Fraudeurs & contrôleurs : attrape-moi si tu peux !

Par le 12 mars 2014

A Montpellier, le réseau de tramway bénéficie d’une équipe de contrôleurs
omniprésente. Les fraudeurs qui tentent encore de les déjouer doivent faire
preuve d’imagination et d’organisation.

Parcourir les quelques mètres qui séparent la Gare Saint Roch de la place de la Comédie sans payer son billet à 1,40€? Sur le réseau de Transport de l’agglomération de Montpellier (TaM), il est préférable de traîner sa valise : les opérations de contrôle s’effectuent en permanence et sur toutes les lignes, à tel point que l’on pourrait soupçonner un don d’ubiquité chez les employés de la Tam. Les quatre lignes de tramways, les hirondelles de Garouste, les fleurs de Bonetti, le monstre marin ou le soleil languedocien de Christian Lacroix, serpentent l’agglomération de part en part : un gage d’originalité hérité de l’ère Frêche. Une façade « cool » qui ne trompe plus les montpelliérains.

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Pléthores de stratégies mais gare à la riposte

Être fraudeur est un art, ça ne s’improvise pas. Mathieu, étudiant en licence d’histoire de l’art, raconte ses débuts, en attendant son tramway à l’arrêt Albert Ier : « Quand je suis arrivé de Pau, il y a un an, je prenais le tram comme le bus, un ticket de temps en temps. Au bout de deux amendes en une semaine à l’arrêt Boutonnet en allant à la fac, j’ai compris et j’ai pris un abonnement mensuel. » Si cet étudiant a bien compris la leçon, d’autres voyageurs, à l’image de Julien, cariste, évoquent leurs stratégies : « C’est simple, je me mets à l’avant de la rame, comme ça je les vois de loin, j’ai toujours un billet non validé dans ma sacoche, quand je les vois : je valide et je range mon billet.» Pourtant les contrôleurs connaissent bien cette technique. Il rétorque, sûr de lui : « Il faut être discret, je ne prends jamais d’amende. Et au prix du ticket et vu ma paye, je ne veux pas mettre de l’argent là-dedans.» La validation à vue est pourtant passible d’une amende de 38€, ce qui ne semble pas arrêter ce jeune montpelliérain. Ainsi, la dissuasion pécuniaire ne semble pas contrer un argumentaire bien répandu : « Je suis monté à l’arrêt précédent j’ai pas eu le temps de valider mon titre.» La TaM contre attaque, en mettant en place des bornes de validation à quai en novembre 2012, comme le confirme Marie-Christine Dumur, chargée de la communication à la TaM « Nous avons fait le choix d’équiper les principales stations, les personnes âgées et handicapées en sont satisfaites. Mais effectivement c’est aussi un dispositif pour lutter contre la fraude au maximum ». Néanmoins, Agnès, étudiante en droit, raconte : « La semaine dernière, le tram’ était bondé, j’ai pas réussi à valider mon billet, je suis montée à la Comédie, le contrôleur m’a répondu qu’il y avait une borne extérieure maintenant. Alors la tranquillité… » Un cran au dessus, il y a Kevin : un serial fraudeur. Il a 18 ans, en alternance pour valider son BP coiffure, et une méthode bien à lui : « J’ai toujours une pochette sur moi, avec un faux CV, il y a ma photo, mais j’ai changé mon identité et mon adresse, j’ai mis celle de mon pire ennemi de 4ème » il rigole, et ajoute « J’ai aussi une lettre de motivation, quand il y a des contrôleurs, je dis que je n’ai pas mes papiers, j’ai pleins d’exemplaires. Ca marche à touts les coups ! » Légalement, c’est un délit de faux et usages de faux et une usurpation d’identité punit de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende : ce qui ne semble pas inquiéter ce jeune sétois.

Sur Facebook : un groupe de fraudeurs collaboratifs

Le groupe «Info contrôleurs Montpellier », communauté de plus de 25 000 membres, permet de signaler où se trouvent les contrôleurs dans tout le réseau de l’agglomération. De leurs smartphones, les voyageurs indiquent l’arrêt de tram, la quantité de contrôleurs, si il y a la police avec eux ou non : ces quelques indications permettent aux fraudeurs de circuler en toute tranquillité. Vincent, graphiste de 32 ans, évoque : « Depuis que cette application existe, je ne paye plus
un seul billet inutile. Mais l’été, par exemple il y a beaucoup moins d’informations, les
étudiants étant en vacances. Et je trouve que le groupe fonctionne moins bien depuis quelques temps : les contrôleurs ne restent plus à quai. »
En effet, pour endiguer ce phénomène, les contrôleurs sont davantage dispatchés dans les rames en petits groupes, la mobilité leur permettant de moins se faire tracer par les internautes. Marie-Christine Dumur confirme : « En effet, nous avons eu connaissance de ce groupe, mais on ne peut pas parler de riposte, notre objectif est de lutter au maximum contre les fraudeurs. Pour nous, peu importe, puisque les fraudeurs en question descendent ou valident après avoir connaissance de la présence de nos équipes de contrôle : si ils descendent on est contents ! » Si ces différents exemples de fraudeurs comprennent les risques qu’ils prennent d’autres se rendent fraudeurs involontairement. C’est le cas d’Aïssa, 25 ans, qui s’est retrouvée en infraction sur la ligne 1, sans même en avoir conscience : « J’emmène ma mère âgée de 75 ans, à la clinique du Millénaire trois fois par semaine, je paye donc deux allers-retours, pour nous deux, car je dois après revenir la chercher. Le billet étant valable 1 heure, je peux logiquement retourner en ville avec mon ticket, et quand je retourne 2 heures plus tard je valide mon retour. Mardi dernier, les contrôleurs rentrent dans le tram, je présente mon ticket, et le contrôleur me demande de descendre : je suis en infraction. Je lui explique, mais il ne veux rien entendre : un vrai robot. Les voyageurs autours me défendent mais il menace de les faire descendre pour leurs mettre une amende à eux aussi… » marquée par cette expérience, elle ajoute : « je tremblais de partout, comme une gamine prise en faute. Il me regardait avec mépris, j’avais la sensation d’être une merde, qu’il me haïssait. » La jeune femme était en infraction mais elle apportait des preuves de sa bonne foi et circulait avec un titre en cours de validité. Madame Dumur rétorque : « il faut se mettre à la place des contrôleurs, toute la journée on leurs raconte des histoires, le cas de cette jeune fille est peut être différent, mais si son titre n’est pas valide elle est en infraction. Donc, ils verbalisent, ils font du bon travail ». Les équipes de contrôle restent intransigeantes dans ce cas, pourtant quand les enjeux sont plus importants, ils peuvent faire preuve d’empathie. Comme le raconte ce nigérian qui a préféré témoigner anonymement : « j’ai été contrôlé ce dimanche, je n’avais pas de ticket et je leur ai fait savoir que j’ai aucun papier sur moi. Il me dit alors qu’il va appeler la police, il ne l’a pas fait, j’ai donc donné une fausse identité, adresse et signature ». La démarche de cet agent lui accorde le bénéfice du doute : n’a-t-il pas contacté la police au cas où ce jeune homme soit sans-papiers ou simplement pour faciliter la verbalisation ? Marie Christine Dumur explique : « Le contrôleur demande une pièce d’identité, et si la personne n’a n’en a pas sur elle, il dresse un procès verbal. Si elle paye tout de suite, il n’appellera pas la police. Les contrôleurs appellent la police seulement dans des cas d’agressivité ou de menaces pas pour vérifier l’identité de qui que ce soit». De son côté, Kevin, le serial fraudeur, conclut : « De toute façon, si, je me fais prendre, je trouverai autre chose : c’est nous qui avons un coup d’avance ».

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à propos de l'auteur

Auteur : Iris Conte

Entre hésitation et détermination, le journalisme fut longtemps une sensibilité inavouée plus qu’un choix délibéré et assumé. Mais, j’ai finalement choisi le domaine qui m’anime, celui qui participe le plus à mon épanouissement intellectuel, idéologique et culturel : le journalisme. Une première expérience « initiatique » à la Gazette de Nîmes m’a permis d’observer, de comprendre la mécanique (organisation, rythme de travail) de la profession. Puis, l’expérience rédactionnelle à l’Hérault du jour dans le cadre de mon Master 1 a confirmé ce choix. Entourée par une équipe de journalistes, j’ai pu grâce à leurs confiances, comprendre que mon projet d’écrire pour informer était une ambition réalisable et à force de travail, de recherche, et d’application j’en avais les capacités. La curiosité encore et toujours, m’a mené vers la station de France Bleu Hérault où durant deux mois, j’ai pu découvrir et expérimenter le métier de journaliste radio. De loin, car j’étais pour ma part à la programmation. J’intègre en septembre 2013 un Master II « Métier du journalisme ». Virgule, la suite.