Comment décririez-vous la situation actuelle de Port Marianne ?
André Jonot : En fait, on subit les contrecoups d’un quartier neuf. Je suis à Montpellier depuis 10 ans et ici, avant, il y avait des peupliers de vignes. Aujourd’hui, l’objectif est d’attirer 40 000 habitants. Le quartier est encore en construction. L’architecte pond quelque chose mais il faut le faire vivre. Malgré des problèmes de développement il y a quelque chose qui fait que l’on vient habiter à Montpellier. Maintenant cela va vite. Je ne me rappelle pas avoir connu ce quartier sans bruit.
Marc Rayna : L’objectif de notre comité de quartier est de vivre dans un secteur. Port Marianne s’est développé avec l’université à Richter, puis avec les grands projets : le bassin et le port, qui ne verra finalement pas le jour. Il y a une scission entre Port-Marianne Nord et Port Marianne Sud. Le grand axe qui va vers la mer établit un Rubicon entre les deux quartiers. Le problème est de faire quartier.
De nombreux commerces s’installent avant de mettre la clé sous la porte. Quelles sont les raisons de cet échec à attirer durablement les commerçants ?
MR : Il y a un turn-over énorme pour plusieurs raisons. Il y a d’abord l’aménageur, la Société d’équipement de la région montpelliéraine (SERM), qui a décidé qu’il n’y aurait que des restaurants, ce qui provoque un surnombre des restaurants. Ensuite, on a parlé de Port Marianne comme la vitrine de Montpellier, ce qui a entrainé les promoteurs à pratiquer des tarifs prohibitifs. Enfin, les commerçants se retrouvent avec une clientèle qui se raréfie du fait de la baisse du pouvoir d’achat. Tout ça cumulé, cela explique ce turnover des commerçants.
AJ : Il y a une nécessité de réagir pour ne pas se retrouver dans la mouise et créer des contacts. C’est en créant des contacts entre les habitants que l’on fait un quartier d’avenir. Par exemple, sans le comité de quartier il n’y aurait pas eu d’école.
MR : Les commerces bouches souffrent également de l’inexistence de possibilités de stationnement. C’est facile de construire un quartier mais c’est plus dur de le faire vivre.
Comment expliquez-vous cette absence de places de parkings ?
AJ : Pour nous, l’urbaniste a choisi ses propres critères. Et, du coup, on ne peut pas s’arrêter dans le quartier. On construit des parkings aériens et souterrains à la Mantilla mais dans la tête des gens, se garer en souterrains ou en aérien est contraignant. Ce n’est pas adapté au manque de place pour se garer le soir.
MR : Il y a un autre parking à côté de la nouvelle mairie mais ce parking est tout le temps vide. Il est mal indiqué et est de l’autre côté du Lez. Cela crée une vraie frontière. La population a des besoins. A Montpellier, on implante de la population mais on ne lui donne pas ce dont elle a vraiment besoin.
« Se préoccuper de donner des lieux de vie »
L’urbanisation du quartier n’est–elle pas trop rapide ?
André Jonot : Elle est rampante. Tout le monde est surpris. Nous, on veut être intégrés à ceux qui font ce quartier. On veut montrer qu’on y amène de la vie. Aujourd’hui on réfléchit à ne pas faire que cela. Il reste à se préoccuper de donner des lieux de vie. Il y a d’immenses chantiers en train de se faire. Le problème est : comment relier ces chantiers ? On est entouré de nouveaux centres d’intérêts.
Marc Rayna : Ce qu’on a aussi du mal à admettre c’est que certains aménagements sont tardifs comme les places de parkings.
Quelles sont vos relations avec la mairie et la SERM ?
MR : On essaye de garder des contacts. On assiste à la présentation des grands chantiers mais on n’a pas les moyens de tout bousculer.
AJ : On a le sentiment d’être oubliés. A chaque fois il faut qu’on les rappelle pour qu’un problème soit pris en compte. On sent qu’il y a un besoin de créer de nouveaux quartiers. Moi, ce qui m’interpelle c’est que l’on entend pas parler boulot. Cela voudrait dire qu’il n’y a que des retraités qui viennent. En fait, on connaît mal les gens qui vivent ici. Il n’y a sûrement pas que des riches. Notre comité de quartier n’est pas un comité de défense. Il faut essayer d’avoir un contact régulier avec l’aménageur. Mais on a du mal à faire changer les choses.
MR : Par exemple il y a un point sensible : les Roms et les SDF. Sur notre secteur il y a des problèmes. Il y a 10 ans on les voyait surtout sur la Comédie. Ils se sont décentralisés sur les nouveaux quartiers.
« Derrière la façade quelle est la vie ? »
Quelles sont les solutions que vous défendez au sein de vos comités respectifs ?
MR : Notre principal objectif est d’améliorer le vivre ensemble au sein de Port Marianne. Ce quartier est en construction. Il y a eu des choix. Nous n’avons pas de locaux ou d’espaces pour nous rassembler. Quand on réclame des jeux d’enfants on se fait engueuler. Derrière la façade quelle est la vie ? Nous ne sommes pas que des tiroirs caisses qui louons ou vendons des appartements. Nous voulons créer une cohésion entre les habitants.
AJ : Le quartier reste comme partout. Il y a des problèmes à résoudre. Nous on est des citoyens, pas autre chose. Après, le problème de la cohésion c’est passionnant pour ceux qui ont envie de s’écouter.
Justement il semble qu’il y ait des tensions au sein du quartier, notamment, sur la question du Fise…
MR : Ah oui. Il y a une partie des habitants qui veulent faire du quartier un endroit seigneurial. Mais sans aucune animation, on enlève la vie. Pourtant les jeunes c’est la vie. Moi je prends l’exemple des quartiers de riches aux Etats-Unis, renfermés sur eux-mêmes. Une partie du quartier va dans ce sens. Heureusement, la mairie a imposé 30 % de logements sociaux donc le quartier vit.
AJ : Une association a le droit de se dénommer comme elle veut. Cette association avec qui on a des contacts s’appelle « Bien Vivre Le Bassin Jacques Cœur ». Or, ils se considèrent comme une association de défense. Au contraire notre but est d’apprendre à savoir s’accepter pour faire un bout de chemin ensemble. Dans un quartier neuf on pense que cela amène quelque chose.
Vous parliez de l’absence d’espace public pour se rassembler. Serait-ce une des solutions pour rapprocher les habitants du quartier ?
AJ : Bien sûr. C’est complètement idiot de faire quelques centaines de mètres sans avoir des endroits pour se fixer, se rencontrer. Sans mixité on fait du quartier une forteresse. Ici, souvent on se dit : mince, qui vit là-dedans ?
MR : On a eu une époque où des bandes essayaient de s’implanter, on a eu des dealers et puis ça s’est calmé. On a eu une migration non souhaitée avec l’ouverture du Carrefour. Il a créé de la vie mais a aussi entrainé des effets pervers.
Les travaux d’aménagements du bassin vont démarrer le 17 février. Qu’attendez-vous de ces aménagements ?
AJ : Déjà, on a été entendu par les pouvoirs publics. On a eu un maire [Georges Frêche, Ndlr] qui voulait faire un port et un casino. La vie a montré que cela n’est pas si simple. Au moins on n’a pas bouché ce lieu par un immeuble. On va aménager le bassin avec du naturel et de l’artificiel avec des lieux privilégiés pour les cyclistes et les piétons. Cela a été pris en compte. Par contre, le comité de quartier a été obligé de faire une pétition pour avoir l’éclairage public autour du bassin.
MR : Pour l’aménagement du bassin on est resté sur un aménagement de quartier. On a demandé l’implantation de jeux d’enfants. Cela a été une bagarre de chiffonnier. Là, on a arrêté quelque chose. On a été obligé de démontrer l’intelligence du projet. D’ailleurs, dans les plans, il est prévu que le wakeboard reste sur le bassin.
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