En 1911, à l’âge de soixante et onze ans, soit six ans avant sa mort, Auguste Rodin publie son Testament dans l’Art. Œuvre d’art à part entière, le legs littéraire du peintre et sculpteur Rodin constitue un véritable patrimoine esthétique et philosophique, souvent méconnu du public. Ces recommandations à la postérité recueillies par Paul Gsell dans L’Art, sont le résultat de l’imposante expérience de l’artiste. Eloge de l’art en tant que sentiment, qui « ne commence qu’avec la vérité intérieure », le texte d’Auguste Rodin fait l’apologie de la vérité assimilée à la beauté. « Ne pensez jamais en surface, mais en relief !», conseille l’artiste aux générations futures. L’admonition esthétique pratique découle du postulat théorique selon lequel : « toute vie surgit d’un centre, puis elle germe et s’épanouit du dedans au dehors ». La sagesse de l’artiste embaume le dithyrambe d’une auréole de poésie.
Exhortation au travail et à la persévérance –le peintre échoua trois fois au concours d’entrée des Beaux-Arts-, le Testament invite à l’admiration des anciens comme Michel-Ange, dont Rodin découvrit l’œuvre au cours d’un voyage à Florence en 1876. Mais pas question de sombrer dans l’imitation et le conformisme. Le sculpteur veut faire partager son respect pour « l’amour de la Nature et la sincérité », qui sont « éternellement féconds ». Le Baiser en marbre de Rodin représente subtilement la nature charnelle de l’homme. La lumière qui émane de la promiscuité des amants est une « fenêtre ouverte sur la vie », qui traduit des sentiments en s’adressant à l’âme. L’âme, la même qui semble matérialisée dans le Penseur, réalisé par l’artiste en 1881.
Rodin avertit les créateurs en herbe : « le vrai art se moque de l’art ». Il accepte les critiques justes et ne redoute pas les critiques injustes. Ne perdant pas son temps à nouer des relations politiques, l’homme sincère : « exprime toujours ce qu’il pense au risque de bousculer tous les préjugés établis ». Message d’espoir et confession d’un homme de foi, le Testament d’Auguste Rodin met en lumière les impératifs d’amour et de vérité, revêtant ainsi un caractère éternel et universel.