Anne-Marie Porras, chorégraphe de la scène montpelliéraine

Le Festival « Open » de la création étudiante, organisé par les universités de Montpellier, Nîmes et Perpignan, a accueilli sur les planches une professionnelle de la danse. Elle revient pour nous sur le spectacle des étudiants de sa section junior, et sur son parcours.

La Maison des étudiants Aimé Schoenig de Richter a reçu le 20 octobre la compagnie ballet Junior Anne-Marie Porras, pour une représentation issue du travail des étudiants.
Les danseurs ont exécuté des variations rythmées par le son des Quatre saisons de Vivaldi, revisitées par François Ceccaldi, le Boléro de Ravel chorégraphié par Thierry Malandain pour finir par une mise en scène de Didier Barbe, collaborateur d’Anne-Marie Porras.

Un cas pratique pour les jeunes danseurs venant de la section « en Scène » qui met particulièrement l’accent sur l’art d’appréhender cet espace. « Ils seront confrontés à de nombreuses auditions dans ce métier, il est important qu’ils connaissent l’univers de la scène », a confié la directrice artistique.

Une formation artistique à la croisée des influences

Les danseurs d’Epse danse en Scène (Ecole professionnelle supérieure d’enseignement de la danse), située dans le quartier Figuerolles, suivent des cours délivrés par un corps professoral venant du monde entier. Une formation chorégraphique à laquelle s’attache Anne-Marie Porras. Suivant elle-même dans sa jeunesse, des cours de danse jazz aux États-Unis, elle a approfondit ses bases dans de prestigieuses écoles : Alvin Ailey, Merce Cunningham et Martha Graham.

Dans cet «univers plutôt masculin», avoue-t-elle, son retour en France l’a rapprochée de la danse contemporaine. Sa trajectoire professionnelle a ainsi pris un nouvel élan quand elle a créé sa première chorégraphie pour le Conservatoire de Maurice Béjart à Bruxelles. Forte de cette expérience, elle a décidé de lancer en 1981 Epse danse. Elle avait dans l’idée de faire converger les diverses analyses et influences que peut regrouper la danse, « comme l’est Mudra, l’école de Maurice Béjart

Ses influences puisées en Afrique, elle les doit «à des maîtres de la danse, des rituels» contribuant à ouvrir Anne-Marie Porras vers de nouveaux horizons. Une collaboration est ainsi née avec une école du Burkina Faso, avec laquelle elle a monté récemment des échanges inter écoles.

Son expérience dans le 7ème art

Sa carrière a été jalonnée de rencontres fortuites, notamment lorsqu’elle a croisé la route de Claude Lelouch.
« J’enseignais à Paris, une jeune femme m’a demandé des cours particuliers pendant un mois, sans me dire qui elle était, confie Anne-Marie Porras. J’ai su peu de temps après qu’il s’agissait d’Evelyne Bouix, la femme de Claude Lelouch à l’époque. J’ai ainsi été engagée sur Les Uns et les autres pour chorégraphier une scène du film. Cette rencontre m’a appris à être réactive, face à Claude Lelouch plutôt impatient. »

Invitée récurrente sur le Festival Montpellier Danse, son travail a également été souligné par le réalisateur Costa Gavras, qui a qualifié sa mise en scène de « cinématographique ». Une remarque qui félicite une chorégraphe dont la carrière est loin d’être finie.

Flamenco : Israel Galván sublime l’Apocalypse

Est-il possible de révolutionner le flamenco sans dénaturer son âme ? Israel Galvan ne cesse de nous le prouver à chaque festival de Montpellier Danse. En 2007, il avait déjà surpris le public avec la présentation de son spectacle Arena, sur le thème de la tauromachie. Mercredi 24 juin, il a sublimé ce genre avec El final de este estado de cosas, Redux. Au terme de deux heures, le danseur semble avoir exploré toutes les possibilités d’un art qui s’encre dans la tradition

Ceux qui voulaient voir du « olé » et des castagnettes auront certainement été déçus, ceux qui sont venus se faire surprendre par la créativité sans limite du chorégraphe sont repartis rassasiés de rythmes et ébloui par la précision du geste. Sans limite, oui, car dans El final de este estado de cosas, Redux Israel Galván, n’hésite pas à étriller au passage quelques tabous. Le danseur révèle sa féminité avec un port cambré, mais davantage encore en se travestissant en femme bourreau. Un sacré pied de nez au machisme qui imprègne la culture espagnole, et la culture gitane en particulier. Suprême provocation dans une société où l’on doit le respect aux morts, le bailaor se lance dans une série de tacones sur des cercueils. Même dans sa tombe, la grande faucheuse n’effraie pas le danseur impétueux qui claque le bois de ses mains et ses pieds. Ce final, profane, permet de se rapprocher de la genèse du scénario basé sur la lecture biblique de l’Apocalypse.

Quelques scènes déroutent parfois, comme quand l’artiste évolue sur des guitares saturées et un chant de douleur féminin, mais l’ensemble conserve sa cohérence grâce à une mise en scène savamment étudiée qui permet de ne jamais basculer dans la farce ou le mauvais goût. Israel Galván prend constamment le risque de nous décevoir sans jamais y parvenir. Le danseur expliquait récemment sa démarche dans une interview : «Si je m’aventure dans quelque chose de nouveau ou d’innovant, c’est toujours en partant des racines».

Et s’il fallait définir l’essence du flamenco, chez Israel Galván, c’est avant tout une façon brutale et élégante d’exprimer des émotions, la souffrance avant tout. Tout peut être raconté avec le flamenco, y compris la violence de la guerre. L’artiste offre quelques minutes de réflexion aux spectateurs en nous laissant apprécier en vidéo une performance de Yalda Younès, une bailaora libanaise. Ici, le mouvement et le rythme font corps avec le vacarme des explosions. Tout peut être raconté, quelque soit le décor. Le chorégraphe joue avec la diversité des sons, des matériaux avec lesquels il entre en contact. Torse et pieds nus dans le sable, comme réduit à l’état de nature, les sons sont étouffés, sourds. Sur une petite estrade montée sur ressorts, il défit toutes les règles de gravité. Sa flambée rageuse de pasos se déplace sous l’impulsion et laisse échapper de la poussière. Même quand l’énergie semble destructrice, on sent cette soif de vie et de danse. Et les bras virevoltent et s’élancent imperturbablement vers le ciel. Avec grâce, toujours. Car le flamenco a aussi, parfois, quelque chose de divin.