Docteur Francis & Mister Frank

L’ex-chanteur des Pixies reprend son nom de jeune fille pour revenir au Rock. Son dernier opus, Bluefinger, sorti dans l’indifférence quasi-générale à l’automne est censé mettre fin à une longue période d’errance de l’artiste dans son exploration de la « Countrage ».

En 2005 les Pixies se sont réunis pour une poignée de concerts. L’essai devait être transformé en studio, mais le projet a échoué : le chanteur Frank Black et la bassiste Kim Deal (The Breeders) ne se supportent toujours pas. Cette expérience aura pourtant eu un certain impact. Frank Black a repris son nom de pirate du temps des Pixies: Black Francis, et a repris goût au Rock’n Roll après une (trop) longue période consacrée à la « countrage ». C’est à dire de la Country jouée à la mode Garage.

Ce Bluefinger apparaît donc a priori comme une heureuse surprise

Malheureusement, la surprise retombe plus vite qu’un soufflé. Après une attaque très garage, sur un « Captain Pasty » à la voix rauque, le disque s’embourbe, et laisse une impression d’inachevée. On se prend à croire qu’il a été bâclé, sorti dans la précipitation pour bénéficier de l’engouement qu’avait suscité la reformation des Pixies.

Il s’agît pourtant d’un disque riche. Certainement trop. Dans ses meilleurs moments (« Threeshold Apprehension« ; « Angel comes to confort You« , « Discothèque 36« ; « Tight Black Rubber« ), on retrouve du Pixies: le clavier de « Alec Eiffel » par ci, une mélodie par là. Les relents country discrets ne sont finalement pas si déplaisant, ni même les cœurs féminins qui apportent par moment un curieux coté Soul.

Pourtant même ces titres-là manquent de liant, de finitions. Les refrains arrivent brutalement, des changements de tonalités surviennent n’importe quand, des passages surf-rock percent au milieu d’un refrain presque métal… On en vient à regretter que ces chansons n’aient pas été amputées d’une bonne minute.

Pour les 7 autres titres de l’album, on se perd dans des riffs à rallonge qui nous font complètement perdre le fil de la mélodie. La voix du chanteur a aussi pris un sérieux coup de vieux. On peine à l’identifier sur « Captain Pasty« , ses cris sur l’insupportable « You can’t break a heart and have it » sonnent douloureux. Sur presque tout l’album il parle en mélodie plus qu’il ne chante.

L’individu est prolifique. C’est là le moindre de ses défaut. Bluefinger est sa 18ème sortie depuis la séparation des Pixies en 1992. 18 opus dont 4 rien que pour l’année 2006. Bigre. Dire que cette pléthorique discographie est inégale relève d’un doux euphémisme.

En réalité, les afficionados des Pixies ne retiennent que ses 3 ou 4 premiers albums (Frank Black; Teenager of the Year; The Cult of Ray et à la rigueur Frank Black & The Catholics) et son live à France Inter dans l’émission de Bernard Lenoir : Black Session. L’artiste s’est ensuite lancé dans la « countrage ». Il aurait pu révolutionner le genre et devenir à la country ce que les Violent Femmes furent au Folk. Mais ça n’a intéressé que lui.

Il y a fort à parier qu’il en sera de même avec ce disque.