« Le New Jersey plus violemment touché que New-York » – Edward Biemer

À l’heure où tous les yeux sont rivés sur l’Amérique avec la réélection de Barack Obama, Sandy se ferait presque oubliée. Pourtant, les conséquences de l’ouragan surnommé Frankestorm sont encore dans tous les esprits. Un jeune étudiant Edwar Biemer, habitant de Great Meadows dans le New Jersey, témoigne.

Haut Courant : Vous avez subi de plein fouet l’ouragan Sandy. Comment vous êtes-vous préparé à cette catastrophe naturelle ?

Edward Biemer : Ma famille et moi nous sommes préparés en achetant 24 packs de bouteille d’eau, de la nourriture non périssable, des générateurs et des glacières. On a fait surtout des réserves d’eau potable pour la cuisine et l’hygiène. En fait, on s’est équipé en cas de panne d’électricité. On a fait les achats deux jours avant la ruée et ils ont très vite été en rupture de stock sur les produits de consommation courante.

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Credit photo: Edward Biemer

H.C. : Selon vous, l’ouragan a-t-il été suffisamment annoncé ?

E.B : Je pense que ça a été annoncé suffisamment à l’avance. Nous étions bien préparés. Mais pour les personnes modestes, c’était plus difficile de se préparer et d’évacuer.

H.C. : Avez-vous été gravement touché par l’ouragan ?

E.B. : Non, notre maison n’a subi aucun dommage, mais nous n’avions plus d’électricité pendant cinq jours. Notre quartier a été épargné par la tempête même si des arbres sont tombés sur quelques maisons. Nous faisons partie des chanceux pour qui l’électricité est revenue après seulement quelques jours. Mais certains endroits devraient être privés d’électricité pendant encore un mois.

H.C. : L’ouragan était-il impressionnant ?

E.B. : J’étais un peu nerveux pendant la tempête. La tempête ne me semblait pas plus forte que celle que nous avions vu passer dans le New jersey. Mais les dommages que nous avons vus prouvent que c’était l’une des plus dévastatrices qui n’ait jamais heurté notre Etat.

H.C. : Avez-vous pu vous rendre au travail malgré l’ouragan ?

E.B. : Mes parents n’ont pas pu aller travailler pendant trois jours. Ils n’ont rien perdu sur leur salaire ou leurs congés, les employeurs ont été très compréhensifs.

H.C. : Comment avez-vous trouvé l’intervention d’Obama sur le terrain ?

E.B. : Nous étions privés d’électricité pendant cinq jours et nous n’avons pas vraiment entendu Obama parler de la tempête.

H.C. : Pensez-vous que le New Jersey a été plus touché que la ville de New-York ?

E.B. : J’ai l’impression que le New Jersey (principalement les plages au nord de l’État) a été touché plus violemment que New-York. Les images des dégâts vous brisent le cœur. Des gens sont morts, ont perdu leur maison… tellement de personnes ont tout perdu. Cela prendra des années dans certains endroits pour revenir à la normale.

H.C. : Comment expliquer la pénurie d’essence ?

E.B. : Il y a plusieurs raisons. Les raffineries du New Jersey ont subi des dommages importants. Les stations n’ont plus d’électricité pour pomper l’essence, les camions ne peuvent plus faire leurs livraisons, car les routes sont fermées. Quand les stations sont ouvertes, les gens essayent de prendre un maximum de gasoil pour alimenter les générateurs. Récemment, j’ai attendu 45 minutes avant de faire mon plein. La police est présente pour éviter les bagarres et les vols de gasoil aux stations ou dans le réservoir des voisins !

H.C. : Pensez-vous que Sandy et l’intervention d’Obama ont eu une influence sur le vote aux élections présidentielles ?

E.B. : C’est difficile à dire. Je pense que la plupart des gens ont seulement réaffirmé leur choix initial au vu des événements.

H.C. : L’ouragan aura-t-il un impact sur l’économie du New Jersey ?

E.B. : Oui, cela aura un énorme impact car beaucoup de petites entreprises ne peuvent plus fonctionner. Le manque d’essence complique la vie des gens qui font de longues distances pour travailler. Autre problème : les supermarchés sont en rupture de stock sur des produits du quotidien comme le lait et le pain. Le New Jersey vit à l’heure actuelle des temps difficiles, surtout qu’une nouvelle tempête de neige attendue. Elle devrait toucher l’Etat mercredi ou jeudi. Le vent peut souffler jusqu’à 96km/h et on attend jusqu’à 15 centimètres de neige. Beaucoup de foyers qui viennent juste de récupérer l’électricité devraient la perdre à nouveau à cause de cette tempête de neige.

Yaré DIAGNE: « Au Mali, le Sud est inquiet, le Nord est terrorisé. »

La semaine dernière se tenait à Montpellier une conférence sur la situation actuelle au Mali. Parmi les intervenants, Yaré Diagne est géographe urbaniste. Il est impliqué dans plusieurs associations (dont Survie [[Survie est une association visant à promouvoir l’aide au développement en Afrique, à montrer les lignes de pensée sur le continent et à mettre en lumière le phénomène d’appui des dictatures.]]) ayant pour objectif de mettre en lumière la situation au Mali aujourd’hui.

Hillary Clinton s’est rendue à Alger le 29 octobre dernier. L’objectif pour Washington : tenter de convaincre le président Bouteflika qu’une intervention est nécessaire au Nord du Mali. La prise de pouvoir des salafistes a fait naître les pires craintes dans le pays. Le quai d’Orsay préconise une intervention dans l’Azawad. Les enjeux sont d’une grande complexité et cruciaux à différentes échelles, ainsi que nous l’a expliqué Yaré Diagne.

Haut courant : Quelles sont les différentes forces en présence à l’heure actuelle au Mali ?

Yaré Diagne : Le Mali, depuis son indépendance en 1960, a connu pas moins de trois coups d’État. Le pays, comme beaucoup d’États africains, a été frappé par une stagnation économique due aux intérêts des anciennes puissances coloniales. L’autorité publique dans les années 2000 n’a pas réussi à s’imposer et la faiblesse de l’État est à l’origine de la crise actuelle.
Dès janvier 2012, des groupes touaregs (qui réclamaient l’indépendance du Nord-Mali depuis longtemps, déjà) ont pris le contrôle de certains villages au Nord. L’armée n’a rien pu faire. Les rebelles touaregs étaient lourdement armés suite à la débauche de Kadhafi en Libye. Ils étaient en mesure de prendre le pouvoir. Le MNLA [[Mouvement National de Libération de l’Azawad. Le MNLA est un mouvement rebelle laïc.]] a bénéficié de la reconnaissance des différents groupes touaregs qui ont rejoint le mouvement. Le problème est que l’État malien n’a jamais été en mesure de résoudre le différend territorial au Nord. Officieusement, ce territoire n’appartenait à personne.
C’est ce qui a conduit au Coup d’État du 23 mars. Mais tout le monde y était opposé : l’Union africaine, la CEDEAO[[Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest dont les ressources proviennent à 80% de l’Union européenne]] et l’Union européenne. Le coup d’État s’est donc soldé par un échec.
Aujourd’hui le MNLA est dépassé par les événements. Les groupes djihadistes dont le Mujao [[Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest]] et Ansar dine (soutenu par le Qatar) sont entrés en conflit contre les rebelles laïques (dont le MNLA) et ont pris le dessus. Et, depuis trois semaines, les troupes islamistes se renforcent. Certains viennent du Soudan voire de la corne de l’Afrique pour soutenir les salafistes !

HC : Quelle est la réaction des États frontaliers ?

Y.D. :L’Algérie est dans une situation délicate. Elle refuse d’intervenir et pousse un « ouf » de soulagement car elle voit le danger islamiste se déplacer hors de ses frontières. Mais il existe des relations entre certains villages au Mali et d’autres en Algérie. La composition sociale est la même. C’est pourquoi, en dépit des troupes postées à sa frontière Sud, l’Algérie prend des risques en restant en dehors du conflit. D’autant plus que des membres du FIS (Front Islamique du Salut), originaires d’Algérie sont entrés dans la coalition (voir carte ci-dessous).
La CEDEAO soutient plutôt une intervention. Mais qui peut le faire ? À part le Sénégal, il n’y a pas de réelle armée en Afrique de l’Ouest et rien ne se fera sans l’aval de l’Europe.
La France est elle aussi dans une situation inconfortable. Elle ne souhaite pas intervenir directement mais soutenir une action militaire. Cependant, les intérêts financiers avec les ressources naturelles que sont le pétrole, l’uranium et le fer au Mali lui sont primordiaux. Le pays capitalise toujours aujourd’hui sur ses ex-colonies. Si le Sénégal veut emprunter du fer à un autre pays, il doit passer par la banque de France. C’est également le cas pour le Mali. Elle essaye de résoudre un conflit qu’elle a elle-même créé : elle a établi un État malien faible sous De Gaulle puis a fourni indirectement des armes aux rebelles avec l’intervention en Libye (voir carte ci-dessous).

Source: association

HC : Comment les populations vivent-elles cette situation ?

Y.D. : Au Sud, les populations sont inquiètes à deux niveaux. D’une part parce que l’État est désorganisé et semble incapable de résoudre le conflit. D’autre part, du fait du manque total d’informations en provenance du Nord. Le pays est divisé et les informations parviennent au compte-goutte. Et même quand elles arrivent, elles sont invérifiables.
Au Nord, les gens sont terrorisés. L’imposition d’un islam radical modifie totalement leur manière de vivre. L’Islam au Mali était auparavant tolérant et respectueux des institutions étatiques. Il n’a rien à voir avec les croyances extrémistes. Aujourd’hui, la population est dos au mur. À la radio (média principal du pays), tout est prohibé, seules les informations d’ordre médical peuvent être données. Auparavant l’information circulait librement. Les mutilations sont monnaie courante. La destruction des mausolées de Tombouctou n’est pas un hasard : les djihadistes n’acceptent pas la vénération de quelqu’un d’autre que le prophète. Des actes de résistance ont lieu çà et là. Une frange de la population prépare des actions (militaires ou non) pour lutter contre le nouveau pouvoir.

HC : À quel genre de conflit fait-on face à l’heure actuelle ? Quels en sont les enjeux ?

Y.D. : Le conflit au Mali n’est pas ethnique et ne l’a jamais été. Certains Touaregs sont également les victimes des djihadistes. Ce à quoi on fait face, c’est un conflit au nom de la religion pour le contrôle d’un territoire. Et au vu de la porosité des frontières avec le Niger, la situation semble incontrôlable et les djihadistes, de plus en plus nombreux ont en réalité le contrôle d’un territoire quatre fois plus grand. Territoire aux enjeux géostratégiques primordiaux pour l’Afrique et le monde entier. Mais cette situation masque d’autres problèmes toujours présents au Mali. Par exemple, un accord entre le gouvernement, l’Italie et la Belgique a été signé pendant le conflit concernant l’exploitation de l’or, le tout sur le dos de la population. Malheureusement, personne n’en parle…

« Vous avez des questions? Allez…Roulez… »

Il était là, avec sa canne et son appareil auditif, qui l’emmerde, nous a t-il dit. Malgré tout, c’était peut-être un des plus jeunes, une des personnes les plus vives présentes dans la salle. Nous questionnant d’emblée, « Quoi de neuf? ». L’espace d’un instant nous étions penauds devant celui qui a dirigé l’information à RTL pendant Mai 68. Farkas, Brassens & Brel à la fin des années 60. Pas de temps à perdre, l’homme nous met, vingt minutes après son arrivée au devant d’un bouclage virtuel, ne cessant de nous répéter qu’il « (nous) considère déjà comme des journalistes professionnels, alors allez-y, montrez-moi les biscuits que vous avez apportés… ».

Journaliste à Combat et à Libération après des débuts à l’Humanité. Reporter radio pendant la guerre d’Algérie. Auteur de la rencontre entre Brel et Brassens. Le bougre a aussi interviewé Piaf, De Gaulle ou encore Miles Davis. Rencontrer Farkas c’est composer avec des représentations idéales dont on peine à se défaire. Ne le lancez pas sur la musique! Bien qu’il n’ai jamais écrit sur, il a vécu toute sa vie avec

La Musique…

L’ancien reporter est pourtant un peu, de ceux que l’on appelle des « personnages »; ces Hommes qui portent dans leurs discours tout le poids, le savoir et la sensibilité d’une époque. « Il ne s’agit pas de regarder passer les trains, mais de savoir ce qu’il y a dedans », la leçon, en une phrase, a résonné dans notre petite salle.
On reproche souvent aux journalistes leur immodestie et pourtant, ce qui frappe d’abord chez Farkas c’est sa simplicité. Cette volonté ténue et apparemment irrépressible de transmettre la « fibre », la « substantifique moelle » du métier comme il le vit et le sent dans « ses tripes ». Presse écrite ou radio, pas facile de voir sa préférence…mais une chose est sûre, « l’implication physique » demandée aux journalistes d’aujourd’hui est bien différente de celle de son époque.

« Quoi de neuf Coco? », ironise t-il encore. Reprenant l’expression célèbre et néanmoins pleine de sens de Pierre Lazareff, « l’ensemble du métier et de la posture du journaliste est résumée dans cette phrase qui aura toujours son actualité » ajoute Farkas.
Désarçonnante de prime abord, on ne perçoit la justesse de cette expression qu’en prenant le temps d’écouter l’homme. Comme il l’explique, le journaliste est d’abord cette personne qui a pris le temps de réfléchir au rôle qui doit être le sien dans la société. « Les informations les plus humbles, on doit les traiter comme un coup d’Etat », indique t’il.

« Si vous voulez devenir journaliste, personne ne va vous aider, mais personne ne va vous arrêter! »

Avant de poser les questions aux autres on doit pour ainsi dire se les poser à soi même! On ne devient journaliste qu’en ayant d’abord engagé ce processus d’introspection.
Pour Farkas le rôle du reporter, du soliste comme il l’appelle (complémentaire au chef d’orchestre d’une rédaction) est avant tout celui d’un indigné, d’un loup qui a faim de comprendre, le souci de faire comprendre et la soif de raconter ce qui se passe, avant quiconque!

Il ne loge pourtant pas toute la profession à la même enseigne et déplore ces journalistes qui ne lisent pas, ne connaissent pas l’histoire et sont incapables de mettre en perspective, dans le temps dans l’espace. Il critique les formules toutes-faites qui ancrent les événements du quotidien dans la spectacularisation du « jamais vu » et de « l’inédit », cruel manque de savoir-faire contextuel selon lui.
On en vient au personnage central de son dernier bouquin, Romo Goldèche et la tristement célèbre langue de bois. Ce dernier était comme un mot de passe, un acteur (pas si) imaginaire que les reporters se prêtaient de journal en journal. Première fois que l’on en entend parler. Tantôt « général de guerre libyen, entraîneur de base-ball, voire soldat », il représentait une « sorte de mouvement de résistance face à la dictature de la pensée unique », au temps de la radio militaire en Algérie. « Il faudrait bien un nouveau Romo Goldèche pour contrer les discours convenus des communiquants, à droite comme à gauche, les prisonniers de la petite phrase » ; un certain cynisme, une distance donc, en précisant sourire aux lèvres et souvenirs plein les yeux : « durant les grands reportages, il n’y a que les patrons de presse qui soient concurrents… ».

Le(s) nouveau(x) Romo Goldèche?

Il est rassurant et déroutant à la fois de surprendre ce journaliste d’une autre génération critiquer la soumission de certains professionnels et stars médiatiques et le manque d’humour de certaines rédactions aujourd’hui. Nous racontant cette époque où « on pouvait faire de la bonne info tout en déambulant à poil dans la rédaction pour déstabiliser les collègues » ce qui « semble être plus compliqué aujourd’hui! ». Souvenir d’un temps que nous n’avons pas connu, quand le Nagra, le transistor et la VHF régnaient en maître.
Ce qui est moins drôle aussi dit-il, c’est évidemment que beaucoup de choses ont changé depuis Radio Luxembourg et Combat. Farkas, malgré sa longue carrière, ne porte pourtant pas un regard critique sur la technologie ou la modernité. Il avance ainsi que « C’est une chance pour la nouvelle génération de journalistes de commencer dans le numérique, même s’il est « plutôt sain de ne pas savoir ce que vous voulez faire ».

Quelque soit le support, il faut prendre le temps de se pencher sur les sujets qui nous entourent et respecter les gens qui nous lisent où nous écoutent même s’il faut déranger pour cela. Le fameux devoir d’irrévérence du reporter. Devoir qui n’a peut-être jamais été aussi essentiel dans la période qui est la nôtre. En témoigne la vision objective de Farkas sur le sujet qui résume peut-être à elle seule la bascule entre les générations « Vous allez rentrer dans des boîtes, et malheureusement sans connaître les patrons. Aujourd’hui, des géomètres, des énarques, des financiers dirigent tout, mais sans aucune idée de ce qu’est un papier« …No Comment.
Un cocktail d’auto-dérision, de sérieux et de distance dans l’exercice de son travail, voilà peut-être les principaux enseignements que l’on pourrait tirer de ces échanges à bâton rompu. Échanges avec un homme, avec un journaliste, qui à vécu son métier avec ses tripes et même si, pour reprendre Brassens : « les braves gens n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux. »

Conseils aux jeunes journalistes…


Rencontre avec la chanteuse Nneka

Peux-tu nous parler de ton troisième album « Soul is heavy »?

C’est un album très personnel. Il parle du monde en général: de la corruption, de la religion, de la guerre, du racisme et de la pauvreté. Je suis née au Nigéria où la culture est très forte. Il existe des choses très positives dans mon pays, loin de l’image négative véhiculée par les médias. Certes subsistent de nombreux problèmes, notamment liés aux compagnies pétrolières qui engendrent la corruption. Mais le Nigéria est vraiment un pays à découvrir, à explorer. Les jeunes générations sont prêtes à tout pour réussir. Ca me fais plaisir de voir des expatriés nigerians revenir pour investir massivement dans divers secteurs comme l’éducation. P1010486.jpg

Quels ont été tes influences musicales ?

J’ai grandi avec les chants religieux. Il faut savoir que le Nigéria est un pays très croyant.
Je suis fan de Fella Kuti, Bob Marley, Nas, Talib Kweli, Mos Def, Lauryn Hill… Sur scène je chante essentiellement du rap, de la soul, et du reggae.

Tes textes sont très engagés, comme c’était le cas dans le premier album avec le morceau « Africans » qui invite les Africains à « se réveiller » sur leur destin. Que penses-tu aujourd’hui, notamment de la situation dans la corne de l’Afrique ?

J’essaie de ne pas être trop pessimiste. Vivant depuis six ans en Allemagne, je retourne souvent au Nigeria. Je suis très engagée pour défendre la cause de mon pays. Mes textes s’adressent au peuple africain que je pousse à se libérer. Nous seuls pouvons nous réveiller et agir. Il ne faut pas être toujours dépendant de l’aide extérieur, des ONG ect… . D’autant plus quand on sait qu’une partie de cette aide est détournée.
Avant, les gens subissaient les décisions des gouvernants. Aujourd’hui, une réelle conscience politique nait. Quand je suis au Nigéria, je pousse les gens à aller voter pour faire changer les choses. Nous devons prendre des responsabilités. Je compte aussi sur la diaspora nigérianne pour construire un nouvel avenir.

Des souhaits pour l’avenir ?

Beaucoup de choses doivent changer. Ces problèmes liés au pétrole, au manque d’électricité, aux infrastructures insuffisantes, sont insupportables. Les pays d’occident sont toujours à notre chevet, je souhaite que les Africains prennent leur destin en main. De nationalité allemande et nigériane, je veux incarner un pont entre ces deux cultures différentes. Je prie et me concentre sur le présent.


Le clip de « Soul is Heavy », extrait de son dernier album…

Pascal Le Brun-Cordier : « nous avons d’emblée affirmé que les ZAT se développeraient dans toute la ville y compris dans les quartiers populaires »

Du vendredi 11 au dimanche 13 novembre va se tenir à Montpellier la troisième édition des ZAT (Zones artistiques temporaires). Rencontre avec son directeur artistique : Pascal Le Brun-Cordier.

Pouvez-vous présenter brièvement le concept des ZAT pour ceux qui ne le connaitraient pas encore ?

C’est un grand projet artistique populaire prévu sur dix ans, dont l’objectif est d’explorer la ville de Montpellier et de la mettre en récit, d’enrichir et d’intensifier l’expérience urbaine, avec les artistes et les habitants. Il s’agit d’un rendez-vous régulier (pour le moment, chaque printemps et chaque automne), gratuit, dans l’espace public, dans toutes les zones de la ville, qui propose des spectacles et des surprises urbaines. Une édition des ZAT, c’est entre deux et quatre jours de manifestations artistiques surprenantes, décalées, qui relèvent de la danse, du théâtre, du cirque, des arts visuels, du street art et de la performance, pendant lesquels la ville se métamorphose, se poétise et se révèle autrement.

Cette troisième édition sera centrée autour du mythe du monstre du Loch Lez. Pourriez-vous nous en dire plus ?

Cette 3ème ZAT a deux versants. Le premier est lié à l’inauguration du nouvel Hôtel de Ville de Montpellier : samedi et dimanche, nous y proposons une exploration artistique, avec des impromptus théâtraux, un parcours sonore, des conférences décalées, et un grand concert qui se déroulera sur la place de l’Hôtel de Ville. De l’autre côté du Lez, le second versant de cette édition se déploie autour du Bassin Jacques-Coeur et s’organise autour d’une histoire incroyable, celle du monstre du Loch Lez. A Montpellier depuis plusieurs siècles, un monstre aquatique hante les profondeurs du Lez. Les premières traces de ce monstre remontent au 1er siècle ap J.-C (une mosaïque retrouvée sur le site archéologique de Lattara le représente). Le monstre refait ensuite surface au dixième, quatorzième et enfin au seizième siècle. Lors de ce dernier épisode, Nostradamus a rédigé une prophétie annonçant sa réapparition le jour où les onze chiffres 1 seront alignés, soit ce vendredi 11 novembre 2011 à 11h11 et 11 secondes. Autour de cette légende urbaine, nous proposons une série de rendez-vous, notamment des chantiers de fouilles archéo-mythologiques, une zone de peluchologie, des spectacles, des interventions de conteurs et de comédiens…

Justement les ZAT sont financées par le budget municipal alloué à la culture. En tant que directeur artistique de cet évènement, bénéficiez-vous d’une totale liberté dans le choix des artistes et des projets programmés ?

Les ZAT sont un projet porté par la ville de Montpellier, donc par l’élu à la culture. Il y a ainsi le cadre global du projet, et dans ce cadre, après qu’un espace ait été défini, je peux construire la programmation. Ce travail se fait par un dialogue permanent avec toute l’équipe de la ZAT au sein de la Direction de la Culture et du Patrimoine, et avec l’élu à la culture. Je précise que la ville m’a accordé sa confiance, et que ma liberté a jusqu’à présent été totale.

Quels sont vos critères de sélection pour recruter les artistes programmés aux ZAT ?

La programmation des ZAT est totalement contextuelle. Elle suit une recherche sur le territoire, la définition d’un axe artistique précis qui organise ensuite toute la programmation. J’invite les artistes que je connais, que je suis depuis longtemps soit en leur proposant de créer un spectacle ou une installation spécifique pour le site, soit en adaptant une création existante. Je suis au contact de beaucoup d’artistes depuis de nombreuses années, qui ont la caractéristique de travailler dans et avec l’espace public. C’est un travail très particulier qui demande une capacité particulière de composer avec l’environnement, le monde, la société. Etre vivant en somme! Il y a donc un travail de sélection, de réflexion et parfois de compagnonnage avec ces artistes.

Antigone pour la première édition, le domaine de Méric pour la deuxième et maintenant le quartier moderne de Port-Marianne. A quand une édition des ZAT au cœur d’un quartier populaire ?

Les ZAT ont la volonté de se développer sur une période de dix ans. C’est un temps rare dans la culture qui permet de l’ambition, de l’imagination, et l’expérimentation de formats différents. On a commencé dans une logique urbanistique, sur des sites centrés autour du Lez. Dans une ville comme Montpellier, c’est un élément très structurant pour l’histoire, la géographie et le paysage. Le Lez est un choix pris avec l’ancien élu de la culture Michaël Delafosse. Antigone, le domaine de Méric, et Port Marianne sont trois quartiers très différents les uns des autres, mais ils se situent tous au bord de ce fleuve.

En 2010, lors du lancement de cet évènement, nous avons d’emblée affirmé que les ZAT se développeraient dans toute la ville y compris dans les quartiers populaires; il y a eu une volonté d’aller à la Paillade et aussi dans d’autres quartiers. Mais aujourd’hui la réponse à cette question appartient au nouvel élu: Philippe Saurel.

Les ZAT sont les héritières des « quARTiers libres » ; festivals d’art de rue aux thématiques diversifiées, se déroulant à travers toute la ville et mettant sur le devant de la scène une programmation 100% montpelliéraine. Avec la mutation de cet évènement sous la forme des ZAT, quelle place reste-il pour les artistes locaux ?

« Des artistes qui vivent et travaillent à Montpellier », je préfère les appeler comme ça. « Artistes locaux »n’est pas une expression très valorisante. Un artiste se justifie d’abord par son projet et non par l’endroit où il vit.

Ces artistes donc, sont présents dans les ZAT depuis la première édition. A chaque fois 6 ou 7 projets sont inventés avec des artistes montpelliérains ou de la région, notamment venus du Gard (compagnie Ilotopie) pour cette troisième ZAT. Ils connaissent bien le territoire et ont des projets passionnants. Effectivement « quARTiers libres » était un festival exclusivement monté avec des artistes montpelliérains, mais ce n’est pas la définition des ZAT. Dans notre projet, les artistes venus d’ailleurs apportent un autre regard sur la ville et son paysage. Ce regard extérieur y apporte du décalage de la surprise, de la fraicheur et de la singularité.

Quel type de public cet évènement attire-t-il ?

Toutes les manifestations artistiques dans l’espace public touchent des publics très diversifiés. Les ZAT n’échappent pas à cette règle.

Il faut d’abord parler de population. Des personnes qui passent dans la ville par hasard, découvrent et se laissent happer par un projet ou une situation artistique poétique sans forcément l’identifier comme tel. Ce sont des gens qui n’osent pas rentrer dans les musées ou théâtres. Ils ont parfois le sentiment que ces lieux ne sont pas faits pour eux, ou n’ont pas l’argent pour s’y rendre.

Il y a aussi des publics. Des personnes qui sont là parce qu’elles ont voulu venir. Elles ont épluché le programme et construit leur propre itinéraire. Certains d’entre eux fréquentent habituellement peu les institutions culturelles montpelliéraines. Ils vont alors apprécier le contexte plus informel dans lequel les propositions artistiques sont ici présentées. Ils veulent vivre un instant, partager un moment. Les gens viennent parfois plus pour une ambiance que pour un projet. Ce phénomène heurte d’ailleurs la sensibilité de nombreux « cultureux ». Mais c’est juste une autre manière d’envisager le rapport à la culture.

Le public des ZAT est donc très diversifié. Le noyau des spectateurs habitués et habituels de la culture y est beaucoup moins important que dans les institutions et festivals conventionnels. Il y a, et c’est là le plus important, de nouveaux publics, parfois plus jeunes, en tout cas plus diversifiés socialement, générationellement et territorialement.

Bénéficiant d’un engagement de dix ans pris par le conseil municipal, comment imaginez- vous l’évolution de cet évènement au fil des saisons ?

Il est difficile de vous répondre. Ma position de directeur artistique se fonde sur un dialogue avec les élus, et ces élus peuvent changer. Cela vient d’ailleurs de se produire avec le nouvel adjoint à la culture Philippe Saurel. Tout dépend donc encore une fois de la teneur du dialogue qui s’engage avec les élus.


Montpellier : ZAT N° 3 par

Jean-François Bourgeot: « On n’a pas découvert le monde arabe cette année »

La 33ème édition du Cinemed (Festival du Cinéma Méditerranéen de Montpellier) a ouvert le vendredi 21 octobre dernier. Avant sa fermeture samedi, Jean-François Bourgeot, directeur du festival depuis maintenant dix ans, a accepté de nous parler d’un rendez-vous qui semble avoir trouvé son public.

Le Cinemed fête cette année ses 33 ans, quelle est aujourd’hui sa place dans le paysage cinématographique français?

Sa place est à la fois banale et particulière. Banale parce que c’est un festival qui correspond à une dimension moyenne. Particulière, car c’est un rendez-vous où il y a un vrai public qui paye pour voir des films d’identité méditerranéenne qu’il ne pourra souvent pas voir ailleurs. Que ce soit en France ou en Europe, nous sommes les seuls à accorder autant de place à ce cinéma.

Dans l’ensemble si l’on exclue les grands festivals comme Cannes ou Deauville, nous somme en termes de surface et de public l’un des dix festivals en bonne santé en France.

Comment expliquer que le festival ait pris autant d’importance?

On a fait un vrai saut qualitatif et quantitatif sous l’impulsion de Georges Frêche et depuis la construction du Corum à la fin des années 1980. On est passé du statut de « Rencontres du Cinéma de Méditerranée » à celui de « Festival ».

Aujourd’hui, on permet aux gens de voir beaucoup de films récents. Une partie d’entre eux n’ont pas de distributeurs en France et ne passeront qu’à Montpellier. D’autres sont chez nous en avant première. C’est pour eux l’occasion de confronter leur film à un public pour la première fois.

Le Cinemed demeure, toutefois plutôt élitiste dans la mesure où les films projetés se destinent à un public plutôt averti…

(Il coupe) Oui mais on fait tout de même entre 70 000 et 80 000 entrées sur 9 ou 10 jours. Lors de l’ouverture, la salle Berlioz, qui fait 2000 places, est pleine. 2000 places c’est cinq fois la plus grande salle du Gaumont. Il y a donc des moments où on attire la foule. Mais ce qui est encore plus intéressant c’est qu’on a fait près de 600 entrées pour un film d’Ermiano Olmi (ndlr, Centochiodi) qui peut etre considéré comme du cinéma d’auteur.

Très souvent les gens abordent ce festival en se disant que les films vont être « intello », ennuyeux et prise de tête. Or, ce n’est pas parce qu’on choisit des réalisations qui ont un style et un point de vue qu’ils sont inaccessibles.

Sur quels critères vous basez-vous pour sélectionner vos films ?

Evidemment il faut qu’ils soient d’origine méditerranéenne. A partir de là, les premiers critères résident dans la force des sujets mais aussi dans la manière dont ils sont traités. Ensuite, on accorde de l’importance à la diversité territoriale. Cette année 22 pays sont représentés sur les 25 possibles.

Par ailleurs, ce festival continue à être pensé par des gens qui viennent des ciné-clubs. On encourage donc les films suscitant l’interrogation et l’échange avec le public. L’intérêt n’est pas de faire de l’analyse filmique mais de comprendre comment les pays de la méditerranée se représentent dans leurs cinéma.

Le festival représente aussi une occasion pour ouvrir le débat et évoquer des sujets d’actualité. Cette année, dans quelle mesure avez-vous « surfé » sur le printemps arabe ?

Le mot « surfer » je ne vais pas le réfuter parce qu’il y a effectivement un effet de mode sur ce sujet qui touche beaucoup de festivals. Nous on ne l’a pas découvert cette année parce que ces pays sont présentés au festival depuis sa création. Pour rappel, Youssef Chahine est citoyen d’honneur de la ville. De plus, notre festival a commencé plusieurs mois après le début des révolutions donc on n’était pas dans l’urgence de « surfer » ou d’être dans le coup.

Nous nous sommes simplement mis au diapason d’une année qui a changé le monde. Pour cela nous avons choisi de gonfler la partie égyptienne de la programmation. Des questions politiques seront évoquées puisque les films eux-mêmes s’interrogent sur les liens entre démocratie et monde arabe, mais on s’intéressera surtout à l’effet des révolutions sur le cinéma des pays concernés.

Même si on parle en priorité de cinéma, il y a donc, malgré tout un réel engagement derrière ce festival…

Bien sûr, mais nous ce qu’on aime bien c’est partir du cinéma et pas de l’anecdote. Il faut en priorité que les formes soient intéressantes et que les films soient réussis. Il y a des films qui essaient de dire des choses très sympas mais qui sont ratés. Ceux-là ne nous intéressent pas.

Vous recevez beaucoup de subventions de l’agglomération de Montpellier et de l’Union Européenne, est ce que ces acteurs ont un droit de regard sur votre programmation et vos choix ?

Non, il n’y a aucun droit de regard en termes de programmation même si il y a évidemment quelques contraintes. Pour la subvention de l’Europe, par exemple, au moins 70% de notre programmation doit correspondre à des productions ou des coproductions européennes. C’est une manière de soutenir le cinéma du vieux continent.

En revanche la ville non. La seule chose que Georges Frêche voulait c’était qu’il y ait des vedettes, que ça brille un peu pour qu’on parle de nous. Seulement, ce n’est pas parce qu’on fait venir des célébrités de Paris que cela fonctionne. La presse parisienne voit ces personnalités toute l’année. Par contre quand on fait venir des grands noms du cinéma italien ou égyptiens ça devient plus intéressant.

Pour finir, comment est ce que vous voyez l’avenir du Cinemed avec notamment le basculement du cinéma dans l’ère du numérique ?

C’est une évolution qui est compliqué pour nous depuis l’an dernier déjà, qui est particulièrement difficile cette année et qui le sera encore l’an prochain. On sera sorti de la turbulence quand le Corum sera mieux équipé et quand le support numérique s’homogénéisera. En ce moment on est dans une période de transition. On reçoit toutes sortes de supports. C’est le bordel !

Heureusement, les créations contemporaines finiront par se normaliser y compris celles venues des pays plus pauvres. En revanche, les choses seront plus dures pour nos recherches rétrospectives. Même si depuis quelques années on passe beaucoup de copies au numérique, on ne retrouvera jamais tout.

Patrick Bruel, frère de coeur

Le duo Bruel-Arcady est de retour pour un 5e film. Du «Coup de Sirocco» à «Comme les cinq doigts de la main» en passant par «l’Union sacrée», les deux complices nous offre une saga familiale sur fond de polar. A l’occasion d’une avant-première riche en émotions, en flashs et en «Patriiiiiick», Alexandre Arcady, Pascal Elbé, Mathieu Delarive et Patrick Bruel sont venus à la rencontre des Montpelliérains et, accessoirement, prendre un bain de soleil. C’est en toute simplicité et avec une grande générosité que l’idole de plusieurs générations a répondu aux questions d’une journaliste en herbe. Un tête à tête avec le charmeur de ces dames, Patrick Bruel.

Marc Lévy : « Ecrire, c’est un territoire de liberté ».

A l’occasion de la sortie de son dixième roman  » La première nuit « , la librairie Sauramps Odyssée a accueilli hier soir, jeudi 10 décembre, Marc Lévy. Romancier français qui a vendu le plus de livres en France et dans le monde, ses neuf derniers romans ont été publiés, à ce jour, à 19 millions d’exemplaires. Second volet d’un diptyque,  » La première nuit  » raconte l’histoire d’Adrian, astrophysicien, qui part à la recherche de Keira, archéologue, disparue après un attentat. Dans un périple qui nous entraîne des hauts plateaux éthiopiens jusque dans les étendues glacées du nord de l’Oural, Marc Lévy conclut avec  » La Première nuit « , l’aventure fantastique commencée avec  » Le Premier jour « . Rencontre.

D’où vient votre goût pour l’écriture ?

Je ne sais pas. Je crois du plaisir de raconter des histoires. Mais je ne sais pas d’où il vient. Je pourrai vous faire une réponse toute convenue mais je ne le souhaite pas. Vous savez, si je vous demandai d’où est venu l’amour que vous portez à votre conjoint, vous n’en sauriez rien. Il est venu, c’est tout. Il y a des choses qui sont là et nous ne pouvons pas trouver d’explications.

Vous parlez toujours d’amour. C’est votre priorité dans la vie ?

Non ce n’est pas une priorité, c’est une question d’humilité. Je pense que l’amour est ce qui motive tout un chacun. De la chose la plus simple dans votre quotidien, à la chose la plus complexe. Quoi que vous cultiviez, quoi que vous fassiez, vous le faites par amour. Après, vous pouvez avoir une espèce de prétention, de fierté qui font que vous dites que ce n’est pas vrai. Mais tout se fait par amour. Nous élevons nos enfants par amour, nous vivons avec quelqu’un par amour, nous cultivons notre jardin par amour, nous construisons une maison par amour, … Tout se fait par amour. Même si cela dérange les cyniques. C’est une réalité. En tout cas, c’est la mienne. Je ne vois pas comment faire autrement.


Pensez-vous que par amour, comme c’est le cas avec Adrian, un homme est capable de tout ?

Il faut demander cela à ma femme ! (rires) Si je répondais oui, cela serait très prétentieux.

Est-ce que l’on peut dire « Marc Lévy, l’auteur séducteur » ?

Non. Je suis quelqu’un de très timide et de très pudique. Je ne suis pas du tout un séducteur. J’étais le plus mauvais dragueur de tout le lycée et ils s’en souviennent encore ! J’aimerai bien que la légende s’entretienne mais j’aurai, de suite, quelques copains pour dénoncer la forfaiture.

C’est la première fois que vous publiez un diptyque, pourquoi ?

J’ai écrit cette histoire dans une continuité. Je ne me rendais pas compte que je m’embarquais dans une intrigue aussi longue. C’est mon éditeur qui m’a fait remarquer qu’il était difficile de publier un livre de 950 pages. Donc, nous l’avons scindé en deux tomes. L’endroit où ils ont coupé l’histoire, c’est quand même un peu vache.

Vous l’auriez coupé où ?

Si c’était à refaire, j’aurai fait trois tomes de 350 pages chacun, au lieu de deux. Je crois que je me serais fait encore plus d’ennemis ! (rires) L’idéal aurait été de publier un seul livre. Mais les lecteurs trouvent très désagréable de lire un ouvrage de 950 pages. Dans le métro, par exemple, ce n’est pas très pratique.

Il y a une unité de temps entre les deux romans qui correspond à la réalité. J’ai vécu l’été comme Adrian.

A quel personnage vous identifiez-vous ?

Si je vous dis Keira, cela va vous paraître ridicule. C’est un mélange. Il n’y a pas un endroit où je me mets, moi, dans le roman. Je suis trop pudique pour me mettre dans un personnage. Cependant, je m’identifie pas mal à Walter (ndlr : Walter est le meilleur ami du héros). Je pourrai vous dire que je suis Adrian, le héros. Mais, j’ai déjà le vertige sur un tabouret et il escalade les montagnes à 2 000 mètres !


Pourquoi le thème de la destinée est présent dans tous vos romans ?

Parce que je crois que c’est ce qui me fait le plus peur.


Vous croyez en la destinée ?

Ce n’est pas ce que je vous ai dit. Je n’en sais rien. Qu’est ce que c’est que la destinée ? J’ai toujours voulu croire, et cela n’engage que moi, que la destinée est une succession de choix que la vie nous présente. Je déteste l’idée que tout est écrit. Sinon pourquoi se lever le matin, pourquoi aller à l’école, … Si tout est écrit, il n’y a qu’à se poser sur le tapis roulant et attendre qu’il arrive au bout. Je pense que la destinée, c’est une succession de choix. Et le destin, c’est ce que l’on va décider de prendre comme choix. Je trouve que c’est ce qu’il y a de plus intrigant. Pourquoi le piano qui se décroche tombe à deux centimètres de vous ou vous tombe sur la figure ?

Trois de vos ouvrages font référence à des évènements historiques : Les enfants de la liberté à la Résistance, Toutes ces choses qu’on ne s’est pas dites à la Chute du Mur de Berlin, et Où es-tu ? à l’ouragan de 1974. Quel est votre rapport à l’Histoire ?

Je trouve assez intéressant, pour certains romans, que les personnages évoluent dans l’Histoire qui les englobe. Je ne peux pas faire une réponse courte à la question que vous me posez. Chacun des trois romans que vous me citez à sa raison, divergente des deux autres. L’histoire des Enfants de la liberté est très particulière. Celle de Toutes ces choses qu’on ne s’est pas dites a d’autres motifs.

Mon rapport à l’Histoire ? Je pense que l’Histoire imprime l’histoire personnelle que nous vivons. Nous ne pouvons pas nous extraire du contexte historique dans lequel nous vivons, des évènements historiques dans lesquels nous vivons. Quand on est romancier et que l’on raconte l’histoire de personnages, on ne peut pas prendre deux personnages qui vivent en 1960 et les faire avoir les mêmes réactions que des personnages des années 2010. Ne serait-ce que les sentiments qu’ils ont. Ils ne sont pas impactés par la même morale publique, par la même conjoncture, par les mêmes problématiques. Je ne sais pas quel âge vous avez. 20 ans ? 22 ans ? Avoir 20 ans, il y a trente ans, n’est pas du tout la même chose qu’avoir 20 ans aujourd’hui. Ne serait-ce que parce qu’il y a trente ans, nous n’avions pas de téléphone portable. Nous ne savions pas ce que c’était que d’envoyer un sms. Vous ne savez sans doute pas ce que c’était de faire passer un petit papier en cours quand j’avais 16 ans. Il fallait avoir une technique pour faire passer une boulette de papier du dernier rang au premier, et dire à une copine « on se voit à 16h30 » sans que les copains ne le sachent et sans se faire chopper par la maîtresse. C’était un exploit ! Aujourd’hui, un petit texto, et hop hop hop, l’affaire est dans le sac ! Le débarquement du sms a changé les modes de communication. Sans vouloir me vieillir, à mon époque, nous n’avions qu’une chaîne de télévision et à 20h30 nous étions au paddock. Nous vivions dans une autre planète que celle dans laquelle vous vivez. J’ai un fils de 20 ans, je suis donc témoin de ce monde là.

Vous évoquez votre jeunesse, quels étaient vos livres préférés à l’époque du lycée ?

Je dirai La nuit des temps de Barjavel. D’ailleurs mon livre est une façon de rendre hommage à Barjavel. Le petit prince de Saint-Exupéry, Huis clos de Sartre, Paroles de Prévert, La condition humaine de Malraux, et E=mc2 mon amour de Patrick Cauvin. Et à la sortie du lycée, Romain Gary.

Plusieurs de vos romans ont été adaptés au cinéma, que pensez-vous de ces adaptations ?

C’est très complexe. L’adaptation d’un roman répond à des règles incontournables. Il y a toujours deux points de vue. Celui du lecteur et celui de l’auteur. Je considère que lorsqu’un réalisateur vous fait l’honneur d’adapter votre roman, il faut lui laisser la liberté de raconter l’histoire à sa façon. C’est un auteur à part entière. On ne peut pas contraindre l’intelligence d’un auteur à filmer les pages d’un livre. Même si la tentation de l’auteur du livre est de filmer exactement l’histoire qu’il a écrite. C’est un pari qui est impossible. Ne serait-ce que parce qu’un roman raconte une histoire en huit-neuf heures et qu’un film doit la raconter en une heure et demie. A partir du moment où c’est bien filmé, où les acteurs sont justes, la mise en vie de ses propres personnages est extrêmement jouissive.

J’ai vécu trois expériences différentes. Dans Et Si c’était vrai, le film est très éloigné du roman. Le réalisateur a prit le parti de changer la nature des personnages. Il les a débaptisés. Le « Arthur » et la « Lorraine » du film ne sont pas le « Arthur » et la « Lorraine » de mon roman. Alors que dans Mes amis, mes amours, même si la réalisatrice a enlevé une quantité de scènes importantes du roman et qu’elle en a rajouté d’autres, le « Matthias » et le « Antoine » du film sont vraiment le « Matthias » et le « Antoine » du roman. C’est une adaptation plus fidèle. Où es-tu ? a été produit en format télévision. Les quatre heures du téléfilm permettent de coller à la rythmique du roman. Donc, c’est encore plus fidèle. Cela a été trois très belles aventures.


En parlant de télévision, quelle est votre émission télévisée préférée ?

L’émission où ils vont dans des pays au bout du monde… En Terre Inconnue !


Et si nous faisions un petit portrait chinois… Si vous étiez…

Une saison ?

Le printemps.

Une femme ?

Joker !

Une musique ?

Une chanson des Beatles.

Un roman ?

Clair de femme de Romain Gary.


Un pays ?

La France.


Un personnage historique ?

Pasteur.

Vous dites que vous aimez la France, pourquoi vivre à New York ?

J’ai toujours vécu à l’étranger. J’aime vivre à l’étranger et j’aime vivre en étranger. Ce n’est pas parce que l’on vit à l’étranger que l’on n’aime pas son pays. De la même façon qu’à vingt ans, ne plus habiter chez ses parents ne vous empêche pas de les aimer. Nous sommes trois millions de Français à vivre à l’étranger. Heureusement d’ailleurs. Si aucun Français ne vivait pas à l’étranger, on ne saurait pas ce qu’est la France.

Quels conseils donneriez-vous à un jeune écrivain qui veut se lancer ?

Si je pouvais en donner un seul : n’en écouter aucun. Écrire, c’est un territoire de liberté. Vous pouvez écrire un roman sans ponctuation si cela vous amuse. Il ne faut pas laisser l’écriture et la littérature s’enfermer dans des règles grammaticales. Certes, elles sont très importantes pour le maintien de la langue. Mais, il ne doit pas y avoir tout le temps des règles. Le seul gardien de la liberté d’écriture, c’est vous-même. Il faut écrire avec beaucoup d’humilité. L’écriture c’est un long tunnel de solitude. Avec un papier et un crayon, on peut tout écrire. Et si on peut tout écrire, on peut rentrer dans un domaine imaginaire qui vous transpose bien au-delà des murs qui vous enferment. C’est la seule conscience à garder quand on écrit. On peut faire ce métier très sérieusement sans jamais se prendre au sérieux. Il y a autant de façon d’écrire qu’il y a de gens qui écrivent. Il y a autant de façon d’aimer que de gens qui aiment. Il n’y a pas plus de recettes d’écriture, qu’il y a de recettes amoureuses.

L’écriture est-elle un besoin pour vous ? Avez-vous besoin d’écrire tous les jours ?

Je vous dirais que c’est un bonheur. Je ne veux pas donner de gravité à la chose. Dans ma vie, j’ai vu trop de gens dans le besoin pour avoir l’espèce de prétention de dire : « j’ai besoin d’écrire ». Si je ne peux plus écrire, je survivrai. Je touche du bois, mais s’il arrive quelque chose à mon fils, je ne sais pas si je survivrai. C’est un bonheur, un vrai bonheur que d’écrire. Je recommence un nouveau roman dans quelques semaines et je suis heureux de cela.

Pour finir, quel est votre rêve ?

De vivre très, très vieux. Cela englobe tous les autres rêves. Il y en a beaucoup. Tant que vous êtes vivant tous les rêves sont possibles.

L’Ambulance ou le néo-réalisme serbe

Les réalisateurs des Balkans sont décidément à l’honneur pour cette 31ème édition du Cinémed. Retenu à Cuba (où il enseigne actuellement), Goran Radovanovic a accepté de nous en dire plus sur ce premier film.

Dix années ont passé depuis les onze semaines de frappes aériennes de l’OTAN sur la Serbie. A Belgrade, les traces des bombardements n’ont jamais totalement disparu.
C’est au coeur de cette capitale que L’Ambulance, premier long métrage de Goran Radovanovic a été tourné. A travers le quotidien d’un service ambulancier, ce film historique contemporain évoque le drame relatif aux profonds bouleversements subis par la société serbe depuis la chute du régime. Interview du réalisateur.

Haut Courant : Vous êtes déjà connu pour vos documentaires comme Chicken Elections. The Ambulance est votre premier long métrage. Depuis quand l’aviez vous en tête?

Goran radovanovic : Honnêtement, je ne sais pas. En fait, je sentais qu’il fallait que je rassemble et que je transforme les images de mes documentaires en un film de fiction rassemblant les mémoires collectives. J’ai donc commencé à écrire un script reflétant le « Zeit Geist » (ndlr : en Allemand : l’esprit du temps. Comprendre climat intellectuel) du drame politique et social serbe.

Pourquoi avoir suivi ce phénomène depuis un service ambulancier?

Sans doute parce que c’est de là qu’on peut voir le mieux la sensibilité et la fragilité de notre société.

Les personnages de votre film sont tristes, très affectés par les évènements de 1999, surtout les plus jeunes. Comment avez-vous réussi à orienter dans cette direction des enfants qui n’ont aucun souvenir de cette période?

Et bien peut-être parce que je suis un peu triste moi-même. Peut-être que c’est mon passé slave… C’est toujours difficile de diriger des enfants. Celui qui le fait doit très bien savoir comment les orienter. Pour cela, il faut avoir de la pratique, l’expérience de la vie. Je pense que je l’ai depuis que j’ai deux garçons.

Avez-vous réalisé un film politique?

Je voulais l’intituler « Un film historique et contemporain », comme il est dit dans le sous titre. Car l’histoire contemporaine est toujours politique! En ce sens, oui. Mais objectivement, j’étais plus focalisé sur l’esprit du temps que sur la politique.

Le film traite d’une période charnière pour la Serbie. Comment l’avez-vous vécue à l’époque?

Ce que j’ai pu ressentir en tant qu’être humain n’a pas d’importance. Mais en tant qu’artiste, j’étais vraiment heureux de pouvoir suivre l’un des plus importants évènements historiques, comme le fut la chute du régime par exemple. Bien sûr, je n’oublierai jamais la première bombe en Europe depuis la Seconde Guerre Mondiale : pendant 78 jours, l’OTAN a bombardé mon pays et ma ville.

Comment la nouvelle génération serbe considère t-elle ce passé?

Ce que je vois, à mon échelle, ce sont de jeunes gens frustrés, comme leurs parents : ils ne voient pas de futur pour eux. Lorsqu’on ne peut même pas imaginer de futur, comment considérer le passé ?

L’Ambulance (Hitna pomoc)

Serbie – 2009 – 1 h 24 mn –

Réalisation : Goran Radovanovic –

Scénario : Goran Radovanovic –

 Interprétation : Vesna Trivalic, Natasa Ninkovic, Nenad Jezdic, Tanasije Uzunovic, Sonja Kolacaric, Jelena Stupljanin –