GRAND ENTRETIEN – Dominique Cabrera : l’humain dans l’objectif

Durant la semaine du Cinemed, la cinéaste Dominique Cabrera a été mise à l’honneur à travers la rétrospective de son œuvre. L’occasion de (re)découvrir une filmographie aussi vaste qu’hétéroclite. Dernier film en date : Corniche Kennedy, réalisé sur les bords de la Méditerranée qu’elle affectionne particulièrement. Et un nouveau projet qui se dessine…

  • Le Cinemed vous a mis à l’honneur à travers une rétrospective de votre oeuvre. D’où est née cette collaboration?

L’idée est venue du Cinemed. Les organisateurs du festival, qui voulaient projeter tous mes films, ont appelé Julie Savelli, qui enseigne le cinéma à l’université Paul Valéry. J’ai fait la connaissance de Julie il y a trois ans, au cours d’une rencontre organisée par le Centre National de Documentation Pédagogique (CNDP). Elle étudie mes films et projette d’écrire un livre sur mon travail. Pour le Cinemed, nous avons décidé de présenter mes films de manière thématique plutôt que chronologique. Elle a fait un magnifique travail de préparation pour la rétrospective. D’ailleurs, c’est elle qui a animé ma masterclass durant le festival.

  • Quel est le fil conducteur dans votre œuvre cinématographique ?

Lorsqu’on fait des films, on ne cherche pas à créer un fil rouge. C’est bien la même personne derrière la caméra. Mais cette personne a changé à travers les années. Comme tout le monde, j’ai vieilli, j’ai été affecté par mon époque, par les mouvements de ma propre vie. Ça s’est ressenti dans mes films. La vie à un effet sur moi et il y en a un écho dans mes films. Quand je réalise mes films, je ne suis pas animée par l’idée de faire une œuvre cohérente. En observant ma filmographie, les spectateurs peuvent y voir un sens. C’est à eux de déterminer s’il y a un fil conducteur ou non. Finalement, j’imagine qu’on a ce sentiment en regardant mes films.

  • Vous avez réalisé six films sur la banlieue. Pourquoi s’intéresser à ce sujet?

Ça ne s’est pas présenté à mon esprit de cette manière-là. D’abord, je ne me suis pas dit « je vais faire une série de films sur la banlieue ». C’est à l’occasion d’une promenade dans une tour murée au Val-Fourrée (Yvelines) que j’ai eu la vision de Chronique d’une banlieue ordinaire (1992). J’ai imaginé faire un portrait des anciens habitants qui témoigneraient de la vie dans ces tours. Comme j’avais passé moi-même mon enfance dans une cité HLM, c’était une occasion de réhabiliter la mémoire, la beauté de ces lieux pour les personnes qui y avaient vécu. Je me disais : « jamais on ne filme ces lieux comme des lieux chargés de poésie ». Pourtant, les enfants, les adolescents et les adultes qui y ont vécu ont pu les voir comme un endroit où on éprouve des sentiments de beauté (la lumière par la fenêtre, le ciel, un souvenir, un son…). Je voulais réhabiliter une culture populaire dans ces quartiers.

  • Comment avez-vous réussi à contacter toutes ces personnes ?

De fil en aiguille, par un travail qui a duré 3-4 ans. Certains habitaient autour du quartier, certains habitaient plus loin. Des liens avaient été gardés avec certains… ça a duré très longtemps. Et puis, retrouver les habitants, ce n’était pas tout. On a retrouvé beaucoup plus de personnes qu’il n’y en avait dans le film. Le but était surtout de trouver des habitants qui étaient intéressés par un tel travail avec moi. C’était de trouver des individus d’une sensibilité voisine de la mienne, qui pouvait s’intégrer facilement dans cette histoire. Il y a aussi une part de chance, de hasard, de rencontres, de temps passé.

  • Dans ce documentaire Chronique d’une banlieue ordinaire, la musique est traitée de façon originale. Est-ce le cas pour tous vos films ?

Chronique d'une banlieue ordinaireLa plupart du temps, la musique de mes films est composée. Je travaille avec une très bonne compositrice, Béatrice Thiriet, qui a fait la musique de la quasi-totalité de mes films.Pour Chronique d’une banlieue ordinaire, j’ai collaboré avec un très bon compositeur qui s’appelle Jean-Jacques Birgé. Les collaborateurs artistiques ont beaucoup d’importances dans le travail d’un film. Le type de relations qu’on peut avoir avec eux, le type d’ouverture, le fait qu’ils vont entendre votre musique intérieure. Ces deux-là ont bien entendu ma musique intérieure. Ils en ont restitué quelque chose d’une manière dont j’aurais été moi-même incapable.

  • Dans votre œuvre, vous passez en revue une grande palette de formats (documentaire, fiction, autobiographie…). Est-ce facile de passer d’un format à un autre?

Le système de chaque film est différent et demande un travail plastique différent. C’est-à-dire que la matière cinématographique est définie par le type de projet qu’on a. Il y a une différence entre un film autobiographique qu’on va filmer tout seul, avec deux acteurs en 30 jours de tournage, et un film à « grand budget » avec 25 acteurs et 80 jours de tournage. Ce n’est pas le même film. La matière n’est pas la même, les collaborateurs ne sont pas les mêmes. Au cinéma, il y a un lien très fort entre les moyens et le projet. La réflexion évolue aussi au fur et à mesure du projet.

  • Quand vous réalisez un film, arrivez-vous à anticiper la réaction du public ?

On n’en sait rien à l’avance. Moi je vais faire un film à partir d’une émotion, à partir d’une vision, à partir de la volonté de dire quelque chose. Savoir si les spectateurs vont aimer, c’est la grande question, on n’en sait rien. On lance le film dans l’inconnu. Je ne crois pas qu’on fait les films à partir de leur réception. On doit les faire à partir de leur création, à partir de votre inspiration intérieure, et pas à partir du regard de l’autre.

  • Dans Demain et encore demain (1995), vous vous filmez pendant un an. Se filmer agit-il comme une thérapie ?

Non, je ne crois pas qu’il s’agisse d’une thérapie. Mon but, c’était de faire un film. Le travail effectué était un travail sur le cinéma, pas sur le fait d’aller mieux. L’objectif était de faire une forme, de raconter quelque chose. Certes, faire cette autobiographie m’a fait progresser dans ma vie, tout simplement parce que j’étais heureuse de finir une forme cinématographique. C’était un pas, par rapport à une sorte de chaos. Ça m’a fait du bien et ça m’a procuré du bonheur.

  • Vous travaillez actuellement sur un nouveau film : Nejma, fille de harkis, où en est le projet ?

C’est un film que j’ai essayé de faire entre 2006 et 2010 sans y parvenir. J’ai écrit plusieurs versions du scénario, et j’en suis arrivée à une version finale qui me satisfait aujourd’hui. J’ai eu des difficultés à le monter en termes de production en raison du manque d’argent à ce moment-là. J’avais donc tourné la page, j’ai fait d’autres films entre temps. Dans le cadre de ma rétrospective, le Cinemed m’a proposé de faire lire le scénario par les superbes jeunes acteurs de l’Ecole Nationale Supérieure d’Art Dramatique (ENSAD). Cette lecture m’a donné un nouvel élan. Dans ce film, j’ai essayé de faire comme pour tous mes films, c’est-à-dire de faire un aller-retour entre des questions très intimes et personnelles, et un mouvement général de l’Histoire, entre la France et l’Algérie.

GRAND ENTRETIEN : Toledano et Nakache, pour le meilleur et pour le rire

Le succès de leurs comédies ne les a pas rendus Intouchables. Rencontre avec les « patrons » du cinéma populaire, toujours soucieux de se renouveler.

Ces deux-là n’ont que deux ans d’écart et une relation très forte. Olivier Nakache, 44 ans, précise qu’il est le cadet à qui Eric Toledano demande « de ranger sa chambre ». Leurs comédies sont remplies d’humour mais ils portent aussi en eux la joie de vivre et le désir de rire de tout. Ils sont complices et complémentaires. Leur rencontre – insolite – en colonies de vacances a donné le ton à leurs comédies. Elles sont éprises d’une vision optimiste d’un vivre ensemble mais surtout basées sur des aventures humaines. Les petits boulots et les expériences vécus ensemble inspirent tous leurs films.

Eric Toledano revient sur leurs débuts et leur volonté de « s’attaquer comme des alpinistes à ce monde du cinéma qui (leur) était totalement étranger ». Leurs parents auraient alors préféré les voir dans un travail « plus classique », pas sûr qu’ils aient toujours la même opinion à ce sujet après les nombreuses réussites. Leur duo est une force et leur permet de « vivre ces moments en synergie ». Olivier Nakache appuie sur l’importance de travailler en binôme : « C’est très motivant de trouver un alter ego dans l’écriture. Chacun est le public de l’autre ». Ils ne cessent d’ailleurs de se remettre en question et ne prennent jamais le succès pour acquis.

De l’art d’être humble et de relever de nouveaux défis

En 1999, ils avaient présenté leur premier court métrage Les Petits souliers au Cinemed et s’étaient confrontés au rire du public pour la première fois. Cette année, ils reviennent avec une rétrospective de leur oeuvre. L’occasion de voir tout le trajet parcouru. Mais ils assument l’étiquette de réalisateurs depuis peu de temps. Eric Toledano en témoigne par une phrase qu’il avait dite à Omar Sy lors de leur première rencontre : « Si tu n’es pas acteur, on est pas plus réalisateurs ». Leur humilité n’est en rien de la fausse modestie puisqu’ils n’ont pas pris la grosse tête après tous ces succès. Jusqu’à un certain nombre de films réalisés, les deux acolytes se disaient « plus spectateurs que réalisateurs ». Les deux hommes ont d’ailleurs fait preuve d’un effacement médiatique face à un Omar qui « est solaire et a pris beaucoup de lumière » mais ils se réjouissent de cette situation. Et même, s’ils ont maintenant plus d’expérience et de confiance en leur travail, Eric Toledano affirme : « au bout de six films (il a) encore le sentiment d’apprendre énormément sur les fonctions que peuvent avoir les dialogues… et sur (eux)-mêmes aussi puisque en même temps (ils) se dévoilent, c’est automatique ».

Olivier Nakache révèle les bénéfices de cette pression perpétuelle : « C’est elle qui nous tient éveillés et nous montre que rien n’est gagné, qu’on est pas encore arrivés ». Eric Toledano approuve : « Ces succès ne vous garantissent rien sur la suite ». Dans Le Sens de la fête, Jean-Pierre Bacri, interprétant Max le traiteur, clame : « Je joue ma vie à chaque soirée », eux jouent leur vie et leur carrière à chaque film. Après les 19,5 millions d’entrées pour Intouchables, ils ont ensuite eu plus de liberté dans le choix des thématiques de films. Mais Olivier Nakache se souvient qu’ils ont reçu « cette vague gigantesque sur la gueule » et même s’ils en ont profité un temps, ils ont continué à avancer et à se mettre en danger.

Ils ne recherchent pas la facilité, bien au contraire, Eric Toledano rappelle cette phrase « l’art naît de contraintes et meurt de liberté » (André Gide, ndlr) et précise que « parfois, même de façon masochiste, certains recherchent la difficulté ». Les contraintes permettent de révéler leur créativité lorsqu’ils font face à des défis.

Le Sens de la fête ou la métaphore de « la France au travail »

Leur nouveau film, Le Sens de la fête, est d’ailleurs une métaphore d’un plateau de cinéma et des difficultés rencontrées par une équipe de tournage. Eric Toledano insiste sur leur volonté de montrer les techniciens et organisateurs derrière les mariages et de braquer la caméra de « l’autre côté du miroir ». Au-delà du contexte du mariage, c’est surtout « un film sur la France au travail, sur comment on avance aujourd’hui en équipe dans un monde un peu anxiogène, pleins de difficultés et de violences mais aussi de réseaux sociaux et de changements technologiques ». Finalement, c’est le récit de l’adaptation à un monde en changements. Ils ont désiré dresser « une petite radiographie de la France telle qu’on la perçoit aujourd’hui ».

Les deux réalisateurs ont pour habitude d’évoquer dans leurs comédies des thèmes, pour la plupart graves tels que la tétraplégie ou l’immigration, sur un ton léger. Ce sont deux personnes engagées dans la vie. Ils révèlent les grandes lignes de leur prochain film, en écho à leur engagement qui dure depuis 20 ans. En effet, ils sont « investis dans des associations qui s’occupent de jeunes adultes et d’enfants autistes. Et, il est possible que (leur) prochain film traite d’une histoire dans ce contexte-là ». Ils mettraient ainsi la lumière sur les encadrants, dont on ne parle pas souvent, oeuvrant pour intégrer ces individus dans la société. Olivier Nakache précise « qu’il n’y a pas beaucoup de place pour les gens un peu différents ». Ils souhaitent continuer « d’essayer de faire rire les gens avec des sujets sociaux ».

Du rejet des étiquettes et d’une volonté d’être « populaire »

Souvent appelés les « patrons de la comédie populaire », les deux réalisateurs rejettent cette habitude de toujours coller des étiquettes. Eric Toledano se souvient : « à l’époque quand on était les ‘champions du box office’, le lendemain on pouvait aussi être ‘les champions de ceux qui se plantent’, si le film n’était pas réussi. On est pas fan des gens qui nous réduisent. On aurait pu être réduits à « box office » après Intouchables. Alors qu’on a réalisé Samba, un film sur les sans-papiers, on nous a dit ‘alors maintenant vous êtes politiques’ » s’agace Toledano. « Mais patrons, je veux bien après tout » plaisante-t-il.
Les réalisateurs préfèrent se concentrer sur leur métier et leurs films populaires. « Populaire à ne pas prendre au sens péjoratif » précise Toledano. Leur but est d’être vu, de s’adresser à tous et de toucher un maximum de personnes.

Les cinéastes parfois comparés au réalisateur Robert Altman sont flattés par cette analogie. « Elle est très valorisante » admet Toledano. Pour lui, la ressemblance entre leurs deux manières de faire du cinéma peut être la « façon d’écrire beaucoup de personnages sans jamais les abandonner en milieu de route ». Eric Toledano revendique l’idée de ne pas ouvrir une porte « sans se demander où (il) emmène le spectateur ». Ils s’entourent souvent de la même bande de potes avec Omar Sy, Jean-Paul Rouve, Joséphine de Meaux, Hélène Vincent, Jean Benguigui, Vincent Elbaz, ou Lionel Abelansky. Mais ces choix sont humains et, même si les affinités comptent, tout dépend des rôles. Olivier Nakache confie avoir « envie de découvrir d’autres acteurs, des gens (qu’ils ont) adorés dans d’autres films pour élargir encore plus la famille ».

Billy Wilder : « La comédie c’est de la tristesse déguisée »

Ils reviennent à la comédie populaire avec leur nouveau film, Le Sens de la fête. Ce retour aux sources rappelle leurs premiers courts et longs métrages Les Petits souliers ou encore Nos jours heureux. Après avoir réalisé des films « graves », ils ont eu la volonté et le besoin d’un film « pour rire ». « On veut détendre les gens, on pense qu’ils en ont besoin. Et nous-mêmes on avait besoin de se détendre » confesse Toledano. À l’instar de Billy Wilder, réalisant une comédie lorsqu’il était triste, il perçoit dans la comédie « une tristesse déguisée ». Eric Toledano explique que « derrière le rire, il y a le pleur », puis précise « qu’on a vécu des années très difficiles en France et en Europe, qu’on les vit encore, avec un climat anxiogène avec la montée des populismes, les attentats… Est-ce que ce n’est pas l’humour qui va nous sauver ? L’humour c’est la relativisation par excellence, la dédramatisation ». Dans Le Sens de la fête, cette phrase de Beaumarchais : « Je me presse de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer », résume bien l’état d’esprit des deux réalisateurs. Dans leurs films, rires et pleurs coexistent toujours. Eric Toledano insiste sur « comment le rire peut nous sauver de certaines situations ». Eux-même sont partis « se réfugier dans la comédie pour avaler ce moment qui était dur à digérer ». Bref, rire pour garder le sens de la fête.

GRAND ENTRETIEN – Aurélie Filippetti : la vie d’après

Ancienne ministre de la Culture, la présidente du Cinemed revient avec Haut Courant sur le cinéma, les politiques culturelles et sa nouvelle vie, loin de l’Assemblée Nationale…et du Parti Socialiste.

  • Racontez-nous votre histoire avec le cinéma…

Depuis l’enfance, j’ai une relation particulière avec le cinéma méditerranéen, notamment italien. C’est à travers le festival de cinéma italien de Villerupt en Lorraine que j’ai fait mon apprentissage cinématographique. C’est par cet événement que j’ai découvert la richesse et la diversité du 7e art. Après avoir présidé le FID (Festival International du Cinéma de Marseille) pendant 8 ans, j’avais envie de m’investir, de participer au projet Cinemed. J’ai accepté avec enthousiasme la proposition qui m’a été faite par Philippe Saurel et j’ai rencontré une équipe formidable.

  • Quel est votre rôle au Cinemed ?

En tant que présidente du festival, je participe à la réalisation de partenariats. Je contribue à la consolidation de l’assise financière du festival et à la recherche de mécènes privés, ce qui est essentiel pour que le Cinemed puisse se passer dans de bonnes conditions. Avec le directeur du festival, Christophe Leparc et toute l’équipe, on a des relations toute l’année. On discute des invités, du jury, du pays qui est mis à l’honneur, de l’affiche, de la programmation. Ce sont des discussions très horizontales. Je suis moi-même bénévole.

  • Un film a-t-il retenu votre attention à l’occasion de la sélection 2017 ?

Razzia m’a beaucoup marqué. Cela m’interroge. J’ai eu le même sentiment l’année dernière avec le cinéma tunisien. Je trouve que c’est à travers le cinéma qu’on arrive à avoir un vrai portrait de ce qui se passe dans ces sociétés aujourd’hui. J’ai beaucoup plus appris sur la situation en Tunisie par le Cinemed qu’en lisant les journaux. Razzia donne une image complète et inquiétante de la société marocaine. Le film parle notamment de la réforme de l’enseignement scolaire de 1982 avec l’arabisation forcée des populations berbères, du retour de l’enseignement religieux qui prime sur l’enseignement scientifique. Trente ans après, on ressent encore les conséquences de cette réforme dans le pays, par exemple sur la place des femmes dans la société.

  • Dans le cadre du Cinemed, des séances sont proposées au jeune public. Qu’en est-il des inégalités d’accès à la culture pour les jeunes aujourd’hui ?

Il n’y a pas assez de progrès aujourd’hui. Au Cinemed, il y a un programme « jeune public », un jury jeune, un partenariat avec les lycéens dans le cadre de l’option cinéma. On travaille beaucoup sur cette thématique. Il faudrait que ce soit systématique dans tous les événements et établissements culturels. On a trop tendance à considérer que la programmation « jeune public » est une sous-programmation, quelque chose d’annexe. Or, c’est pour moi le cœur de la mission de tous les établissements culturels. Nous devons former les jeunes esprits qui seront demain les spectateurs adultes.

  • Depuis de nombreuses années, la culture est la première cible des restrictions budgétaires. Est-ce que le ministère de la Culture a les moyens de mettre en place une vraie politique culturelle ?

Lorsque j’étais ministre de la culture, il y eu un manque d’ambition du président de la république François Hollande. Il a fait l’erreur de soumettre la culture à des restrictions budgétaires. Une erreur qui a été reconnue par la suite, notamment par Manuel Valls : il y a eu un redressement durant le quinquennat mais le mal était déjà fait. Ce fut une erreur… et pas la seule d’ailleurs. Aujourd’hui, la nouvelle ministre Françoise Nyssen a des difficultés, comme souvent quand on est au ministère de la Culture. La situation ne change pas. Le gouvernement et Bercy ne comprennent toujours pas que ça ne sert à rien de diminuer le budget du ministère de la culture.

  • À l’issue de vos deux mandats consécutifs de députée, vous n’avez pas été reconduite. Y a-t-il une vie après l’Assemblée Nationale ?

C’est un grand mensonge que de considérer que lorsqu’on a été élu on ne peut rien faire d’autre. Beaucoup d’entre nous ont eu des métiers avant, certains étaient des apparatchiks politiques mais ce n’est pas mon cas. À l’origine, j’étais professeure de littérature et aujourd’hui je suis redevenue professeure : à Science Po Paris ainsi qu’à l’Ecole Supérieure de Journalisme (ESJ). Je souhaite aujourd’hui me mettre en retrait de la vie politique. Toutefois, je continue à être extrêmement intéressée et à suivre ce qui se passe politiquement et économiquement dans mon pays. On peut être engagé politiquement sans être élu et parlementaire. Je suis avant tout une citoyenne. Et à ce titre, je suis comme n’importe quel citoyen, je suis à même de m’exprimer, de dire les choses et d’avoir mon analyse sur la situation politique de mon pays.

  • Vous avez reçu une lettre vous signifiant votre « sortie » du Parti Socialiste (PS). Que pensez-vous de l’état du parti ?

C’est fou ! Lorsqu’il y a une crise au sein d’une organisation politique, il faudrait se serrer les coudes. En réalité, on fait face à des règlements de compte, des épurations et de la vengeance. On est dans un système où ceux qui restent au Parti Socialiste (PS) profitent de sa faiblesse pour essayer de se débarrasser de la ligne la plus à gauche du parti.
Le PS n’est pas en bon état, c’est certain. D’ailleurs, je ne suis pas sûre qu’il parvienne à se réformer et se transformer suffisamment pour se remettre en selle. En ce moment beaucoup partent du Parti Socialiste parce qu’ils en ont assez… Moi je considère que le Parti Socialiste est en très mauvais état suite au quinquennat de François Hollande : les gens ont été complètement désorientés par sa politique, donc il faut sans doute construire autre chose.

  • Vous êtes aussi chroniqueuse…?

C’est un gros mensonge, une fake news ! Je ne suis pas chroniqueuse ! J’ai accepté de participer deux fois par mois à une émission de débat chez Fogiel. Il invite 4-5 personnes tous les soirs, moi je n’y suis que deux fois par mois ! Les médias ont raconté que j’étais chroniqueuse mais c’est totalement faux. C’est n’importe quoi ! J’ai beau le dire, l’écrire sur ma page Facebook…c’est vraiment le règne des fake news.

Ce n’est pas le média de la France Insoumise. Il n’y a pas de lien avec l’émission télévisée de Jean-Luc Mélenchon. Des personnalités de toutes origines ont signé cet appel. Pour moi, c’est un appel à soutenir l’apparition d’un média citoyen, avec des contributions diverses de la société civile. Je soutiens cette démarche, mais je n’y participe pas. Je suis pour l’existence d’un nouveau média qui soit indépendant, ce qui ne veut pas dire qu’il ne puisse pas exprimer des opinions. Rien n’est pire que la fausse objectivité de certains journaux qui défendent en fait leur propre opinion. Le problème est le manque de diversité de la presse française et la concentration capitalistique. Aujourd’hui, on voit que les médias français dans leur immense majorité sont détenus par 4 ou 5 grands groupes industriels et financiers extrêmement puissants. Je pense que c’est vraiment problématique. Il y a un manque criant de diversité au sein de la presse française, notamment sur les aspects politiques.