Avec Youtube et Universal, tout va à Vevo

Annoncée ce matin, la nouvelle plateforme vidéo de Youtube s’adresse directement au portefeuille des labels et des publicitaires. Quid de l’internaute?

Vers un Youtube 2.0? La question se pose après l’officialisation ce matin de Vevo, le service de vidéo-clips en ligne issu de l’association de Youtube, propriété de Google, et du major Universal Music Group (UMG), label de U2 et du regretté Bashung. Fonctionnel d’ici la fin de l’année, le site Vevo.com existe depuis quelques heures maintenant. Une page d’accueil au style épuré qui ne propose pour l’instant qu’un twitter en stand-by, et une newsletter qu’on espère un peu plus éveillée.

En réalité, Youtube partage déjà une partie de ses revenus avec UMG, les vidéos et les droits de l’un étant vendues plusieurs dizaines de millions de dollars à l’autre. Avec Vevo, les deux associés passent à la vitesse supérieure. Mais Vevo, c’est quoi, au juste? Pour l’instant, une idée. Celle d’associer le contenu officiel d’UGM, clips musicaux et vidéos diverses, à la technologie Youtube. « Universal et Google se partageront ainsi les revenus de Vevo et de Youtube », racontait hier un représentant de Google à Wired.com. Selon le même, les négociations avec d’autres labels sont en cours pour alimenter ce qui devrait être une sorte de Youtube Premium. Le but, attirer plus d’internautes, séduire davantage de publicitaires.

Sûr de son coup, Doug Morris, PDG du groupe Universal Music, déclarait ce matin : « Vevo offrira la plus importante collection de clips musicaux et de services premium à la plus grande audience mondiale de vidéo en ligne. (…) Dès son lancement, Vevo comptera plus d’utilisateurs que n’importe quel autre site de vidéos musicales aux Etats-Unis et dans le monde ». Selon le magazine Billboard, reste à Morris à convaincre les autres labels. Les diffuseurs, eux, sont déja acquis à la cause Vevo. MTV, Yahoo et Aol pensent s’associer à la plateforme, notamment pour ne plus s’embarrasser des relations, difficiles, avec les labels. En contact direct avec les producteurs, Vevo pourrait bien devenir la seule plateforme légale sur le marché. Google compte évidemment sur cette situation privilégiée pour demander aux publicitaires d’ouvrir un peu plus le porte monnaie.

Car jusque là, il faut bien le reconnaître, l’achat de la plateforme de partage vidéo en 2006 par Google pour la bagatelle d’1,65 milliards de dollars, ne peut pas être qualifié de « payant ». L’actualité antipiratage contre lui, Youtube traverse une crise sans précédent. Les sociétés d’artistes exigent plus d’argent, les majors réclament moins de piratage. Début mars, Youtube UK prive les britanniques de vidéo-clips. Moins d’un mois plus tard, son homologue allemand suit l’exemple. Pas vraiment aidé par le débat sur le téléchargement et le droit d’auteur, Youtube essaye tant bien que mal de relever la tête. Avec l’annonce de Vevo, le mois d’avril se présente sous de meilleurs auspices : un partenariat entre Youtube et Disney se dessinait il y a quelques jours, et au même moment, les négociations avec Sony semblaient en bonne voie. La publicité, encore elle, occupait bien sûr le coeur des débats. L’objectif, contrer des concurrents de plus en plus en envahissants, Hulu.com en ligne de mire. Lancé seulement en novembre 2007, le service vidéo de NBC et de la Fox talonne déja Youtube en terme de recettes publicitaires.

Autant de bonnes nouvelles qui tombent à pic après le buzz produit par un analyste du Crédit Suisse, selon lequel Youtube courrait à sa perte. 710 millions de dollars de dépenses en 2009, pour beaucoup dues à des frais de bande passante colossaux, contre 220 petits millions de recettes publicitaires, nul besoin de dégainer sa calculette virtuelle pour saisir la gravité de la situation.

Plusieurs questions restent cependant sans réponse. Plateforme de vidéos-clips pour label, Vevo accueillera-t-il le contenu amateur? Seulement s’il concerne les artistes de l’UMG. Ce timide pas en direction des internautes n’ira pas sans contrepartie. Les utilisateurs pourront bien mettre en ligne les vidéos de leur choix, ou presque, mais ils se heurteront à une procédure systématique. Chaque visionnage se verra précéder d’un écran publicitaire de plus de 10 secondes. En plus de l’impossibilité de poster leur propre contenu ou des vidéos n’ayant pas trait aux Labels, les consommateurs risquent fort de déserter Vevo une fois l’effet de surprise passé. Reste à déterminer s’ils auront le choix, vu que ce Youtube 2.0 aspire ni plus ni moins au monopole du vidéo-clip en ligne.

« L’année pourrie » du disque cherche un coupable

Les ventes de disques ont continué de chuter en 2007. 17% de moins que l’année précédente, une baisse suffisante pour que le Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP) qualifie cette année de « pourrie ».

Les ventes de musique en ligne augmentent, de même que la fréquentation des salles de concert. Pourtant, le rapport rendu par l’IFPI [[International Federation of Phonographic Industry]], à l’occasion du Midem [[Le Midem est le Marché international du disque et de l’édition musicale. Il a lieu cette année du 27 au 31 janvier]] à Cannes ce lundi 28 janvier 2008 insiste lourdement sur le piratage.

Malgré les procès, les lois de plus en plus contraignantes, et les nouvelles technologies mises au point pour enrayer le phénomène, le téléchargement illégal de musique sur Internet, s’il diminue, continue d’être une réalité.

Le rapport Olivennes, commandé par le gouvernement et rendu en novembre 2007, proposait des moyens visant à compliquer le pillage, une manière de l’endiguer plus rapidement. Ce rapport, qui faisait suite à l’ouvrage du dirigeant de la Fnac, Denis Olivennes et dont il reprenait en substance la thèse, évoquait néanmoins le problème que posent les DRM [[Digital Right Management. Il s’agit de protection contre la copie appliquée aux chansons téléchargées à partir de serveurs payants. Le problème provient du fait que ces DRM empêchent certains lecteurs de lire les fichiers]] aux utilisateurs. L’IFPI botte en touche, arguant que ce faux problème est lié « au déploiement de systèmes de DRM propriétaires non compatibles par certaines entreprises de technologie ». Un moyen efficace d’oublier les soucis rencontrés par celui qui a téléchargé légalement son morceau, en le payant.

Les FAI coupables, la qualité n’est pas remise en cause

ifpi_logo.gifLe rapport de l’IFPI pointe du doigt les fournisseurs d’accès à Internet, qui détiendraient « la clé pour réduire significativement le piratage ». Il leur suffirait en effet d’interdire l’accès des internautes aux sites de téléchargement [[le FAI Free a mis un pied à l’étriller en fermant certains de ses newsgroups, groupes de partages où s’échangeaient illégalement films et musiques]].

Cette proposition, qui contrevient aux politiques nationales lancées en faveur des technologies haut débit, confirme l’état d’esprit général des industries du disque.

Les téléchargements illégaux restent perçus comme autant de chiffre d’affaire perdu, sans tenir compte du fait évident que tous les morceaux téléchargés n’auraient pas nécessairement été achetés. Le prix d’un album à sa sortie, souvent jugé excessif, semble normal, de même que la qualité des étals présentés depuis quelques années. Enfin, le support virtuel ne possède pas le cachet du disque acheté. Cela justifie les faibles augmentations des ventes en ligne.

En attendant, les véritables questions, notamment celles qui permettraient d’établir le nombre de jeunes artistes produits chaque année en dehors des circuits de télé réalité, ne sont pas soulevées. Et de fait, elles ne font pas débat.