Martine Aubry, cible privilégiée des attaques de Georges Frêche

Georges Frêche a le goût de la petite phrase. Sa récente « tournée » médiatique parisienne ne l’a pas démenti. Une nouvelle fois, le président de la région Languedoc-Roussillon s’est porté en héraut de la lutte contre le parisianisme. Avec une cible toute choisie : la première secrétaire du PS, Martine Aubry.

Malgré la polémique, Frêche reste un poids lourd en Languedoc-Roussillon

Après la création d’une liste PS concurrente à Frêche et les différentes polémiques, il semblerait qu’aux yeux des électeurs le président sortant reste le numéro 1 de la Région.

Les militants avaient exprimé leur soutien à Frêche en décembre.

Exclu du parti en 2007 à cause de ses dérapages, Georges Frêche reste pourtant très influent. Le secrétariat général du Parti a été confronté au bon score de Frêche à la suite du vote des militants du PS. La liste que Georges Frêche conduisait dans l’Hérault, Divers Gauche, avait été plébiscité avec 87% des votes. Avec une participation de 52-53% sur 65 départements, entre 95 et 97 000 adhérents avaient voté. Si pour Frêche ce chiffre relevait d’un soutien manifeste par les adhérents du parti, d’autres personnages politiques en ont fait une toute autre analyse.

Pour Paul Alliès, secrétaire national adjoint à la Rénovation du PS et actuel conseiller régional, il s’agit juste d’un « non événement » puisque les militants qui ne soutenaient pas Georges Frêche ne seraient pas allés voter. Jean-Louis Roumégas, candidat tête de liste Europe Écologie, avait également déclaré «Ce vote ne signifie rien. Tout d’abord parce que les militants n’ont pas eu le choix : il n’y avait qu’une seule liste à adouber ».
Après les derniers propos polémiques de Frêche, qu’en est-il de son influence sur les électeurs en général ?

Frêche gagnant dans tous les cas de figure

En décembre, après les premiers résultats de sondage, Georges frêche fanfaronnait «Tant qu’il y a 50 % des personnes plus une qui m’aiment, la vie est belle !». Les intentions de vote pour Georges Frêche au premier tour seraient montées de 29 % à 31% depuis décembre dernier dans le Languedoc-Roussillon.

Le président de Région sortant est le grand gagnant des régionales selon le dernier sondage paru mardi 9 février et commandité par Midi Libre, L’Indépendant, et France Bleu. Selon ces résultats, la parution d’une liste au nom d’Hélène Mandroux, tout comme la médiatisation de son dernier dérapage verbal, n’auront pas détrôné Frêche.

Le principal opposant à la gauche, Raymond Couderc, tête de liste UMP, est quant à lui crédité de 20 à 21% selon les cas de figure. Il reste cependant un adversaire de taille pour le PS et Europe Ecologie, puisque son score lui permettrait de se présenter au deuxième tour. Il serait même en deuxième position des intentions de votes, sauf dans le cas d’une alliance avec Mandroux comme tête de liste, ce qui aujourd’hui n’est plus d’actualité (ndlr. le PS et Europe Écologie n’ayant pu trouver de réponse au problème de leadership).

Pour le second tour, deux hypothèses ont été prises en compte par le sondage. Le sondage parle d’une alliance PS-Europe-Ecologie pour laquelle la question de la tête de liste est toujours en suspens. Une première triangulaire pose en adversaires Georges Frêche (40%), Raymond Couderc (30%), et Hélène Mandroux (30%). La seconde triangulaire présente Frêche (40%) et Couderc (31%) avec Jean-Louis Roumégas (29%). La tête de la liste d’union reste là encore favorable à la maire de Montpellier, mais celle-ci ne ferait toujours pas le poids face à Frêche qui sortirait dans tous les cas gagnant de ces élections.

Mais en matière d’élection il y a toujours une zone d’incertitude. Personne ne peut prédire ce qui peut se passer d’ici les élections : un nouveau dérapage, de nouvelles alliances. Le comportement d’un électeur dans son isoloir est toujours difficilement prévisible.

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François Liberti: « Pour l’émer­gence d’une gauche de transformation sociale »

Depuis le 5 Janvier 2010, la gauche radicale[[Alternatifs, FASE, Front de Gauche (GU, PCF, PG) NPA, M’PEP, Objecteurs de Croissance]] présente une liste unitaire au premier tour des élections régionales en Languedoc Roussillon. Notons le caractère inédit de cet équipage : pareil consensus n’a été réalisé que dans le Limousin et en Pays de la Loire. Rencontre avec François Liberti (PCF), porte parole de la liste « A Gauche Maintenant ! ».

Avec son franc parler, l’ancien député-maire de Sète, vice président du Conseil général de l’Hérault, défend non pas une liste anti-Frêche, mais « fidèle aux valeurs de la Gauche ».
Objectif: « faire de la région un pôle de résistance aux politiques libérales »

Haut Courant : Comment parvient on à réaliser l’union de la gauche radicale ?

François Liberti : Concilier les différentes sensibilités, ça a mis du temps car nous n’avions pas l’habitude de travailler ensemble. Cela oblige à revoir les idées préconçues et à vérifier la pertinence des contenus. Encouragés par les résultats des élections européennes, on a voulu continuer sur la lancée de cette gauche de transformation au moment des régionales. Évidemment, il y a eu des périodes de confrontations passionnées durant la mise en œuvre de cette démarche partagée. Il faut noter que celle-ci s’est faite dans des circonstances particulières puisque, en Languedoc Roussillon, les militants du NPA ont refusé de suivre la position nationale suicidaire de leur parti.


Haut Courant : Pourquoi affirmez-vous qu’en Languedoc Roussillon, la Gauche a été trahie par le président de région sortant ?

François Liberti : Il y a plusieurs éléments distincts. Tout d’abord, c’est cette succession de petites phrases, qui sont tout sauf des dérapages : tout cela est calculé et structuré. Georges Frêche instrumentalise et affaiblit le débat d’idées et, le plus insupportable, joue avec un racisme populaire. Ce ne sont pas des valeurs de Gauche. Nous menons un combat basé sur les solidarités, les électeurs ne sont pas des cons! Quand on perd le sens des valeurs, on perd le sens même de la politique. Il faut en finir avec la mégalomanie et le pouvoir personnel en Languedoc Roussillon. Quand Frêche dit que Sarkozy lui ressemble comme une goutte d’eau, c’est tout à fait vrai, il se comporte comme une courroie de transmission de la politique sarkozienne dans la région.

Haut Courant : C’est-à-dire ?

François Liberti : On est dans une situation «laboratoire» en Languedoc Roussillon. Par exemple, quand la région se positionne pour financer la ligne de train à grande vitesse, c’est au détriment du réseau secondaire. Ce que l’on souhaite, c’est augmenter le réseau des TER, aller vers la gratuité des transports publics, ce qui est en soi un élément de justice sociale et à la fois un défi écologique.
D’autre part, le soutien de la région à une réforme territoriale visant à liquider les communes au profit des grandes métropoles qui captent l’essentiel des financements, ce n’est pas ce que nous voulons.
Et puis, nous trouvons anormal que la région participe au financement des lycées privés, au-delà de ce que la loi impose. Cet argent là devrait être redistribué pour aller vers la gratuité des transports dont j’ai parlé.

Haut Courant : Quelles sont donc les priorités de votre liste ?

 Photo : Rédouane Anfoussi

François Liberti : Il y a tout d’abord une urgence sociale due notamment à la précarité. Plus de 100 000 personnes sont mal logées dans la région. La lutte contre la spéculation immobilière est l’une de nos priorités, Frêche n’a pas freiné ce phénomène malgré la création de l’office foncier régional. On ne peut plus se contenter de quelques commissions-alibis bidons.
Il faut drainer les circuits vers ceux qui en ont vraiment besoin. Aujourd’hui la région débloque des aides aux entreprises, sans contrôle. Par exemple, l’argent public accordé à Areva et Sanofi n’a bénéficié qu’à la création d’emplois très qualifiés, d’autant plus qu’aujourd’hui ces entreprises licencient. L’engagement des fonds publics doit se faire sur une économie de proximité.

Haut Courant : Vous devez donc apprécier la création de la marque Sud de France ?

François Liberti : Cette fameuse marque ombrelle sert à la promotion de quelques grosses entreprises de la région qui importent des produits d’ailleurs, (comme des moules pêchées en Espagne) : le label sert ensuite de tête de pont pour la commercialisation à l’étranger. Je veux bien promotionner les vins du Languedoc à Shangaï ou New York, mais il faut aussi penser à redévelopper la production locale. Il faut aller vers un développement intelligent du territoire en favorisant un maillage de petites et moyennes productions.

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Mis à jour le 12 février à 4h00

Peut-on croire le sondage vérité ?

Le « sondage vérité » sur les intentions de vote aux élections régionales, publié le 09 février 2010 par Midi Libre, revu et corrigé par Aurélia Troupel, docteur en sociologie politique et professeur à l’Université Montpellier I.

Des chiffres sans surprises ressortent du sondage commandité par Midi Libre, L’Indépendant et France Bleu. L’enquête réalisée positionne, au premier tour, Georges Frêche (Divers Gauche) en tête avec 31% des intentions de vote ; suivi par Raymond Couderc (UMP) à 21% ; puis Hélène Mandroux (Parti socialiste) et Jean-Louis Roumégas (Europe Écologie) se talonnent respectivement à 11 et 10% (dans l’hypothèse où ces derniers ne font pas liste commune). Quant au second tour, pas de nouveautés là non plus : Georges Frêche arrive toujours en tête avec 40% des intentions de vote, suivi par une alliance Roumégas/Mandroux à 30 %, et par Raymond Couderc, 30% également.

Selon l’analyse de Midi Libre, Georges Frêche sortirait vainqueur de la polémique dont il a fait l’objet. En cas d’alliance PS-Europe Écologie, Hélène Mandroux serait plus convaincante en tête de liste que Jean-Louis Roumégas. En revanche, si chacun fait cavalier seul, Midi Libre parle d’«un léger avantage» de l’édile de Montpellier sur le candidat Vert.

Aurélia Troupel a une interprétation différente de ces chiffres : «le vrai enseignement que l’on peut tirer de ce sondage est que Jean-Louis Roumégas bénéficie d’un capital de notoriété conséquent. C’est un coup dur pour Hélène Mandroux». Ainsi, d’après ce sondage, Europe Écologie est en position de force et n’aurait pas grand intérêt à faire une alliance avec la tête de liste PS. «Politiquement, elle est dans une situation périlleuse. Dernièrement affaiblie, elle n’a pas pu faire voter le budget de sa propre commune. Elle joue beaucoup dans la bataille, et faire un bon score lui permettrait de retrouver une légitimité», rajoute l’enseignante. Ce sondage ne va pas faciliter les tractations entre Europe Écologie et les socialistes, et «va continuer à faire monter les enchères». Quant à Georges Frêche, ces 40% ne lui garantissent pas forcément la victoire : à un mois et demi du vote du premier tour, peut-être a-t-il atteint son score maximum? «Il y a encore une large part d’indécis qui peut tout changer. Même si le Languedoc Roussillon a une forte identité régionale et que l’abstention est rarement la plus élevée.». Autre constat: «cela va être difficile pour la droite
»

«Les sondages ne sont jamais fiables à 100%», souligne néanmoins Aurélia Troupel : «en aucun cas, ils ne modifient le vote car les effets qu’ils provoquent s’annulent». Ceux-ci se comptent au nombre de trois. Le premier : «l’électeur voit son candidat vainqueur et juge inutile d’aller voter». A contrario, voyant son «poulain» en difficulté, il va le soutenir en votant pour lui. Dernier effet, le vote utile : par exemple,«l’électeur soutient Hélène Mandroux mais va voter Georges Frêche sachant qu’il a plus chance d’être élu».

Il faut donc rester prudent dans l’interprétation de ce sondage. La campagne officielle des élections régionales n’a pas encore commencé, les programmes n’ont pas été rendus publics, les listes ne sont pas déposées, et le taux d’abstention peut jouer des tours. Et la sociologue d’ajouter : «tout peut encore basculer !». Surtout en Languedoc-Roussillon où les rebondissements ne manquent pas…

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Georges Frêche : l’anti-parisianisme comme thème de campagne pour les régionales

En entrant en conflit ouvert avec la direction du Parti socialiste, à la suite de son désormais fameux « dérapage », Georges Frêche a renoué avec un tropisme bien commode : l’anti-parisianisme. Très sollicité dans les médias depuis sa petite phrase sur Laurent Fabius, le président de la région Languedoc-Roussillon n’a de cesse de s’en prendre à cet élitisme donneur de leçon parisien auquel il oppose sa proximité avec les Languedociens.

Georges Frêche n’est pas franchement catholique. Ni même très Orthodoxe d’ailleurs. La chose n’est plus à démontrer. Le dernier psychodrame politico-médiatique qu’a provoqué sa sortie sur Laurent Fabius illustre avec éclat son goût pour la provocation et, souvent, la grossièreté.

Politisée à outrance, la petite phrase de Georges Frêche sur la « tronche pas catholique » de M. Fabius, a une nouvelle fois, provoqué l’ire de nombre de responsables socialistes. Cette énième bisbille entre le président de la région Languedoc-Roussillon et les caciques de la rue de Solférino souligne, s’il en était besoin, les rapports conflictuels qu’entretient « l’Empereur de Septimanie » avec la direction d’un parti qui l’a exclu en 2007.

Surtout, ce nouvel imbroglio illustre avec acuité l’anti-parisianisme récurent qui anime Georges Frêche. Un anti-parisianisme qui fait figure de maître mot, de constante dans la stratégie politique de l’ancien maire de Montpellier.

Cette appétence à opposer Parisiens contre Languedociens n’est certes pas nouvelle, mais le nouveau différend qui l’oppose à Martine Aubry et à la direction du Parti socialiste en offre une illustration criante. Très sollicité par les médias à la suite de son nouvel écart de langage, Georges Frêche n’a eu de cesse de s’insurger contre ce « parisianisme », avec sur le fond la dénonciation d’un certain élitisme, donneur de leçon, éloigné des réalités locales, « provinciales ».

Les diatribes du Président de la région Languedoc-Roussillon à l’égard de la capitale et, de facto, de la direction du parti, ont en fait commencé avant que l’Express ne révèle ses propos sur Laurent Fabius.

Répondant aux questions de Jean-Pierre Elkabbach sur Europe 1, le 15 janvier, Georges Frêche fustige d’entrée ces « journalistes parisiens qui ne sont jamais venus ici, qui ne me connaissent pas, qui n’étaient pas nés quand j’ai commencé ma carrière politique et qui donnent des leçons de morale en permanence ». Une critique que la nouvelle frasque de l’imperator ne va faire qu’amplifier.

A nouveau sur Europe 1 le 29 janvier, interrogé cette fois par Marc-Olivier Fogiel, Georges Frêche dénonce « un complot parisianiste », « un show parisien ». « On en a marre en Languedoc-Roussillon des Parisiens avec leurs escarpins vernis qui nous donnent des leçons » s’époumonait il, avant de déplorer le « divorce complet entre les élites et le peuple ».

Très en verve ce jour là, l’ancien maire de Montpellier réitère sa semonce au micro de Jean Jacques Bourdin sur RMC. « Nous en avons assez d’être perturbés par les trublions du VIe arrondissements » s’emporte-t-il. Et de fustiger les « petites querelles politiciennes, […] la politicaillerie » des dirigeants socialistes, rue de Solferino.

Des dirigeants avec lesquels il aime se montrer quelque peu provocateur. Comme à l’antenne de déplacement à Nîmes où, avec une émotion suspecte dans la voix, il rappelle que ses parents « se sont battus pour [lui] permettre d’avoir plus de diplôme que tout le bureau national du PS réuni ».

Hors micro, l’imperator poursuit sa critique contre les caciques socialistes. Dans un communiqué de presse, Georges Frêche, revenant sur l’investiture de Mme Mandroux, s’en prend à une décision « concoctée par le clan Aubry ». Et de se poser en victime, « coupable de ne pas penser comme dans les salons parisiens »…

La presse se fait également l’écho de cet anti-parisianisme stratégique du président de région. Vendredi 5 février, Le Républicain Lorrain consacre son éditorial à « L’emmerdeur » Georges Frêche. Pierre Fréhel rappelle que « son ancrage local et son anti-parisianisme assumé font de lui un adversaire coriace ». « Frêche est donc l’empêcheur, ce qui l’autorise à jouer les emmerdeurs pour régler ses comptes personnels avec quelques éminences parisiennes » estime l’éditorialiste.

L’éditorial de La Dépêche du 3 février revient lui sur « Le cas Frêche ». Jean-Claude Souléry semble prendre la défense d’un homme qui « parle sans lever le petit doigt, par à-coups, par rafales, une vraie tramontane à décorner les Parisiens et autres gens de cour ». Et l’éditorialiste de déplorer le « fantastique décalage entre le discours d’une élite nationale – soumise au jugement médiatique – et la réalité, beaucoup plus prosaïque, du terrain ».

Paul Alliès, secrétaire national à la rénovation du PS se veut quant à lui plus sévère. Sur son blog, il présente Georges Frêche comme « l’incarnation de la lutte contre Paris ». « Frêche a reconverti la tradition vitupérante du socialisme viticole en protestation urbaine » poursuit le professeur.

Le nouveau conflit qui l’oppose à la direction du PS a donc porté l’anti-parisianisme frêchiste à son paroxysme, avec comme corolaire une certaine exacerbation du localisme. Car la critique du parisianisme renforce de facto le sentiment d’appartenance à une identité régionale.

Georges Frêche se plait à rappeler sa proximité avec les Languedociens dans presque chacune de ses interventions. « Ici, ça étonne beaucoup de parisiens mais les gens m’aiment » déclarait-il ainsi à l’antenne d’Europe 1. Sur la même antenne, face à un impertinent Marc Fogiel tentant à plusieurs reprises de le taxer de populisme, il reprend son traditionnel refrain : « Ici je suis dans le réel, je fréquente les gens et ils m’appuient ; ce n’est pas le VIe arrondissements qui va régler les problèmes dans ce pays ». Et de rappeler qu’« ici, les gens [l]’aiment, c’est une chose qu’à Paris ils ont du mal à comprendre, parce que les élites parisiennes sont mal aimées à l’heure actuelle ».

Parfois, cette ode au peuple Languedociens, frisant le populisme, tourne au pathétique. Comme lors du déplacement à Nîmes où, presque larmoyant, à la limite du comique, il fait cette déclaration : « Ce qu’à Paris ils ont du mal à comprendre, c’est que les gens m’aiment, et l’amour du peuple, quand dans ses yeux vous voyez le respect et l’amour, alors, vous êtes le maître du monde » …

Parisiens contre Languedociens, voilà en substance la stratégie politique de l’ « Empereur de Septimanie ». Stratégie que le dernier psychodrame politico-médiatique a illustré avec éclat. S’appuyant sur de solides réseaux, ce localisme est en tout cas en mesure de permettre au baron Georges Frêche de conserver, pour un nouveau mandat, son trône régional.

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Jacques Molénat, retour sur « la » phrase qui a fait basculer le PS contre Frêche

Jacques Molénat est l’auteur du dossier « Frêche : Tyran et titan » de l’Express qui a fait tant de bruit ces derniers jours. Qui, mieux que celui qui suit Georges Frêche depuis plus de 30 ans, pouvait revenir sur la petite phrase aux grosses conséquences : « voter pour ce mec (Ndlr. Laurent Fabius) en Haute-Normandie me poserait un problème : il a une tronche, pas catholique ». Rencontre avec ce journaliste indépendant, spécialiste des thématiques régionales qui écrit pour La Gazette de Montpellier, mais aussi pour l’Express et Marianne.

Modifié le dimanche 7 février 2010

« Je savais que cela provoquerait un choc mais je ne m’attendais pas à un tel tsunami »

C’est par ces mots que Jacques Molenat s’exprime sur la phrase qui, telle une traînée de poudre, s’est répandue dans les médias ces dernières semaines. Pourtant, au lendemain du dernier conseil d’agglomération du 22 décembre 2009,pendant lequel Frêche a tenu les propos incriminés, seul le journal gratuit Montpellier Direct Plus faisait écho de la fameuse phrase de Georges Frêche à l’égard de Laurent Fabius. C’est plus d’un mois après, le 27 Janvier 2010, que le dossier écrit par Jacques Molénat remet cette phrase au goût du jour.

La petite note de bas de page [[Une note de bas de page a été accolée aux propos : elle renvoyait aux origines juives de Laurent Fabius.]] qui change la donne

« Cette note a été rajoutée par la rédaction de l’Express. », explique Jacques Molénat. « Effectivement, cela m’a gêné. Si la rédaction m’avait consulté avant de prendre cette initiative, j’aurais atténué le propos en ajoutant que Georges Frêche soutient activement la communauté juive de Montpellier. C’est vrai, la phrase a été mise en gras par l’Express. Mais je comprends qu’ils aient « sursauté » sur le propos. Même si cette note induit qu’il peut flirter avec la fibre antisémite ».
Pourtant, d’après le journaliste, cette phrase n’était pas innocente. Pour lui, il s’agit d’une ambiguïté délibérée. Si Frêche a un comportement parfois volcanique, c’est un intellectuel brillant et stratège qui sait être très bon acteur : « il peut jouer au moins 20 à 30 rôles selon le public ».

Des regrets ?

Jacques Molénat en a surtout sur l’interprétation abusive à caractère antisémite qui ne colle pas avec les faits et le personnage. Il ajoute : « cela fait partie des choses que l’on ne maîtrise pas en écrivant un article ».
Mais le contexte électoraliste est à prendre en compte : les voix de Frêche sont composites et l’homme sait parfaitement « flatter une fibre xénophobe, c’est une tactique ». Le journaliste insiste dans le dossier sur l’ambivalence et la complexité du personnage : « ses convictions de fond sont en contradiction avec son comportement ».

Un « très bon client » pour les médias

Quant à son rapport avec la presse et les journalistes, là aussi, Georges Frêche fait des siennes. Avec lui, c’est un peu la main de fer dans un gant de velours. Il sait les flatter, les intimider mais il est surtout, comme on le dit dans le jargon, « un très bon client ». La preuve, il n’hésite pas, lors des sessions du conseil régional, ou de l’agglomération de Montpellier, à faire un petit signe de connivence aux journalistes présents sur place : « Notez là-haut, je vous fais une puce. ». http://www.montpellier-journal.fr/2010/01/freche-fabius-lenregistrement.html. Et Jacques Molénat le reconnaît volontiers « Frêche me permet de vivre. C’est un personnage sur lequel j’ai beaucoup écrit. La difficulté est là, prendre du recul, voir les deux faces du personnage et ne pas tomber dans son piège de communication ». Pourtant, de nombreux médias locaux et nationaux, pour ne pas dire tous, y sont tombés : l’actualité reste centrée sur le président de la région Languedoc-Roussillon. Quant à sa fameuse phrase, il s’agit d’une actualité dépassée remise dans l’agenda médiatique. D’ailleurs comme le révèle Daniel Schneidermann d’Arret sur images, si le titre de l’article de l’Expresss était « Frêche, tyran et titan », le site internet de l’hebdomadaire avait lui récrit le chapeau pour insister sur la phrase polémique et retitré « Le dernier dérapage de Georges Frêche, tyran et titan ».

Et les autres candidats aux régionales, ont-ils une chance face à cette déferlante médiatique ?

Pour Jacques Molénat, Hélène Mandroux, risque de se retrouver seule, si aucune alliance avec Europe Ecologie n’est conclue. Mais toujours selon lui, il s’agit plus d’un règlement de compte : « il l’a humiliée, elle a vraiment envie d’y aller. Les plus virulents des anti-frêchistes sont souvent ceux qui ont été proches de lui ». Quant à l’UMP, le parti présidentiel est desservi par l’implantation socialiste et la présence de Georges Frêche depuis les années 1970. Mais l’apparente discrétion médiatique de Raymond Couderc serait peut-être stratégique.
La manœuvre du PS risque donc, selon Jacques Molénat, de tourner au fiasco : « c’est une démarche trop pulsionnelle, je ne sais s’ils font la bonne analyse même si Frêche les encombre depuis longtemps ». D’après les derniers sondages, une liste PS menée uniquement par Hélène Mandroux, obtiendrait 11% des voix. Jacques Molénat souligne : « Martine Aubry aura néanmoins eu la posture morale de rénover le PS ». Et Frêche ? « Il a su se servir des évènements pour se victimiser, il a ses troupes qui font bloc derrière. Je pense qu’il va gagner ».

Et Georges dans tout cela, fâché ?

« C’est un peu grâce à moi qu’il est devenu la vedette nationale des élections régionales », dit le journaliste en souriant. A l’évocation de l’auteur du dossier par une journaliste de Marianne, la réponse est sans équivoque : « Moi, Molénat, je n’en parle pas ». Pourtant, M. Frêche, sans la phrase de M. Molénat, le choc des titans entre le PS et vous, n’aurait pas eu le même goût de défi que vous affectionnez tant…

Mis à jour le 7 janvier à 15h00

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Régionales en Languedoc-Roussillon: Bienvenue chez les fous!

Si ses frasques médiatiques captent toute l’attention, Georges Frêche est loin d’être le seul à donner à la vie politique languedocienne des accents carnavalesques. À l’ombre du maître, nombreux sont ceux qui animent avec tout autant de brio une vie politique pas très catholique. Plongée dans l’ubuesque microcosme languedocien, le pays où les chasseurs votent socialiste.

«Les gens m’aiment!» se plait à proclamer l’expansif président de la Région Languedoc-Roussillon, Georges Frêche. Et on aurait tendance à le croire tant sa figure s’est imposée dans la région au cours d’une carrière qui s’étale sur plus de trois décennies. Trente-trois ans, exactement, depuis son élection à la mairie de Montpellier en 1977, et le tarnais est une fois encore seul en tête dans la course à une présidence de région qu’il occupe depuis 2004. Pour cette énième joute électorale, M. Frêche prendra la tête d’une liste balayant presque tout l’échiquier politique, de certains des communistes à la section locale de Chasse Pêche Nature et Tradition (CPNT). Une exception nationale, un miracle politique, peu de chose en réalité pour le magicien Frêche. C’est même sa griffe, ratisser large, jouant à merveille de l’influence et du réseau qu’il a pu développer au cours de ses longs séjours aux différents sommets du pouvoir local. L’annonce de la constitution d’une liste PS officielle avec à sa tête Hélène Mandroux n’a pas de quoi l’effrayer, lui qui a bâti ses victoires sur son nom et son bilan bien davantage que sur son étiquette. M. Frêche « aime les cons » (comprendre: les électeurs) et, apparemment, les cons le lui rendent bien…

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Batailles d’arrière-cour

Bien difficile dans ces conditions, de faire entendre sa voix dès lors que l’on n’appartient pas à la famille de « Monsieur Georges ». Pas découragés pour un sou, ses adversaires se rêvent tous en tombeur du chef et les places sont chères pour avoir l’honneur d’être battu par Georges Frêche. En cette veille d’élection, les aspirants de tout poil se livrent à de véritables batailles d’arrière-cour. Chacun espérant de petits profits électoraux et ménageant, surtout, de grandes ambitions personnelles. La chronique montpelliéraine regorge ainsi de petits évènements qui rivalisent de cocasserie depuis quelques jours. Depuis, en fait, la sortie médiatique d’un certain Georges Frêche révélée par l’Express le Jeudi 28 Janvier.

Premier acteur de cet emballement: les Verts. Pardon, Europe Ecologie. Bien que clamant haut et fort sa position anti-Frêche, et préférant se présenter comme un rassemblement plus qu’un parti, le mouvement de Jean-Louis Roumégas et de José Bové n’est pas en reste de tactiques politiciennes. Ayant laissé entendre pendant un temps qu’un rapprochement avec Hélène Mandroux était envisageable, Europe Ecologie a brusquement fait volte-face après l’annonce de la candidature du maire de Montpellier. Au lieu de sauter sur l’occasion de constituer une liste de coalition en mesure de concurrencer efficacement Georges Frêche, les écologistes attendent désormais un sondage commandé par le parti pour se prononcer. Ceux-ci poseraient de toute façon, comme préalable à tout accord avec le PS, l’engagement d’une présidence tournante de la Région en cas de victoire… Du jamais-vu!

Jean-Louis Roumégas se rappelle au bon souvenir d’une Hélène Mandroux qui avait refusé une alliance avec les Verts lors de l’élection municipale de 2008, et pourrait laisser cette fois-ci Mme Mandroux et le Parti Socialiste dans une situation pour le moins inconfortable au vu du poids réduit des autres partenaires potentiels de la Liste PS au premier tour.

Farce politique

Manœuvre politique, rien d’inhabituel, dira-t-on. Admettons. Mais que dire, alors, de l’invraisemblable valse du MoDem. Revendication de militants, la tenue d’une primaire n’avait été accordée qu’à la fédération du Languedoc Roussillon, qui avait dûment investi, début Janvier, un ticket porté par Marc Dufour, président de la Fédération Départementale Modem de l’Hérault. Un bel exemple de démocratie. Et puis, coup de théâtre suite à un sondage paru dans le Midi-Libre du 20 Janvier révélant un net avantage pour le ticket, perdant lors des primaires, du médiatique Patrice Drevet. Le parti décide finalement de confier la liste au vaincu, désavouant la décision des militants qui n’avaient accordé que 36,3% de leur suffrage au tandem Labrousse-Drevet. Dernier rebondissement en date, Marc Dufour qui avait un temps accepté la décision du parti, menace désormais de présenter une liste dissidente si Patrice Drevet décidait de modifier la liste investie par les militants. Drôle d’ambiance décidément au sein du MoDem languedocien.

Au final, la lutte pour les régionales tourne à la foire d’empoigne. Un deuxième parti de France qui n’a pas même la certitude d’amener sa liste officielle au second tour, un « rassemblement » écologiste jouant la carte des intérêts particuliers et un Mouvement Démocrate qui désavoue son dirigeant local, démocratiquement désigné, au profit d’un présentateur météo surgi de (presque) nulle part. Georges Frêche peut fanfaronner, lui qui aura profité plus que quiconque de sa « bourde » à propos de Laurent Fabius. Un comble, mais l’homme n’est plus à une contradiction près, et s’apprête vraisemblablement à rafler une fois encore le premier rôle dans la farce politique qui se joue en Languedoc-Roussillon.

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La gauche anti-frêchiste : un « coup d’Etat » du PS ?

Depuis le dernier dérapage de Georges Frêche, la gauche est plus que jamais divisée en Languedoc-Roussillon. Pro-frêchistes et pro-Mandroux s’affrontent dans une guerre des nerfs. Si la situation actuelle est compliquée, elle l’est d’autant plus pour les électeurs.

Un énième dérapage de Georges Frêche fait l’actualité. Le président de la région Languedoc-Roussillon a tenu des propos au sujet de Laurent Fabius, le 22 décembre dernier devant le Conseil d’agglomération de Montpellier : « Voter pour ce mec en Haute-Normandie me poserait un problème, il a une tronche, pas catholique ». Pour Laurent Fabius, ces propos avaient «évidemment un caractère antisémite». Il n’en fallait pas plus pour que cette phrase fasse polémique et indigne plusieurs membres du Parti Socialiste. Frêche a écrit une lettre à l’ancien premier ministre socialiste, dans laquelle il revient sur ce qu’il qualifie d’un «incident», il s’y explique sans s’excuser, et en se disant victime d’une « chasse à l’homme ».

Suite à ces déclarations, Manuel Valls a quant à lui demandé, au micro de France Inter, la constitution d’une « nouvelle liste » en Languedoc-Roussillon. Il estimait en effet que « le risque de perdre une région n’est rien par rapport au risque de perdre l’essentiel, nos valeurs ». La Première Secrétaire, Martine Aubry, avait suivi en demandant à Hélène Mandroux, maire de Montpellier, de «conduire une liste de rassemblement entre la gauche et les écologistes en Languedoc-Roussilon».

Ces propos ne sont pas les premiers à défrayer la chronique. Georges Frêche est président de la région Languedoc-Roussillon depuis 2004, après avoir été maire de Montpellier et député de l’Hérault. Ce personnage historique fait désormais partie de la vie quotidienne des Languedociens et laisse rarement indifférent. Il est exclu du parti socialiste en 2007 après avoir tenu une série de propos jugés déplacés. Bien que désormais extérieur au PS, il garde une influence certaine, notamment en Languedoc-Roussillon.

Une tentative de construction d’une liste socialiste alternative à Frêche avait déjà eu lieu en novembre dernier sans aboutir. Le socialiste Paul Alliès, Secrétaire national adjoint à la rénovation annonçait alors que « le PS ne [voulait] pas Georges Frêche pour les régionales ». Missionné par la direction du parti, Paul Alliès devait s’employer à construire une liste socialiste sans Frêche. Cette déclaration avait suscité de nombreuses réactions au sein du PS dont celle de Christophe Borgel, secrétaire national aux élections, qui avait déclaré : « Paul Alliès ne pouvait se revendiquer d’un mandat national », tout en ajoutant que le PS « espère arriver à un rassemblement de la gauche. Nous sommes convaincus que c’est la bonne voie. Encore faut-il que les acteurs en aient envie. ». Appelés à se prononcer le 3 décembre 2009 sur la constitution des listes, les militants socialistes de Languedoc-Roussillon avaient plébiscités la liste de la fédération, avec pour tête de liste dans l’Hérault, Georges Frêche.

Ce vote sonne donc le glas d’une éventuelle liste alternative. Le parti socialiste annonce cependant par la voix de Christophe Borgel : « Nous ne proposerons pas à la Convention nationale de donner l’investiture nationale à Georges Frêche. Et nous ne proposerons pas un autre dispositif, car sans nos partenaires, ce serait ajouter de la division ». Enfin, un ultime rebondissement semblait clore cette étape : le 17 janvier Martine Aubry déclare : « Georges Frêche n’a pas l’investiture du parti socialiste (…) mais j’espère qu’il gagnera parce que je ne veux pas que cette droite gagne ».

Après avoir échoué dans sa tentative d’alliance entre certains socialistes dont le président du Conseil général de l’Hérault, André Vezinhet, et la liste commune Front de gauche-NPA-PCF menée par René Revol, Paul Alliès pensait miser sur Europe-Ecologie, mais cette nouvelle polémique autour de Georges Frêche va sans doute changer la donne. La constitution d’une liste anti-Frêche offre ainsi une place de choix à Hélène Mandroux, maire de Montpellier, pour le leadership d’une liste autonome PS. Cette liste a été officiellement investie hier soir par le bureau national.

Malgré ces bouleversements et ces nouvelles alliances, il va être difficile pour le PS de détrôner le président de Région sortant.

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J-L Roumégas : « les socialistes ne peuvent pas se poser en rassembleurs de la Gauche alors qu’ils sont divisés »

Porte-parole national des Verts, Jean-Louis Roumégas a été désigné pour mener la liste Europe-Ecologie aux élections régionales en Languedoc-Roussillon. Alors que la liste officielle vient tout juste d’être établie, il répond aux questions de Haut Courant.

Quel bilan tirez-vous de la politique du Conseil régional sous le mandat de Georges Frêche ?

Il faut distinguer le bilan personnel de Georges Frêche, assez mauvais, et celui de l’équipe du Conseil régional, plus mitigé. D’une part, M. Frêche s’est fâché avec tout le monde : les Verts, les communistes mais aussi avec le Parti Socialiste. Cela n’arrive pas par hasard : c’est le résultat d’un comportement, de pratiques de gouvernance qui sont inacceptables, et des dérives de son discours politique. Le bilan de l’équipe du Conseil régional, secteurs par secteurs, est à nuancer.

En ce qui concerne la rénovation des lycées, le retard a été en partie rattrapé. Il y a eu plusieurs constructions d’établissements. Par contre, ce qu’il manque : une plus Haute Qualité Environnementale (ndlr. HQE), une basse consommation ou du bio dans les cantines. Pour les lycées 21, l’initiative vient des lycéens sur la base de l’Agenda 21. Il n’y a pas eu de politique de la Région pour impulser ce type d’établissement, même si elle s’en vante.

En matière de transports ferroviaires, une des compétences de la Région, il y a eu de bonnes choses de faites comme la KARTATOO. Cependant, la modernisation des lignes ferroviaires n’a pas été à la hauteur de ce qui avait été promis.

Concernant l’aménagement du territoire, Georges Frêche a une vision qui est à l’opposée de ce que nous défendons. Il a fait de Montpellier une mégalopole susceptible d’attirer tous les habitants de la région. Au contraire, nous sommes pour une région multipolaire.

Frêche se vante d’avoir développé les énergies renouvelables. Il l’a un peu fait. Nous étions premiers en matière d’éolien en 2008. Nous sommes maintenant quatrièmes alors que le Languedoc-Roussillon a un fort potentiel en éolien et en solaire.

Et sur le plan économique ?

Là, l’échec est flagrant. Les gens pensaient que Frêche allait faire pour le Languedoc-Roussillon, le « miracle Montpellier ». Il voulait hisser la région au quatrième rang de France. Or, six ans après, nous sommes derniers en termes de PIB par habitant derrière le Nord-Pas-de-Calais, et avant-derniers en matière de chômage.

Que pensez-vous des dernières déclarations de Georges Frêche, notamment au sujet de Laurent Fabius ?

Cela fait des années que nous dénonçons les dérapages de Georges Frêche. Dernièrement, il a traité un pasteur de la CIMADE de nazi, Silvain Pastor d’antisémite parce qu’il soutient les Palestiniens, Jean-Paul II d’abruti, il a accusé les policiers d’avoir mis le feu à des voitures lors des émeutes de 2005. Aujourd’hui, son directeur de la communication lui arrache le micro avant qu’il ne dise des bêtises.

Ce n’est pas ces dérapages qui sont les plus graves. Ce qui est contestable, c’est sa politique autocratique, le fait du prince.

Donc, vous excluez tout accord avec Georges Frêche au second tour ?

Oui, et ce depuis le début de la campagne. Nous ne voulons plus de lui comme président. Il est hors de question de cautionner sa politique. Le Front de gauche et certains socialistes, ont pris la même position. Une majorité de gens à gauche veulent un changement. D’où la volonté de rassemblement.

Envisagez-vous une alliance avec Hélène Mandroux ?

Nous n’avons pas attendu l’intervention de Martine Aubry pour discuter d’une éventuelle alliance. Les socialistes autour de Paul Alliès et d’Hélène Mandroux nous avaient déjà sollicités pour savoir si Europe Ecologie était prête à accueillir des socialistes. Nous avions répondu favorablement. J’ai même proposé à Hélène Mandroux de prendre la tête de liste dans l’Hérault. Aujourd’hui, Martine Aubry se réveille, bien tard, et fait comme si c’était elle et les socialistes qui allaient rassembler. J’attends déjà de voir ce qu’ils vont rassembler ici, car beaucoup restent derrière Georges Frêche. Les socialistes ne peuvent pas se poser en rassembleurs de toute la Gauche alors qu’ils sont eux-mêmes divisés.

Que pensez-vous du fait qu’un ancien Vert comme Yves Piétrasanta soit inscrit sur la liste de Georges Frêche ?

C’est parce qu’il y est, qu’il a été exclu des Verts. Il a choisi de soutenir Frêche et son système plutôt que l’écologie. Je trouve dommage que des gens qui se disent écologistes aillent servir de caution à Georges Frêche sans infléchir sa politique dans un sens plus écologique. Il ne suffit pas de mettre quelques petites pincées de « vert » sur les politiques du Conseil régional, il faut une réelle transformation écologique. Je trouve que ce sont des écologistes qui manquent d’ambition.

Et que pensez-vous de Patrice Drevet qui conduit la liste de l’Alliance écologique indépendante ?

C’est un écologiste mondain. Il a présenté la météo à la télévision et s’est découvert écologiste quand tout le monde était déjà convaincu. Il est adjoint dans une mairie UMP et ne se présente pas comme écologiste mais en tête d’une liste MoDem teintée d’écologie. C’est comme le pâté d’Alouette : il y aura un cheval de MoDem et une alouette d’écologie.

Pouvez-vous nous résumer votre programme en quelques mots ?

Nous proposons aujourd’hui une politique économique très différente de ce qui a été fait à la Région. Notre projet repose sur trois piliers.

Le premier est la transformation écologique de l’économie régionale pour créer des emplois. Notamment dans le secteur du bâtiment. Il faut que la Région impulse et soutienne les projets de rénovation thermique et d’isolation. Elle doit aussi impulser encore plus largement dans le parc du logement.

Le second pilier est le développement des énergies renouvelables : l’éolien, le solaire et la biomasse (bois et déchets agricoles). Par exemple : créer une plate-forme offshore de grande dimension sur le littoral languedocien, construire des centrales terrestres de petite dimension sous forme de sociétés coopératives créées avec les communes. Nous souhaitons développer le solaire sur les toits des habitats et les bâtiments publics de la région. Il faut créer des centrales photovoltaïques. Pour la biomasse, il y a deux axes : impulser l’équipement en chaudières et monter des filières de granulés et de copeaux de bois, en profitant du gisement important qu’offre la forêt languedocienne. Il est aussi nécessaire de créer des transports alternatifs.

Le troisième pilier : l’agriculture. Nous voulons développer un vrai plan biologique au niveau régional, avec des aides à la conversion bio, le développement de circuits agroalimentaires courts. L’offre en bio n’est pas, aujourd’hui, à la hauteur de la demande au niveau régional. Nous devons donc importer, ce qui est une aberration. Il est idiot de faire voyager des produits sur des milliers de kilomètres.

Et au sujet de la viticulture ?

La viticulture, en Languedoc-Roussillon, est en grave crise de revenus. Notamment à cause de la concurrence internationale et de la baisse de la demande. Nous sommes pour une viticulture régionale de qualité environnementale, dans sa dimension de terroir. Ce doit être un argument de vente à l’étranger.

Comment allier la compétitivité et l’écologie dans ce cas ?

Les vins biologiques et les vins de terroir se vendent à un meilleur prix sur le marché international. C’est sur les vins standardisés, bons marchés, que nous perdons la compétition. Certains pays sont moins chers que nous comme la Nouvelle-Zélande et l’Argentine. Alors, il ne faut pas chercher à s’aligner sur eux. Les salaires ne le permettent pas ici. Considérer que les produits agroalimentaires sont aussi des produits culturels est une valeur ajoutée. Il faut sortir de cette vision industrielle de l’agroalimentaire. Les gens évoluent vers du produit culturel, du savoir-faire, et du produit bon pour la santé. Nous voulons créer un centre de ressources international de la vigne et du vin qui œuvrera pour servir cette culture du vin et qui va assoir la notoriété internationale des vins du Languedoc.

Que proposez-vous en matière de politique culturelle ?

Nous voulons éviter les phénomènes de concentration, de soutien exclusif à la culture de prestige. Nous souhaitons aider au développement local de la culture en soutenant des lieux de création et de diffusion dans l’ensemble de la région. Il faut laisser la liberté aux artistes d’innover plutôt que de conserver la culture « fait du prince » actuelle. Actuellement, des dépenses de prestige représentent environ 90% du budget culturel. La Région a dépensé 54 millions d’Euros pour construire la Grande Salle alors qu’avec cet argent on aurait pu créer une cinquantaine de lieux culturels dispersés dans l’ensemble du territoire régional.

Pour finir, que pensez-vous de l’échec du Sommet de Copenhague ?

Il montre qu’il existe des grands discours sur l’écologie, mais lorsqu’il s’agit de passer aux actes, il y a eu incapacité des politiques traditionnelles. Il n’y a pas l’expertise nécessaire : Nicolas Sarkozy confond le changement climatique et le trou dans la couche d’ozone, Rachida Dati parle de refroidir la planète de 2 degrés. Il y a donc une méconnaissance des questions écologiques.

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Mis à jour le 3 février à 0h30

Jeanjean lance sa campagne au Mas-Drevon

Samedi 30 janvier, Christian Jeanjean inaugurait sa permanence de campagne rue Pedro-de-Luna à Montpellier. Suspendu par la majorité présidentielle pour avoir maintenu sa candidature face à l’investi Raymond Couderc, le maire de Palavas-les-Flots a présenté les grands axes de son programme.

Une candidature pour l’honneur

Le feuilleton politico-médiatique a agité la région pendant plusieurs semaines l’an dernier. Malgré la désignation, après vote interne à l’UMP, de Raymond Couderc comme tête de liste pour les régionales, Christian Jeanjean a choisi de maintenir sa candidature. Prenant acte de la victoire du sénateur-maire de Béziers aux primaires, le parti présidentiel a choisi de suspendre sine die M.Jeanjean le 7 juillet dernier. L’heure de la réconciliation n’a toujours pas sonné d’ailleurs. Le Palavasien attend le délibéré du tribunal d’instance de Paris, le 9 mars prochain, dans le litige qui l’oppose aux instances nationales du parti sur la validité de ces primaires.

Pour M.Jeanjean, les régionales 2010 sont aussi une question d’honneur. Sur son site de campagne, un onglet renvoie à une lettre que lui a adressé Raymond Couderc au lendemain des municipales de 2008. Dans cette missive, M.Couderc s’engage à deux reprises: «je ne suis pas candidat à la candidature pour les régionales». Pour l’édile de Palavas, cette lettre laissait le champ libre pour affronter Georges Frêche. Un souhait qui l’avait poussé à laisser son siège de député de l’Hérault en 2007. Ses ambitions ont été balayées, et sa dissidence rend peu probable une victoire le 22 mars prochain. Mais sa volonté de se présenter devant les électeurs est demeurée intacte.

Proposer plutôt qu’affronter

Une bonne centaine de supporters étaient présents, samedi 30 janvier, pour l’inauguration de la permanence de campagne de M. Jeanjean. Le modeste local est situé au milieu des commerces du Mas-Drevon. Et le staff du candidat Divers Droite veillait particulièrement à ne pas encombrer les artisans. M.Jeanjean a même achevé son discours en s’excusant auprès d’eux, et en s’engageant à favoriser le petit commerce s’il accède à la tête de la région.

Avant ça, le maire de Palavas-les-Flots a abordé pendant une trentaine de minutes les grands points de son programme électoral. Il a notamment promis d’agir pour l’agriculture: «Dans chaque département, nous lancerons de grands chantiers pour la pêche et pour la viticulture». En appellant à la création d’emplois dans le domaine environnemental, Christian Jeanjean a confirmé l’une des principales orientations de sa campagne: faire du développement durable un atout pour l’économie régionale. A ce sujet, il mise aussi sur le tourisme: «Notre région doit attirer, sur ses côtes comme dans l’arrière-pays». Pour autant, le candidat se veut réaliste sur le financement de la gestion qu’il envisage: «Nous avons des projets en quantité, mais il nous faudra les mener dans la rigueur. Notre région doit faire mieux que dans le passé.» Largement applaudi, M. Jeanjean a été à peine interrompu, au début de son discours, par une opposante, qui l’a qualifié de« menteur».

Dans une campagne qui, on l’a vu ces derniers jours, a été marquée par les règlements de comptes entre candidats, M. Jeanjean a surpris par sa sérénité face à ses concurrents. S’il a fustigé le bilan de Georges Frêche, il a fait à peine allusion à son frère ennemi, Raymond Couderc. Une modération qui a séduit ses fidèles: «Les autres listes n’échangent plus, elles se tapent dessus. Jeanjean, lui, au moins, il a un programme», assure une militante. Pour Aimée, habitante de Palavas, Christian Jeanjean a du courage de mener cette lutte seul: «Il a eu le même courage, en 2004, quand il a quitté l’agglomération de Montpellier pour montrer son désaccord à la politique de Frêche. Cela ne lui a apporté que des succès». Patrice, de Montpellier, est lui convaincu par le candidat Jeanjean: «Il s’est exprimé pour une vraie relance du Languedoc-Roussillon, avec une politique concrète pour la viticulture. Notre région a besoin de changement et il en propose».

Jeanjean l’inattendu?

Dans le sondage de la Sofres, commandité par le Parti Socialiste, la liste d’Union républicaine et populaire de Christian Jeanjean est créditée de seulement 4% des suffrages. Un score faible qui fait douter d’emblée sur la capacité du candidat Divers Droite à peser dans les tractations du second tour. Ce dernier s’est pourtant toujours défendu d’être un candidat « pantin« , assurant même, dans une interview à Midi-Libre le 16 janvier dernier, avoir eu vent «que Frêche venait de réunir son staff de campagne pour lui faire part des inquiétudes que je lui inspire». A ceux qui le disaient dans l’incapacité de former des listes pour les prochaines régionales, Christian Jeanjean, entouré de ses têtes de listes, a répondu samedi: «Nous avons réussi à monter une liste dans chacun des départements.» Réussira-t-il aussi à contredire les statistiques? Réponse le 14 mars prochain.

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Mis à jour le 1er février à 10h00