Jacques Molénat, retour sur « la » phrase qui a fait basculer le PS contre Frêche

Jacques Molénat est l’auteur du dossier « Frêche : Tyran et titan » de l’Express qui a fait tant de bruit ces derniers jours. Qui, mieux que celui qui suit Georges Frêche depuis plus de 30 ans, pouvait revenir sur la petite phrase aux grosses conséquences : « voter pour ce mec (Ndlr. Laurent Fabius) en Haute-Normandie me poserait un problème : il a une tronche, pas catholique ». Rencontre avec ce journaliste indépendant, spécialiste des thématiques régionales qui écrit pour La Gazette de Montpellier, mais aussi pour l’Express et Marianne.

Modifié le dimanche 7 février 2010

« Je savais que cela provoquerait un choc mais je ne m’attendais pas à un tel tsunami »

C’est par ces mots que Jacques Molenat s’exprime sur la phrase qui, telle une traînée de poudre, s’est répandue dans les médias ces dernières semaines. Pourtant, au lendemain du dernier conseil d’agglomération du 22 décembre 2009,pendant lequel Frêche a tenu les propos incriminés, seul le journal gratuit Montpellier Direct Plus faisait écho de la fameuse phrase de Georges Frêche à l’égard de Laurent Fabius. C’est plus d’un mois après, le 27 Janvier 2010, que le dossier écrit par Jacques Molénat remet cette phrase au goût du jour.

La petite note de bas de page [[Une note de bas de page a été accolée aux propos : elle renvoyait aux origines juives de Laurent Fabius.]] qui change la donne

« Cette note a été rajoutée par la rédaction de l’Express. », explique Jacques Molénat. « Effectivement, cela m’a gêné. Si la rédaction m’avait consulté avant de prendre cette initiative, j’aurais atténué le propos en ajoutant que Georges Frêche soutient activement la communauté juive de Montpellier. C’est vrai, la phrase a été mise en gras par l’Express. Mais je comprends qu’ils aient « sursauté » sur le propos. Même si cette note induit qu’il peut flirter avec la fibre antisémite ».
Pourtant, d’après le journaliste, cette phrase n’était pas innocente. Pour lui, il s’agit d’une ambiguïté délibérée. Si Frêche a un comportement parfois volcanique, c’est un intellectuel brillant et stratège qui sait être très bon acteur : « il peut jouer au moins 20 à 30 rôles selon le public ».

Des regrets ?

Jacques Molénat en a surtout sur l’interprétation abusive à caractère antisémite qui ne colle pas avec les faits et le personnage. Il ajoute : « cela fait partie des choses que l’on ne maîtrise pas en écrivant un article ».
Mais le contexte électoraliste est à prendre en compte : les voix de Frêche sont composites et l’homme sait parfaitement « flatter une fibre xénophobe, c’est une tactique ». Le journaliste insiste dans le dossier sur l’ambivalence et la complexité du personnage : « ses convictions de fond sont en contradiction avec son comportement ».

Un « très bon client » pour les médias

Quant à son rapport avec la presse et les journalistes, là aussi, Georges Frêche fait des siennes. Avec lui, c’est un peu la main de fer dans un gant de velours. Il sait les flatter, les intimider mais il est surtout, comme on le dit dans le jargon, « un très bon client ». La preuve, il n’hésite pas, lors des sessions du conseil régional, ou de l’agglomération de Montpellier, à faire un petit signe de connivence aux journalistes présents sur place : « Notez là-haut, je vous fais une puce. ». http://www.montpellier-journal.fr/2010/01/freche-fabius-lenregistrement.html. Et Jacques Molénat le reconnaît volontiers « Frêche me permet de vivre. C’est un personnage sur lequel j’ai beaucoup écrit. La difficulté est là, prendre du recul, voir les deux faces du personnage et ne pas tomber dans son piège de communication ». Pourtant, de nombreux médias locaux et nationaux, pour ne pas dire tous, y sont tombés : l’actualité reste centrée sur le président de la région Languedoc-Roussillon. Quant à sa fameuse phrase, il s’agit d’une actualité dépassée remise dans l’agenda médiatique. D’ailleurs comme le révèle Daniel Schneidermann d’Arret sur images, si le titre de l’article de l’Expresss était « Frêche, tyran et titan », le site internet de l’hebdomadaire avait lui récrit le chapeau pour insister sur la phrase polémique et retitré « Le dernier dérapage de Georges Frêche, tyran et titan ».

Et les autres candidats aux régionales, ont-ils une chance face à cette déferlante médiatique ?

Pour Jacques Molénat, Hélène Mandroux, risque de se retrouver seule, si aucune alliance avec Europe Ecologie n’est conclue. Mais toujours selon lui, il s’agit plus d’un règlement de compte : « il l’a humiliée, elle a vraiment envie d’y aller. Les plus virulents des anti-frêchistes sont souvent ceux qui ont été proches de lui ». Quant à l’UMP, le parti présidentiel est desservi par l’implantation socialiste et la présence de Georges Frêche depuis les années 1970. Mais l’apparente discrétion médiatique de Raymond Couderc serait peut-être stratégique.
La manœuvre du PS risque donc, selon Jacques Molénat, de tourner au fiasco : « c’est une démarche trop pulsionnelle, je ne sais s’ils font la bonne analyse même si Frêche les encombre depuis longtemps ». D’après les derniers sondages, une liste PS menée uniquement par Hélène Mandroux, obtiendrait 11% des voix. Jacques Molénat souligne : « Martine Aubry aura néanmoins eu la posture morale de rénover le PS ». Et Frêche ? « Il a su se servir des évènements pour se victimiser, il a ses troupes qui font bloc derrière. Je pense qu’il va gagner ».

Et Georges dans tout cela, fâché ?

« C’est un peu grâce à moi qu’il est devenu la vedette nationale des élections régionales », dit le journaliste en souriant. A l’évocation de l’auteur du dossier par une journaliste de Marianne, la réponse est sans équivoque : « Moi, Molénat, je n’en parle pas ». Pourtant, M. Frêche, sans la phrase de M. Molénat, le choc des titans entre le PS et vous, n’aurait pas eu le même goût de défi que vous affectionnez tant…

Mis à jour le 7 janvier à 15h00

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