La Poste réinvente le timbre

Forcée d’innover pour endiguer le déclin du courrier, La Poste propose à présent des timbres personnalisés sous l’appellation significative Montimbramoi

Nul besoin d’être Marianne pour figurer sur les timbres. Désormais, chacun peut créer de petites vignettes « 100 % personnalisées » via Internet. Lancé en octobre 2007, le timbre « sur mesure », appelé Montimbramoi, remplace les timbres-poste personnalisés mis en place en 2000 qui ne permettaient au client que d’attacher à son timbre standard une vignette à l’effigie de son choix. La nouvelle offre, ici, est un vrai timbre. « Il comporte une valeur faciale et peut être utilisé comme seul affranchissement », précise La Poste.

« Nous avons totalement réinventé l’usage du timbre »

Ces timbres individualisés (par carnets de 10 ou 30 unités) sont disponibles en formats portrait ou paysage sous trois valeurs (lettre prioritaire France 20 gr, lettre prioritaire France 50 gr et lettre prioritaire Monde 20 gr), pour lesquelles la société conserve encore son monopole. De la sorte, la marque au célèbre logo jaune et bleu tente de pérenniser le courrier postal, malmené par l’irruption des nouveaux moyens de communication comme le SMS et l’e-mail, et la libéralisation totale des services postaux au 1er janvier 2011. « Nous avons totalement réinventé l’usage du timbre en passant d’une fonction d’affranchissement utilitaire à des fonctions de cadeaux, de souvenir et d’envois plaisir », commente Raymond Redding, Directeur général délégué du groupe La Poste.
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Sur la période 2003-2006, la baisse des volumes du courrier adressé en France ne s’est limitée qu’à 1,5 %, une baisse inférieure à celle observée sur les autres grands marchés européens, même si la correspondance adressée de particulier à particulier ne représente plus que 5 % de son chiffre d’affaires dans ce secteur. « Nous constatons, certes, une baisse des volumes de courrier physique mais il ne s’agit en aucun cas d’une mort du courrier », soutient Raymond Redding.

50 000 exemplaires vendus en 10 mois

Un bonheur pour les particuliers qui peuvent désormais orner leurs faire-part de naissance d’un timbre à l’effigie du nouveau-né ou profiter de la petite vignette rectangulaire pour se mettre en scène sur leur site de vacances. L’accueil du public, pourtant chaque jour mieux équipé en informatique et autres joujoux numériques, reste cependant confidentiel. Depuis le lancement, 50 000 timbres personnalisés ont été vendus, à comparer aux 3,5 milliards de timbres traditionnels émis chaque année en France. Un « véritable succès », veut croire malgré tout Raymond Redding : « Le nombre de commandes a triplé depuis l’ancienne version », souligne-t-il.

Pour l’essentiel, le timbre personnalisé est utilisé à l’occasion de fêtes ou d’événements majeurs (Saint Valentin, naissances, mariages…). « C’est une bonne idée, originale. Quand j’en ai eu vent, j’ai immédiatement voulu voir l’une de mes créations transformée en timbre », confie une jeune graphiste parisienne, qui a tenté une fois l’expérience. Pour ce faire, elle a dû s’acquitter d’un prix deux fois plus élevé que pour des vignettes standard. Il faut ainsi compter 12 € pour dix timbres (s’agissant des lettres de 20 gr maximum), soit un surcoût de 6,60 €.

Dérives en Allemagne, des personnalités nazies représentées

Seul le monde de la philatélie avoue ses réticences. « Montimbramoi a été mal accepté », explique Jean-Jacques Rabineau, président de l’association Le cercle des amis de Marianne. « Pour les philatélistes, un timbre est une œuvre d’art miniature tirée à beaucoup d’exemplaires. Le personnaliser lui fait perdre de sa force et de sa particularité. » Et d’ajouter : « Avec ce système, on risque des scandales comme il y en a eu en Allemagne, où des personnes ont créé des timbres sur lesquels figuraient d’anciennes personnalités nazies ». Pour éviter ces dérapages, La Poste précise que l’on « peut donner libre cours à son imagination dans les limites fixées par la législation relative aux bonnes mœurs et aux droits de reproduction d’images ». Des employés sont d’ailleurs chargés de valider le contenu des images destinées à être reproduites sur les vignettes.