Le Petit Béret : du culot plutôt que du goulot

Du « vin » sans alcool… On a testé ! Attention ça tache.

Erreur de la nature ou boisson futuriste, Le Petit Béret et sa production de boissons hybrides restent une énigme pour l’amateur de vin lambda. Une boisson sans alcool qui possède les goûts et les caractéristiques des vins du Sud ? L’idée mérite un essai ! N’ayant peur de rien, c’est donc en véritable testeur intrépide que votre serviteur (moi-même) s’est lancé dans la dégustation du (fabuleux ?) nectar. Arpentant les routes montpelliéraines aux heures de pointes, puis bravant les hordes de consommateurs dans l’immense Carrefour de Saint-Cément-de-Rivière, la bouteille tant convoitée est finalement apparue au rayon alcool du magasin. Jus de fruit parmi les vins français, la boisson est repérable par un petit encart bleu qui entoure les quelques bouteilles placées sur l’étagère de métal. « Vin sans alcool » peut on lire en blanc sur bleu. L’émotion passée, le rouge est en rupture de stock. Le signe du succès ? Toujours est-il qu’il faut se rabattre sur le blanc « profil » sauvignon à 4,99 euros.

Une allure de jus de pomme

Au premier coup d’œil, il n’y a pas de grande différence avec un vin classique. Le Petit Béret sait jouer avec l’aspect de ses produits et propose une bouteille en verre de taille égale à ses cousines alcoolisées. Seule différence, une capsule de métal vissée sur le goulot, remplace l’habituel bouchon de liège. Sur l’étiquette, un joli cliché français composé d’un béret noir sous lequel flotte une moustache, puis encore en dessous un marcel aux couleurs du drapeau tricolore rappelle que le public étranger est la cible première du produit. Sous le logo un encart imposant marqué d’un « 0.0% » blanc sur fond vert finit d’agrémenter la face avant. Sur l’étiquette arrière sont apposés un portait de Dominique Laporte (élu meilleur sommelier de France en 2004) ainsi que les ingrédients de la boisson. Pêle-mêle : de l’eau, du jus de raisin, mais aussi de la gomme arabique et d’autres arômes. Le liquide est quand à lui assez ressemblant à un vin blanc classique, malgré une couleur jaune plutôt épaisse qui lui donne des allures de jus de pomme. -436.jpg

Un premier coup de nez nous le confirme : trop sucrées, les vapeurs du Petit Béret fleurent plutôt celles d’un jus de fruit. Un peu comme si au lieu d’avoir débouché une bouteille on avait éventré un paquet de bonbon. En bouche, énorme surprise : très peu de corps et d’âpreté, qui sont pourtant les caractéristiques basiques d’un vin. Le Petit Béret, lui, propose plutôt un goût de sucre qui, en quelques secondes, sature les papilles. Très loin d’un sauvignon classique, on a l’étrange sensation de boire un jus de pommes coupé à l’eau. Un choc pour le coup ! Remontant du tréfonds du palais après quelques secondes, un arrière-goût, chimique celui-là, vient terminer cette dégustation sous le signe de l’incompréhension.

Ma conclusion sera donc sans appel. Malgré toute la bonne volonté du producteur, le vin reste une boisson inimitable. Que Le Petit Béret sélectionne son raisin exclusivement dans le Languedoc, qu’il possède le label Sud de France, que Dominique Laporte soit l’homme en charge des assemblages aromatique… tout cela n’y change rien, le vin reste le vin, et la boisson sans alcool proposée ne s’en approche absolument pas. Trop sucrée, trop proche d’un jus de fruit classique. Ce constat ne signe pas pour autant l’échec du Petit Béret dont l’objectif prioritaire est toucher les populations qui ne boivent pas d’alcool. Les consommateurs habituels de vin ne sont donc pas la priorité de l’entreprise. Produit marketing, Le Petit Béret peut sans doute à terme trouver le public qu’il vise. Mais, après ce test une réjouissante vérité persiste : la (vraie) gueule de bois a encore de beaux jours devant elle.

Quand le jus de raisin se prend pour du vin

Après la bière sans alcool, le vin sans alcool ? Non, plutôt une boisson à base de jus de raisin qui cherche à offrir les qualités gustatives du vin, sans contenir une goutte d’alcool. Explication avec Fathi Benni, président et cofondateur à Béziers du « Petit Béret », à propos de ce breuvage paradoxal.

La gueule de bois au rouge, bientôt un mauvais souvenir ? Pas avec « Le Petit Béret »… qui prétend vous éviter les grosses casquettes. Depuis 2016, l’entreprise produit une boisson à base de jus de raisin issue des vignobles du Languedoc possédant les caractéristiques gustatives des cépages locaux. Elle est garantie à 0.0 % d’alcool, sans fermentation et très peu calorique. Aucune similitude avec les vins classiques, mais aussi avec les vins désalcoolisés. Comme l’indique Fathi Benni, président de la société, « les vins désalcoolisés sont des vins traités pour retirer la plus grande partie de leur alcool, mais ils en contiennent malgré tout encore entre 0.3 et 0.9%. De plus la désalcoolisation fait perdre des goûts et des arômes. » Le Petit Béret n’est donc pas du vin. Mais cherche à se faire une place sur ce marché et joue sur ses ambivalences.

En 2011, les trois fondateurs créent l’entreprise avec l’objectif de permettre aux gens qui ne boivent pas d’alcool, par soucis de santé ou par raisons culturelles ou religieuses, de pouvoir siroter une boisson qui respecte les qualités du vin. « Aucun de nous trois ne buvons de l’alcool. Nous n’y connaissions rien. Pour commencer nous sommes donc allé voir l’institut coopératif du vin afin qu’il nous explique, bêtement, ce qu’est un vin » raconte Fathi Benni. Il leur a donc fallu comprendre les basiques qui composent un vin : l’astringence, l’onctuosité, l’acidité qui caractérise cet alcool, voilà la première phase du travail. Cinq ans de recherche et développement avec l’Inra (Institut national de la recherche agronomique) et le CTCPA (Centre technique de la conservation des produits agroalimentaires), financés à la fois par la région Occitanie ainsi que par les propres deniers des fondateurs seront nécessaires pour aboutir à la boisson.

Une technique gardée secrète

Spécialisée dans la transformation du jus de raisin, l’entreprise ne possède aucune parcelle de vignes et fait le choix des vignerons du Languedoc pour se fournir en matière première. « On n’est pas viticulteur » précise le co-fondateur. Un cahier des charges spécifique à la production est mis au point, notamment sur la sélection des cépages nécessaires au nectar. Objet de toutes les attentions, la teneur en polyphénols (les tanins naturels) contenu dans le raisin est à la base de la production du Petit Béret.

Le secret de fabrication reste lui précieusement gardé par Fathi qui indique sobrement que « c’est là tout notre savoir faire. On ne peut pas le dire sans rendre publiques nos connaissances. Pour produire, nous partons d’une base de jus de raisin et nous avons créé un procédé capable de rendre les qualités aromatiques très prononcées et l’astringence des vins, en évitant toute fermentation au fil du temps ».

Entre coup marketing et réel besoin pour la production, l’entreprise fait appelle en 2012 à Dominique Laporte (élu meilleur sommelier de France en 2004). Chargé des assemblages aromatiques, ce dernier crée les « profils », autrement dit les goûts, des différentes boissons proposées. Dans la gamme des produits Petit Béret se retrouvent un « rouge » syrah, un « blanc » sauvignon et un « rosé » grenache Cinsault. 2016 marque les débuts de la production pour l’entreprise qui obtient la même année le label Sud de France, habituellement délivré aux vins du Languedoc. Gage de qualité, cette labellisation paradoxale représente aussi un second gros coup de publicité. Repéré par la chaine d’hypermarchés Carrefour au cours du salon Vinisud, Le Petit Béret est depuis distribué dans plusieurs magasins de la région. Une forte visibilité pour l’entreprise, qui se paye le luxe de réussir à placer son produit parmi les rayons vins des magasins distributeurs.

« Notre priorité est l’exportation de nos produits à l’étranger »

Boisson « bien être » pour Fathi Benni, l’entreprise sait jouer avec les particularités de sa production, et n’hésite pas à sortir la carte de la philanthropie pour toucher le public le plus large possible. Moins sucré que les vins classiques (« 17.6 Kcal le verre, contre 70 Kcal dans un verre classique » assure l’étiquette du blanc Petit Béret) la boisson joue sur plusieurs registres pour assurer sa commercialisation. « Le vin est la cause de nombreuses maladies, mais aussi de beaucoup d’accidents qui peuvent être évités avec nos boissons. Retrouver le gout du vin sans en avoir les effets néfastes, c’est aussi ce que l’on cherche à faire. »

En tête de proue des marchés visés se retrouvent les pays du Moyen Orient ainsi que ceux du Maghreb, territoires où la consommation d’alcool est interdite et où souhaite s’imposer la société. Vient ensuite l’Asie, notamment la Malaisie, où la demande se fait forte et ne cesse de accroître. « Nous sommes un produit français, et les produits français sont gages de qualité à l’étranger, surtout dans le milieu du vin. En France aussi il existe une demande pour nos produits, car l’innovation intrigue les acheteurs. Mais notre priorité c’est avant tout l’exportation. » Présent au salon Vinisud, Le Petit Béret souhaite présenter ses produits à de nouveaux acheteurs, mais compte aussi sur cet évènement pour voir son produit sans alcool validé par l’aristocratie du verre à pied.