Label réalité : « Le bio ça veut tout et rien dire »

Bio or not Bio ? Situé à 20 km au nord ouest de Montpellier sur la commune d’Argelliers, le domaine Le Champ des Barbiers propose une viticulture biodynamique depuis 2007. Pourtant, les vins de Stéphane Gros ne portent pas de label puisqu’il n’a adhéré à aucun organisme pour le certifier. Explications.

L’agence Bio / OC recense cette année 407 exploitations converties au Bio en Occitanie, premier vignoble Bio de France, et Le Champ des Barbiers compte en faire de même. En effet, son fils va le rejoindre afin de faire les démarches de certification, au grand dam de son père. Stéphane Gros est sceptique mais comprend bien les intérêts commerciaux et la reconnaissance apportés par un label. Cependant, il préférerait obtenir un label Demeter correspondant davantage à sa démarche.

En 2000, Stéphane Gros quitte la restauration pour reprendre les rênes de l’exploitation familiale, héritage viticole depuis plus de quatre générations. Il explique avoir toujours pratiqué avec son père « la viticulture raisonnée », en utilisant du souffre et du cuivre plutôt que des produits de synthèse. « C’était le début de la mode du bio » se rappelle-t-il, mais l’investissement économique était important et il ne voyait pas, à l’époque, l’intérêt d’obtenir un tel label. Globalement, il affirme que « ça [lui] revient plus cher de travailler en biodynamie. Il faut passer plus souvent dans les vignes et éviter de trop labourer avec le tracteur ». Mais Stéphane est fier de produire du vin « plus proche du naturel ou Demeter » puisqu’il ne met aucun intrant, sauf « un peu de souffre et d’argile, autorisés par Demeter » mais il ne procède à « aucun collage ni filtrage ».

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Bio : entre utopie et réalité

Alors pourquoi ne pas adhérer à un organisme de certification ? Il connaît parfaitement les labels et leurs normes mais pour lui, « le bio, ça veut tout et rien dire. Il y a le vin conventionnel, chimique, puis le vin bio, les vins en biodynamie, le vin naturel et le vin s.a.i.n.s – sans aucun intrant ni sulfite ajouté » mais dans le vin bio « ils utilisent beaucoup de sulfite (SO2), environ 150 mg / L contre 40 mg pour moi, la norme pour les vins naturels ». Pour les vins s.a.i.n.s, il n’y a « pas d’étiquette » spécifique, ce qui traduit une philosophie différente de celle du bio. L’affiche ci-dessus, réalisée en 2013 par Cédric Mendoza pour l’association des Vins s.a.i.n.s, témoigne selon lui de cette réalité. Le caractère orienté de l’affiche mis à part, on remarque de nombreux intrants, tolérés par le vin conventionnel et bio, face à un vin s.a.i.n.s présenté comme parfaitement pur.

Stéphane Gros justifie par plusieurs raisons sa non-adhésion immédiate à un label : « J’ai toujours travaillé seul avec un agent qui gère toute la partie commerciale et ne vend que des vins bio et naturels, donc je ne m’en suis jamais préoccupé. Ça demande beaucoup de dossiers, je n’ai pas le temps et je n’aime pas ça, donc mon fils va s’en occuper ». Mais ce label va lui apporter une meilleure reconnaissance auprès des clients dans les caves – représentant 65% de sa distribution – ou les restaurants : « les gens regardent l’étiquette, s’ils voient que c’est pas marqué bio, ils ne goûtent pas ».

Le refus d’une grande distribution et ses contraintes

Son fils lui permettra aussi d’augmenter le volume de vin produit pour ne plus qu’il rate des marchés puisqu’il « exporte à l’international depuis quelques années : en Belgique, Grèce, Allemagne et Angleterre », or, « qui dit export dit volume » précise-t-il. Il refuse de vendre son vin en grande distribution (GD) car « c’est pas le genre de produits qu’ils recherchent et ça ne m’intéresse pas ». Mais aussi à cause du volume, « la GD il faut faire du vin et sortir des petits prix ». Les vins de Stéphane Gros sont situés entre 11 et 13€.

Le label va aussi lui amener des aides financières, dont il a bien besoin pour compenser la perte qu’il a essuyé cette année. En effet, il déplore les conséquences du réchauffement climatique sur les vignes, trop souvent tues : « cette année a été catastrophique pour moi, j’ai été gelé au mois d’avril et en été j’ai eu la sécheresse, j’ai perdu 80% de ma production et le gouvernement ne fait rien pour ça, surtout que je n’avais pas d’assurance jusqu’à maintenant, mais ça va bientôt devenir obligatoire ».

Mais il a toujours hésité à passer bio car il le voyait comme une limite : « j’avais peur que l’étiquette soit un frein, dans la GD on en voit partout. Il faudrait plutôt mettre la liste des ingrédients avec les doses plutôt qu’un logo bio. Ce logo cache beaucoup de choses derrière » confie-t-il.
Il espère éviter les « trois années de conversion imposées » pour l’attribution d’un label, en vue de sa pratique de la biodynamie. On l’aura compris, le label bio n’est pas son graal, et s’il fait certifier son vin, c’est pour les autres.