Watchmen, aux sombres héros de l’amer

Par le 4 mars 2009

Le roman graphique était culte. Son adaptation sur grand écran, entre prouesses esthétiques et mise en scène magistrale, frole le chef d’oeuvre.

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Un 1985 alternatif. Les Etats-Unis et l’URSS sont bien en pleine Guerre froide, mais Nixon est président. L’horloge de l’Apocalypse, allégorie de la tension entre les deux blocs, indique minuit moins cinq. A minuit, le monde entrera dans une guerre nucléaire. Au milieu de ce chaos politique et humain, des héros, usés, qui ont décroché, fatigués d’un monde lâche, sale et empli de noirceur. Quand l’un des leurs est assassiné, Rorschach, sorte de vengeur masqué taché, part enquêter. Un seul mot d’ordre : la vengeance.

Mélancoliques, violents ou dépressifs, les Watchmen sont avant tout des êtres humains. Ils sont le revers de l’Amérique des Spider-Man et Clark Kent, les rejetons de Gotham City et de Batman. En dehors du Dr Manhattan, ils ne possèdent pas de super-pouvoirs. Leur force est leur idéal, leurs faiblesses un coeur et une âme. Fils d’alcooliques, de prostituées ou de tueurs, ils protègent les humains de leurs vices, qu’ils connaissent, qu’ils comprennent, auxquels ils luttent au quotidien. Watchmen – Les Gardiens, se regarde comme un portrait au vitriol de l’Amérique de la Guerre froide, de ses institutions, de la violence et de la politique. Il montre des héros faibles, imparfaits, sans compassion, mais non sans raison.

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« Si, au final, Watchmen est considéré comme une bande-annonce de 2h30 pour le livre, ce sera ma plus belle récompense ». Chaque plan, chaque dialogue, chaque personnage de Zack Snyder, est un hommage direct au roman graphique d’Alan Moore et de Dave Gibbons. Comme sur 300, le réalisateur américain transpose un mimétisme parfait de la bulle à l’écran. Snyder nous offre du cinéma graphique avec un talent et une mise en scène d’une grâce ravageuse. Si sur 300, Snyder exposait une esthétique innovante et superbe, entre cinéma et BD, quitte à en oublier au passage la dynamique ou l’histoire, il gomme tout ses vices avec les Watchmen. L’esthétique sert directement l’histoire, et la mise en scène ne s’essouffle que par (rares) moments. Une lenteur qui n’est objectivement que le principal défaut du film. Mais comme dans toute peinture, il faut du temps pour décanter l’oeuvre, pour s’émerveiller. Parfois nerveux, lent, lyrique ou accrocheur, Watchmen reste éperdument d’une beauté parfaite.

Car Watchmen regorge de pépites cinématographiques. Le générique sur Bob Dylan est fabuleux, tout comme le reste de la bande-son (Sound of Silence de Simon and Garfunkel, Hallelujah de Léonard Cohen, mais aussi Janis Joplin, Jimi Hendrix, Billie Holliday…), de vieux tubes de rock placés avec une justesse remarquable. On n’oubliera pas également le clin d’oeil à Coppola avec La Chevauchée des Walkyries sur la guerre du Vietnam. Le flash-back sur l’ancienne vie du Dr Manhattan est peut être l’un des passages les plus réussis du film, entre émotion, pureté ou simple scène d’anthologie. Watchmen ne se contente donc pas d’être un bel objet, il fascine, transporte et hypnotise.
Dans la lignée de The Dark Knight, Watchmen est un film de super-héros pour adulte et par la même occasion, l’un des deux meilleurs films du genre de l’histoire du cinéma.

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à propos de l'auteur

Auteur : Mathieu Martiniere

Basé à Lyon, indépendant depuis 2011, Mathieu Martiniere travaille sur des enquêtes et des reportages au long cours pour des médias français ou européens, comme Mediapart, Slate, La Cité, Libé, La Tribune de Genève ou RFI. Il est le cofondateur en 2014 de We Report, un collectif international de journalistes indépendants, qui réalise des enquêtes long format et multimédia. Prix : Bourse Netzwerk Recherche 2015 de la fédération allemande des journalistes d’investigation, avec Robert Schmidt, pour son travail sur l’industrie du tabac. Prix international DevReporter 2015, avec Alberto Campi et Daphné Gastaldi, pour des reportages sur les Roms en Roumanie et Slovaquie. Contact : mathieu[@]wereport.fr // Twitter : @Mat_Marty