Les médecins s’emparent du téléphone portable

En l’absence de conclusions scientifiques définitives sur l’éventuelle dangerosité pour la santé des téléphones portables, vingt scientifiques ont lancé un appel à la prudence. Ils dressent une liste de mesures de précaution simples qui peuvent être prises, dans l’attente de données plus complètes. Le professeur montpelliérain Henri Pujol, expert sur le sujet, explique pourquoi il a rejoint cet appel. Neurochirurgien à l’hôpital de Montpellier, Luc Bauchet apporte son témoignage et rappelle l’importance pour la France de se munir d’un répertoire national afin de recenser les tumeurs cérébrales. Les deux chercheurs refusent de s’alarmer sans preuves concrètes.

« A ce jour, aucune étude « robuste » ne permet de conclure de manière définitive. » Cancérologue et ancien président de la Ligue nationale contre le cancer, le professeur Henri Pujol explique pourquoi il a co-signé, avec dix-neuf autres scientifiques, pour la plupart des cancérologues, un appel visant à mettre en garde contre l’utilisation des téléphones portables.

« J’ai signé ce document car il commençait très bien. Pour le moment, nous avons seulement connaissance d’une étude dont les conclusions débouchent sur une légère augmentation du risque. » Mais le professeur Pujol se veut avant tout réaliste ; pour lui, il ne s’agit pas de bannir le téléphone portable : « C’est une avancée importante et aujourd’hui, il est déjà trop tard. Nous ne nous en passerons plus. » Le cancérologue montpelliérain avoue posséder lui-même un téléphone portable et s’en servir quotidiennement. « Cet appel vise essentiellement à rappeler les principales précautions à prendre, comme ne jamais laisser son téléphone sous l’oreiller et empêcher son utilisation par les plus jeunes. »

« Il est impossible d’affirmer que le nombre des tumeurs cérébrales augmente avec l’utilisation du téléphone portable »

Pour Henri Pujol, il faut absolument dissocier la prévention contre le tabagisme ou l’alcool et la précaution à l’égard des téléphones portables : « Tant que nous n’en savons pas davantage, nous prenons des mesures. Mais il vaut mieux donner un téléphone portable à un garçon de 12 ans qu’une cigarette. » Le professeur Pujol s’insurge contre les anti-téléphones portables : « D’un point de vue pédagogique, cet appel est également l’occasion de barrer la route à tous ceux qui disent qu’il faut jeter son téléphone à la poubelle. »

Preuve que les signataires n’ont pas l’intention de se séparer de leur téléphone, le docteur David Servan-Schreiber, lui-même atteint d’une tumeur au cerveau, avoue qu’il continue à se servir de son téléphone portable.
Neurochirurgien à l’hôpital de Montpellier, Luc Bauchet refuse également de s’alarmer des conséquences directes du téléphone portable sur la santé. « Il est impossible d’affirmer que le nombre des tumeurs cérébrales augmente avec l’utilisation du téléphone portable », explique-t-il.

Actuellement, il coordonne un recensement national des tumeurs cérébrales. L’objectif : mettre en place un répertoire exhaustif des cancers du cerveau. Cet outil, déjà au point dans les pays scandinaves et depuis peu aux Etats-Unis permettra de rechercher les causes de cette maladie et ainsi livrer des statistiques plus fiables.
Cet appel lancé par 20 scientifiques ne dissipe pas le flou autour des répercussions sur la santé des téléphones portables. Mais une étude internationale de grande ampleur, menée dans 13 pays sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé, est actuellement en cours.