayonnant qui n’est plus qu’un vague souvenir.

Alex Harris quant à lui propose une série de triptyques prise seulement six mois après la catastrophe naturelle de 2005. Les couleurs vives donnent encore plus d’agressivité aux dégâts causés par l’ouragan. Une maison sur une voiture, une statue encore debout au milieu d’un paysage dévasté. Des situations qui semblent surréalistes alors qu’elles furent le quotidien des habitants de la Nouvelle-Orléans pendant des mois.

Triste anniversaire pour l’amoureux des mers

Alors que le 11 juin 2010 nous allons fêter les cent ans de la naissance du Commandant Cousteau, les États-Unis connaissent aujourd’hui la plus dramatique catastrophe écologique de leur histoire. Une fois de plus, l’Or noir pollue la Belle Bleue. En dépit de l’avenir… et de la vie.

Rencontre au sommet entre deux Prix Nobel de la Paix

Alors que les relations entre les États-Unis et la Chine sont loin d’être paisibles, la Maison Blanche a annoncé officiellement que Barack Obama rencontrera le Dalaï-lama, mi-février. Quels enjeux posent la rencontre entre ces deux leaders charismatiques, outre la symbolique d’une entrevue entre deux Prix Nobel de la Paix ?

Les Américains de Montpellier parlent de Barack Obama

Pamela, Deming et John sont trois Américains qui vivent à Montpellier. Ils représentent une communauté, dans le département, de près de cinq cents personnes originaires des États-Unis. Après avoir rapporté le propos d’un expert sur les douze premiers mois de Barack Obama à la Maison-Blanche, Haut-Courant donne aujourd’hui la parole à ces citoyens d’outre-Atlantique. Se refusant à l’obamania, ils se montrent lucides sur la politique de leur président.

«Les Français ont perdu toute objectivité sur Obama au moment de son élection». Enseignant l’anglais depuis dix ans à Montpellier, Pamela avoue avoir été surprise de l’engouement suscité en France par la candidature de Barack Obama : «vous avez été bien plus séduits par l’homme que les Américains eux-mêmes!» s’amuse-t-elle. «Pour toute une génération d’Européens, l’Amérique était un pays modèle. Dégoutés par les années Bush, ils ont vu en Obama le retour du rêve». Comme elle, John, chef d’entreprise, et Deming, elle aussi professeur, ont toujours gardé les pieds sur terre : «je me souviens», raconte cette dernière, «lorsqu’il a été élu, tout le monde me disait « oh la la, tu dois être heureuse ! », et moi je ne savais pas vraiment quoi dire… Oui j’ai aimé le candidat, mais je savais déjà qu’il ne serait pas l’homme de tous les changements comme il l’annonçait».

John était à Washington, il y a un an, pour fêter l’investiture du premier président Noir. Il n’était pourtant pas son premier allié : «pendant les primaires, je soutenais Hillary Clinton» sourit-il. «Je ne pensais jamais qu’il pourrait être élu. Il y avait une ambiance inoubliable le jour de sa prise de pouvoirs. C’est un souvenir très fort.» Un an après, pourtant, ce même John a quelques grandes déceptions : «même si c’est conforme à ses annonces de campagne, je ne comprends pas qu’il pense régler le problème afghan par les armes. Pour moi, le vrai échec de sa diplomatie, c’est la question palestinienne. Il est revenu sur tout ce qu’il avait dit, notamment la solution des deux États et l’arrêt de la colonisation par Israël.» Deming rappelle que, contrairement à un lieu commun répandu, le président américain n’est pas tout-puissant : «il est obligé de négocier avec les contre-pouvoirs», c’est-à-dire les représentants et les sénateurs. Pamela va plus loin : «dans le système américain, les campagnes électorales sont si chères que vous devez être soutenu par de nombreux acteurs économiques. Et ces derniers surveillent étroitement vos actions une fois élu…» La marge de manœuvre de l’occupant de la Maison-Blanche se révèle donc faible, entre le Congrès d’un côté et les lobbies de l’autre.

Autre réalité qui a tendance à être gommée par les observateurs français : la persistance du racisme à l’égard d’Obama. Repartie en Caroline du Nord, son État d’origine, pour les fêtes, Deming l’a particulièrement remarquée : «sur une route, nous suivions une voiture où un large autocollant était apposé. Sur ce dernier, il était écrit : « C’est pas ma faute, moi j’ai voté pour le Blanc ». Les problèmes économiques que nous rencontrons sont imputés à Obama, comme si le fait qu’il soit Noir l’avait rendu plus faible qu’un John Mac Cain». Discret depuis sa défaite, l’ancien candidat républicain a vu ses alliés les plus conservateurs se complaire dans une stigmatisation constante de l’actuel président. Pamela tempère : «c’est un pays plein de contradictions. Et si les racistes purs et durs n’évolueront pas, certaines mentalités vont changer et mieux accepter la différence.»

Deming s’étonne du débat français autour de certaines positions internationales du chef de l’État américain : «les Européens ne se rendent pas compte que la crise économique a un poids réel outre-Atlantique. 10% de chômeurs, c’est du jamais vu. Les déçus d’Obama le sont bien plus sur des considérations économiques que sur le conflit afghan. Pour une majorité d’Américains, la guerre reste un point positif.» L’adoption de plus en plus probable d’une large réforme du système de santé est un succès pour l’administration démocrate : «mais encore faut-il savoir comment elle sera mise en place…» s’inquiète John. Leur premier bilan reste donc assez partagé : «j’ai quand-même du mal à trouver des décisions qu’il a prises et qui ont été vraiment positives pour le pays» avoue Deming. «Il y a eu beaucoup d’annonces, mais peu d’actions.» Pour John, «Obama reste le meilleur président que l’on peut avoir. Je suis donc optimiste, mais j’attends des grandes victoires.» Ces trois citoyens de la bannière étoilée auront à nouveau l’œil tourné vers l’Amérique à la fin de l’année. Les élections sénatoriales de novembre prochain seront un test important pour Barack Obama qui sera déjà à mi-mandat.

Pour un complément d’informations, retrouvez l’analyse de Marc Smyrl, politologue franco-américain ici.

Les Etats-Unis maîtres de l’humanitaire en Haïti

En décidant de contrôler l’aéroport de Port au Prince, les Américains ont pris en charge la coordination de l’aide humanitaire en Haïti. Cette décision fait polémique puisque, entre le vendredi 15 janvier et le samedi 16 janvier, deux avions français n’ont pas pu atterrir dans la capitale haïtienne. Bien plus qu’un élan humanitaire, le secours d’Haïti semble être, pour les États-Unis, un enjeu politique.

Les USA contrôlent le ciel d’Haïti

Six jours après le séisme de magnitude 7 qui a frappé l’île d’Haïti, les Américains ont décidé de prendre en charge la coordination de l’aide humanitaire en prenant le contrôle de l’aéroport de Port au Prince. Barack Obama, qui avait annoncé qu’il était prêt à débourser sur le champ plus de 100 millions de Dollars pour venir en aide aux sinistrés, a également envoyé un porte-avion à propulsion nucléaire, l’USS Carl Vinson avec dix-neuf hélicoptères à son bord. Ce bâtiment naval servira notamment de base flottante pour les rotations des aides aériennes. De plus, depuis le weekend dernier, quelques 4 200 militaires américains sont sur la zone et 6 300 troupes supplémentaires sont attendues d’ici le début de cette semaine.

Des avions interdits d’atterrir

Les États-Unis, en mettant en place de tels dispositifs, ont la volonté de mettre fin à la situation chaotique du cheminement de l’aide humanitaire et d’endiguer les émeutes qui ne cessent de progresser chaque jour dans la capitale haïtienne. Le problème est, qu’entre le vendredi 15 janvier et le samedi 16 janvier, deux avions français n’ont pas pu atterrir sur le petit aéroport de Port au Prince par ordre des forces américaines qui ont privilégié l’atterrissage de leurs propres avions. Le premier avion français transportait un hôpital de campagne et l’autre était un avion-cargo affrété par Médecins Sans Frontières avec à son bord un hôpital chirurgical gonflable.

Si le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, sur le plateau d’Europe 1 a voulu éviter toute polémique en affirmant que la décision américaine «est tout à fait heureuse» , l’association Médecins Sans Frontières (MSF) émet des réserves. En effet, MSF a lancé, dimanche 17 janvier, un appel d’urgence en demandant que «les avions-cargos transportant du matériel médical et chirurgical d’urgence soient autorisés à atterrir en priorité à Port-au-Prince afin de soigner les milliers de blessés en attente d’opérations chirurgicales vitales.» Les médecins n’ont pas été les seuls à s’inquiéter de l’autoritarisme américain. Alain Joyandet, secrétaire d’État chargé de la Coopération et de la Francophonie avait dénoncé «un manque d’arbitrage ou de discernement» de la part des Américains.

Des intérêts colossaux pour les Américains

C’est sans véritable concertation internationale que les États-Unis ont pris la décision d’organiser à eux seuls la coordination de l’aide humanitaire. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette démarche.

Tout d’abord, les États-Unis sont historiquement liés à Haïti. De 1915 à 1935, les Américains ont occupé l’île. Sous cette occupation, Haïti revint temporairement à la stabilité, mais au prix de révoltes sociales qui allaient favoriser l’arrivée au pouvoir des militaires. Washington mit en place un gouvernement soumis à ses volontés et s’engagea en contrepartie à fournir au pays une assistance politique et économique. Toutefois, rappelons qu’en 1918, les Américains réprimèrent dans le sang une révolte paysanne qui fit plus de 15 000 morts. L’hostilité de la population à l’égard de l’occupant progressa et conduisit finalement, en août 1934, au départ des Américains. Mais, la relation entre les deux États, et l’influence américaine ne s’est jamais véritablement éteinte. Si bien que plus d’un demi million d’Haïtiens résident actuellement aux États-Unis.

Mettre en place «l’une des plus grandes opérations de secours de l’histoire» est aussi un bon moyen pour les États-Unis de mettre entre parenthèse leur image expansionniste, la guerre en Irak et les conflits en Afghanistan. C’est aussi une méthode pour donner un second souffle à Barack Obama embarrassé par un prix Nobel de la paix qu’il ne peut pas vraiment assumer.

Enfin, les USA sont certainement les seuls à pouvoir mettre en œuvre une telle logistique. Ce qui fait d’eux les mieux placés pour organiser l’aide humanitaire.

En revanche, cette gestion autocratique ne doit pas engendrer des tensions avec les autres pays au risque de faire oublier le principal objectif : reconstruire Haïti.

Pour aller plus loin

www.wsws.org/francais/News/2010/jan2010/hait-j18.shtml

http://structures.ac-martinique.fr/cdi/pages/histoirhaiti.htm

http://www.humanite.fr/article2758879,2758879

Obama, 44ème président des États Unis

18:05 heure française, midi passé de cinq minutes à Washington, Barack Obama est officiellement président des États Unis. Le 44ème de l’histoire, le premier à la peau noire. Offensif, fier et réaliste, prononcé devant plus de deux millions d’Américains, son discours d’intronisation est un mélange inattendu de prodigalité personnelle et de vulnérabilité américaine. Les États Unis et Obama, une superpuissance et son homme fort attendus au tournant.

Ça y est, Barack Obama est l’homme le plus puissant du monde. Nicolas Sarkozy peut aller se rhabiller. Une page s’est officiellement tournée à Washington hier. À 47 ans, concrétisant par son arrivée le rêve de millions d’afro-américains, ce sénateur de l’Illinois de père Kényan et de mère blanche prend les commandes de la première puissance mondiale. Et ce, avec une certaine classe. Là où Martin Luther King avait confié « I have a dream » 46 ans plus tôt, Barack Obama a déclamé comme jamais. Surplombant deux millions de spectateurs du haut du Lincoln Memorial, le nouveau président des États Unis a produit un discours surprenant de concision et de réalisme. À ceux qui attendaient de grandes phrases, des promesses d’un soir, il s’est montré humble. Aux autres qui espéraient une réaction à la crise, il a donné des garanties.

Un peu plus tôt, Barack Obama faisait une entrée remarquée au Capitole. Dans la limousine officielle, deux hommes : le passé et le futur, George W. Bush et Barack Obama. Après une entrevue d’une heure à la Maison Blanche, les deux hommes d’État ont rejoint leurs prédécesseurs dans l’antichambre du parlement américain. De Jimmy Carter, président de 1977 à 1981, au petit dernier, tous ont répondu à l’invitation. À l’exception de Ronald Reagan, décédé en 2004. De retour côté foule, Barack Obama doit comme le veut la tradition prêter serment. Sous sa main, la Bible, celle qui avait servi à Abraham Lincoln il y a près de 150 ans. Dans l’angle droit de la caméra, sa femme, Michelle, submergée par l’émotion. Le regard est contemplatif. L’image, forte. Fait étrange, le futur président peine à trouver ses mots. Ces quelques lignes qui feront de lui le dirigeant des États Unis, Barack Obama a besoin que le président de la Cour Suprême les lui souffle. En quelques syllabes écorchées, « Dieu aidez moi », le voilà président.

« L’espoir plutôt que la peur »

Costume impeccable, acheté pour l’occasion, gants cuir, le show américain peut commencer. Derrière son pupitre de vitres pare-balles, Barack Obama embrasse les masses. -7° Celsius au compteur, et pourtant l’homme se tient droit, fier, naturel. Alors que l’Amérique fait face à une crise sans précédent, au chaos au Moyen-Orient, son nouveau président prend la peine de remercier l’ex locataire de la Maison Blanche. Quelques échos de mains frappées se font entendre puis repartent comme ils sont apparus, dans l’indifférence générale. Puis vient le constat : « Nous sommes en pleine crise. Il est vrai que ces conséquences sont la faute de certains (…) : nos écoles vont mal, nos entreprises vont mal, et chaque jour nous rappelle à quel point notre style de vie menace la planète ». Mais, dit-il, « si nous sommes réunis aujourd’hui, c’est que nous avons choisi l’espoir plutôt que la peur. »

Sur une métaphore du voyage, de l’indépendance des colonies britanniques à aujourd’hui, Barack Obama choisit ses mots avec prudence. Économiquement d’abord, le président des États Unis montre du doigt l’instabilité d’un marché trop peu surveillé. Réponse au scandale Madoff, sa tirade « la nation ne peut prospérer longtemps quand elle ne profite qu’aux riches » arrache au Capitole quelques salves d’applaudissements. Une économie, « performante et inégalée » certes, mais à revoir. La santé ? « Trop coûteux. A améliorer. » Tabou entre tous les sujets, s’il y a bien une chose qui ne bougera pas trop sous l’ère Obama, c’est bien le style de vie à l’américaine. Basé sur la liberté de consommer, du carburant aux armes, comme tous ceux qui l’ont précédé le président Obama ne compte pas s’en excuser ou en changer. Les critiques des signataires du protocole de Kyoto n’y changeront rien. Qu’importe, les applaudissements sont là.

« Une Amérique prête à diriger »

Sur les questions internationales, le ton, grave, monte d’un iota. Barack Obama l’avait promis, et il récidive. L’Armée « quittera l’Irak de manière responsable », sans oublier « d’établir une paix chèrement acquise en Afghanistan ». Indéniablement le 11 Septembre et le bourbier irakien ont eu un impact considérable sur la politique internationale des États Unis « sa puissance ne lui permettant plus de se protéger de tout ou d’agir à sa guise. » Au monde arabe, il tend une main timide, pour des relations nouvelles « dans l’intérêt commun et le respect mutuel. » Puis, sans citer Hugo Chavez, qui compte parmi les plus virulents détracteurs de l’hégémonie étasunienne, il dénonce tous les dirigeants ayant blâmé le capitalisme qui a fait la grandeur de l’Amérique. A leur tour, dit-il, « ils seront jugés. Non pas sur leur médisance, mais sur leurs résultats. »

Plus que d’habitude, Barack Obama fait dans la simplicité. Sans arracher les larmes aux foules, sans créer l’émoi outre mesure, il met les points sur les « i » dans son style caractéristique : « À nouveau, l’Amérique est prête à prendre les rênes du monde. » De la puissance chancelante que l’on connaît aujourd’hui à l’État gendarme d’antan, il n’y a qu’un pas. Qu’en sera-t-il ? Partisan d’une nation « en amitié avec tout pays, homme, femme ou enfant à la recherche d’un futur fait de paix et de dignité », Barack Obama bote en touche. En conclusion, dans un élan digne de ses discours de campagne, le président appelle ses concitoyens à participer, « dès aujourd’hui » à l’effort national, et à commencer avec son équipe le travail de reconstruction des États Unis. Pour lui le plus dur reste à faire. Mais en ce premier jour de l’ère Obama, le monde devrait se satisfaire d’un petit « Congratulations Mister President ».

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Michelle Obama tient la Barack

La presse US en crise

La presse américaine est en bien mauvaise santé. Subissant la crise financière mondiale et au coeur d’une crise de confiance, ses revenus ont dramatiquement chuté ces dernières années.

Si le journalisme américain a longtemps joui d’une réputation de journalisme prospère et de qualité, aujourd’hui, les quotidiens peinent à survivre. Entre baisse de chiffres, scandales et nouveaux défis…

Une crise fincancière

D’après l’association des éditeurs américains, la NAA, les revenus des journaux ont chuté de 14% pour le premier trimestre 2008. Et cette baisse de rentabilité ne doit pas être vue comme uniquement conjoncturelle. Bien sur, l’effondrement récent des bourses américaines a fait chuter les recettes publicitaire et les capitaux des groupes de presse côtés en bourse Mais le train est en marche depuis plusieurs années…
La dégringolade des recettes publicitaires, qui a pu atteindre 20% cette année, associée à la baisse des ventes de la presse papier ont des conséquences directes sur la santé économique des journaux. Des plans de redressement sont mis en oeuvre depuis plusieurs années, les suppressions d’effectif abondent.
Selon le Figaro.fr, le groupe Gannett, premier du pays, a annoncé un plan de suppression de 10% de ses effectifs. Entre les mois de juillet et de septembre, le groupe avait du faire face à une diminution de 18% de ses recettes publicitaires.
Le groupe Time Inc pourrait supprimer 600 postes selon le New York Times. Ce même New York Times, en manque de liquidités, a annoncé le 8 décembre 2008 avoir l’intention d’hypothèquer son siège pour un montant de 225 millions de dollars.
En avril, on apprenait la suppression de 400 à 500 postes du groupe The Tribune Co. L’un de ses titres, le Los Angeles Times, n’est pas épargné. Après une vague de départs en juillet, il a annoncé le 27 octobre 2008 se séparer de 75 autres personnes. Selon le « Wall Street Journal » du 8 décembre 2008, le groupe pourrait même passer sous la protection de la loi sur les faillites. C’est dire si la situation est grave.

Une crise morale

Les scandales impliquant des journalistes jouent aussi en la défaveur de la presse.
Les journalistes fabulateurs révélés pendant les années 2000 ont contribué à ternir la réputation des quotidiens. Jayson Blair du New York Times, coupable de plagiats et de « fabrication d’information », Christopher Newton, reporter de l’agence Associated Press, incapable de prouver l’existence d’une quarantaine de personnes citées dans ses papiers et d’une dizaine d’organisations dont il avait utilisé les témoignages, Jack Kelley, journaliste pour « USA Today » ayant inventé de nombreux reportages pendant plus de dix ans…
De plus, l’après 11 septembre s’est révélé discutable. Le New York Times, par exemple, a été mis en cause à travers la journaliste Judith Miller. Sa source, loin d’être objective, était M. Ahmed Chalabi, exilé irakien qui avait dirigé le Congrès National Irakien, basé à Washington et financé par la CIA.
Les medias américains ont été manipulé par le Pentagone et ses 75 gradés de l’armée à la retraite. Ces « experts » ont participé à diffuser le message de G.W.Bush sur toutes les chaînes de télé. Mais une enquête du New York Times révèle aussi que la presse papier a aussi été touchée par ces manœuvres, publiant des articles écrits par ces analystes.
Pour finir, on se souvient de la démission du journaliste de CBS Dan Rather en 2005. Il avait fait diffuser un document censé prouver que G.W.Bush avait échappé au service militaire. Certainement appâté par la course à l’audience, il n’a pas vérifié l’authenticité du document. C’était un faux, dommage…

Quel avenir pour la presse américaine?

Face aux problèmes qu’ils rencontrent, les titres innovent.
Le secteur très profitable du marché des petites annonces a migré des quotidiens au net. Pour pallier ce manque à gagner, le New York Times s’est associé au site d’annonces Monster et les groupes Gannett et Tribune se sont unis dans ce domaine. Mais la perte reste conséquente.
Pour faire face aux coûts d’exploitation des quotidiens, certains groupes n’hésitent pas à délocaliser une partie de leurs activités, principalement en Inde. C’est le cas du groupe Mc Clatchy ou Gannett. Si cette initiative parait réalisable dans certains domaines comme la gestion de la publicité, on a dumal à imaginer ce principe généralisé au travail du journaliste ou au domaine de l’édition.
La solution pourrait se trouver du côté du net. L’audience des sites Internet des quotidiens est en constante augmentation. Les recettes publicitaires suivent. Mais, il ne faut pas oublier que les recettes publicitaires online sont moins importantes que celles du papier. Un lecteur en ligne rapporterait envrion dix fois moins qu’un lecteur papier selon Les Echos. Il n’y a donc pas de transfert entre le manque à gagner de la presse papier et les progrès de la presse online.

Une alternative appétissante au créationnisme

Mai 2005, Etats-Unis. L’inquiétude fait prendre la plume à Bobby Henderson, diplômé en physique de l’université de l’Oregon. Dans le Kansas, le Comité d’éducation se prépare alors à valider l’enseignement scolaire du créationnisme ou dessein intelligent. Cette nouvelle lui inspire une lettre ouverte, devenue l’origine d’un véritable culte sur Internet.

La démarche s’apparente à une démonstration par l’absurde. Il s’agit, pour Bobby Henderson, d’expliquer que le fait de se référer à des livres anciens ne peut légitimer la présence de théories surnaturelles dans un enseignement scientifique. Il décide donc d’aller dans le sens des pro-créationnisme, en les félicitant pour leur idée, avec toutefois une réserve toute personnelle. « Rappelons-nous bien qu’il existe plusieurs théories du dessein intelligent. Moi-même ainsi que beaucoup d’autres gens dans le monde croyons profondément que l’univers a été créé par un Monstre en Spaghetti Volant.»

La lettre a connu un immense succès après avoir été publiée sur Internet. Bobby Henderson y décrit la création du Monde selon son propre point de vue, celui du Pastafarisme. Au commencement, le Monstre, composé de deux boulettes de viande et d’une multitude d’appendices nouilleux, crée une montagne, des arbres et un nain. Puis il invente tout le reste, « et nous sommes tous Ses créatures ». Pour étayer son argument, il précise qu’il existe un paradis, constitué principalement de volcans à bière, et dans lequel se trouve une manufacture de strip-teaseuses.

Version

L’image amuse, mais le principe est très sérieux. Pour mettre en exergue le caractère absurde du créationnisme « classique », il lui en oppose une alternative qui fait sourire, mais aussi réfléchir. Ou réagir. Quand ses opposants crient au blasphème, il conserve sa stratégie : «S’il ya un Dieu, et qu’Il est intelligent, alors je suis sur qu’il a le sens de l’humour. Et comment savez-vous qu’Il n’est PAS un Monstre en Spaghetti Volant ?» Et de rajouter que le Monstre aime beaucoup les pirates, dont le nombre en chute libre depuis le 19e siècle a précipité le réchauffement climatique. Cette facette parodique a d’ailleurs provoqué l’hilarité parmi les membres du Comité d’éducation du Kansas opposés au créationnisme, qui lui ont répondu en le remerciant de prendre position.

La guerre entre créationnisme et darwinisme n’est pas neuve aux Etats-Unis. Depuis 1925 et le procès de John Scopes, condamné à une amende pour avoir enseigné la théorie de l’évolution, les mobilisations s’enchaînent. En 1987, les enseignements créationnistes avaient été supprimés des manuels scolaires, car jugés anticonstitutionnels. Le retour de ces valeurs à l’école vient du fait que les Comités d’éducation peuvent voter la modification des programmes à la majorité. Ce type de décision reçoit d’ailleurs l’aval quasi-officiel du président George W. Bush lorsqu’il annonce que « parmi toutes les explications traditionnelles de l’origine de la vie, les professeurs de biologie doivent enseigner cette théorie de l’intervention d’une intelligence supérieure, qui soutient que les mutations aléatoires de la théorie de l’évolution sont en fait guidées par la main de Dieu »

Quand les détournements d'oeuvres d'art ne suffisent plus...

La communauté scientifique américaine continue à former un bloc contre la régression des découvertes de Darwin au rang de simple théorie à considérer avec un regard critique. Mais les sondages de ces dernières années révèlent que la vision religieuse reste une valeur de référence parmi de nombreux citoyens américains. 68% considéraient, en 2000, que les deux théories pouvaient fonctionner ensemble (avec la volonté divine guidant l’évolution). Bobby Henderson reste sceptique. « Je n’ai pas de problème avec la religion. J‘ai un problème lorsque la religion se pose comme étant une science. Va pour enseigner le créationnisme à l’école, mais pas pour l’enseigner dans une classe de sciences.»

En Novembre 2007, trois conférences concernant le Pastafarisme ont été tenues à l’Académie Américaine de Religion de San Diego, en Californie. Les débats portaient des titres tels que «Sainte Pâte et Sauce Originelle : les bordéliques implications du MSV dans la théorisation de la religion.» Les académiciens admettaient que, si cette intervention dans le programme faisait rire sous les capes, le débat soulevé s’annonçait très sérieux. Déterminer si la religion nécessitait une croyance théologique véritable ou juste une collection de rituels et une communauté se réunissant pour signaler son alliance culturelle. En bref : « Une anti-religion comme le Pastafarisme est-elle réellement une religion ? »

Une blague très sérieuse. Ce pourrait être la définition du Pastafarisme, et de la folie qui l’entoure. Les pastafariens potentiels peuvent d’ailleurs reporter leur affection sur le livre de Bobby Henderson, L’Evangile du Monstre en Spaghetti Volant, étayé par de nombreuses participations de chercheurs, historiens et un « mec super sympa qui a un avis sur tout » récemment traduit et publié en français. Et s’annoncer « pastafarien » dans son profil sur facebook, sans oublier d’adopter à vie, et quotidiennement, le costume de pirate. Ainsi serez-vous probablement touchés par Son Appendice Nouillesque…