Etienne Daho « Je suis un électron libre. »

Etienne Daho est en tournée avec son nouvel album, « L’invitation », récompensé aux Victoires de la musique.

L’invitation parle d’amour, des ruptures sentimentales, mais aussi de l’apaisement. Vous vous inspirez de votre vie personnelle?
Je ne me suis jamais planqué. Toutes mes chansons renvoient à des personnes précises. J’ai vécu trois années très intenses, et j’avais beaucoup de choses à raconter dans cet album.
Le titre Boulevard des Capucines est un des morceaux les plus intimes…
C’est une lettre de mon père que j’ai adaptée. Il est venu me voir en 1986 à l’Olympia, pour la sortie de Pop Satori. À ce moment-là, je n’ai pas voulu le voir, je n’y étais pas préparé après tant d’années d’absence. J’ai fêté les 20 ans de l’album en 2006. Deux jours après le concert, j’ai reçu des lettres de mon père que je n’avais jamais lues, dont une qui évoquait l’Olympia. Ça m’a tellement remué que j’en ai fait une chanson. Il y en a qui remettent en place les choses. Celle-ci parle de pardon, de réparation. C’est délicat, parce que quand on parle de soi, on parle des autres. J’ai encore une mère qui est très secrète…
Dans quel courant musical se situe cet album?
Je suis un électron libre. L’invitation est un disque intemporel, il est différent de ce qui se fait aujourd’hui. J’essaie toujours de choisir des singles qui ne sont pas formatés. Je ne veux pas être mêlé à quelque chose de consensuel, et être rattaché à un courant particulier.
Plusieurs tendances ressortent de vos chansons. Qu’est-ce qui les unit?
Ce disque, c’est comme la vie, tous les coups sont permis. L’invitationa un côté flamenco, L’Adorer ou Obsession sont des titres plus soul. En fait, c’est moi qui fais la cohésion entre tous ces univers!
Pourquoi l’avoir enregistré dans plusieurs villes?
Je suis allé à Barcelone pour écrire, j’avais besoin d’isolement. À Ibiza, on a enregistré les voix. C’était un moment très apaisant, en petit comité. On a ensuite été chez moi, à Paris. Ma maison est tout en bois, elle sonne mieux qu’un studio. Et on a terminé par Londres, pour le côté Hollywood.
Vous avez choisi Brigitte Fontaine pour écrire la seule chanson qui n’est pas de vous, Toi, jamais toujours.
C’est une amie. Elle m’a raconté une anecdote qui m’a fait rire. Quand elle a rencontré son compagnon, la première chose qu’elle lui a dit, c’est «Toi, jamais». Et ils sont ensemble depuis 40 ans! Le texte qu’elle a écrit est surréaliste, poétique et très poignant.
Comment vous accueillent les gens à vos concerts?
Chaleureusement. Les gens sont tout aussi réactifs aux anciennes qu’aux nouvelles chansons, c’est une grande satisfaction. Rester coincé dans les tubes des années 80, ça aurait été un peu chiant…
Est-ce toujours facile de se renouveler?
Il faut imposer le renouvellement, et ça prend du temps. Le public adore les tubes, il y reste scotché. Mais moi, je suis trop mobile. Si je reste en place, je meurs!

Article paru dans le Midi libre du 26.04.08