Nationalisme corse et catalan : victoire identitaire ou politique de l’identité ?

Y-a-t-il une issue à la crise catalane ? À l’heure de la multiplication des mandats d’arrêt à l’encontre des dirigeants indépendantistes catalans, Haut Courant revient sur leur victoire aux élections et la source de ce nationalisme auprès de trois experts : les chercheurs Juan Moreno et Christophe Roux, et le président de l’amicale des Corses de Montpellier, Christian Castelli. Analyse.

Le 21 décembre 2017, les élections catalanes ont accordé de nouveau une majorité absolue aux partis indépendantistes avec les deux listes « Junts pel Si » (JuntsxCat et ERC-CatSi) et la Candidature d’unité populaire (CUP, extrême gauche). Les indépendantistes catalans ont obtenu 70 des 135 députés régionaux, pour 47,5% des voix. Le Parti populaire s’est effondré, tombant à 3 sièges contre 11 aux élections de 2015. Le président destitué de la région et réfugié à Bruxelles, Carles Puigdemont, s’est satisfait de ce résultat. La tête de liste du parti libéral et anti-indépendance Ciudadanos, Ines Arrimadas, a remporté 1,1 million de voix et 37 sièges au parlement catalan mais elle ne dispose pas d’alliés pour former un gouvernement. Ce parti est né en 2006 afin de se mobiliser contre les politiques nationalistes.

Dimanche 10 décembre, le second tour des élections territoriales en Corse a donné une large victoire à la liste nationaliste « Pè a Corsica » avec plus de 67 000 voix, soit 56,5% des suffrages exprimés, pour une participation de 52,6%. La coalition, menée par l’autonomiste Gilles Simeoni et l’indépendantiste Jean-Guy Talamoni, a ainsi remporté 41 des 63 sièges de l’Assemblée de Corse.

Suite à ces deux victoires, les réactions se sont enchaînées. Du côté des Catalans, le président indépendantiste sortant du gouvernement régional, Artur Mas, a revendiqué la victoire, en lançant : « Nous avons gagné ! » « Le oui l’a emporté, mais c’est aussi la démocratie qui a gagné. Nous avons un mandat démocratique (…), nous avons une énorme légitimité pour aller de l’avant avec notre projet ». Du côté de l’Île de Beauté, Michel Castellani, député nationaliste de la première circonscription de la Haute-Corse, a déclaré : « Le gouvernement doit maintenant prendre en compte la volonté des Corses de vivre démocratiquement leur autonomie. Il doit cesser de mépriser leurs élus et élaborer avec eux le cadre institutionnel de l’île. »

Regards croisés sur « la question catalane »

Si pour la Corse, les revendications d’indépendance ne sont pas d’actualité, elles le sont pour la Catalogne. Christophe Roux dans La Démocratie espagnole évoque cette « question catalane au coeur des tensions qui fragilisent la gouvernabilité de l’Espagne ». Se pose alors le problème de la légalité constitutionnelle. Mariano Rajoy, le Premier ministre espagnol, en appliquant l’article 155 de la constitution de 1978, a défendu « l’intérêt général de l’Espagne », affirmait-il. Cette légalité imposée par Madrid se fonde sur la constitution, votée par le peuple. La légitimité populaire à laquelle s’attachent les indépendantistes n’est donc pas à un seul sens. Le fondement juridique d’une démocratie semble intrinsèque à sa nature.

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Christophe Roux est professeur de science politique à l’Université Nice Sophia Antipolis et chercheur au CEPEL de l’Université de Montpellier. Il est l’auteur de Corse Française et Sardaigne italienne. Fragments périphériques de construction nationale (2014) et de La Démocratie espagnole. Institutions et vie politique (2016), co-dirigé auprès d’Hubert Peres.
Selon lui, l’État espagnol souhaite maintenir l’intégrité de son territoire, dès lors, « il n’a aucun intérêt à l’indépendance de la Catalogne ».
Juan Serrano Moreno, chercheur à l’Université de San Diego au Chili, docteur en science politique à l’Université Paris Sorbonne et avocat membre du barreau de Madrid, rappelle l’illégalité actuelle d’un tel référendum qui nécessiterait une « révision de la constitution, accompagnée de la dissolution du gouvernement ainsi que d’élections générales puis régionales ». De plus, il précise que « leur revendication d’une autonomie fiscale ne pourra être acceptée. Elle existe au Pays Basque mais c’est une anomalie ». La Catalogne a par ailleurs « plus de compétences qu’un état fédéral, comme un lander en Allemagne » souligne-t-il.

Les deux chercheurs s’accordent sur la radicalisation programmée des nationalistes catalans. Selon Juan Moreno « le parti nationaliste catalan, qui a voté l’investiture du premier mandat de Rajoy, s’est reconverti en parti indépendantiste ». Christophe Roux confirme ce conflit ouvert avec Madrid engagé lors de l’organisation du référendum : « On opposait une logique politique à des règles juridiques (…) c’est fait pour entrainer une réaction de l’état espagnol qui servira à fonder la critique catalane qui consiste à dire que l’état espagnol est antidémocratique, en empêchant leur expression, en brimant leur liberté et en niant les droits qu’ils revendiquent ». À cet effet, Juan Moreno rappelle que « l’actualité médiatique n’est pas toujours le reflet de la réalité sociale et politique » et que les catalans connaissaient les conséquences de ce référendum illégal : « L’arrestation de leurs leaders politiques et les violences policières faisaient partie de leur stratégie ». Si l’Union Européenne (UE) n’a pas réagi, c’est d’ailleurs car « il n’y a pas eu de violation des droits fondamentaux car l’Espagne reste un état de droit donc nul besoin d’ingérence internationale » précise-t-il. L’indépendance de la Catalogne aurait par ailleurs engendré sa sortie de l’UE, comme l’expliquait la Commission Européenne dans un communiqué du 2 octobre. Cette potentielle sortie de l’UE faisait partie du mensonge fait à l’opinion publique, selon Juan Moreno, lorsque Carles Puigdemont avait annoncé que l’UE les soutiendrait et que les entreprises ne fuiraient pas de la Catalogne.

Naissance d’une identité propre et nature des revendications nationalistes

Mais alors comment a-t-elle pu naître une telle identité catalane ? Selon Christophe Roux, elle s’est appuyée sur un « climat favorable en Espagne, marqué par une crise économique forte post-2008 et une désaffection des partis traditionnels ». Cette identité catalane, semblable à l’identité corse, repose sur trois dimensions « une dimension culturelle avec une langue régionale et une histoire propre, comme en Corse. Une dimension socio-économique avec une protestation des riches et un sentiment d’injustice, pour la Catalogne, affirmant être la région la plus dynamique d’Espagne, et à l’inverse, en Corse comme en Sardaigne, où la pauvreté de la région est présentée comme un motif de grief et de critique de l’état central. Ils affirment que l’État les néglige de par une situation structurelle défavorable. Enfin, une dimension politique avec une volonté d’autonomie, en terme de pouvoirs institutionnels ».

Christian Castelli, ex-directeur de la filiale de Totale en Corse, est l’actuel président de l’amicale des Corses de Montpellier, créée sous forme de mutuelle avant 1900. Il affirme que l’identité corse est fondée sur « un attachement à sa famille, à son village d’origine, à ses traditions et à sa terre » ; Mais aussi sur une histoire dont ils sont fiers : « on a dénoncé aucun juif à Vichy et on s’est auto-libérés en 1943 ». Mais la nature des revendications diffère de la Catalogne, puisqu’ils ont en commun « la co-officialité de la langue corse voulue » mais réclament aussi « la possibilité de légiférer sur le domaine quotidien, comme pour le logement, en appliquant le principe de subsidiarité, ainsi que de rapprocher les prisonniers politiques corses ». Parmi les 48% de nationalistes corses « seulement 7% sont indépendantistes contre un grand nombre d’autonomistes » précise-t-il. Ils réclament une plus grande autonomie de gestion, en dehors des pouvoirs régaliens. Selon Christian Castelli, entre la victoire aux élections et la création d’une collectivité unique avec 5000 fonctionnaires, « leurs revendications vont devoir être écoutées par le gouvernement car c’est l’expression de la démocratie ». Il rappelle que dans les années 1970, l’Action Régionaliste Corse (ARC) s’est heurtée au pouvoir clanique des partis politiques majoritaires (RPR et PRG à l’époque) qui avaient la main mise sur le territoire. Reste à voir si La République en Marche d’Emmanuel Macron sera favorable à l’ouverture d’un dialogue.

Construction d’une « nation catalane artificielle » et « différenciée de la vie politique de l’Espagne » – Juan Moreno

Juan Moreno dément l’existence d’un processus de construction nationale remontant à cinq siècles, comme l’affirmait Josep Fontana. Selon lui, cette identité nationale date de « la fin de la transition démocratique, dans les années 1980, faisant suite à l’autonomie catalane, obtenue par référendum en 1979. Ainsi commence le processus de construction du nationalisme avec la Catalogne qui obtient une administration régionale et des organes représentatifs propres ». Un fait important à souligner est l’absence de l’État dans ce processus de construction nationale, Juan Moreno l’explique : « avec la forte décentralisation et l’état des autonomies, on a transféré les compétences d’éducation et de contrôle des médias publics du centre vers la périphérie ». On se retrouve ainsi avec « un espace public différencié de la vie politique de l’Espagne où le Parti populaire, premier parti national, se retrouve cinquième en Catalogne ».

Christophe Roux rappelle dans son ouvrage La Démocratie espagnole que « en envisageant l’État-nation comme un idéaltype, il est possible d’appréhender l’Espagne comme (un) État-nation en dépit de la Catalogne ». Cependant, les communautés de l’article 151 ont reçu plus de compétences et de ressources, ainsi le processus de nation building est asymétrique en fonction des 17 communautés autonomes : « l’asymétrie juridique entre territoires (…) a posé les bases d’un système instable par nature », rappelle l’auteur.

Cette instabilité se retrouve également dans la complexité identitaire de la population catalane. En effet, dans une enquête du Centro de Investigaciones Sociologicas (CIS), reprenant le questionnaire de Juan Linz, publiée en septembre 2015, 42,1% des sondés se déclaraient « autant espagnol que catalan » ; 25,1% « plus catalan qu’espagnol  » ; 21,5% « uniquement catalan », 5,3% « uniquement espagnol » et 4,4% « plus espagnol que catalan ». Cependant, le réveil des anti-indépendance ne date pas des dernières élections puisque depuis les années 90 les espagnolistes affirment « que l’Espagne ne peut se concevoir que comme une nation unitaire », rappelle Christophe Roux. Cette thèse a été un temps discréditée par le franquisme, puis « le Parti populaire a eu abondamment recours, entre 1996 et 2004, à la thématique du ‘patriotisme constitutionnel’ » pour y remédier.

Néanmoins, ces nationalistes de Madrid sont souvent discrédités, comme le rappelle Juan Moreno : « Il y a un mythe de supériorité culturelle et économique de la Catalogne face au reste de l’Espagne qui serait plus développée, plus démocratique car les catalans seraient plus travailleurs, plus compétents et plus intelligents ». Cela remonte à leur origine de bourgeoisie industrielle. C’est d’ailleurs un mythe qu’entretient le réseau clientélaire pro-nationaliste de l’élite catalane, constitué de « 3000 personnes activistes-militants financés par la Catalogne » selon Juan Moreno.

Alors que Carles Puigdemont signait le 11 octobre la déclaration d’indépendance de la Catalogne, Artur Mas avait déjà initié ce processus lorsqu’il était président de la Généralité suite à une résolution votée le 9 novembre 2015, par le parlement catalan, qui proclamait le « début du processus de création de l’État catalan indépendant sous la forme d’une république ». D’une déclaration unilatérale à une autre, sur fond de construction nationale protéiforme, l’indépendance de la Catalogne semble être compromise. À tel point que l’indépendance de la Corse, souhaitée « pas avant 15 ans » selon Christian Castelli, se concrétisera peut-être avant.

El Ghalia Djimi, militante sahraouie en territoire occupé

Invitée par la commission du droit des femmes du Parlement Européen, une délégation de femmes sahraouies a fait escale à Paris, en décembre, afin de sensibiliser les Français à la répression marocaine que subissent encore les sahraouis en mal d’indépendance. Rencontre avec El Ghalia Djimi, vice présidente de l’ASVDH, (Association Sahraouie des Victimes des Violations Graves des Droits Humains), à Laayoune.

Le teint brun, les yeux pétillants, cette femme de 47 ans n’a rien perdu de ses capacités d’indignation, malgré des tentatives d’intimidation radicales. Elle naît en 1961 à Agadir, au Maroc, où elle passe son enfance. Ses parents ayant fuit le pays, elle est élevée par sa grand-mère, Fatimatou, qui lui transmet sa culture sahraouie et son dialecte traditionnel, le Hassania. A cette époque, le Sahara Occidental, au sud du royaume marocain, est encore entre les mains de l’Espagne. C’est en novembre 1975 que tout bascule. Le Maroc envahit le territoire, et pousse les indépendantistes sahraouis à l’exil, dans le sud algérien, après des représailles sanglantes. Du haut de ses 14 ans, El Ghalia observe les évènements ; sa fibre militante s’éveille. Mais c’est la disparition de sa grand-mère, en 1984, qui la propulsera au coeur de la bataille. Elle rejoint sa terre d’origine et intègre alors des mouvements de résistance sahraouis.

Ils lui banderont les yeux trois années durant

En 1987, El Ghalia se joint à un groupe de militants qui s’apprête à dénoncer la répression marocaine auprès d’une commission de l’ONU, à Laayoune. L’arrivée de la commission est repoussée, mais les militants, identifiés. Le 20 novembre, El Ghalia est dans son bureau, à la direction provinciale de l’agriculture, quand des « agents de la sûreté nationale » lui ordonnent de les suivre. « Je leur ai demandé d’attendre, pour aller chercher mon sac à main. Ils m’ont dit que ça ne durerait pas longtemps… » Elle grimpe dans un Land Rover ; ils lui banderont les yeux trois années durant. Elle passera ses années de captivité et de torture dans une geôle secrète au beau milieu du désert. « A mon arrivée, ils m’ont allongée sur un banc pieds et mains liés, et m’ont versée des détergents dans la gorge. Ils m’ont battue… J’ai été victime d’abus sexuels… Ils m’ont électrocutée ». Près de vingt femmes sont entassées dans une pièce. Dans les cellules voisines, des hommes ont également été capturés. Parmi eux : son futur mari, Dafa. Aujourd’hui, tout deux portent encore les stigmates de leur détention. Sous son foulard aux couleurs vives, El Ghalia n’a plus de cheveux à cause des produits chimiques. Elle garde aussi, imprimées sur sa peau, des traces de morsures de chiens. « J’ai été libérée avec quelques camarades, grâce aux pressions internationales… mais finalement, ce que j’ai subi, ce n’est rien comparé à d’autres, enfermés parfois plus de dix ans ». Au sortir de ces trois années d’enfer, elle donne enfin un nom à son combat, c’est celui des droits de l’Homme. Elle ne parle ni d’indépendance, ni d’autonomie, ni de territoire. Elle veut la paix, et la reconnaissance des violences subies par son peuple. Dès 1991, elle épouse Dafa. Depuis, ils vivent auprès de leurs cinq enfants, à Laayoune et s’évertuent encore à dénoncer le sort des prisonniers politiques, à travers l‘ASVDH. « Et je continuerai, insiste El Ghalia, jusqu’à ce que justice soit faite… »

Une autre télévision est possible, oui mais laquelle ?

Après l’annonce du 8 janvier dernier concernant la suppression de la publicité sur les chaînes publiques, les réactions ont été nombreuses. Souvent le fait des professionnels de l’audiovisuel. Deux chercheurs ont accepté d’imaginer ce que pourrait être la « télévision de qualité » que Nicolas Sarkozy appelle de ses voeux.

Philippe Meirieu est l’auteur d’« Une autre télévision est possible », Chronique Sociale, Lyon, octobre 2007.
Professeur en sciences de l’éducation à l’université Lumière-Lyon 2, il est aussi responsable pédagogique de la chaîne de télévision pour l’éducation et la connaissance, Cap Canal

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Philippe Meirieu
Vous qui dénoncez la course à l’audience que se livrent les chaînes de télévision tout en reconnaissant que l’immense majorité d’entre elles ne peut vivre que grâce aux revenus de la publicité , que pensez-vous de l’annonce de Nicolas Sarkozy concernant la suppression de la publicité pour le financement des chaînes publiques ?

Je suis très réservé sur cette annonce. La question de la publicité a été traitée sous l’angle du marché et non pas sous l’angle du statut de la publicité en général.
Je n’appelle pas à une augmentation ou à une diminution de la publicité, mais à une réflexion globale sur le rôle et la place de la publicité à la télévision. Il faudrait réfléchir à l’ensemble des choses qui perturbent la gestion de l’espace public audiovisuel. Toutes chaînes confondues. Par exemple, moi, au titre de la protection de l’enfance, je suis favorable à une suppression de la publicité un quart d’heure avant et un quart d’heure après chaque émission de jeunesse.
D’autres moyens de financement existent. Par exemple le partenariat. On pourrait imaginer des partenariats avec l’éducation nationale, le ministère de la santé etc… Une forme de partenariat ciblé pourrait être entrepris avec les collectivités territoriales. Par ailleurs, je ne suis pas hostile à une augmentation de la redevance qui est en France l’une des plus basse d’Europe.

Que serait pour vous une télévision de qualité ?

Une télévision qui se passionnerait pour la chose publique, aussi bien pour la médecine, que pour l’éducation… Il y a eu des réussites dans ce domaine qui pourraient être reprises.
Une télévision qui prend les gens pour des gens intelligents, ce qui ne veut pas dire de ne pas les distraire. Mais une télévision qui n’est pas un caractère hypnotiquo-magique, qui refuse un certain nombre de trucages, systématiques dans le talk-show.
Une télévision qui donne une place essentielle à l’image de création. Il y a le documentaire mais également quelque chose qui en France aurait un fort potentiel : le cinéma d’animation. Ce n’est pas forcément élitiste. Beaucoup de personnes apprécient le documentaire touristique ou animalier. Le docu-fiction quant à lui peut aider à faire comprendre des choses. Ce qui serait par exemple intéressant, ce serait de faire des scénarios qui présenteraient ce qui se passerait si ceci ou si cela…. Les créateurs ne sont pas suffisamment mis à contribution. De plus il faudrait que ça fonctionne par appel d’offre et pas par copinage.
Une télévision qui prend des risques. Il faudrait avoir du courage pour supprimer le matin les émissions de jeunesse, type dessins animés, qui ont une influence très nocive en terme d’attention à l’école. Par ailleurs, nous sommes dans des formes archi éculées, le 13 /26/52 mn pour le documentaire. Il y a d’autres formes possibles ! Promo et copinages sont devenus le carburant de la télévision. C’est insupportable ! Ce sont toujours les mêmes émissions critiques, même les moins traditionnelles, c’est encore de la promo et du copinage !
Pour que la télévision se fasse culturelle, il faut qu’elle se fasse créatrice de forme. La télévision a été créatrice à ses débuts. Aujourd’hui, c’est l’âge de la télé réalité, qui a été très astucieux en termes d’inventivité. Le problème est qu’il modélise les autres émissions. On tombe dans le paradigme voyeurisme, exhibition, narcissisme.

Yves Soulé est formateur lettre à l’IUFM de Montpellier. Il est associé au laboratoire interdisciplinaire de recherche en didactique éducation et formation (LIRDEF)

Yves Soulé

Comment réagissez-vous à l’annonce de Nicolas Sarkozy concernant la suppression de la publicité sur les chaînes publiques?

J’éprouve beaucoup de soupçons par rapport à un gouvernement qui décide, sans concertation, de dissoudre le lien consubstantiel de la télévision publique et de la publicité .
Je ne crois pas aux idées de partenariat pour financer la télévision sans les logiques d’audimat et donc de publicité. Pourquoi ne pas plutôt imaginer une sorte de carte bancaire télévisuelle qui permettrait une consommation à la carte ? Les téléspectateurs paieraient ainsi leur consommation effective. C’est une solution qui risque néanmoins d’être plus chère que ne l’est la redevance aujourd’hui.
Je me méfie de cette volonté de retour en arrière, vers un passé idéalisé . Y-a-t-il déjà eu une télévision de qualité ? Il faudrait s’intéresser aux discours de la presse sur la télévision dans les années 60…

Que serait une télévision de qualité?

Mon rôle en tant que formateur n’est pas d’imaginer ce que la télévision devrait être. En tant que téléspectateur, j’ai une opinion sur la question. Pour commencer, il faut se méfier lorsque qu’on parle de « la » télévision. Elle est aujourd’hui hybride .
S’il est question des chaînes publiques hertziennes, une télévision de qualité serait un télévision qui n’aurai pas de compte à rendre en terme de rentabilité immédiate . Une télévision qui se poserait la question de l’interactivité avec le téléspectateur.
La télévision conserve un rôle majeur dans la production. On a besoin de l’écriture télévisuelle à côté de l’image figée et presque laborieuse de la lecture en ligne. La télévision a un impact spécifique . Il y a une proximité à l’objet. Elle a été accusée de ruiner la veillée . Aujourd’hui, elle s’oppose à la consommation individuelle, privée, voire égoïste d’Internet.
Toutefois, il faut penser ces deux outils dans leur complémentarité. Un outil comme You Tube offre un formidable catalogue. On ne peut nier les problèmes que son utilisation implique, mais ça appelle une réflexion plus large : pourquoi l’offre de l’Institut National de l’Audiovisuel est si chère ?
Il faudrait un intérêt accru de la télévision pour des publics spécifiques, tels que les ados par exemple. Leur parole dérange. Il faudrait se préoccuper de ce public comme le font certaines radios et non pas en fonction de l’intérêt que pourraient y trouver leurs parents.
Contrairement à Philippe Meirieu quant il parle de sidération, je préfère parler de considération. Cela suppose un certain respect dans le professionnalisme des gens de la télévision. On ne peut pas critiquer a priori. Il y a comme une difficulté à penser la télévision. Elle fait peur . Le pouvoir d’aliénation qu’on lui prête est tel qu’on en vient à la considérer comme l’«autre».
La télévision nécessite un apprentissage, sur quatre points essentiels : le contenu, le traitement, les intentions et l’impact. Le téléspectateur peut choisir d’avoir une position critique face à la télévision, mais soyons honnête, la télévision est aussi bien souvent une fenêtre d’oubli de la réalité, de décalage par rapport à ses obligations journalières. Elle constitue une soupape. Il serait aberrant de demander au téléspectateur qu’il se comporte comme les chercheurs aimeraient qu’il le fasse.

Le retour des Rom du Kosovo sous haute surveillance des ONG

A l’heure où la communauté internationale débat de l’indépendance du Kosovo et s’il faut la reconnaître ou non, les organisations non-gouvernementales spécialisées dans les droits de l’homme alertent l’opinion sur la situation des minorités ethniques présentes dans le pays des Balkans.

L’indépendance du Kosovo ne fait pas que des heureux. La communauté Rom fait partie des trois minorités ethniques menacées, selon Human Rights Watch. Le 15 février 2008, l’organisation non-gouvernementale édite un programme en sept points destiné à établir un agenda des droits de l’homme dans un Kosovo indépendant [([http://hrw.org/backgrounder/2008/kosovo0208/kosovo0208web.pdf)]].

Pour Holly Parker, directrice de la division Europe et Asie Centrale de l’ONG : « L’intervention militaire de 1999 au Kosovo était motivée par la nécessité de protéger les droits des Albanais, qui subissaient alors des abus de la part du gouvernement serbe. Il est donc absolument impératif que le nouvel État du Kosovo respecte les droits humains de toutes ses communautés ». Les Ashkali, les Rom et les Egyptiens (des Rom ayant déclaré la nationalité égyptienne lors des recensements yougoslaves) font partie de ces communautés. Leurs conditions de vie ne s’améliorent pas depuis l’intervention militaire de l’OTAN en 1999. Leur présence au sein de la délégation serbe au cours des négociations internationales de Rambouillet (6-23 février 1999), dont l’échec diplomatique déboucha sur cette opération militaire, attise l’hostilité de la population albanaise, majoritaire et opposée à la Serbie.

Selon Human Rights Watch : «Impuissantes sur le plan politique et exclues des affaires économiques, elles (les trois communautés) sont victimes de discriminations et de persécutions. Les communautés Ashkali et égyptienne sont affectées de façon disproportionnée par les retours forcés depuis l’Europe de l’ouest (les Rom serbophones du Kosovo, jugés plus menacés, sont en revanche envoyés en Serbie). La faiblesse de l’aide apportée à ceux qui reviennent engendre une lourde charge pour des communautés déjà marginalisées».

Améliorer la situation des Rom qui vivent encore là avant d’accueillir ceux qui reviennent

Une situation préoccupante pour les minorités déjà présentes et un avenir qui s’annonce mal. Les Rom du Kosovo n’ont pas le statut de victimes de guerre. La communauté Rom se retrouve en diaspora à travers l’Europe et notamment dans les pays de l’Union Européenne. Leurs demandes d’asile et leurs statuts de réfugiés ne sont pas acceptées dans plusieurs pays et les Rom se voient renvoyés de force dans un pays où ils ne sont plus les bienvenus. Face à ce problème, Human Rights Watch recommande : la prise de mesures efficaces pour combattre la discrimination contre les communautés Rom, Ashkali et Egyptiennes dans l’accès au logement, à l’emploi et aux services sociaux ; la création par l’Union Européenne d’un moratoire sur le retour forcé des communautés vivant dans les pays de l’UE et ce avant que la situation du Kosovo se soit stabilisée. Enfin, tout retour devrait être basé sur une évaluation des risques individuels et la prise en compte de la capacité d’absorption de la communauté déjà présente ; des programmes d’assistance efficaces doivent être mis en place avant tout autre retour forcé.

Les retours forcés mettent en danger les minorités persécutées

Ce programme d’Human Rights Watch arrive en écho à l’alerte lancée par Amnesty International en décembre 2007. L’organisation mondiale lutte depuis 2004 contre le retour forcé des minorités au Kosovo alors que l’exode continue : « Amnesty International est cependant très préoccupée par le fait que, avant même l’examen d’une résolution sur le statut futur du Kosovo par le Conseil de sécurité des Nations unies, certains États membres de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe s’apprêtent à forcer au retour des personnes qui, selon Amnesty International, ont toujours besoin d’une protection temporaire, mais aussi des personnes dont la demande de reconnaissance du statut de réfugié doit être examinée. » (17 décembre 2007, [ [http://www.amnesty.fr/index.php/agir/campagnes/refugies_et_migrants/actualites/non_au_retour_force_des_minorites_au_kosovo ]]).

A l’heure où les pays de l’Union Européen débattent de la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo, la communauté Rom accueille avec appréhension cette déclaration. Les procédures de retour forcé et le manque de structures d’accueil soulèvent le plus important chantier du Kosovo : la réconciliation nationale entre les différentes ethnies. Un objectif difficile à atteindre quand un grand nombre de responsables des persécutions envers ces communautés reste à ce jour non poursuivi par la justice kosovar.

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« Le journalisme par « effraction », une réponse aux stratégies du pouvoir »

Vendredi 1er février 2008. Le journaliste Guillaume Dasquié se retrouve à nouveau face aux étudiants du Master professionnel « Métiers du Journalisme » de Montpellier. Thème de l’intervention : le journalisme par « effraction », ou comment exercer sa profession par tous les moyens et continuer de délivrer une information honnête au citoyen.

Fin novembre, il avait fait le déplacement pour parler de son expérience comme journaliste d’investigation, de sa vision du métier, et délivrer quelques conseils pratiques aux reporters en formation. Entre-temps, le 7 décembre dernier, Guillaume Dasquié a été mis en examen pour « détention et diffusion de documents ayant le caractère d’un secret de la défense nationale ».Tout ça pour avoir publié, le 17 avril 2007, dans Le Monde, une enquête qui démontrait qu’avant le 11 septembre 2001, la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) avait anticipé les menaces d’Al-Qaida sur les États-Unis et qu’elle avait transmis ces informations aux services secrets américains (voir « Dérives et pressions pendant la garde à vue du journaliste Guillaume Dasquié »). Le jeudi 24 janvier, les avocats de Guillaume Dasquié ont déposé une requête en annulation de la procédure devant la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris, au nom du droit à la protection des sources journalistiques. « Obtenir des informations sensibles génère forcément le type de réaction qui m’est arrivée. Mais ce n’est pas parce qu’un journaliste arrive à se procurer une information avec le tampon « confidentiel défense » qu’il doit tourner la tête et passer à autre chose » explique-t-il, déterminé. Presque deux mois après sa garde à vue de trente-huit heures et sa mise en examen, il revient sur sa « mésaventure », renforcé dans ses convictions :

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Pour Guillaume Dasquié, exercer le métier de journaliste dans un monde où règnent les stratégies de communication est devenu un sacerdoce, une mission quasi impossible sans le contournement des méthodes traditionnelles. Il introduit alors le concept d’un journalisme nerveux, virulent et déterminé, dont les seules limites restent, pour lui, la morale et l’éthique. « Les journalistes se doivent de contourner les dispositifs violents de la part des acteurs politiques ou individuels qui visent à cadenasser l’information : faire du vrai journalisme aujourd’hui, c’est faire du journalisme par « effraction » ».

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Qui parle de journalisme par « effraction », parle des moyens – pas toujours très légaux – que le journaliste utilise pour aller chercher l’information, ou alors pour se protéger lui-même. Le meilleur exemple : les micros et caméras cachés.

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Certains professionnels, comme le journaliste Edwy Plenel, s’interdisent le recours à de tels procédés, quel que soit l’enjeu de l’information à glaner. Guillaume Dasquié, lui, ne voit ces techniques que comme des outils au service du jeu « informateur-informé ». « Pour s’en sortir dans le jeu de la communication, le journaliste ne doit pas être l’instrument du jeu, mais le manipulateur lui-même. Pour produire de l’information sur des sujets touchant la raison d’État, il faut forcément briser les règles, passer par des chemins détournés. Au bout du compte, on est soit manipulateur, soit manipulé. Au journaliste de choisir son rôle ».

En conclusion, Guillaume Dasquié évoque l’avenir du journalisme d’investigation avec le développement de l’information sur Internet. Pour lui, les médias on-line offrent de véritables perspectives : « C’est un vrai succès aujourd’hui dès que des sites Internet produisent de l’information de qualité. Ils développent une identité journalistique propre et une crédibilité supérieure aux supports papier. Les possibilités de développement ramènent les journalistes aux questions essentielles, aux bases du métier ».