Un roman fleuve, trois ans après le Goncourt
Août 2005. L’ouragan Katrina s’abat sur la Louisiane, la mer reprend la Nouvelle-Orléans. Quand les digues cèdent sur le lac Ponchartrain et que les quartiers modestes sont engloutis, Zola Jackson, institutrice à la retraite, refuse d’évacuer sa maison. Puisque l’eau continue de monter, elle se réfugie au grenier avec sa chienne Lady, compagne de fortune de ces heures tourmentées. Prisonnière d’un passé qui la submerge, Zola va communier avec ceux qui, quelques années auparavant, l’ont quittée. Au beau milieu des eaux putrides et de la chaleur ambiante, cette mère rongée par les remords se laisse divaguer à une douloureuse confession : «Il n’y a pas de temps à perdre. On n’a le droit qu’à un tour. Un tour, et c’est fini.»
Après l’enivrant Alabama Song, Gilles Leroy brosse à nouveau le portrait d’une femme au précipice de son existence.
Interview
Haut Courant : Quand avez-vous commencé la rédaction de ce nouveau roman ?
Gilles Leroy : A vrai dire, on passe par plusieurs étapes avant d’écrire. L’histoire de cette mère endeuillée, qui a déjà connu l’ouragan Betsy quelques décennies auparavant, m’est venue peu à peu. Je voulais décrire cette femme seule dans une bicoque, après le passage de Katrina.
Haut Courant : Comme dans votre précédent roman Alabama Song, c’est une héroïne qui porte le récit. Vous trouvez les femmes plus courageuses que les hommes ?
Gilles Leroy : Je pense que les femmes sont plus combatives alors que les hommes sont capables d’exploits ponctuels. Mes les éléments de comparaison s’arrêtent ici. Dans Alabama Song, Zelda Fitzgerald était une riche blanche, évoluant dans la vie mondaine avant de chuter. Au contraire, Zola Jackson est noire, elle vit en Louisiane, a dû se battre dès la naissance pour exister et a déjà vécu de véritables épreuves comme la perte de son enfant. Au fil de l’histoire, Zola va opérer une véritable ascension. On peut voir un parallèle avec la Vierge, qui a perdu son fils.
Haut Courant : Vous semblez être fasciné par le sud américain. D’où cela vient-il ?
Gilles Leroy : Ma fascination pour le Southern américain est ivresque et littéraire. Je l’ai découvert dans les romans de Faulkner, de Carson McCullers ou de Dos Pasos. Au départ c’est une histoire de livres.
Haut Courant : Vous n’avez pas toujours été écrivain. Que faisiez-vous auparavant ?
Gilles Leroy : J’ai été professeur deux ans dans un lycée privé, mais ce n’était pas du tout ma vocation. J’ai également été journaliste pendant huit ans. J’ai eu la chance d’avoir vingt ans à une époque où ce n’était pas compliqué d’avoir du travail. On achetait le Monde, on répondait aux annonces et on avait du travail. Quand on savait écrire, on avait vite fait d’être journaliste. En fait, j’ai effectué de multiples boulots avant de publier mon premier roman, à vingt huit ans.
Haut Courant : Dans les « Les Maîtres du monde » vous traitiez de votre passage en Khâgne. Que pensez-vous du débat visant la suppression des classes préparatoires?
Gilles Leroy : Honnêtement, j’ai appris énormément en deux ans. J’ai plus appris en Hypokhâgne et en Khâgne que toutes les autres années de ma scolarité. Après cela, tout semble facile. Il est vrai qu’en « prépa », on reproduit une élite sociale. Dans la mienne, nous n’étions que deux d’origines modestes et dont les parents n’avaient pas le BAC. Néanmoins, je ne suis pas sûr qu’une société n’ait pas besoin d’élites. Les universités et les classes préparatoires sont complémentaires.
Haut Courant : Quelques jours après la sortie de votre nouveau roman, Haïti a été ravagé par un séisme. Vous éprouvez le même sentiment qu’au moment de l’ouragan Katrina ?
Gilles Leroy : Ce qui se passe actuellement, en terme humain, c’est encore plus grave que Katrina. En tant que romancier, c’était intéressant de décrire des quartiers de la Nouvelle Orléans sinistrés et abandonnés par l’Administration Bush. Ces citoyens américains ont attendu les secours des jours durant avant d’être envoyés aux quatre coins du pays : 200 000 personnes ont été relogées dans des États dont ils ne connaissent rien et ne sont jamais revenus chez eux.
Bibliographie:
1987 : Habibi (Michel de Maule)
1990 : Maman est morte (Michel de Maule)
1991 : Les Derniers seront les premiers (Mercure de France)
1992 : Madame X (Mercure de France)
1994 : Les Jardins publics (Mercure de France)
1996 : Les Maîtres du monde (Mercure de France)
1998 : Machines à sous (Mercure de France)
2000 : Soleil noir (Mercure de France)
2002 : L’Amant russe (Mercure de France)
2004 : Grandir (Mercure de France)
2005 : Champsecret (Mercure de France)
2007 : Alabama song (Mercure de France)
2010 : Zola Jackson (Mercure de France)
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