Interview des parents de « Ricky »: Alexandra Lamy et Sergi Lopez

Sergi Lopez et Alexandra Lamy étaient de passage à Montpellier le 22 janvier 2009, à l’occasion de la sortie de « Ricky », de François Ozon, pour rencontrer le public des cinémas d’art et d’essai Diagonal. Sorti en salles aujourd’hui, le film représentait la France à la Berlinale 2009 qui vient de s’achever.

Votre première réaction à la lecture du scénario de François Ozon ?

Alexandra Lamy: Comme vous quand vous avez vu le film : on est extrêmement surpris.

Sergi Lopez : On a envie de le faire. Parce que plein de choses nous troublent. On se dit comment il va faire ? C’est un film de SF ? Mais non, ce n’est pas un film de SF puisque ça parle d’un milieu social très modeste et puis d’une vraie situation familiale. Tu ne sais pas comment le classer.

Le cinéma français n’est pas très habitué au genre fantastique : aviez-vous une appréhension par rapport à ça ?

S. Lopez : C’est vrai qu’au départ, la grande question, c’est : « ça va être possible ? ». Est-ce que c’est possible de faire un film qui part d’une situation très réaliste, et où tout d’un coup on part dans une situation complètement barrée où il y a un enfant qui a… des ailes !?
Est ce que c’est possible de raconter cette histoire d’une façon réaliste sans qu’on débranche ? Mais on finit par y croire et par accepter cette famille réelle, recomposée, cette histoire d’amour, cet enfant.

A. Lamy : On a fait une avant-première à Paris et le distributeur a invité 100 enfants de plus de 8 ans. Quand on m’a dit ça, je suis dit « ça va être compliqué ». Finalement, je crois que ce sont eux qui ont le plus accepté le film. Tout, même le début, qui est dur, mais comme dans tous les contes. Nous, les adultes, on perd un peu ce côté infantile…
Ce que je trouve bien, c’est qu’au début, cet enfant c’est le vilain petit canard. Pour moi, le film porte sur la différence.
Vous avez le droit de l’interpréter comme vous voulez. Au moins, le film ne vous prend pas par la main.

S. Lopez : Ozon nous propose d’accepter quelque chose d’énorme, mais le film est bourré de fausses pistes, de fausses indications : la scène dramatique du début qui nous plonge dans une réalité dure, la petite fille au regard un peu étrange…

Vous connaissiez le cinéma de François Ozon ?

A. Lamy : Moi oui. J’avais vu 8 Femmes, Sous le sable, 5×2, Angel. Ce que j’aime chez Ozon c’est qu’on ne sait pas où le classer : il nous surprend tout le temps. Au moins il ose. (Rires)

S.Lopez : Moi non. Je le connais en tant qu’être humain, mais je n’ai pas vu ses films.

A.Lamy : Et pourtant il a pensé à Sergi tout de suite pour jouer Paco !

Et vous, Alexandra, qui étiez jusqu’ici habituée de la comédie, comment avez-vous appréhendé ce film et ce rôle ?

Alexandra :Tout le monde me connaît d’ « Un gars, une fille », mais je ne viens pas de là. Au théâtre, on me connaît dans le drame. J’ai fait le conservatoire de Nîmes. Ce film, ce n’était pas nouveau pour moi. Merci François de m’avoir laissé la chance de pouvoir passer les essais, ce qui n’est pas le cas de tout le monde. Pourquoi je ne fais que des comédies romantiques ? Mais parce qu’on ne me propose que ça !
En plus, il l’a fait sans vouloir me changer.

On apprend que c’est vous qui avez distillé de petites touches d’humour dans le scénario, plus sombre au départ, de Ozon…

A. Lamy : Oui, j’ai même retravaillé la relation que j’avais avec ma fille : lui voulait que je sois extrêmement froide, qu’il n’y ait aucun contact entre elles. Or pour moi, cette femme est hyper- maternelle : elle fait passer ses enfants avant tout, avant son amour pour Paco. On a fait la scène des deux façons, François a choisi la mienne au montage, et m’a dit Merci.

Sergi, votre rôle est lui aussi ambigu : quel regard portez-vous sur Paco ?

S. Lopez : Il paraît qu’en général les filles trouvent Paco très sympa, alors que les garçons le voient comme une mauvaise personne. C’est très bien qu’on ne sache pas. Parce que finalement, dans la vie, on peut être tout à la fois : tendre, et des fois horrible, très charmant et parfois être une ordure. Moi je crois que Paco il est comme ça, d’ailleurs il part parce qu’il est très sensible finalement.

Vous évoquiez plus tôt « un cinéma d’auteur qui veut dire quelque chose », alors que veut dire ce film ?

S. Lopez : Ayez des enfants. Soyons disponibles à écouter des histoires même si on ne sait pas où les caser. Ayez le courage de rêver à des choses inattendues. Pour moi, le film porte sur la place que chacun doit se trouver dans une famille.

A. Lamy : Je suis d’accord. Amusez vous à l’interpréter comme vous voulez. Ce film porte sur la différence, sur l’envol d’un enfant qui quitte le cocon familial…