« Maître du vin » : le titre suprême

Tous les ans, l’Institute of Masters of Wine propose un examen aux amateurs et professionnels du vin afin d’obtenir le prestigieux titre de Master of Wine. Peu connu en France, ce titre est pourtant très convoité dans le monde viticole.

Inconnus du grand public et pourtant « maîtres du vin ». Dans le monde, seules 350 personnes peuvent se vanter d’un tel titre. Chaque année, professionnels et amateurs de vin espèrent réussir l’examen organisé par l’Institute of Masters of Wine afin d’entrer dans le très confidentiel cercle des « Masters of Wine » (« MW »).

Créé en 1953 en Grande Bretagne, l’examen de l’Intitute of Master of Wine est réputé comme le plus difficile dans l’univers du vin. À l’origine, l’objectif de cet institut anglais est d’élever le niveau des marchands de vin et de certifier les plus talentueux d’entre eux. Aujourd’hui, la liste des Masters of Wine compte des écrivains ou encore des journalistes spécialisés dans le vin. L’un des plus célèbres d’entre eux est la journaliste Jancis Robinson, devenue conseillère officielle de la cave de la reine Elizabeth II.

Le redoutable examen

Parsemé de bonnes bouteilles, le chemin qui mène au titre de « maitre du vin » n’est pas accessible à tous. Avant même d’espérer passer les épreuves, il faut formuler une demande auprès de l’Institute of Masters of Wine qui délibère de la candidature. La somme à débourser pour préparer l’examen peut également refroidir. Elizabeth Gabay, une anglaise expatriée en France et « MW » depuis 1998, estime qu’aujourd’hui, obtenir le titre de Master of Wine revient à 10 000 livres sterlings par an (soit 11 569 euros).

Une fois accepté, il faut au minimum trois ans pour remporter le titre. Ceux qui arrivent à la deuxième année passent l’examen final. Difficile, il est composé de deux épreuves : une partie théorique et une partie dégustation à l’aveugle. Comme l’explique Elizabeth Gabay, cette dégustation « est globale, il faut savoir estimer le prix du vin, les occasions dans lesquelles il peut être servi ». La partie théorique comprend des sujets de dissertation qui peuvent avoir trait à la viticulture, la vinification, le marketing, ou encore le business du vin. Les candidats ayant réussi ces deux épreuves font face à l’obstacle final : le mémoire de recherche. Une fois celui-ci validé, les candidats accèdent enfin au Graal : « maître du vin ».

Le club privé du vin

Décrocher cette distinction ce n’est pas seulement avoir le droit d’ajouter les initiales « MW » sur sa carte de visite. C’est avant tout faire partie d’un club privé très sélect, reconnu dans le monde viticole, qui ouvre de nombreuses portes. Comme l’explicite l’Institute of Masters of Wine sur son site internet, « le plus important est peut-être même de faire partie de l’institut. »

Etre « MW » permet avant tout de travailler dans toutes les sphères du vin et d’avoir un accès simplifié à une liste de contacts de haut niveau. « J’ai plus de facilité pour parler avec les plus grands viticulteurs et vignerons en étant MW, explique Elizabeth Gabay. Actuellement je suis en train d’écrire un livre, et je peux envoyer des e-mails aux gens, ils savent tout de suite que je suis sérieuse. Ça m’a ouvert beaucoup de porte. »

L’expertise des Masters of Wine est respectée et plébiscitée. Les appréciations décernées se transforment en « un code » que « toutes les personnes dans le monde du vin vont suivre  », raconte Elizabeth Gabay. Ils sont sollicités lors des salons spécialisés et privilégiés pour dispenser des master class, comme pour le salon ViniSud. Durant trois jour, ils seront huit à passer par le salon montpelliérain.

Etre vu comme l’élite du vin implique aussi des responsabilités que l’Institute of Masters of Wine fait respecter à la lettre. Une fois l’examen réussi, les nouveaux membres signent un code de conduite conséquent. Ils ont l’obligation de le respecter au risque de perdre leur titre. Ce code encourage les « MW » à être honnête dans leurs appréciations et dans les affaires qu’ils mènent dans le milieu du vin afin d’éviter tous scandales pour maintenir le niveau d’excellence de l’institut.

L’expertise du vin en transition

Mais les Masters of Wine ne sont pas les seuls à être influents dans le secteur viticole. Le célèbre guide de Robert Parker a fait trembler plus d’un vigneron, il n’est pourtant pas Master of Wine, ni même sommelier.

Aujourd’hui, des nouveaux « experts » fleurissent sur la toile. « Il y a beaucoup de bloggeurs maintenant, qui ne sont ni sommeliers, ni Masters of Wine, qui n’ont aucune distinction et qui donnent des notes partout, analyse Elizabeth Gabay. Ils ont une grande influence. Peut-être qu’ils sont plus appréciés par les vignerons car ils sont moins dans la critique. » Selon elle, il y a un climat général dans la société contre « les experts » qui favoriserait l’influence de ces amateurs de vin non professionnels. Même si « nous sommes dans une transition », cette Master of Wine estime que « le titre reste encore une référence malgré la concurrence ». Pas d’inquiétude à avoir pour les futurs titrés, les Masters of Wine règnent encore en maître sur le monde de l’expertise viticole.

Pic Saint-Loup, 50 ans de saga

Des années d’efforts et de combats pour obtenir trois lettres : AOC. Sophie Landreau, directrice du syndicat des vignerons du Pic Saint-Loup raconte la saga cinquantenaire de ce grand vin.

En septembre 2016, moins d’un mois après que les parcelles du Pic Saint-Loup aient été durement frappées par la grêle, l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) a émis un avis favorable au classement du terroir Pic Saint-Loup en Appellation d’Origine Contrôlée (AOC). Cette reconnaissance aura mis plus de 13 ans à aboutir. Sophie Landreau, directrice du syndicat de vignerons raconte.

Comment les vignerons ont accueilli le passage en AOC ?

Tout d’abord, c’est un travail qui se fait depuis 13 ans et repose sur l’historique, le savoir-faire et l’expérience de l’appellation. Avec l’épisode de grêle qui a ravagé les parcelles de vignes durant le mois d’août 2016, la reconnaissance du Pic Saint-Loup en AOC un mois après a particulièrement été symbolique pour les vignerons. Ils l’ont accueilli comme une belle récompense. Cette reconnaissance est à la fois pour les viticulteurs d’aujourd’hui mais aussi pour les anciennes générations qui ont façonné les vignes pour qu’elles existent aujourd’hui. Ce passage en AOC est l’aboutissement d’un travail de 50 ans vers la qualité. Aujourd’hui, nous avons la chance d’avoir des domaines transmis de génération en génération. D’autres sont donnés à de nouveaux venus mais toujours avec une logique de transmission de la part des anciens vignerons. La prochaine étape pour le syndicat est de faire reconnaître également ses vins blancs et d’aller encore plus loin dans la hiérarchisation des vins du Pic Saint-Loup.

Pourquoi le Pic Saint-Loup est une appellation historique ?

Jusqu’en septembre dernier, nous étions une dénomination « AOC Pic Saint-Loup Languedoc » avec le cahier des charges de l’AOC Languedoc. Dans les années 70, les vignerons ont fait le choix de se tourner vers la qualité plutôt que la quantité. Cela a mis du temps car la vigne est quelque chose qui évolue sur le long terme et les cépages mettent du temps à se développer. Ensuite, la hiérarchisation du Pic Saint-Loup dans les vins du Languedoc s’est faite dans les années 80. Une modification très importante du cahier des charges s’est établie durant les années 90. Cela avait pour but d’exprimer les spécificités des vins du Pic Saint-Loup. Nous pouvons dire que la saga du Pic Saint-Loup commence avec cette modification très forte et la volonté d’aller vers une appellation en nom propre. C’est le socle de l’histoire du Pic Saint-Loup.

Sachant que les vins du Pic Saint Loup sont reconnus par les amateurs et jouissent d’une forte notoriété, quel est l’intérêt, pour les vignerons, d’obtenir une reconnaissance en AOC ?

Ce qui nous importe, c’est de se protéger et de protéger le nom du Pic Saint Loup à l’échelle national et internationale. Vis-à-vis de la loi et de la protection des noms, nous étions très limités pour intervenir contre les personnes qui pouvaient utiliser l’appellation frauduleusement. Désormais, nous pourrons intervenir plus facilement et avec plus de légitimité. C’est l’intérêt majeur de la reconnaissance du Pic Saint-Loup. De plus, l’AOC est aussi une garantie pour le consommateur. Les acheteurs savent que derrière l’appellation, il y a un cahier des charges de production contraignant.

Quelles ont été les différentes étapes pour que le Pic Saint-Loup soit reconnu AOC ?

La première chose à savoir est qu’une reconnaissance AOC est très longue. En 2003, le syndicat du vignoble du Pic Saint-Loup a formulé une demande de reconnaissance AOC à l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO). Cette demande détaille toutes les spécificités du terroir et toute son histoire. L’Institut National prend en compte à la fois les caractéristiques géologiques, historiques, humaines et tout ce qui est lié au savoir-faire et à la conduite des vignobles. Lorsque l’INAO a répondu favorablement à la demande, une commission d’expert s’est réunie pour travailler, en premier lieu, sur l’aire géographique de l’appellation. Une fois le périmètre général approuvé, nous avons détaillé, avec des experts mandatés, la délimitation de chaque parcelle. Autrement dit, il y a eu une sélection de toutes les parcelles correspondant aux critères géologiques de l’appellation grâce à de nombreuses analyses de sol…
Aujourd’hui, nous avons encore des délais administratifs car l’appellation est soumise à la signature de plusieurs ministres. Ensuite, le décret paraîtra dans le Journal Officiel qui homologuera le cahier des charges. Nous retrouverons le sigle AOC sur les bouteilles du millésime 2017.

Bière-vin : à la fin personne ne trinque

On aurait les épicuriens raffinés et les bons vivants soiffards. Alors guerre fratricide ou complémentarité gustative ? Haut Courant a enquêté dans les bars à vin et bars à bière de Montpellier.

Et si c’était ça le grand remplacement ? La France « pays du vin », plus pour longtemps ! Ces dernières années, la France s’est vu disputer et parfois contester la première place d’exportateurs de vin par l’Espagne, la Chine, ou encore l’Italie. Pendant ce temps, l’engouement autour de la bière ne cesse d’augmenter. Fin 2015 il y avait plus de 800 brasseries artisanales, tandis que l’Annuaire des brasseries françaises en recensait moins de 300 pour sa première édition en 2008. Alors bars à vin et bars à bière, ennemis commerciaux ou passion commune ? À l’occasion de Vinisud et quelques mois avant le Salon de la bière artisanale à Montpellier en avril, nous sommes allés interroger quelques gérants de ces établissements.

« On vend aussi de la bière, il y a une mode, un engouement »

« Vinisud c’est quoi ? C’est pas qu’on ne s’intéresse pas au vin, c’est que ce n’est pas notre spécialité ». Au Berthom, le premier barman rencontré nous confie son ignorance sur le sujet sans pour autant manifester de désintérêt. Selon lui, sa clientèle est aussi bien amatrice de vin que de bière. Il propose même du vin sur sa carte. Tout comme le barman de La Barbote qui propose des vins rouges, blancs et rosés de la région. « Tout le monde n’aime pas la bière, notamment les femmes qui en général boivent plus de vin ».

Même son de cloche du côté des bars à vins. « On vend aussi de la bière, c’est vrai qu’il y a une mode, un engouement » confie le patron de L’Endroit, même s’il avoue que ce n’est pas ce qu’il préfère. Une attirance que l’on retrouve davantage au Vinarium : « je travaille aussi avec les micros brasseries, on retrouve aussi le même côté artisanal qu’on a dans le vin .» Pas de rivalité ? On se serait donc trompé ?

Une richesse gustative commune

« Non, quand on discute avec nos clients on se rend compte qu’ils ont leurs adresses pour le vin et leurs adresses pour la bière » assure Corentin, gérant du Berthom. Des établissements et des passions complémentaires? Il poursuit : « tout l’intérêt avec la bière c’est qu’elle se défait de sa mauvaise image de boisson de soif, et qu’on est, comme pour le vin, sur quelque chose de construit gustativement  ». Un même goût pour les bons produits donc. Au même titre qu’il existe des formations de sommelier, on voit se développer de plus en plus des formations de zythologues (l’équivalent pour la bière). Au Vinarium on confirme : « Plus je développe mon palais sur le vin, plus j’apprécie la bière.» Copains comme cochons on vous dit !

Refroidi par cette entente finalement cordiale entre les spécialistes de ces boissons, on en vient à chercher la petite bête. Corentin du Berthom nous aide : « Si on devait trouver une différence majeure, ce serait en terme de prix ! Ici une bière très haut de gamme va être à 10€ ce qui est cher mais beaucoup moins qu’un quart de litre de très très bon vin. » L’argument du portefeuille ! Assez maigre quand même pour en faire un clash artificiel : nous voilà résignés. « Tiens pour patienter ! » nous tend le patron de La Barbote. « C’est une bière blanche qu’on a brassé avec du gingembre et du thé vert  ». On peut donc vérifier par nous même cette richesse gustative. Ils offrent des verres aussi dans les bars à vins ?

Domaine du Mas Lou : les « amoureux du schiste »

Avec « Nouvelle Vague », le salon Vinisud ouvre ses portes aux exploitants de moins de cinq ans d’activité. Haut Courant est allé à la rencontre d’Adèle et Olivier, deux jeunes talents producteurs de Faugères. Bienvenue au Mas Lou !

Le Petit Béret : du culot plutôt que du goulot

Du « vin » sans alcool… On a testé ! Attention ça tache.

Erreur de la nature ou boisson futuriste, Le Petit Béret et sa production de boissons hybrides restent une énigme pour l’amateur de vin lambda. Une boisson sans alcool qui possède les goûts et les caractéristiques des vins du Sud ? L’idée mérite un essai ! N’ayant peur de rien, c’est donc en véritable testeur intrépide que votre serviteur (moi-même) s’est lancé dans la dégustation du (fabuleux ?) nectar. Arpentant les routes montpelliéraines aux heures de pointes, puis bravant les hordes de consommateurs dans l’immense Carrefour de Saint-Cément-de-Rivière, la bouteille tant convoitée est finalement apparue au rayon alcool du magasin. Jus de fruit parmi les vins français, la boisson est repérable par un petit encart bleu qui entoure les quelques bouteilles placées sur l’étagère de métal. « Vin sans alcool » peut on lire en blanc sur bleu. L’émotion passée, le rouge est en rupture de stock. Le signe du succès ? Toujours est-il qu’il faut se rabattre sur le blanc « profil » sauvignon à 4,99 euros.

Une allure de jus de pomme

Au premier coup d’œil, il n’y a pas de grande différence avec un vin classique. Le Petit Béret sait jouer avec l’aspect de ses produits et propose une bouteille en verre de taille égale à ses cousines alcoolisées. Seule différence, une capsule de métal vissée sur le goulot, remplace l’habituel bouchon de liège. Sur l’étiquette, un joli cliché français composé d’un béret noir sous lequel flotte une moustache, puis encore en dessous un marcel aux couleurs du drapeau tricolore rappelle que le public étranger est la cible première du produit. Sous le logo un encart imposant marqué d’un « 0.0% » blanc sur fond vert finit d’agrémenter la face avant. Sur l’étiquette arrière sont apposés un portait de Dominique Laporte (élu meilleur sommelier de France en 2004) ainsi que les ingrédients de la boisson. Pêle-mêle : de l’eau, du jus de raisin, mais aussi de la gomme arabique et d’autres arômes. Le liquide est quand à lui assez ressemblant à un vin blanc classique, malgré une couleur jaune plutôt épaisse qui lui donne des allures de jus de pomme. -436.jpg

Un premier coup de nez nous le confirme : trop sucrées, les vapeurs du Petit Béret fleurent plutôt celles d’un jus de fruit. Un peu comme si au lieu d’avoir débouché une bouteille on avait éventré un paquet de bonbon. En bouche, énorme surprise : très peu de corps et d’âpreté, qui sont pourtant les caractéristiques basiques d’un vin. Le Petit Béret, lui, propose plutôt un goût de sucre qui, en quelques secondes, sature les papilles. Très loin d’un sauvignon classique, on a l’étrange sensation de boire un jus de pommes coupé à l’eau. Un choc pour le coup ! Remontant du tréfonds du palais après quelques secondes, un arrière-goût, chimique celui-là, vient terminer cette dégustation sous le signe de l’incompréhension.

Ma conclusion sera donc sans appel. Malgré toute la bonne volonté du producteur, le vin reste une boisson inimitable. Que Le Petit Béret sélectionne son raisin exclusivement dans le Languedoc, qu’il possède le label Sud de France, que Dominique Laporte soit l’homme en charge des assemblages aromatique… tout cela n’y change rien, le vin reste le vin, et la boisson sans alcool proposée ne s’en approche absolument pas. Trop sucrée, trop proche d’un jus de fruit classique. Ce constat ne signe pas pour autant l’échec du Petit Béret dont l’objectif prioritaire est toucher les populations qui ne boivent pas d’alcool. Les consommateurs habituels de vin ne sont donc pas la priorité de l’entreprise. Produit marketing, Le Petit Béret peut sans doute à terme trouver le public qu’il vise. Mais, après ce test une réjouissante vérité persiste : la (vraie) gueule de bois a encore de beaux jours devant elle.

Quand le jus de raisin se prend pour du vin

Après la bière sans alcool, le vin sans alcool ? Non, plutôt une boisson à base de jus de raisin qui cherche à offrir les qualités gustatives du vin, sans contenir une goutte d’alcool. Explication avec Fathi Benni, président et cofondateur à Béziers du « Petit Béret », à propos de ce breuvage paradoxal.

La gueule de bois au rouge, bientôt un mauvais souvenir ? Pas avec « Le Petit Béret »… qui prétend vous éviter les grosses casquettes. Depuis 2016, l’entreprise produit une boisson à base de jus de raisin issue des vignobles du Languedoc possédant les caractéristiques gustatives des cépages locaux. Elle est garantie à 0.0 % d’alcool, sans fermentation et très peu calorique. Aucune similitude avec les vins classiques, mais aussi avec les vins désalcoolisés. Comme l’indique Fathi Benni, président de la société, « les vins désalcoolisés sont des vins traités pour retirer la plus grande partie de leur alcool, mais ils en contiennent malgré tout encore entre 0.3 et 0.9%. De plus la désalcoolisation fait perdre des goûts et des arômes. » Le Petit Béret n’est donc pas du vin. Mais cherche à se faire une place sur ce marché et joue sur ses ambivalences.

En 2011, les trois fondateurs créent l’entreprise avec l’objectif de permettre aux gens qui ne boivent pas d’alcool, par soucis de santé ou par raisons culturelles ou religieuses, de pouvoir siroter une boisson qui respecte les qualités du vin. « Aucun de nous trois ne buvons de l’alcool. Nous n’y connaissions rien. Pour commencer nous sommes donc allé voir l’institut coopératif du vin afin qu’il nous explique, bêtement, ce qu’est un vin » raconte Fathi Benni. Il leur a donc fallu comprendre les basiques qui composent un vin : l’astringence, l’onctuosité, l’acidité qui caractérise cet alcool, voilà la première phase du travail. Cinq ans de recherche et développement avec l’Inra (Institut national de la recherche agronomique) et le CTCPA (Centre technique de la conservation des produits agroalimentaires), financés à la fois par la région Occitanie ainsi que par les propres deniers des fondateurs seront nécessaires pour aboutir à la boisson.

Une technique gardée secrète

Spécialisée dans la transformation du jus de raisin, l’entreprise ne possède aucune parcelle de vignes et fait le choix des vignerons du Languedoc pour se fournir en matière première. « On n’est pas viticulteur » précise le co-fondateur. Un cahier des charges spécifique à la production est mis au point, notamment sur la sélection des cépages nécessaires au nectar. Objet de toutes les attentions, la teneur en polyphénols (les tanins naturels) contenu dans le raisin est à la base de la production du Petit Béret.

Le secret de fabrication reste lui précieusement gardé par Fathi qui indique sobrement que « c’est là tout notre savoir faire. On ne peut pas le dire sans rendre publiques nos connaissances. Pour produire, nous partons d’une base de jus de raisin et nous avons créé un procédé capable de rendre les qualités aromatiques très prononcées et l’astringence des vins, en évitant toute fermentation au fil du temps ».

Entre coup marketing et réel besoin pour la production, l’entreprise fait appelle en 2012 à Dominique Laporte (élu meilleur sommelier de France en 2004). Chargé des assemblages aromatiques, ce dernier crée les « profils », autrement dit les goûts, des différentes boissons proposées. Dans la gamme des produits Petit Béret se retrouvent un « rouge » syrah, un « blanc » sauvignon et un « rosé » grenache Cinsault. 2016 marque les débuts de la production pour l’entreprise qui obtient la même année le label Sud de France, habituellement délivré aux vins du Languedoc. Gage de qualité, cette labellisation paradoxale représente aussi un second gros coup de publicité. Repéré par la chaine d’hypermarchés Carrefour au cours du salon Vinisud, Le Petit Béret est depuis distribué dans plusieurs magasins de la région. Une forte visibilité pour l’entreprise, qui se paye le luxe de réussir à placer son produit parmi les rayons vins des magasins distributeurs.

« Notre priorité est l’exportation de nos produits à l’étranger »

Boisson « bien être » pour Fathi Benni, l’entreprise sait jouer avec les particularités de sa production, et n’hésite pas à sortir la carte de la philanthropie pour toucher le public le plus large possible. Moins sucré que les vins classiques (« 17.6 Kcal le verre, contre 70 Kcal dans un verre classique » assure l’étiquette du blanc Petit Béret) la boisson joue sur plusieurs registres pour assurer sa commercialisation. « Le vin est la cause de nombreuses maladies, mais aussi de beaucoup d’accidents qui peuvent être évités avec nos boissons. Retrouver le gout du vin sans en avoir les effets néfastes, c’est aussi ce que l’on cherche à faire. »

En tête de proue des marchés visés se retrouvent les pays du Moyen Orient ainsi que ceux du Maghreb, territoires où la consommation d’alcool est interdite et où souhaite s’imposer la société. Vient ensuite l’Asie, notamment la Malaisie, où la demande se fait forte et ne cesse de accroître. « Nous sommes un produit français, et les produits français sont gages de qualité à l’étranger, surtout dans le milieu du vin. En France aussi il existe une demande pour nos produits, car l’innovation intrigue les acheteurs. Mais notre priorité c’est avant tout l’exportation. » Présent au salon Vinisud, Le Petit Béret souhaite présenter ses produits à de nouveaux acheteurs, mais compte aussi sur cet évènement pour voir son produit sans alcool validé par l’aristocratie du verre à pied.

AOC, AOP, IGP… Glossaire des appellations du vin

AOC, AOP, IGP… Voici quelques-unes des appellations que le consommateur peut retrouver sur les étiquettes des bouteilles de vin mais que signifient-elles ? Sont-elles vraiment synonyme de qualité ? Présentation des différents sigles pour pouvoir les décrypter plus facilement.

Comme 55% des français, vous n’êtes pas connaisseur de vin et depuis deux heures, vous êtes dans les rayons infinis de vin dans un supermarché ? Vous n’y comprenez rien entre AOC/AOP, IGP et autres sigles/appellations ? Voici un glossaire pour s’y retrouver.

Le maquis des sigles.

L’appellation d’origine contrôlée (AOC) a été mise en place en France en 1935 pour lutter contre les fraudes et protéger le nom du vin. Depuis 1990, les AOC désignent l’ensemble des produits agricoles et alimentaires dont toutes les étapes de fabrication, de production et de transformation sont concentrées dans la même zone géographique. Concernant les vins, l’appellation, fixée par l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO), définit également les cépages autorisés et leurs proportions, les méthodes de culture et de taille des vignes, les rendements maximaux (en hectolitres par hectare), le degré d’alcool, les techniques de vinification et les durées d’élevage autorisées. L’appellation d’origine protégée (AOP), équivalent européen de l’AOC, a été établie en 1992 et appliqué aux vins en 2009.

Dénomination européenne, l’Indication Géographique Protégée (IGP) remplace, depuis 2009, son équivalent français : le vin de pays. L’IGP, appellation géographique dont le cahier des charges est moins restrictif que l’AOC, protège les vins dont au moins une des étapes de culture ou de vinification a eu lieu dans la zone géographique. Il existe trois types d’IGP : régionales, départementales et de petites zones.

Au dernier niveau, les Vins Sans Indication Géographique (VSIG) aussi appelés Vins de France (et anciennement nommé Vin de table), regroupent les vins dont l’origine géographique n’est pas spécifiée sur l’étiquette et qui sont définis via leurs cépages ou des noms de marque.

Quelle appellation choisir ?

En théorie, les vins de meilleure qualité seraient les AOC/AOP et ceux de moindre qualité seraient des VISG. Mais, selon l’association de consommateur UFC-Que Choisir, l’AOC est aujourd’hui « une appellation galvaudée ». Si le système des appellations est utile pour garantir aux consommateurs la protection de terroirs viticoles et le savoir-faire des vignerons, il est insuffisant pour juger de la qualité d’un vin. Qui reste avant tout une affaire de goût… Heureusement.

Cuvée littéraire : 3 romans, 3 nationalités, 3 regards

À l’occasion du salon Vinisud, Haut-Courant a sélectionné trois romans autour de la thématique du vin : Les Vignes de Sainte-Colombe du français Christian Singol, La Bodega de l’américain Noah Gordon et Un bon cru de l’anglais Peter Mayle. À lire sans modération !

Les trois romans choisis par Haut-Courant offrent un panorama de la vigne et du vin, du XIXe siècle à nos jours. Les Vignes de Sainte-Colombe (Éditions Albin Michel / Le livre de poche) s’intéresse aux conditions de vie des vignerons de l’époque tandis que La Bodega (Éditions Michel Lafon / J’ai lu) est davantage axé sur le travail de la terre et le lent processus de fabrication du vin. Pour finir, Un bon cru (Éditions Nil / Points) se focalise sur l’héritage des traditions et la relation que les contemporains entretiennent avec le vin.

Les vignes de Sainte- Colombe

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Auteur français très prolifique, Christian Signol porte haut les couleurs de la campagne et des valeurs paysannes. Paru en 1996 Les Vignes de Sainte-Colombe raconte les destins croisés de dizaines de vignerons sur un domaine viticole du Languedoc, de 1870 à 1918. Le second tome de la saga La Lumière des collines a été publié en 1997.

À la mort de Charles Barthélémie, son fils Léone reprend les rênes de l’immense propriété du Solail, au grand dam de sa sœur Charlotte. Autour d’eux, journaliers et régisseurs vivent au rythme des vendanges et des humeurs de leur maître. Tandis que Charlotte prépare son grand retour, le Solail sera tour à tour malmené par l’effondrement des cours, la révolte des vignerons, ainsi que par deux épidémies : le phylloxéra et le milidou. Impétueuse et passionnée, la jeune héroïne œuvrera sans relâche pour redonner au Solail sa splendeur passée…

Avec un style poétique propre à Christian Signol, Les Vignes de Sainte Colombe est un hymne à la campagne, aux senteurs de la garrigue et à la lumière du Midi. La force du roman réside dans la multiplicité et la richesse de destins croisés qui gravitent autour du Solail. Les personnages sont particulièrement développés ainsi que les relations qu’ils entretiennent les uns avec les autres mais également, avec les vignes.

Plus qu’un roman sur le vin, Les Vignes de Sainte Colombe s’intéresse aux conditions de vie et de travail des hommes de vignes. Sur un fond historique, le lecteur découvre l’organisation et la hiérarchie d’une importante exploitation viticole et les menaces qui pèsent sur les récoltes de l’époque.

« (…) le Solail se mourrait de sa grandeur : les vignes étaient tellement étendues qu’on n’arrivait pas à gagner le fléau de vitesse, et elles mourraient les unes après les autres. Aussi, malgré les suspicions qui frappait les cépages américains (le phylloxéra avait été introduit en France par des importations d’outre-Atlantique), Léonce, poussé par Cyprien, s’était enfin résolu à arracher ses vignes et à replanter des porte-greffes américains (…). Mais la décision était une chose, et le spectacle de l’arrachage en était une autre. Jamais Léonce n’avait ressenti à ce point combien ces ceps semblaient ancrés dans son corps et combien le vin, le sang de la terre, était semblable à son propre sang. Il venait de découvrir qu’il pouvait souffrir de ses vignes comme de son corps. Elles étaient mortellement blessées, lui aussi. » (Christian Signol, Les Vignes de Sainte-Colombe, Le livre de poche, édition 23 – mars 2016, p 129).

La Bodega

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Noah Gordon est un auteur américain. La Bodega, paru en 2008 nous emmène au cœur de l’Espagne du XIXe siècle et des guerres carlistes.

Conscient qu’il n’héritera jamais de la bodega familiale, Joseph Alvarez cherche un sens à sa vie. Déserteur, il se réfugie en Languedoc et trouve un travail dans un grand domaine viticole. Pendant quatre ans, le catalan renoue avec sa passion de la terre et apprend les secrets de la vigne et du bon vin auprès de son bienfaiteur, Luis Mendès. À la mort de son père, il rentre au pays et découvre que son frère aîné souhaite vendre la bodega dont il vient d’hériter. Commence alors une nouvelle vie pour Joseph. Il rachète le modeste domaine et ambitionne de transformer le moût destiné au vinaigre en un véritable vin de table…

La Bodega propose une histoire simple et touchante qui décevra sans doute les amateurs de sensations fortes. À l’image d’une longue vie de labeur, l’intrigue s’étire lentement et calmement. Avec son roman, Noah Gordon invite le lecteur à revenir aux sources et à se reconnecter avec la nature. La Bodega est avant tout un récit de vie : celui d’un modeste viticulteur qui souhaite aller au bout de ses rêves. Aux côtés de Joseph, le lecteur vit au rythme lent de la terre et des gestes qui se répètent de jour en jour, d’année en année. Il partage les déboires du jeune vigneron et se réjouit avec lui de l’avancée des récoltes. Les liens qu’entretiennent les personnages sont à l’image du reste du roman : simples et sans artifices.

La vigne et le vin occupent une place centrale dans l’intrigue. Le lecteur assiste de manière quasi-instantanée à l’ascension de Joseph et à la transformation de son vignoble. Malgré quelques longueurs et une tension dramatique relativement faible, La Bodega est un livre réussi qui fleure bon la terre et le raisin. Les descriptions sont riches et initient le lecteur aux secrets de la vigne et à la fabrication du vin.

« Joseph cédait à la nervosité. Tous ses revenus futurs reposaient désormais entre les mains de la nature. Autrement dit, il devait attendre que s’accomplisse le mystérieux processus au cours duquel le jus de la treille se transforme en vin. L’accompagnement de cette métamorphose exigeait de sa part travail et surveillance. Dans le moût, tout ce qui n’était pas jus – les peaux, les grains, les tiges, les débris – tendait à remonter à la surface, à flotter sur le liquide et à sécher rapidement. Toutes les trois ou quatre heures, Joseph vidangeait par le robinet une partie du jus. Puis il dressait une échelle contre la citerne et il déversait le jus dans le moût. À l’aide d’un râteau, il repoussait la croûte vers le fond et la mélangeait au corps liquide. Il répétait l’opération plusieurs fois par jour et se relevait même la nuit pour aller la refaire dans le noir, comme on accomplit un rituel entre veille et sommeil. » (Noah Gordon, La Bodega, J’ai Lu, édition 2011, p 308).

Un bon cru

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Un bon cru, paru en 2005, est le neuvième roman de l’anglais Peter Mayle. Amoureux de la Provence et de ses vignes à perte de vue, l’auteur est installé dans la région depuis plus de 30 ans.

Le héros du roman, un londonien prénommé Max Skinner, hérite d’un vignoble provençal. Ancien employé de la finance, Max opère un virage à 180 degrés lorsqu’il choisit de s’installer en France pour exploiter les terres de son nouveau domaine. Sur place, l’anglais devra cependant faire face à une déconvenue de taille : la cuvée que produit son vignoble est à peine buvable. Bien décidé à améliorer la qualité de son cru, Max fait alors appel aux services d’un œnologue et découvre que son domaine est le théâtre d’une énorme arnaque…

Un bon cru est un ouvrage qui se lit facilement. L’écriture est fluide et les personnages attachants. La particularité du roman réside dans l’humour, mis en avant par la vision que le protagoniste anglais et – plus généralement l’auteur – porte sur la France et les coutumes autochtones. Le roman est serti de petits clichés qui font sourire car force est de reconnaître qu’ils tombent souvent justes. Le lecteur retrouve l’ambiance d’un village de campagne provençal et les incontournables qui font le charme de la région : chaleur, partie de pétanque, pastis, nourriture abondante et bien entendu dégustation de vin.

La thématique du vin constitue la trame principale du roman et une terre prospère pour l’ironie de Peter Mayle. L’auteur décrit la fierté que les Français portent à leur cépage et les codes quasi-institutionnels liés à la dégustation du vin. Il pointe avec humour certaines bizarreries, comme lorsqu’il dépeint un cours d’initiation à l’œnologie qui rappellera sans doute un moment partagé par bon nombre de lecteurs. Ce moment où, assis à une table de restaurant, on exécute les gestes d’usage sous les yeux inquisiteurs du sommelier en tentant vainement de cacher qu’on ne sait pas très bien ce que l’on fait pour finalement lâcher un « Très bien » mal assuré.

«  » Maintenant, vous faites tourner le vin dans le verre pour l’aérer – il doit respirer.  » Tous imitèrent de leur mieux ses petits mouvements circulaires de la main pour animer un liquide imaginaire dans un récipient vide. Ils commençaient à se sentir légèrement ridicules, ils n’étaient pourtant pas au bout de leurs peines.
Il approchèrent leur verre vide de la flamme des bougies pour mieux apprécier les subtilités imaginaires de la couleur de leur vin imaginaire. Ils penchèrent le nez au dessus d’un verre vide pour en humer le bouquet imaginaire. Ils burent une gorgée imaginaire qu’ils recrachèrent aussitôt ». (Peter Mayle, Un bon cru, Points, édition 2014, p 37).

Bien qu’il ne constitue pas un chef d’œuvre de littérature, Un bon cru a le mérite de faire passer un bon moment, sans prise de tête et distrayant. Le point de vue apporté par le protagoniste anglais donne une dimension amusante et original au roman. Toutefois, la résolution de l’intrigue devient rapidement évidente et les caricatures, relativement faciles.

« Au fur et à mesure des bouteilles, les descriptions devenaient de plus en plus bizarres : il était question de truffe, de jacinthe, de foin et de cuir mouillé, de tweed humide, de belette, de ventre de lapin, de vieux tapis, de chaussettes hors d’âge. La musique à son tour fit une brève apparition avec un vin dont on comparait l’arrière-goût aux dernières notes de la Deuxième Symphonie de Rachmaninov (l’adagio). Chose étonnante, il ne fut jamais question de raisin, sans doute en raison de ses origines trop peu exotiques pour mériter une place dans le lexique de l’amateur de vin. » (Peter Mayle, Un bon cru, Points, édition 2014, p 38).

Pour poursuivre la lecture : Château-l’arnaque, autre roman de Peter Mayle paru en 2008, place également le vin au cœur de son intrigue.

Un bon cru a été adapté au cinéma en 2006 par  Ridley Scott sous le titre Une grande année. Le film met en scène Russell Crowe dans le rôle de Max ainsi que l’actrice Marion Cotillard.

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Pic Saint-Loup : une cuvée de vignerons solidaires

En août 2016, les vignerons du Pic Saint-Loup ont été fortement impactés par un orage de grêle. Une catastrophe qui a vu naître une cuvée solidaire en soutien aux vignerons sinistrés : « Languedoc Solidarité Grêle ». Un élan de solidarité jamais vu jusqu’ici.

17 août 2016, un orage de grêle dévaste plus de 600 hectares de vignes et impacte fortement le Pic Saint-Loup. 22 vignerons sur un total de 150 exploitations voient leur récolte anéantie à au moins 80%. Finalement, près de 40% de la production totale des viticulteurs du Pic Saint-Loup est détruite dans l’arrière-pays montpelliérain. Un élan de solidarité jusque là inédit se met en place après la catastrophe : « Après cet événement, des vignerons aux alentours dans l’Hérault ont appelé le syndicat pour donner quelque chose : des raisins, du vin… » explique Jean-Philippe Granier, Directeur de l’AOC Languedoc. L’idée d’une cuvée solidaire a alors émergé, entraînant la collaboration de nombreux acteurs : « Tout le monde a participé à différents niveaux en fournissant les bouteilles, bouchons, étiquettes, capsules ou encore des cartons. » Et pour le vin ? C’est la cave de Cabrières qui a été sélectionnée parmi les sept présentées. « On a voulu être solidaire donc on a fait de gros efforts au niveau logistique pour fournir une belle cuvée », déclare Bernard Dross, directeur de la cave qui n’avait « jamais vu une opération d’une telle ampleur au niveau syndical ».

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Au final, près de 12 000 bouteilles sont mises en vente au prix de 10 euros dont 6 iront au syndicat AOC Languedoc et seront ensuite reversés. Depuis début novembre, il y a pour le moment « autour de 5000 bouteilles vendues » selon Jean-Philippe Granier. Des vignerons ainsi que des écoles de sommelier ont acheté le vin en solidarité. Le particulier « peut venir directement à la maison des vins du Languedoc ou acheter sur internet » . L’argent récolté servira à « payer l’accès à différents salons pour les plus sinistrés » dont celui de Vinisud ou un stand représente un investissement de 2000 euros environ. D’autres opérations de promotion seront également financées par la cagnotte pour les domaines les plus touchés.

Cependant, plusieurs d’entre eux ont indiqué ne pas connaître les modalités de redistribution de l’argent récolté et attendent d’avoir plus de détails. Les choses devraient s’éclaircir une fois la vente de la cuvée terminée…

Soirée de présentation de la cuvée solidaire au restaurant « Trinque Fougasse »

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Étienne Davodeau : « Même si « Les Ignorants » est terminé, l’expérience continue »

Auteur de bandes dessinées, Étienne Davodeau s’est immergé pendant un an chez le vigneron Richard Leroy. Dans ce domaine de l’Anjou, il a appris le métier de son ami et lui a fait découvrir la bande dessinée. « Les Ignorants » est le récit de cette rencontre. Rééditée 15 fois depuis sa publication il y a 6 ans, cette bande dessinée est un phénomène de librairie. Retour sur cette « initiation croisée » avec Étienne Davodeau.

Sorti en 2011, vendu à 200 000 exemplaires, Les Ignorants est toujours un succès de librairie. Comment l’expliquer ?

C’est compliqué après coup d’expliquer le succès d’un livre. Quand j’en ai eu l’idée, c’était quelque chose d’expérimental. J’ai mis en place un cadre pour cette expérience, c’était de raconter cet échange en temps réel avec beaucoup d’improvisation. J’ai été très surpris par la façon dont les gens s’en sont emparés. Je pense qu’ils aiment le côté optimiste, mais aussi le postulat qui est la vertu de l’ignorance, et donc de la découverte.

Il n’y a quasiment aucune mention de l’année et de l’actualité dans le livre. On sait qu’on se trouve en 2010 et à quelle saison de l’année, mais ce n’est pas important pour le récit. Est-ce que c’est une volonté délibérée pour donner un aspect intemporel à l’histoire ?

Absolument. Dans cette expérience, le cadre est ma relation avec Richard Leroy et son travail. Ce qui est hors cadre a été défini avec Richard : il n’y a pas de mention d’argent, de sa famille ni d’actualité parce que ce n’est pas le sujet. La question du livre, c’est pourquoi et pour qui on fait du vin ou de la BD.

« Tout est subjectif dans le vin », comme dans la BD.

Le sous-titre du livre dit « récit d’une initiation croisée », mais le vin occupe plus de pages que la BD. Est-ce un choix délibéré ?

Bien sûr, dans le récit, on voit plus la vigne car c’est ce que je voulais raconter et dessiner. C’est plus intéressant graphiquement qu’un type qui dessine sur sa planche. Mais je ne crois pas que le vin prime sur la BD, car ce livre est déjà une bande dessinée. On y voit même l’éditeur, la fabrication de l’ouvrage, ce qui est assez rare. Et c’est ça l’expérience, c’est une bande dessinée qui parle de vin et de bande dessinée, une méta-BD en quelque sorte. Ce livre se situe dans ce que j’ai envie de faire et la direction où je veux voir la BD aller, notamment l’improvisation. Une bande dessinée c’est souvent un processus complexe, où il faut écrire un scénario, etc. Là, j’ai pu aller voir mon éditeur, lui présenter simplement mon idée des initiations croisées et lui dire que je n’ai pas la moindre idée de ce que je vais raconter, puisque ça ne s’est pas encore passé. L’improvisation a été très importante.

« Je n’étais plus auteur de bandes dessinées, j’étais ouvrier agricole. »

Est-ce que vous faisiez des croquis sur place, ou dessiniez-vous d’après photos ?

Quand j’étais avec Richard Leroy, j’étais ouvrier agricole, je n’étais plus auteur de bandes dessinées. Je faisais mes 8h de travail donc je ne dessinais pas. Je travaillais et je discutais avec lui, sur son travail, sur les BD que je l’ai forcé à lire. J’avais un appareil photo dans ma poche si besoin, pour pallier ma mémoire, mais je ne dessinais quasiment jamais sur place. Je dessinais dans mon atelier le soir. Ce livre m’a pris presque deux ans.

Pourquoi ce choix du noir et blanc ?

Ce livre est en lavis parce que j’aime bien le travailler, mais aussi parce que c’est plus rapide. La mise en couleurs prend très longtemps en BD. Je supposais dès le début qu’il allait avoir une pagination importante [219 pages, ndlr]. Si j’avais dû le mettre en couleurs, ça m’aurait pris un an de plus.

« Richard Leroy était curieux car ignorant. »

Dans le vin, la couleur est importante. Ce choix est-il une occasion manquée de dessiner et raconter cet aspect du vin ?

La couleur m’a manqué à quelques moments, notamment pour la couleur des vins. Il y a aussi eu des moments d’orage au-dessus de la vigne où il y avait de très belles couleurs qui m’ont causé un petit regret. Mais j’ai fait un choix de départ, et je m’y suis tenu.

La couverture aurait pu être en couleur.

J’ai préféré m’en tenir au choix du lavis. Puisque le livre est en noir et blanc, je préfère que la couverture ne laisse pas penser autre chose. C’est un choix que je fais en tant que lecteur et en tant qu’auteur.

Dans le livre, Richard Leroy s’exclame : « Tout est subjectif dans le vin ». On pourrait dire la même chose de la BD.

Bien sur. Ce livre est autant un éloge de la perception que de la finesse, du travail de vigneron. J’ai été très étonné des compétences, de l’analyse et de la science nécessaires pour faire ce vin. Tout en sachant que tout ça sera finalement confronté à la subjectivité de celui qui va le goûter. Le vin pourrait être simplement du jus de raisin fermenté qu’on vend pour gagner sa vie. J’ai voulu mettre en scène la complexité qui vient avant ce moment. Avec Richard, quand une bande dessinée lui plaisait particulièrement, j’ai voulu qu’il rencontre l’auteur pour chercher la personne derrière l’objet, pour lui donner chair. Il était curieux car ignorant. Ce livre a permis de se rencontrer, de poser des questions et de se raconter.

« La question du livre, c’est pourquoi et pour qui on fait du vin ou de la BD. »

« Le travail de vigneron a des points communs avec celui d’auteur de bandes dessinées. »

Ce livre est aussi l’histoire d’une rencontre, dont la BD et le vin sont de bons prétextes.

Oui, à l’origine de l’idée, j’entendais Richard parler de rapports avec les marchands, de sa conception du travail de vigneron et j’ai eu l’impression qu’il y avait des points communs avec la BD. Je me suis dit que ce serait intéressant de voir nos deux conceptions du métier.

À la fin des Ignorants, une liste regroupe les vins goûtés et les bandes dessinées citées. Est-ce qu’on vous parle toujours de cette liste ?

Pour les vins, c’est compliqué car certains sont chers ou difficiles à trouver. Heureusement les BD n’ont pas trop ce problème. Des gens me disent encore qu’ils s’en servent comme recommandation de lecture. Je l’ai même vue affichée par des libraires. C’est une bonne façon de poursuivre la lecture.

Plusieurs années après, Richard Leroy lit toujours ?

Il lit toujours des bandes dessinées, et il en achète. Je continue à lui en prêter et on continue à boire du vin. Même si le livre est terminé, l’expérience continue.