Les hôpitaux montpelliérains, au bord de la crise de nerf?

Le Centre Hospitalier Régional Universitaire* de Montpellier n’échappe pas à la crise hospitalière qui touche les hôpitaux publics depuis une dizaine d’années. Malgré une perception très pessimiste de l’état actuel de l’hôpital en France, le CHU de Montpellier fait partie des hôpitaux qui semblent les moins malades.

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Diagnostic d’une pathologie budgétaire

article_2505-FRA-CHU.jpg« L’hôpital public ne se porte pas très bien, on a des difficultés budgétaires qui sont récurrentes depuis de nombreuses années ; nous vivons une crise conjoncturelle et structurelle », voici les premières paroles d’Yves Bourdel, secrétaire général du syndicat Force Ouvrière Santé de la Région Languedoc-Roussillon. « Les premières difficultés budgétaires que l’on a connu au niveau du CHU de Montpellier, c’était en 1994 », rappelle Yves Bourdel, « mais depuis quelques années, cela s’aggrave ». Le CHU de Montpellier se trouve, depuis plus de 15 ans, dans une situation financière fragile. En 2010, il annonçait un important déficit de 14, 5 millions d’euros et cette tendance risque de ne pas s’améliorer, notamment depuis que François Fillon a annoncé, début décembre, le gel des aides de l’Etat pour les investissements dans les hôpitaux. Les Centres Hospitaliers Universitaires accueillent chaque année près du tiers de la population française, et obtiennent la plus grande partie de leurs ressources de l’argent public : ils sont donc directement affectés par les mesures visant à réduire les dépenses et l’endettement publics. « Avant, il y avait les ventes de patrimoine qui permettaient au budget d’être excédentaire. Ensuite, il n’y a plus eu de patrimoine à vendre, il y a donc eu des déficits budgétaires qui ont été compensés par des restructurations de personnel, que l’on est en train de payer actuellement à Montpellier. […] Au lieu de tailler dans la graisse, on a taillé dans le muscle de l’hôpital », souligne amèrement Yves Bourdel. Face au déficit, pour la plupart des hôpitaux publics, le principal levier d’amélioration et d’économies est celui de l’organisation, et donc de restructuration du personnel.

Un bilan de santé mentale inquiétant

Burn-out-medecin.jpg Le CHU de Montpellier est un acteur central du système de santé de l’Hérault, avec une capacité d’accueil de 2200 lits et un poids économique considérable. Il est le premier employeur de la Région Languedoc-Roussillon avec environ 10 000 salariés. Mais, fortement guidé par l’objectif de maîtriser les coûts depuis quelques années, il a dû réaliser des restructurations de son personnel. Ainsi, les gels de postes ont été principalement ciblés sur les postes administratifs et logistiques. « Si l’on regarde les chiffres bruts, il y a des postes en plus, mais ce sont des postes de médecins et d’ingénieurs chercheurs. Et de plus en plus de postes sont des postes de contractuels, donc de personnes fragilisées», déplore Yves Bourdel. Cette pénurie de personnel médical, conséquence aussi d’un numerus clausus trop restrictif et aggravée par la loi des 35 heures, ainsi que le sous financement délibéré par la tarification dite à l’activité (T2A) ont engendré des conditions de travail de plus en plus difficiles et insupportables. « La grande coupure pour le personnel a été l’instauration des 35h, qui l’a été avec un manque de personnel : il fallait 750 nouveaux postes, le CHU n’en a obtenu que 399 », explique le secrétaire général. Globalement, les conditions du personnel hospitalier n’ont cessé de se dégrader depuis les années 90. Ils exercent dans un cadre devenu plus contraignant, et la coordination des tâches, la gestion des aléas sont de plus en plus difficiles à gérer. Les hôpitaux publics ont fréquemment affaire à un personnel démotivé, démoralisé, et donc peu fidèle : beaucoup préfèrent travailler dans le secteur privé et des cliniques mieux gérées, moins stressantes et plus rémunératrices. Au CHU de Montpellier, cette situation est très inquiétante : le personnel est de plus en plus sous pression et fait face à des drames psychosociaux, récemment illustrés par le suicide médiatisé d’un anesthésiste de 31 ans. « Cela fait longtemps que je travaille ici, et je n’ai jamais vu de suicide pour motif professionnel, on en est à notre 4ème suicide. Ceux-ci résultent des conditions du personnel, qui sont de plus en plus difficiles. Il y a des maladies psychiatriques de plus en plus graves. […] Les employés n’ont parfois même pas le temps de s’asseoir 5 minutes, ou d’aller pisser. Le personnel est pris tout le temps ! ». Le syndrome du « burn out », ou d’épuisement professionnel dû à l’hyperactivité, est un problème inquiétant au CHU de Montpellier. Pour autant, on ne peut pas dire que la qualité des soins ait baissé dans les hôpitaux montpelliérains.

Des soins toujours aussi performants

« L’offre de soin est restée la même, il n’y a pas eu de baisse. Le CHU a un bon niveau, si l’on considère les indicateurs de soins », rappelle le secrétaire général de FO Santé. Dans le rapport d’activité du CHU de 2010, les résultats enregistrés font ressortir des scores très satisfaisants par rapport à la prise en charge médicale et soignante. Récemment classé par le ministère de la santé dans le groupe des « forts chercheurs », il obtient la 5ème place des meilleurs hôpitaux de France (Le Point ), derrière Lille, Toulouse, Bordeaux et la Pitié-Salpêtrière. Il dispose de nombreuses structures capables de traiter des pathologies rares ou difficiles (néonatologie, prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde, greffe cardiaque, neurochirurgie, etc.). Un autre secteur où le CHU brille est celui de la pneumologie, où il se classe premier grâce aux services de soins, d’enseignement et de recherche. On peut aussi citer le service des hépatites virales, qui se hisse à la deuxième marche du podium national. De plus l’hôpital public, de façon générale, reste encore le lieu où tout le monde peut se faire soigner convenablement, que l’on soit avec ou sans domicile, avec ou sans papiers.

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Toutefois, depuis 10 ans, on assiste dans les zones rurales à l’apparition d’un désert sanitaire, c’est-à-dire une insuffisance d’offre de soins et d’établissements de santé. « On n’est pas pris en charge de la même façon selon qu’on habite à Montpellier ou dans les cantons ruraux […] En Lozère, dans la vallée des gorges du Tarn, il n’y a pas un seul médecin libéral : le dernier est parti il y a deux ans, et on n’arrive pas à en trouver un qui veuille bien s’y installer ». Il y a donc une inégalité géographique à l’accès aux soins, phénomène aggravé par la disparition des antennes relais, structures légères permettant de pallier à l’urgence de soins, dans certaines régions de la France. « Dans l’Hérault, ce n’est pas à l’ordre du jour », précise le représentant du syndicat.

En somme, le CHU de Montpellier est en meilleure santé que nombre d’autres hôpitaux français. Malade, il tente de se soigner, en développant par exemple la chirurgie ambulatoire (entrée le matin, sortie le soir) et l’hospitalisation à domicile. Cependant, son avenir n’est pas assuré, voire très inquiétant : « Si on continue comme cela, on va droit dans le mur ! », affirme Yves Bourdel. « La bonne solution serait que l’on nous redotte budgétairement pour assurer nos missions. C’est une question de choix budgétaire. S’il n’y a pas de rebasage avec un apport financier, il y aura cette fois-ci une baisse de la qualité des soins ».

Les points forts du CHU de Montpellier :

 L’activité se maintient à un bon niveau

 Excellence du personnel

 Recherche de pointe

 Parc architectural rénové

 Matériel médical qui est bon

Les points faibles du CHU de Montpellier :

 Les conditions de travail.

 Le manque d’investissement.

 Des pôles trop étanches (le CHU est réparti en 13 pôles (biologie, gérontologie, psychiatrie, etc.))