There is (no) an alternative

Par le 24 octobre 2011

Le 15 et 16 octobre avait lieu le forum national sur les médias indépendants à l’Hôtel de région de Montpellier. L’occasion pour les nombreux intervenants issus majoritairement de la presse alternative de livrer leurs analyses et leurs perspectives.

« There is no alternative » ce slogan célèbre et tristement actuel n’a pas semblé trouver grâce aux yeux des quelques 200 participants venus au forum des médias indépendants et alternatifs le week end dernier.
CQFD, Fakir, Médiapart ou encore le monde diplomatique et Acrimed étaient ainsi rassemblés autour d’une dizaine de « tables rondes ». L’occasion pour les intervenants et le public de débattre de l’actualité de cette « autre presse » construite en opposition aux médias « main stream ».

C’est que la critique des mass médias et de la connivence a fait du chemin depuis « Les nouveaux chiens de gardes » de Serge Halimi écrit en 1997 et considéré comme un pilier du genre. Souvent taxée de presse pour étudiants gauchistes, cloisonnée à une critique obscurantiste, la réalité est apparue beaucoup plus complexe lors des discussions. Si la plupart des acteurs du milieu admettent que le genre n’est pas vierge de contradictions, l’événement a été l’occasion de démentir bon nombre de clichés. Le forum a montré une autre facette de cette presse, souvent consciente de ses faiblesses et avide de nouvelles perspectives.

Indépendant? Alternatif? et après?!

C’est d’abord en ce qui concerne la nature même de la presse indépendante et alternative que les débats se sont révélés féconds. Comme l’a fait remarqué Christophe Geugneau intervenant du forum et journaliste à Médiapart: « quant Edwy Plenel [[Directeur et fondateur de Médiapart]] et François Bonnet [[Directeur éditorial co-fondateur de Médiapart]] ont créé Médiapart, ils n’avaient pas l’idée de faire un média alternatif, ils voulaient juste faire leur métier avec déontologie ». Il a également souligné que si ces titres étaient qualifiés d’alternatifs, c’est parce que la presse dites « traditionnelle » ne remplissait plus ses fonctions auprès de la population et péchait d’un manque d’ indépendance. En témoigne le nombre d’affaires d’intérêt public que Médiapart (titre indépendant pourtant récent) a imposé dans la sphère publique ces dernières années.

S’en est suivi une réflexion sur le rôle de cette presse à laquelle il est souvent reproché d’être refermée sur elle même. La réponse la plus pertinente sur la question a probablement été délivrée par Nicolas Sené journaliste à Fakir. Selon lui, les médias alternatifs ne doivent pas être une alternative à la presse dominante mais partir à sa reconquête et s’imposer comme presse de référence.

Les limites de la critique

Tout mouvement qui fait de la critique son matériau principal a fortiori certains titres de la presse indépendante et alternative courent le risque de ne se cantonner qu’à ce rôle. La question est centrale et a été au centre de nombreux débats. Il a été intéressant de constater la conscience aiguë de cette impasse parmi les différents acteurs présents. Soucieux de redorer l’image terne d’une presse qui, lorsqu’elle se cantonne à critiquer, donne une vision parfois étriquée de la réalité. Mettant en avant le danger de marginalisation et de fuite du lectorat qui en sont les conséquences logiques. C’est ce qu’a bien résumé Philippe Gagnebet «  rédac-chef » du magazine Toulousain « friture »:
 « notre but, ce n’est pas de rester dans les milieux alternatifs gauchistes avec les copains mais d’être lu, d’être vu et de toucher un public large ».
« On est passé de « ferme ta gueule » à « cause toujours ». Pierre Carles
(citation originellement attribuée à Coluche)

Ces préoccupations quant à la qualité du contenu semblent par ailleurs avoir été précipitées en réaction à la naissance d’un « marché de la contestation ». Comme l’a expliqué Mathias Raymond d’Acrimed[[ Observatoire critique des médias]]: « on a réalisé que le libéralisme était en mesure de tout récupérer, notamment la critique des médias qui constitue un marché ». Prenant pour exemple le groupe Lagardère qui par le biais de Fayard a fait publier plusieurs ouvrages du penseur anti-libéral Noam Chomsky. L’idée étant que, dans les régimes totalitaires la presse contestataire était bâillonnée tandis que le libéralisme, au contraire, la laisse s’exprimer tout en la récupérant.

La mutation de la contestation comme mode de consommation a donc créé un électrochoc qui est apparu salvateur pour l’avenir de cette presse. En effet, il a dès lors a été admis par certains qu’il fallait créer une qualité suffisante pour conserver et élargir le cercle des lecteurs.

Vers une « ouverture » sans compromission idéologique: Le web comme perspective encourageante.

Malgré leur proximité, les intervenants du forum représentaient des types de presse indépendante et alternative très différents, tant sur le plan économique qu’idéologique. Beaucoup se sont cependant accordés à dire qu’internet était une chance inouïe. Une chance d’abord, en ce qui concerne l’impact territorial et les lecteurs. Comme l’a souligné Mathias Raymond d’acrimed, la multiplicité des supports permet de toucher différents type de lecteurs appréciant le même contenu. Le web permet également aux sites payant d’éliminer les problèmes de distribution et les contraintes territoriales.

Pour une presse qui tire la majorité de ses revenus de la vente au numéro, la visibilité rendue possible n’est pas négligeable. La plupart des titres présents avaient ainsi majoritairement adoptés un système mixte web/papier, preuve de la volonté des alternatifs à s’ouvrir à un public large. Les individus présents à l’événement, loin des idées reçues était d’ailleurs loin de n’être que de vieux anars. Il y avait aussi des étudiants, archéologues, cinéastes, militants, précaires, quelques journalistes intéréssé/es et quelques curieux. Parmi eux, des jeunes et moins jeunes mais aussi quelques personnes âgées.

L’autre gros avantage d’internet a été de pouvoir mettre en pratique les revendications au cœur du fonctionnement des rédactions. En proposant par exemple une collaboration avec les lecteurs sur une partie du site. En créant un statut de scop (« Société coopérative et participative ») qui exclu la spéculation, redistribue le rôle de chacun au sein de la rédaction dans une logique démocratique et mutualise les recettes en les répartissant de façon équitable. Ou encore, en garantissant l’indépendance vis à vis des pouvoirs publics grâce aux économies de coûts réalisées grâce au web.

L’autre enjeu de taille pour ces canards serait bien évidemment d’élargir suffisamment le lectorat pour pouvoir payer un minimum les journalistes dont l’immense majorité écrit bénévolement. Enfin, le net permet de décloisonner ces médias, de les faire partager et se rencontrer même si d’après un journaliste d’Article 11 [[Article XI est un site d’infos alternatives qui a depuis peu sa version papier]]. la démarche est encore trop peu répandue: « On a tendance à rester chacun dans notre coin, à ne pas se tenir au courant des initiatives des uns et des autres et finalement à oublier que nous sommes les tenants d’une lutte sociale. »

Les enjeux et les problématiques liés à une presse libre et indépendante sont éminemment complexes et ce forum a eu le mérite de poser les bases d’une réflexion fertile en créant la rencontre. Si certains étaient dubitatifs quant à l’avenir de cette presse en arrivant, beaucoup d’interventions ont prouvé que cette « autre » presse apparaissait aujourd’hui comme une nécessité aux yeux du plus grand nombre.

Pour aller plus loin:

Article 11: http://www.article11.info/spip/index.php

Fakir: http://www.fakirpresse.info/

Médiapart: http://www.mediapart.fr/

Friture: http://www.frituremag.info/

César: http://journalcesar.canalblog.com/

CQFD: http://www.cequilfautdetruire.org/

Le monde diplomatique: http://www.monde-diplomatique.fr/

Acrimed: http://www.acrimed.org/

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à propos de l'auteur

Auteur : Florian Cornu

« Je croirais vraiment à la liberté de la presse quand un journaliste pourra écrire ce qu'il pense vraiment de son journal. Dans son journal! » [Guy Bedos] Voilà ma première motivation, une presse libre et indépendante! Peut-être cliché mais assurément sincère! Né à Lille le 1er Février 1988 (non je n'aime pas particulièrement Bienvenue chez les chti!) j'ai obtenu un bac Littéraire spécialité Musique avant de partir pour Montpellier. Passionné par la Littérature et le Chinois j'ai obtenu une double licence dans les deux domaines. L'étude de ces disciplines a fait naître en moi un intérêt profond pour la Géopolitique mais aussi pour toute les réalités quotidiennes du terrain, du bas dl'échelle, de la mouise! Le journalisme pour moi est tout sauf un objet déconnecté de la réalité de ceux qu'il doit servir: les lecteurs! Les voyages que j'ai effectué n'ont fait que renforcer cette envie de décrire ce qui se passe ici et ailleurs, sur le terrain ou dans la tête. C'est pour mieux comprendre le monde qui nous entoure que j'ai poursuivi mes études en Science-politique. Les sujets qui m'intéressent sont nombreux: politique, Chine et Asie-orientale, mouvements sociaux et expériences démocratiques mais aussi Musique et son.