François Hollande vient de revenir sur son projet de réforme du système fiscal, notamment par l’abandon de la mesure phare de cette réforme : la fusion entre la Contribution Sociale Généralisée (CSG) et l’Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques (IRPP). A la place, le candidat propose une modification du quotient familial, un procédé nataliste datant de l’après-guerre. Ambitieux. Les français ont peut-être plus d’attentes vis-à-vis du candidat dont le slogan officiel semble être arrêté : « Le changement c’est maintenant. »
Pourtant, le système fiscal français fêtera son centenaire dans deux ans. Il est légitime de s’interroger sur son efficacité actuelle, et il se trouve qu’au fil des ans, sa complexité en a amplifié les caractéristiques profondément injustes. En effet, l’économie a bien changé depuis un siècle, une réforme adaptée à la société française du XXIe siècle est logiquement la bienvenue.
D’abord, le creusement des inégalités, amorcé dans les années 80 et accéléré sous les présidences Chirac et Sarkozy, pose un vrai problème. L’impôt sur les revenus du capital est très largement inférieur à celui qui s’applique aux revenus du travail. En clair, cette situation pérennise le fossé entre classes sociales : il est aisé pour les plus riches de s’enrichir encore plus et pour les classes moyennes de se paupériser, elles qui portent à bout de bras l’effort fiscal de la Nation.
« Le graphique montre la part des revenus du travail déclarés à l’impôt sur le revenu (CSG et IRPP), la part des revenus du capital déclarés à la CSG et la part des revenus du capital déclarés au régime progressif de l’IRPP de 2005 a 2010. Pour chacune de ces parts, le numérateur est estimé avec les donnes fiscales et le dénominateur est estimé avec les données de comptabilité nationale. La part déclarée est plus faible à cause de l’évasion fiscale et surtout parce qu’une grande partie des revenus du capital n’est pas assujettie à la CSG ou à l’IRPP barème. » C. Landais, T. Piketty & E. Saez, Pour une révolution fiscale
Un impôt régressif
Le système fiscal français comporte deux impôts sur le revenu. L’IRPP est au départ de nature progressive. Plus on a de revenus, plus on paye (de 5,5% à 41%). Au contraire, la CSG est un impôt fixe à 8%, elle donc de nature régressive. Pourtant, quand on additionne les deux, on arrive à un impôt sur le revenu qui augmente jusqu’aux classes moyennes aisées, puis qui s’écroule quand il s’agit de taxer les plus riches. Aujourd’hui, l’IRPP atteint peu les hauts revenus du travail et les revenus du capital (intérêts, dividendes, plus-values, loyers), grâce à de multiples exemptions, règles dérogatoires et niches fiscales indues. Au résultat, l’IRPP, dont le principe progressif est miné, rapporte deux fois moins que la CSG. L’addition des deux donne un impôt sur le revenu clairement régressif.
Ces deux graphiques sont tirés du site révolution-fiscale.fr, complément de l’ouvrage des économistes Camille Landais, Thomas Piketty et Emmanuel Saez. Ils explicitent l’injustice qui régit le système fiscal français. Alors que les classes les plus pauvres, les classes moyennes, même aisées (95% de la population), voient partir entre 40 et 50% de leurs revenus dans leur impôt (la méthode de calcul comprend tout ce qui est redistribué), les plus fortunés du pays peuvent voir leur contribution baisser jusqu’à 32%. Sans parler de la fraude fiscale par évasion qui semble être une pratique courante parmi nos élites (cf les récentes affaires Bettencourt et Takieddine).
On retrouve la même inégalité de traitement entre PME et grands groupes industriels, mais c’est un autre sujet. La substitution du quotient familial (qui est un crédit d’impôt) par une allocation fixe par enfant permettrait d’en faire bénéficier les ménages trop pauvres pour payer des impôts. Mais le système fiscal français est globalement bien trop illisible pour que cette mesure ait une répercussion importante. Il faut parfois faire preuve d’un minimum de courage pour appliquer des valeurs fondamentales telles que la justice et l’égalité devant l’État. Comme le disait Adam Smith, considéré pourtant comme un des fondateurs du capitalisme : « Les sujets d’un État doivent contribuer au soutien du gouvernement, chacun le plus possible en proportion de ses facultés, c’est-à-dire en proportion du revenu dont il jouit sous la protection de l’État ».
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