Alors que 79 % des Français seraient favorables à la prolongation de l’état d’urgence, d’autres ont profité de ce samedi 30 janvier pour manifester leur mécontentement face à cette mesure gouvernementale. En cause, les dérives sécuritaires, l’abandon des libertés et de l’état de droit, la déchéance de nationalité, la constitutionalisation de l’état d’urgence et une séparation des pouvoirs bafouée selon eux.
C’est aux alentours de 13h30, sous un beau soleil hivernal, qu’au Petit Bard – un quartier populaire de Montpellier – se sont rassemblés des centaines d’individus pour démarrer ce premier cortège. Les sourires sont présents, les gens se connaissent. Il y a des militants de divers partis de la gauche radicale et de l’extrême gauche. Mais aussi des citoyens venus de tous horizons. Armés de drapeaux, de banderoles, de pancartes ou de mégaphones, les manifestants ont rejoint le centre-ville et le deuxième rassemblement organisé par les différents syndicats (CGT, ATTAC, PCF, PG, UNEF).
Ces personnes qui disent non
Dans la foule, les ressentis et les craintes s’entremêlent. Les mesures gouvernementales sont jugées « dangereuses et inadaptées ».
Antoine – qui sécurise le cortège – confie de manière désabusée : « La genèse de cette manifestation vient d’une réunion publique qui a eu lieu en décembre pour parler des dérives de l’état d’urgence. On est terrassé. Il y a un recul de la démocratie et aucune voix ne s’exprime. On n’a pas le droit de se taire. Actuellement il n’y a pas de débat. On va lancer bientôt un mouvement anti-guerre. C’est peut être le moyen de se faire entendre et de mettre une autre vision sur le devant de la scène. On veut recréer de la démocratie directe avec un débat afin de prendre ensuite des décisions. »
Antoine continue et s’indigne :« On nous dit qu’on ne doit pas faire d’amalgame mais en même temps ce sont principalement les communautés musulmanes qui sont touchées par les perquisitions et les mesures répressives. Parallèlement, des militants sont aussi concernés. Quand on voit des militants écologistes assignés à résidence pendant la COP 21, c’est révoltant. On ne peut pas se laisser faire. » Au même moment, un homme passe en voiture en faisant un doigt d’honneur au cortège… Imperturbable, le manifestant finit son témoignage par une citation de Bertolt Brecht : « Celui qui combat peut perdre alors que celui qui ne combat pas a déjà perdu. »
Marie, elle, est tout aussi résignée : « C’est la première fois qu’il y a l’état d’urgence depuis que je suis née, et c’est absolument insupportable. C’est inquiétant parce qu’il n’y a plus de gauche. La trahison du PS est immense. On ne voit plus des valeurs de gauche défendues par des gens de gauche, je suis très inquiète », explique-t-elle après qu’un long silence se soit installé. On voit derrière ses lunettes un regard qui en dit long sur son amertume.
Rachid, lui, se trouve en début de cortège : « J’ai répondu à l’appel national pour cette manifestation. Je suis contre la constitutionnalisation de l’état d’urgence, contre les lois sécuritaires. Aujourd’hui, il y a moins de justice et plus de police. La classe et la puissance des démocraties, c’est la séparation des pouvoirs. Aujourd’hui on est dans une proto-dictature qui ne dit pas son nom. Quand on voit Valls qui nous dit que l’état d’urgence sera prolongé jusqu’à ce que Daesh soit éradiqué, ce n’est pas rassurant. Daesh, on en a pour 20 à 30 ans. Je me dis que mes enfants vont être élevés dans cet état autoritaire, ils ne vont pas connaître la démocratie. Et l’on voit très bien que les états sécuritaires ne sont pas à l’abri du terrorisme, bien au contraire. Si je viens marcher aujourd’hui, c’est pour mes enfants. »