Le d’OC, un média pour soigner les maux de la presse

Nouveau venu dans le paysage médiatique montpelliérain, le site le d’OC veut prendre le temps de décrypter l’information. Focus sur ce média qui propose un autre regard sur l’actualité.

Urgence : l’information est souffrante. Infobésité, carence du pluralisme journalistique et épidémie de fake news… Face à tous ces maux, le d’OC vous propose un traitement.
Créé en février 2017 par le journaliste Benjamin Téoule, l’objectif de ce pure-player est de « prendre le temps de raconter les histoires et les enjeux du territoire » comme l’explique son fondateur. Le nom du média révèle sa ligne éditoriale. Comme le docteur, « nous voulons ausculter l’information ». Le d’OC ambitionne de la traiter comme un documentaire, avec la prise de distance nécessaire. « OC » pour Occitanie, car c’est le média d’ici.

Le d’OC a été fondé pour « répondre à un besoin des citoyens qui ont envie de s’informer mais remettent en cause les traitements journalistiques de l’information. Aujourd’hui, le citoyen est saturé d’infos », déclare Benjamin Téoule. Ce média de proximité veut prendre le contrepied par une analyse des enjeux locaux. L’indépendance de ce site montpelliérain est indispensable pour produire une information de qualité. Contrairement aux autres médias locaux qui vivent principalement des fonds des collectivités locales, le d’OC ne reçoit aucune aide. Il est financé par les fonds personnels du fondateur et essentiellement par ses abonnements, plus de 300 au bout de 10 mois. Le contenu payant (4,90 euros par mois pour la formule annuelle) est ainsi essentiel pour garantir sa liberté éditoriale.

L’équipe du d’OC se compose de quatre pigistes, du directeur de la publication Benjamin Téoule, de photographes et d’une équipe qui gère le site internet. Avec son « petit » budget (dont nous ne connaissons pas le montant), le d’OC est paru en version magazine papier cette année uniquement pour promouvoir le média en dehors d’Internet. Ce média très ambitieux propose des enquêtes, des reportages, des interviews, des portraits et des grands entretiens. « Je pense que c’est par la force de nos sujets, que l’on ne retrouve pas forcément ailleurs, et par la force de nos révélations que nous pouvons nous faire connaître » déclare Benjamin Téoule.

Le d'OC

Quels sont les projets du d’OC ?

« Le principal objectif est d’asseoir ce nouveau média qui doit prendre sa place dans le paysage médiatique », affirme Benjamin Téoule. À terme, son ambition est d’augmenter le nombre de publications avec au moins deux articles par semaine (au lieu d’un article minimum actuellement) et de sortir de Montpellier pour s’étendre sur le reste de la région.
Pour résumer, que dire à quelqu’un pour l’inciter à s’abonner au d’OC ? « S’il y a de la défiance envers certains médias, le D’OC a une totale indépendance, les articles sont réalisés par des journalistes professionnels, et le D’OC est complémentaire des médias qui existent déjà. Nous rejoindre, c’est participer à l’avènement d’un média et lui garantir son indépendance », répond le directeur de la publication.

Traiter l’information locale avec un regard distancié est une ligne éditoriale adoptée par de plus en plus de médias comme Marsactu ou Médiacités. Le d’OC, qui n’a même pas encore un an, est ambitieux mais acquiert déjà la reconnaissance de ses pairs. Certains de ses articles ont été repris par d’autres médias. Son enquête sur les liens très étroits entre le maire de Montpellier, Philippe Saurel et la famille Iborra a été publiée également par Médiapart, et son enquête sur les soupçons d’emploi fictif de la députée européenne du Front National, France Jamet, a été citée par Libération.
Un premier pas pour que ce « petit média » devienne « grand ». Vous l’aurez compris, le d’OC est un média à consulter sans prescription.

Le 31 décembre dernier, Claude Perdriel, propriétaire du Nouvel Observateur, de Challenges et de Sciences et Avenir, a étendu son emprise médiatique en rachetant 100% du capital du site d’information gratuit Rue89. Retour sur cette opération financière inopinée avec Pascal Riché, rédacteur en chef et co-fondateur du pure player.

Pionnier en la matière, le site d’information participatif est lancé le jour du second tour des élections présidentielles de 2007. Rue89 se fait rapidement une place de choix dans le paysage balbutiant des médias sur le web. Malgré 2 millions de visiteurs uniques par mois en 2011, le site internet ne dégage toujours pas de recettes suffisantes pour assurer sa pérennité. [[Invité au mois de novembre pour expliquer le fonctionnement de Rue89 à l’équipe de Hautcourant, Pascal Riché avait déjà confié qu’il manquerait probablement 300 000 euros sur l’année pour être à l’équilibre budgétaire. Lors de l’annonce du rachat de Rue89, son président, Pierre Haski, faisait part quant à lui de 400 000 euros de déficit pour 2011.]]

Ce rachat de Rue89 par un grand groupe de presse n’est-il pas symptomatique de la fragilité dans laquelle se trouve le modèle gratuit des sites d’information?

A vrai dire il n’existe aucun modèle sur internet. Les journalistes se trouvent dans une phase de transition. Les sites d’information sont à la recherche d’un modèle économique. Ils testent des concepts dans un contexte où tout va très vite. Par exemple, les tablettes qui débarquent sur le marché français n’existaient pas avant 2010. Les groupes de presse qui se préparent le mieux à cette dynamique seront, à mon avis, les plus solides dans les deux années à venir. Je ne donne pas cher de la peau de certains confrères qui estiment que l’information sur le web est dans une impasse.

Une partie importante de la presse se tourne désormais vers la toile. Les sites sont de plus en plus visités et ils génèreront, à priori, des recettes publicitaires de plus en plus importantes. Avec 2 millions de recettes annuelles [[Rue89 a en effet généré en 2011 un chiffre d’affaires de 2 millions d’euros. Mais si la part de la publicité y est importante (60 % des revenus), elle n’en est pas l’unique source. En se spécialisant dans des services comme la formation et la conception de sites web, Rue89 a ainsi assuré 40 % de ses revenus.]] , Rue89 est relativement solide. Nous ne sommes d’ailleurs plus très loin de notre objectif en ayant atteint l’équilibre budgétaire au dernier trimestre 2011…

Ce qui est une première pour Rue89?

Oui. Mais il ne s’agit que d’un trimestre. Ce n’est donc pas très significatif. Il faut savoir que la publicité est cyclique: le dernier trimestre est toujours meilleur que le premier. Disons plutôt que c’est encourageant pour notre équipe.

Prévoyez-vous de mettre en place un système d’abonnements payants pour Rue89?

Non. Il n’est pas question, pour l’instant, de nous lancer dans un tel projet. Le format payant ne correspond toujours pas à notre vision de l’information sur le web.

Comment envisagez-vous être sous la direction du groupe Perdriel sans perdre votre indépendance?

Nous ne sommes pas véritablement sous la direction de Claude Perdriel: il nous a assuré l’autonomie. Si nous avons été d’accord pour le rachat de Rue89, c’est que nous estimons que ce groupe nourrit de hautes ambitions pour les nouveaux médias numériques.

Il faut préparer l’avenir. Nous avons commencé à nous adapter tout seul, et désormais nous le ferons au sein d’un groupe de presse qui nous convient puisque nous partageons ses valeurs.

Une négociation avec l’équipe de Rue89 a-t-elle eu lieu avant le rachat du site par Claude Perdriel?

Ce rachat a été décidé par les fondateurs, dont je fais partie, et les actionnaires de Rue89 qui ont jugé que cette option était la plus raisonnable.
[[En juin dernier, le groupe Perdriel s’était déjà immiscé dans le pure-player en investissant dans 3,4% de son capital. Une tentative vaine. Aujourd’hui tous les actionnaires de Rue89 ont cédé leur participation au groupe de presse.]] Certes, il n’y a pas eu de concertation préalable avec l’équipe, mais depuis, elle a fait savoir à Monsieur Perdriel qu’elle approuve cette opération.

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En 2007, avec vos confrères co-fondateurs de Rue89 (Pierre Haski et Laurent Mauriac), vous aviez quitté Libération alors dirigé par Laurent Joffrin. Aujourd’hui, vous vous retrouvez à nouveau sous l’égide du même homme, à la tête de la rédaction du Nouvel Observateur. N’est-ce pas le signe d’un échec pour vous?

Non pas du tout. Nous ne sommes pas sous l’égide de Laurent Joffrin. Lors de la conférence de presse de lancement, il avait précisé qu’il ne se mêlerait pas du contenu éditorial de Rue89.

Quand Laurent Joffrin a dirigé pour la première fois la rédaction de Libération, dans les années 1990, j’étais chef du service Economie, Pierre Haski gérait le service Etranger et Laurent Mauriac menait le service Multimédia. Tous trois étions donc en étroite collaboration avec Laurent Joffrin. Nous nous entendions très bien et nous ne nous sommes pas quittés en mauvais termes. Nous avons d’ailleurs fêté ces retrouvailles.

Mais comme je le répète Rue89 n’est pas devenue une filiale du journal Le Nouvel Observateur; c’est une filiale du groupe. En ce qui concerne notre ligne éditoriale, Laurent Joffrin n’a pas à s’immiscer dans nos affaires.

Le projet que vous portiez de créer tout un panel de rédactions locales, à l’image de Rue 89Lyon, risque-t-il d’être avorté?

Les déclinaisons locales de Rue89 font toujours partie des projets que nous entendons développer. La prochaine de ces rédactions va naître à Strasbourg dans les semaines à venir. Nous souhaitons créer des fils d’information locale différents de ce qui est publié dans les titres de presse régionale déjà existants. C’est un concept doté d’un fort potentiel que nous continuerons à explorer.

Bien qu’il soit trop tôt pour l’analyser, avez-vous constaté une incidence sur l’audience du site depuis l’annonce de cette fusion le 21 décembre dernier?

Non. Absolument aucune incidence sur l’audience de Rue89 n’a été notée.

Pascal Riché, Rue89 : réflexions sur une presse en crise

La crise qui touche la presse écrite est de plus en plus présente. Baisse de la diffusion, de la confiance envers les journalistes, journaux détenus par des actionnaires en lien avec le pouvoir. Certains ont trouvé une solution alternative et indépendante à cette situation. C’est le cas de Rue89 crée en 2007 à l’initiative d’anciens journalistes de Libération. Son rédacteur en chef, Pascal Riché, répond à nos questions.

Un point sur la situation actuelle du site Rue89

Rue 89 existe depuis trois ans et se rapproche de l’équilibre. Pascal Riché revient sur le modèle des  »pure players » et explique comment fonctionne son site d’information en ligne. Entre liberté éditoriale et légitimation de l’information sur le net, il défend, arguments à l’appui, un nouveau média qui se bat pour exister.

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Où en est la presse en ligne ?

Internet apparait pour beaucoup comme un outil où les informations ne sont pas fiables, où tout le monde peut donner son information, au risque de la dénaturer. Dans cette vidéo, Pascal Riché explique qu’il a fallu, pour les pure players, partir de zéro et se créer une image crédible et rassurante. Avec d’autres médias sur internet tels que Médiapart ou Slate, Rue 89 a participé à la création d’un statut d’éditeur en ligne où les journalistes sont reconnus comme tels.

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Les limites des médias traditionnels: l’exemple de la télévision lors de l’intervention de Nicolas Sarkozy le 16 novembre dernier. Que peut apporter la presse en ligne?

Rue 89 a, selon Pascal Riché, pour principal objectif de délivrer une information honnête et objective. Il revient sur un épisode de la vie politique française où cette exigence journalistique a été quelque peu bafouée: l’intervention, le 16 novembre 2010 de Nicolas Sarkozy à la télévision, alors interviewé par Claire Chazal, David Pujadas et Michel Denisot.

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MÀJ: 22.11.10, 23h04