Maurice Duval est un universitaire engagé, « j’accepte les compromis sans accepter les compromissions » précise-t-il dès les premières minutes de l’entretien.
Après avoir travaillé sur les Gurunsi au Burkina Faso, cet ethnologue a suscité débats, polémiques et controverses lors de la sortie de son ouvrage intitulé Un ethnologue au Mandarom. Enquête à l’intérieur d’une secte (Paris, PUF, 2002), résultat de 4 ans de recherches et d’infiltration au sein de la communauté.
Durant un entretien réalisé à Montpellier, Maurice Duval développe sa pensée qui met en perspective, analyse et critique le traitement carcéral « du malaise social de notre société ». Il évoque une « fracture entre les dominés et les dominants avec entre les deux, les agents de l’Etat ». L’une des conséquences de cette division est « l’accroissement des inégalités que l’on retrouve notamment dans les domaines de l’éducation, de la santé ou du travail ».
« Les dominés recherchent une reconnaissance sociale dans le matériel puisqu’ils n’ont rien d’autre »
Selon l’ethnologue, si les « dominants » jouissent d’une position sociale confortable qui leurs apporte reconnaissance et respect au sein de la société, à l’inverse « les dominés recherchent une reconnaissance sociale dans le matériel puisqu’ils n’ont rien d’autre ». L’universitaire prend pour exemple les banlieues « qu’il convient de nommer: zones socialement défavorisées ». La disparition du parti communiste et plus largement la dépolitisation de ces quartiers n’a pas été sans conséquence. « Le PC canalisait autant les espoirs que la colère. Il proposait des objectifs et des moyens de lutte. Aujourd’hui la pauvreté comme la révolte sont encore là, mais les banlieues ne sont plus rouges. ». Et pour Maurice Duval c’est là que le bat blesse. « On assiste davantage à une criminalisation de la pauvreté qu’à une prise en charge globale du malaise sociale que la société traverse. ». L’ethnologue poursuit, « le traitement carcéral produit les effets inverses à ceux souhaités, les prisons sont productrices d’effets pervers. ».
« Un détenu en prison coûte six fois moins cher qu’un malade dans un hôpital psychiatrique »
Les établissements pénitentiaires entraînent chez les détenus une importante consommation de drogues « afin de tenter d’oublier la situation dans laquelle ils se trouvent » mais aussi, le développement « d’une anxiété et d’une haine vis-à-vis des institutions de l’Etat » explique Maurice Duval. Pour le chercheur, l’incarcération des malades psychiatriques est une autre illustration de l’absurdité et de l’inutilité des prisons. « Un détenu en prison coûte six fois moins cher qu’un malade dans un hôpital psychiatrique » avance l’universitaire, qui poursuit, « cela reflète d’une part l’abandon des aides sociales et psychologiques au profit d’un traitement, pénal, mais aussi une normalisation de la société. ».
« Le FN n’est pas passé, mais ses idées sont passées »
Maurice Duval fait alors référence aux thèses sociobiologiques de l’extrême droite aux Etats-Unis. « Ce courant de pensée s’oppose au déterminisme social, les individus sont par exemple délinquants ou Président par essence, ils naissent pour le devenir ». L’ethnologue marque un temps d’arrêt dans le développement de sa pensée puis énonce une dernière phrase, lentement, comme une mise en garde, « le Front national n’est pas passé, mais ses idées sont passées ».
Prisons : en attendant la mort.
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