L’Inde compte 260 millions d’enfants de moins de 14 ans, dont 118 millions vivant dans la pauvreté et 163 millions qui n’ont pas accès à l’eau potable. L’éducation est obligatoire et gratuite jusqu’à 16 ans. Malgré cela, les familles pauvres envoient leurs enfants travailler dès l’âge de 8 ans et même plus tôt. D’après Ajit Sarkar, né en Inde et désormais chargé de recherche à l’INSEP ( Institut National du Sport et de l’Education Physique) en France, « l’éducation physique et le sport sont écartés. Dans de nombreuses écoles indiennes, il n’y a pas d’espace, de terrain, de matériel, donc on ne fait pas de sport ».
La rue comme terrain de jeu
Le terrain de jeu de la plupart des gamins, c’est donc la rue. Familles violentes, bandes belliqueuses ou entreprises sans scrupules sont le lot quotidien de ces enfants qui bien souvent s’enfuient de chez eux dès l’âge de cinq ans. Dans la rue, ils sont livrés à eux-mêmes et doivent se battre pour vivre, ou plutôt survivre. Dehors, c’est la jungle, alors « les foyers d’Ashalayam et de Futre Hope, où ils grandissent désormais, les aident à se reconstruire à travers l’école, les loisirs et le sport ». 750 enfants vivent dans ces deux foyers, 250 pratiquent le rugby chaque semaine. Paul Walsh, responsable anglais de l’association Future Hope s’explique. « On leur enseigne sur le terrain ce que l’on ne peut pas leur transmettre en classe. La confiance, par exemple, ça ne s’apprend pas sur un banc d’école ! »
Le rugby ou l’espoir d’une vie meilleure
L’objectif des éducateurs est d’inculquer à ces enfants des valeurs saines à travers le rugby et tenter de leur faire oublier un passé meurtri. Sur les trottoirs, la règle du chacun pour soi est en vigueur. Le tabac et les solvants qu’ils sniffent à travers un bout de tissu sont les meilleurs amis pour couper la faim et oublier le danger. Sur le terrain, ils apprennent la solidarité, l’entraide, le dialogue et l’estime de soi. Bholanath, l’un des joueurs les plus âgé de l’équipe d’Ashalayam apprécie ces principes nouveaux. « On se soutient tout le temps sur le terrain, dès que l’un de nous est bloqué par un adversaire, on l’aide à libérer le ballon ». Au coup de sifflet final, ces jeunes refont le match, revenant sur les belles actions, les essais marqués… Autant de petites victoires sur la rue, qui ne les a pas épargné.
Voler de ses propres ailes
Avec le rugby les sentiments de colère et d’amertume ont laissé place à la fierté et l’honneur. C’est également une sortie de secours vers des lendemains faits de promesses et d’espoirs. Deux jeunes d’Ashalayam ont été sélectionnés dans l’équipe nationale des moins de 19 ans. Pankoj, capitaine de l’équipe de la ville, a eu la chance, en compagnie de dix autres camarades d’Ashalayam, d’effectuer une tournée en France, durant la Coupe du Monde, pour jouer contre des jeunes tricolores. « Ca fait du bien de voir d’autres endroits que Calcutta »
Evidemment, tous les enfants de Calcutta ne pourront pas s’expatrier. Néanmoins, le sport leur permet de se fixer des objectifs, chose impensable dans la rue. A travers la vie dans les foyers, on les habitue à voler de leurs propres ailes. Le mot d’ordre est la responsabilité. Les enfants se chargent à tour de rôle de la cuisine, du ménage et des animations. Sur le terrain, ils s’occupent des équipements, des plus jeunes et parfois des entrainements. L’objectif de ces ONG est qu’à plus ou moins long terme, les plus vieux gèrent de façon autonome les foyers. Bref, c’est une école de la vie.
Les propos recueillis sur place (Paul Walsh et les enfants) sont issus du numéro 95 de Midi Olympique Magazine (07/01/2008), pour un reportage d’Helena Tagnier