Ville vide je te plains, ville pleine je te vide

Une ville peut-elle mourir ? Si oui, quelle forme prendrait sa disparition ? Voilà les questions auxquelles tente de répondre l’exposition photographique « Apocalypse, la disparition des villes ». Présentée au Pavillon populaire de Montpellier jusqu’au 12 février prochain, elle met en avant la fragilité de nos organismes urbains.

Elle débute par des clichés de Dresde détruite par les bombardements alliés en 1945, et s’achève par des images de Détroit aujourd’hui. Pourtant, l’exposition photographique « Apocalypse, la disparition des villes », qui se tient au Pavillon populaire de Montpellier jusqu’en février prochain, n’est ni une rétrospective historique ni un plaidoyer anti-guerre. C’est une interrogation sur les formes urbaines et les aspects que prennent leurs mort.

L’approche est pour le moins originale. « Une continuité, par la photographie, de la thématique de la ruine développée en peinture au XVIIIème siècle» explique Gérard Milési, médiateur culturel de la galerie. Mais pas seulement. Elle explore également une réflexion beaucoup plus novatrice: celle de la ville vide. Une idée devenue depuis les années 2000 « un genre en soi » selon Alain Sayag, commissaire de l’exposition. « L’espace urbain est traité comme si il ne subsistait plus de l’humanité que des monuments vides. » Ainsi, Dubaï, New York ou encore Canton sont immortalisés sans leurs habitants. Réduites au statut de maquettes sans vie, les bâtiments, les tours neuves et autres constructions extravagantes paraissent alors dérisoires. Même le temps semble suspendu. « Ces images surprenantes pointent du doigt l’uniformisation et la déculturation des nouvelle formes architecturales, tout en posant la question de la place de l’humain dans l’urbain » analyse Gérard Milesi.

Les villes sont loin d’être des entités durables

Mais elles viennent aussi illustrer des tendances beaucoup plus concrètes. Comme le font les photographies de Détroit qui sont, pour Alain Sayag, « beaucoup plus explicites sur ce qui semble se jouer aujourd’hui ». Devant l’objectif d’Yves Marchand et Romain Meffre se dévoilent des habitations abandonnées, laissées en friche et à la décrépitude. Des clichés qui résument à eux seuls l’histoire récente de cette ville américaine. Capitale mondiale de la production automobile à l’aube de la seconde guerre mondiale, les habitants ont fini par fuir. En cause, la baisse des activités économiques dues à la décentralisation des industries automobile et à l’automatisation des processus de fabrication. En 1950, la cité d’Henry Ford comptait près de 2 millions d’habitants. Aujourd’hui elle n’en abrite « plus que » 700 000. Désormais, la réhabilitation des maisons désertées semble impossible tant elles font l’objet de spéculations financières.

Un exemple parmi d’autres mais révélateur de ce que représentent les villes au sein du monde actuel. Des structures omniprésentes, symbole de notre modernité qui sont, malgré tout, loin d’être des entités durables. Et ce en dépit des richesses qu’elles peuvent dégager.

Le nouveau directeur artistique du Pavillon Populaire, Gilles Mora, offre aux Montpelliérains la première rétrospective française sur les travaux de Ralph Eugene Meatyard. Un plongeon dans les profondeurs du sud des États-Unis, dont l’étrangeté fascine encore.

Au départ, la Ville a fait appel à Gille Mora pour une seule exposition. «Je devais préparer une grosse expo sur un photographe américain», explique ce spécialiste de la modernité photographique américaine. Elle devait célébrer, entre autres évènements, le 50e anniversaire du jumelage entre Montpellier et Louisville. Quand l’équipe municipale lui a demandé de s’engager pleinement dans la direction artistique du Pavillon Populaire, il a accepté.

«Je n’ai jamais vu une ville aussi jeune et énergique sur le plan culturel, continue Gilles Mora. La tradition de la photo y semble bien ancrée et elle aura une place dans la programmation à venir.» Il souhaite présenter quatre expositions par an : deux montées par des commissaires étrangers et deux autres par ses soins. Pendant les quatre autres mois de l’année, le Pavillon Populaire sera ouvert aux créations montpelliéraines.

À partir de la mi-février, la galerie d’art photographique accueillera des œuvres rattachées au thème de la photographie urbaine. Alain Sayag, qui a travaillé au centre Georges Pompidou à Paris, et Monika Faber, la conservatrice en chef de la collection photographique de l’Albertina de Vienne, présenteront chacun une exposition. Mais jusqu’au 30 janvier, Ralph Eugene Meatyard, pour le Kentucky, ainsi que Clarence John Laughlin et Alex Harris, pour la Nouvelle-Orléans, occupent les murs du bâtiment.

Des photographies réalistes et improbables

Ralph E. Meatyard
Il faut s’approcher des cadres pour découvrir la complexité du travail de l’artiste. « Ralph Eugene Meatyard est né dans le Kentucky et y officiait en tant qu’opticien, raconte Gilles Mora. Le week-end, il faisait des photos qui se sont avérées être les plus importantes de la création contemporaine. » La série intitulée « The Family Album of Lycbelle Crater » est assez déroutante. Meatyard met en scène, de manière banale, ses proches. Les masques dont ils sont affublés les rendent méconnaissables… mais aussi familiers et universels.

En jouant avec l’optique de l’appareil, Meatyard arrive à capter le mouvement, donnant un effet original à ses œuvres. Il nous emmène dans un monde étrange, quasi-parallèle au nôtre. A la fois réalistes et improbables, les clichés de Meatyard entrent dans les fictions narratives que l’écrivain fantastique Ambrose Bierce appelait les « romances ». Avec ces 120 tirages originaux, Gilles Mora rend hommage à un artiste méconnu qui a pourtant influencé de nombreux photographes.

Clarence J. Laughlin

La Nouvelle-Orléans en état de catastrophe permanent

Voilà cinq ans que l’ouragan Katrina a ravagé la Nouvelle-Orléans. «Afin de célébrer à notre façon les artistes qui ont pris en images Katrina», Gilles Mora a choisi de «mettre en perspective les travaux de deux photographes attachés à cette région». Des personnages fantomatiques peuplent les cadres de Clarence John Laughlin. Avec son «œil qui ne dort jamais», selon les termes de l’artiste, il met en scène des femmes au milieu d’immeuble en ruines. Elles symbolisent un sud rayonnant qui n’est plus qu’un vague souvenir.

Alex Harris quant à lui propose une série de triptyques prise seulement six mois après la catastrophe naturelle de 2005. Les couleurs vives donnent encore plus d’agressivité aux dégâts causés par l’ouragan. Une maison sur une voiture, une statue encore debout au milieu d’un paysage dévasté. Des situations qui semblent surréalistes alors qu’elles furent le quotidien des habitants de la Nouvelle-Orléans pendant des mois.

Frédéric Sautereau, une autre vision du 11 septembre

Dans le cadre de l’année des Etats-Unis à Montpellier, le Pavillon Populaire accueille, du 15 juillet au 3 octobre 2010, l’exposition photographique « Un rêve américain ». A travers les travaux de photographes européens et américains, le collectif Transit propose au public d’aller à la rencontre de l’Amérique d’aujourd’hui et de s’interroger sur la manière dont on la montre et dont on la regarde. L’exposition convie notamment à découvrir le hors champ de certains des évènements les plus médiatisés de la planète. C’est le cas du travail de Frédéric Sautereau : il a photographié le visage d’un New York post-attentat qui découvre ses propres ruines… Hautcourant est allé à sa rencontre.

Photographe indépendant, Frédéric Sautereau mène des projets en marge de l’actualité, ou la prend à contre-pied. De New York à la Nouvelle-Orléans en passant par Haïti, il a toujours pris du recul avec l’histoire en marche et essayé de la montrer… autrement.

Pouvez-vous décrire votre démarche à New York ?

Je me suis rendu à New York une dizaine de jours après les attentats, vers le 19/20, dès que les aéroports ont été rouverts. Je n’avais pas réfléchi à mon angle avant de partir, mon idée était de faire un travail sur la zone de sécurité autour des tours, une zone interdite, de non-droits.

A mon arrivée, à Grand Zero, de nombreux New-Yorkais venaient contempler l’amas de ruines pour la première fois. J’ai donc fait le portrait de ces personnes, très silencieuses, en position de se recueillir devant un espace vide. Personne ne parlait, les échanges étaient rares, il n’y avait pas de circulation, tout était très silencieux, contrairement à d’habitude. C’est ce qui m’a touché. Je fonctionne comme cela, à l’instinct. Je m’imprègne de ce qui se passe. J’effectue mon travail en réaction à ce que je vois.

Comment ce travail a été reçu ?

Cette série a été plutôt bien accueillie et bien publiée à mon retour car elle répondait au besoin d’un regard décalé sur l’évènement. Une vingtaine de jours après le drame, les journaux voulaient autre chose que les photos d’avions impactant dans les tours… A ce moment-là, apparaissaient des questionnements, des papiers plus approfondis.

Avez-vous souvent cette démarche ?

J’ai eu la même démarche en allant à la Nouvelle-Orléans un mois après Katrina. Je voulais également travailler sur l’aspect zone interdite, mais sans idée réellement déterminée. Une zone interdite avait été en effet créée au centre de la Nouvelle Orléans, les maisons étaient interdites d’accès par les policiers pour raisons de sécurité et pour éviter les pillages.

A mon arrivée, ce qui m’a marqué était les inscriptions. Chaque maison portait une inscription laissée par les secouristes avec la date de passage, le type de secours apporté et le nombre éventuel des morts trouvés. Je trouvais cela très intéressant, cela répondait à la polémique sur l’arrivée plus ou moins rapide des secours. J’y ai donc fait le portrait des maisons qui avaient été noyées sous l’eau, très dégradées ou complètement détruites.

C’est une manière de réfléchir en essayant de trouver quelque chose d’un peu différent pour montrer l’évènement.

Avec la concurrence des agences filaires, un photographe indépendant est-il là pour amener plus de réflexion ?

Quand on ne fait pas d’actu, on est obligé de se positionner autrement. C’est aussi ce qui m’intéresse : travailler différemment. Personnellement, j’ai toujours privilégié les travaux sur le long terme, même si c’est souvent lié d’une façon ou d’une autre à l’actualité. Et, je ne m’interdis pas non plus de travailler sur l’actualité. Je l’ai fait en Haïti par exemple pour Libération. Ma démarche est plus de construire une histoire, sur quelques jours, sur le thème de l’actualité en question. Je réfléchis à montrer ce qui est important dans cette actualité.

Un photographe indépendant n’a pas de contraintes. Je suis libre de mon propos, de prendre du recul. Cela me permet de dire ce que j’ai envie de dire. Par exemple, si j’avais été en commande pour Katrina, je n’aurai pas pu faire uniquement le portrait des maisons. La presse aurait voulu des visages.

Sur le terrain comment comment transmettez-vous vos photographies ?

En Haïti, par exemple, c’était très compliqué. C’est une question d’organisation. Certes cela peut paraître déplacé par rapport à l’évènement, mais le premier problème qui se pose est un problème de logistique : où va-t-on se loger, où va-t-on mettre ses affaires en sécurité et où va-t-on transmettre ? Petit à petit, j’ai pu être logé dans des hôtels qui n’ont pas été touchés, et où il y avait une connexion Internet. A l’attention des journalistes, un réseau Internet a été rapidement mis à disposition gratuitement.

Comment travaillez-vous avec la presse ?

Je suis photojournaliste depuis une quinzaine d’années. Et, depuis le début, la presse n’a jamais été partenaire de mon travail personnel. J’ai toujours eu peu de commandes, et aucune sur mon travail personnel et sur les projets que je souhaitais monter. Donc, j’ai toujours eu la démarche de produire moi-même mon travail.

Et avec les ONG ?

Par nécessité, je me suis tourné vers des partenaires hors presse. Et, naturellement, sur les terrains sur lesquels je travaillais, je croisais souvent des ONG. Soit, j’essayais qu’elles me commandent des travaux, soit, qu’elles m’apportent une aide logistique, sur la base d’un échange. Par exemple, l’ONG met à ma disposition un véhicule, avec un chauffeur qui me sert d’interprète pendant quinze jours. Et, en échange, je lui laisse les photographies que j’ai réalisé pour ses besoins de communication. Sachant qu’un véhicule avec un chauffeur, pendant quinze jours, vaut facilement 3 à 4 000 euros. Ce n’est donc pas négligeable. S’allier avec les ONG, c’est aussi la possibilité d’un hébergement sur des territoires où il n’y en a pas forcément. Ce n’est pas quelque chose que je systématise mais c’est l’une des choses que je privilégie.

Des projets en cours ?

Je travaille depuis plus d’un an sur le Hamas, suite à l’intervention terrestre d’Israël en janvier 2009 dans la Bande de Gaza. Il n’est pas terminé mais il sera normalement projeté à Visa en septembre.

Recueilli par Julie DERACHE

 En préambule à l’exposition, vous pouvez voir quelques clichés de ce reportage ici et venir ensuite les découvrir au Pavillon Populaire dès le 15 juillet.

 Hautcourant vous invite également à découvrir le travail de Frédéric Sautereau sur Katrina : «New Orleans : Forbidden zone»

Les Boutographies mettent à l’honneur les jeunes photographes européens

Du 8 au 23 mai, les Boutographies s’exposeront à Montpellier pour la dixième fois. A travers la ville, différentes manifestations mettront à l’honneur une photographie dans tous ses états. Du Carré Sainte Anne au Pavillon Populaire en passant par la galerie A la Barak, autant de lieux qui présenteront les travaux de jeunes auteurs émergents.

Que les amoureux de la photographie se réjouissent : elle a encore de beaux jours devant elle à Montpellier. Après un hiver riche en émotions photographiques : l’exposition à plusieurs facettes de Raymond Depardon, celle des photojournalistes régionaux, celle des 20 ans du fond photographique de Montpellier où se côtoient Willy Ronis, Sebastiao Salgado, Bettina Rheims, Bernard Faucon ou encore la très grande Sabine Weiss, le printemps s’annonce radieux.

Le festival des Boutographies fête ses dix ans. Et la programmation prévue est à la hauteur de l’évènement. La vocation d’une telle manifestation ? Faire connaître et donner une chance à de jeunes photographes européens de présenter leurs travaux. Ces auteurs émergents viennent d’Italie, de Belgique, d’Hollande, de Suède, riches de leurs univers pluriels.

Le Pavillon Populaire, devenu un «écrin architectural dédié à la photographie», accueillera des démarches photographiques personnelles, introspectives, au cœur de l’intime. L’italienne Anna Di Prospero et le français Benjamin Schmuck, malgré leur jeune âge, la vingtaine à peine, font preuve d’une grande maturité, mettant à nu leur intériorité.

Autre lieu, autre approche. Au Carré Sainte Anne, une photographie plus politique et sociale se dévoilera aux yeux du public. Le lieu, en effet, se prête mieux à des tirages aux formats plus volumineux tels ceux de Bruno Arbesu. Le photographe français s’est intéressé à la scénographie et au côté marketing des meetings électoraux. Il a suivi chaque parti politique en France, en Allemagne et en Espagne. Iorgis Matyassy a photographié encore et encore les coursiers à vélo de Londres, profession précaire mais emprunte d’une grande liberté. Il s’est dit fasciné par cette «figure éphémère de la jungle urbaine». Autre figure de la jungle urbaine : ces jeunes femmes issues de l’immigration vivant dans les banlieues. L’hollandaise Ilse Frech a dressé le portrait de ces femmes à la fois modernes et attachées à leurs traditions et à leurs origines. La photographe a souhaité aller au delà des clichés.

A côté de ces deux principaux lieux d’exposition, les Boutographies sèment ci-et-là les germes d’une photographie européenne. Outre la rétrospective qui donnera à voir, sur l’Esplanade Charles de Gaulle, les plus importants clichés de cette dernière décennie, des galeries ont lié partenariat avec les Boutographes : l’Espace Transit ou la galerie A la Barak. Les Boutographies comptent aussi de nombreuses manifestations : séminaires, lectures de portfolios, projections au Musée Fabre et ailleurs, … L’objectif étant de faire connaître une photographie de qualité à tous. L’esprit du festival étant de «faire gratis et libre», souligne Peter Vass, le président des Boutographies. Même si ce dernier ajoute : «les Boutographies, c’est l’affaire des amoureux de la photo».

Pour connaître dans les détails la programmation, le site des Boutographies est accessible ici.

20 ans de collection photographique à Montpellier

Au Pavillon populaire, du 3 mars au 30 avril 2010, se tient une exposition photographique présentant plus de 200 œuvres, offertes ou acquises par Montpellier durant ces 20 dernières années. HautCourant vous propose une visite guidée.

La lucha libre : un show à la mexicaine

Kitsch, traditionnelle et sportive. La lucha libre reste méconnue en Europe. Pourtant ce sport enchante les mexicains et rend jaloux les américains, qui rêvent de l’exporter. Jusqu’au 20 avril, l’exposition « Mexique multiple » au Pavillon populaire de Montpellier s’y attarde via l’œuvre de la photographe Lourdes Grobet. Découverte d’un art coloré où les lutteurs sont des icônes.

Bizarre. Tel pourrait être le premier qualificatif de la lucha libre, le catch mexicain. Car cela n’a rien à voir avec le catch américain, symbole théâtral du « show à l’américaine ». De l’autre côté du Rio Grande, la culture change, le catch aussi. Emblème de la culture populaire mexicaine, la lucha libre a fortement divergé de son lointain cousin « gringo ». Moins brutale, plus court et spectaculaire, plus ancré dans une réelle tradition culturelle.
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Car pour les Mexicains, la lucha libre est bien plus qu’un spectacle, c’est un mythe, un sport, un carnaval. C’est un pan entier de la tradition populaire mexicaine. Cette variante du catch, bien qu’originaire des Etats-Unis et importée dans les années 30, a été adoptée dans la culture traditionnelle et surtout populaire. Les luchadors (les lutteurs) sont élevés au rang de héros, voire de super héros, cultivant le mystère autour de leur identité et de leur déguisement. Malgré un incontestable statut de star, la plupart vivent dans l’humilité.

Un héros dont on ne connaît pas le visage

L’importance du masque est primordiale. Tout comme Zorro ou le sous-commandant Marcos, le lutteur ne s’affiche que masqué. Les déguisements ultra-colorés peuvent apparaître kitsch mais ont de véritables significations. Métaphore d’une lutte symbolique du bien contre le mal, le masque arboré par le lutteur représente son quartier, son travail … C’est un héros, à la fois brute et gymnaste, dont on ne connaît pas le visage. Monsieur tout le monde au quotidien, il devient un personnage proche du fantastique lorsqu’il enfile son masque et monte sur le ring. Les interviews et reportages hors ring sont surprenants : ils montrent ces hommes dans leur quotidien modeste, entourés de leur famille, mais toujours dissimulés derrière leur masque, leur second visage.

Adulé car bien plus réel qu’un super héros fictif, par tradition, le lutteur est soit masqué, soit porte les cheveux longs. L’emporte celui qui arrachera le masque ou coupera les cheveux de son adversaire. L’accumulation de « chevelures » et de masques forme le palmarès visible d’un « luchador ».

El Santo, l’homme au masque d’argent

santo_05.jpgCes gladiateurs du ring ont leurs figures et leurs rivalités mythiques. La plus célèbre des rivalités de la Lucha libre mexicain oppose El Santo à Blue Demon. Le plus célèbre demeure sans doute El Santo, l’homme au masque d’argent et dont personne ne connaît le visage.
Rodolfo Guzmán Huerta de son vrai nom est « la légende » de ce sport en Amérique Latine.
Pourtant, ce sont ses activités en dehors du ring, plus que sa carrière sportive, qui lui ont donné sa notoriété. Il a incarné son personnage dans plus de cinquante films. Mais c’est par l’intermédiaire de l’artiste et éditeur José Guadalupe Cruz qu’il devient, en 1950, plus qu’un lutteur : El santo devient alors un personnage de bande dessinée, le premier luchador à avoir cet honneur.

Le travail de Lourdes Grobet, en partie visible au Pavillon populaire de Montpellier, révèle le l’aspect sociologique de ce sport. A travers 11 000 clichés pris depuis 1972, elle montre le côté carnavalesque et mystérieux des ces lutteurs. Ce qu’elle en retire, c’est l’importance sociologique et culturelle du masque : « Le masque occupe une place particulière dans la culture mexicaine. […] C’est précisement là (ndlr : la lucha libre) que j’ai pu comprendre le mythe et le rôle du masque dans les plus divers aspects de notre vie nationale. […] Parce que c’est dans la lutte, la lutte libre (lucha libre), la lutte sociale, la lutte pour la vie, que le masque a repris de son sens. […] Au Mexique, politique et culture, rite et survie se condensent. Le masque contient tout cela. »