Autour d’un café pris sur la place de la Comédie, le dessinateur Gaston est dubitatif sur l’avenir de la grande région : « On ne sait pas trop ce qu’ils vont faire de ce territoire qui sera plus grand que la Belgique ! » Pour lui, la culture reste «le parent pauvre» et il n’attend pas plus de subventions de la part de la super institution. «Ce qui va changer, c’est que nous allons traiter avec d’autres personnes. Ce sera plus facile d’être chauvin en rejetant la faute sur Toulouse si on n’a pas d’argent !», ironise ce Montpelliérain.
Frédéric Gal, est plus inquiet. Le directeur général de l’association le Refuge travaille avec la région en menant des actions de sensibilisation contre l’homophobie dans les lycées. Il redoute que la thématique du social soit «noyée dans un flot d’autres compétences».
De son côté, Frédéric Destaillats, directeur de l’EFHT, école privée de tourisme, ne reçoit pas de subvention de l’instance régionale. C’est en toute neutralité qu’il pense que la nouvelle région peut être «une force de frappe» au plan du développement économique, un axe ô combien «essentiel» dans les deux régions : «Il ne faut pas scier la branche sur laquelle on est assis ».
Compétences régionales et secteurs professionnels
«Au Refuge, on a la chance ou la malchance d’être sur plusieurs thématiques», précise Frédéric Gal qui souhaiterait voir la compétence sociale de la région couplée avec celle de la santé. L’association est notamment en charge de la prévention sur les thèmes du suicide et des risques sanitaires et sexuels. Elle préférerait donc voir ses actions considérées séparément : «Le suicide au sens général n’est pas la même prise en charge que le suicide lié aux discriminations » .
Du côté de l’EFHT, on parle volontiers de lier la compétence développement économique avec celle du tourisme, nouvellement partagée avec le département : «Le tourisme est une part importante du Languedoc-Roussillon. Il faut que les élus y prêtent une attention particulière en développant les budgets en conséquence et en mettant en commun les atouts des deux régions » . Pour le directeur, on peut par exemple jouer sur les deux aéroports comme levier de développement économique.
Aucun candidat ou programme privilégié
Malgré leurs secteurs de travail différents, les trois professionnels n’ont clairement pas été touchés par un candidat ou un programme particulier. Frédéric Destaillats a «vaguement entendu» prononcer le mot «tourisme» lors de la campagne. «J’ai surtout vu des candidats se battre sur leur propre liste», plaisante-t-il.
Même son de cloche au Refuge, « ça serait bien de privilégier une politique sociétale plutôt qu’une politique de partis ». Selon Frédéric Gal, bien que tous les politiques aient intégré la notion de discrimination, «les candidats privatisent ce sujet alors qu’il devrait être transversal et orienté sur le respect de l’autre ». Pour lui, le problème reste la mise en place d’actions concrètes : «Dans la campagne, j’aurais aimé que l’on se pose la question de comment agir contre l’homophobie, avant de faire des promesses qui, on le sait, sont rarement tenues » .
Gaston admet avoir «une sensibilité de gauche» mais Carole Delga, la candidate PS, lui semble « trop téléphonée ». Il votera « sûrement écolo au premier tour » et « PS au second ». Et conclut, tonitruant : « La gauche est tellement dispersée ici que ça en devient risible ! S’ils ne sont pas au second tour, on sera la région la plus con de France !»
Montpellier ou Toulouse ?
Comme beaucoup de Montpelliérains, nos trois intervenants adorent discuter le match des capitales. Leurs avis convergent sur la «complémentarité des deux villes». Gaston pointe leur ressemblance : toutes deux étudiantes et dynamiques. Mais pour le dessinateur il est logique que Toulouse l’ait emporté : «La ville est plus grande et le siège d’importantes entreprises » .
Plus que la logique, la flamme Montpelliéraine l’emporte : « Par pur chauvinisme, je choisis Montpellier, évidemment », lance Frédéric Gal. « On va rester local en disant Montpellier », renchérit Frédéric Destaillats. Le directeur de l’EFHT précise néanmoins : «Toulouse a un tourisme d’affaire qu’il n’y a pas à Montpellier, plus tournée vers le balnéaire ». Selon lui, il va être intéressant de mettre les forces en commun « même si Montpellier doit garder une compétence propre ». Et pour Frédéric Destaillats cela doit être le tourisme. Rassembleur, il appelle les élus à « se mettre autour de la table » et à « prendre les décisions de manière intelligente pour éviter que les deux villes ne tirent la couverture vers elle ». Tout ça pour que Montpellier « n’ait pas de complexe d’infériorité ».
Gaston le rejoint sur ce point : « Évitons juste la bagarre ! L’essentiel est que les deux villes marchent main dans la main. Montpellier est deuxième, il faut faire avec et trouver des secteurs dans lesquels elle peut être première ».
Fusion, compétences, candidats, capitales : pour eux trois aucun enjeu particulier n’est pour l’heure ressorti de cette campagne, malgré les nouveautés du scrutin. La nouvelle région reste juste un flou qu’il va falloir vite dissiper.