Régionales en Languedoc-Roussillon: Bienvenue chez les fous!

Si ses frasques médiatiques captent toute l’attention, Georges Frêche est loin d’être le seul à donner à la vie politique languedocienne des accents carnavalesques. À l’ombre du maître, nombreux sont ceux qui animent avec tout autant de brio une vie politique pas très catholique. Plongée dans l’ubuesque microcosme languedocien, le pays où les chasseurs votent socialiste.

«Les gens m’aiment!» se plait à proclamer l’expansif président de la Région Languedoc-Roussillon, Georges Frêche. Et on aurait tendance à le croire tant sa figure s’est imposée dans la région au cours d’une carrière qui s’étale sur plus de trois décennies. Trente-trois ans, exactement, depuis son élection à la mairie de Montpellier en 1977, et le tarnais est une fois encore seul en tête dans la course à une présidence de région qu’il occupe depuis 2004. Pour cette énième joute électorale, M. Frêche prendra la tête d’une liste balayant presque tout l’échiquier politique, de certains des communistes à la section locale de Chasse Pêche Nature et Tradition (CPNT). Une exception nationale, un miracle politique, peu de chose en réalité pour le magicien Frêche. C’est même sa griffe, ratisser large, jouant à merveille de l’influence et du réseau qu’il a pu développer au cours de ses longs séjours aux différents sommets du pouvoir local. L’annonce de la constitution d’une liste PS officielle avec à sa tête Hélène Mandroux n’a pas de quoi l’effrayer, lui qui a bâti ses victoires sur son nom et son bilan bien davantage que sur son étiquette. M. Frêche « aime les cons » (comprendre: les électeurs) et, apparemment, les cons le lui rendent bien…

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Batailles d’arrière-cour

Bien difficile dans ces conditions, de faire entendre sa voix dès lors que l’on n’appartient pas à la famille de « Monsieur Georges ». Pas découragés pour un sou, ses adversaires se rêvent tous en tombeur du chef et les places sont chères pour avoir l’honneur d’être battu par Georges Frêche. En cette veille d’élection, les aspirants de tout poil se livrent à de véritables batailles d’arrière-cour. Chacun espérant de petits profits électoraux et ménageant, surtout, de grandes ambitions personnelles. La chronique montpelliéraine regorge ainsi de petits évènements qui rivalisent de cocasserie depuis quelques jours. Depuis, en fait, la sortie médiatique d’un certain Georges Frêche révélée par l’Express le Jeudi 28 Janvier.

Premier acteur de cet emballement: les Verts. Pardon, Europe Ecologie. Bien que clamant haut et fort sa position anti-Frêche, et préférant se présenter comme un rassemblement plus qu’un parti, le mouvement de Jean-Louis Roumégas et de José Bové n’est pas en reste de tactiques politiciennes. Ayant laissé entendre pendant un temps qu’un rapprochement avec Hélène Mandroux était envisageable, Europe Ecologie a brusquement fait volte-face après l’annonce de la candidature du maire de Montpellier. Au lieu de sauter sur l’occasion de constituer une liste de coalition en mesure de concurrencer efficacement Georges Frêche, les écologistes attendent désormais un sondage commandé par le parti pour se prononcer. Ceux-ci poseraient de toute façon, comme préalable à tout accord avec le PS, l’engagement d’une présidence tournante de la Région en cas de victoire… Du jamais-vu!

Jean-Louis Roumégas se rappelle au bon souvenir d’une Hélène Mandroux qui avait refusé une alliance avec les Verts lors de l’élection municipale de 2008, et pourrait laisser cette fois-ci Mme Mandroux et le Parti Socialiste dans une situation pour le moins inconfortable au vu du poids réduit des autres partenaires potentiels de la Liste PS au premier tour.

Farce politique

Manœuvre politique, rien d’inhabituel, dira-t-on. Admettons. Mais que dire, alors, de l’invraisemblable valse du MoDem. Revendication de militants, la tenue d’une primaire n’avait été accordée qu’à la fédération du Languedoc Roussillon, qui avait dûment investi, début Janvier, un ticket porté par Marc Dufour, président de la Fédération Départementale Modem de l’Hérault. Un bel exemple de démocratie. Et puis, coup de théâtre suite à un sondage paru dans le Midi-Libre du 20 Janvier révélant un net avantage pour le ticket, perdant lors des primaires, du médiatique Patrice Drevet. Le parti décide finalement de confier la liste au vaincu, désavouant la décision des militants qui n’avaient accordé que 36,3% de leur suffrage au tandem Labrousse-Drevet. Dernier rebondissement en date, Marc Dufour qui avait un temps accepté la décision du parti, menace désormais de présenter une liste dissidente si Patrice Drevet décidait de modifier la liste investie par les militants. Drôle d’ambiance décidément au sein du MoDem languedocien.

Au final, la lutte pour les régionales tourne à la foire d’empoigne. Un deuxième parti de France qui n’a pas même la certitude d’amener sa liste officielle au second tour, un « rassemblement » écologiste jouant la carte des intérêts particuliers et un Mouvement Démocrate qui désavoue son dirigeant local, démocratiquement désigné, au profit d’un présentateur météo surgi de (presque) nulle part. Georges Frêche peut fanfaronner, lui qui aura profité plus que quiconque de sa « bourde » à propos de Laurent Fabius. Un comble, mais l’homme n’est plus à une contradiction près, et s’apprête vraisemblablement à rafler une fois encore le premier rôle dans la farce politique qui se joue en Languedoc-Roussillon.

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Georges Frêche a-t-il vraiment dérapé ?

« Il a une tronche, pas catholique! ». Les propos de Georges Frêche se sont répandus comme une traînée de poudre. Les réactions de la classe politique ne se sont pas fait attendre et la plupart crient au scandale antisémite. Pourtant, remis dans leur contexte, ses mots relèvent, semble-t-il, plus du calembour que de l’insulte. Peut-on alors supposer qu’une manœuvre politique vise à faire tomber le déjà très controversé Président de Région ?

La polémique n’a étrangement pas démarré le 22 décembre, date à laquelle Georges Frêche tenait son Conseil d’agglomération. Il avait profité de l’occasion pour répondre à la pique lancée par Laurent Fabius deux jours plus tôt. Tous deux déclarant alors qu’ils n’étaient pas sûrs de voter l’un pour l’autre. C’est dans l’Express de cette semaine que la phrase a resurgi et a été reprise par Martine Aubry.

Rappelons alors que Madame Aubry, actuelle première secrétaire du parti socialiste, n’a eu de cesse de critiquer Georges Frêche ces derniers temps. Finalement elle avait retourné sa veste une première fois le 17 janvier déclarant qu’elle le soutenait. Il semble que ce dernier « dérapage » tel qu’il est présenté soit une aubaine à un mois et demi des élections régionales. Largement entouré par ses conseillers, Georges Frêche n’a pas intérêt à alimenter la polémique. Il sait que le danger vient plus de la gauche que de la droite : « Gardez-moi de mes amis, mes ennemis je m’en charge ».

Martine Aubry a-t-elle ici trouvé l’occasion de reprendre la main en Languedoc-Roussillon ? Toujours est-il que ce n’est pas à elle ni aux journalistes de juger du caractère antisémite des dires de Monsieur Frêche. A fortiori en campagne pour les régionales, et lorsque l’on connaît ses soutiens chez la communauté juive. Rappelons qu’il a été relaxé en appel, puis en cassation le 31 mars 2009 pour ses propos à l’encontre de deux harkis alors que certains l’avaient déjà condamné, avant la justice.

Pourtant les critiques pertinentes de la politique de Frêche sont légions, et ses dérapages verbaux connus. Mais la vraie question est peut-être de se demander si tous les moyens sont bons pour le dégommer ?

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Mis à jour le 3 février à 1h00