Le présumé coupable du crime et chef de bande Youssouf Fofana, 28 ans, entre en salle, crâne rasé, avec un collier de barbe, vêtu d’un sweat blanc. Tout sourire, il est le premier à s’installer sur le banc des accusés, suivi de ses 26 autres complices présumés, dont trois jeunes filles. Dès son entrée, le jeune homme lève son son doigt au ciel en prononçant « Allah Akber », comme pour donner une couverture religieuse à son accusation présumée…
Provocations au sein de la cour
Dès l’appel des accusés, effectué par la présidente de la cour, Fofana provoque encore. En guise de date de naissance, il répond: « le 13 février 2006, à Sainte-Geneviève-des-Bois », en l’occurrence, la date et le lieu de la découverte du corps de Ilan Halimi.
Continuant dans le registre de la provocation, Youssouf Fofana, choisit comme nom « africaine barbare armée révolte salafiste », tandis que la présidente se contente de lui signaler que ce n’était pas ce qui figurait sur ses documents.
En face, sur le banc des parties civiles, la mère d’Ilan Halimi, assise à côté de ses deux filles et l’ex petite amie d’Ilan. Ruth Halimi est restée concentrée, semblant prier en se balançant imperceptiblement d’avant en arrière.
Face à elle, les accusés qui ont longuement attendu le début du procès, sont restés silencieux, s’évitant du regard, ne se parlant pas. Lycéens, chômeurs, gardien d’immeuble, livreur de pizza, chauffeur de car, étudiant en commerce : la vingtaine ou plus, ces jeunes déclinent leur identité et profession au moment des faits. Emma, une petite brune,qui a servi d’appât pour attirer Ilan dans un piège, était « lycéenne, en seconde »
Tensions dans les couloirs
Pendant ce temps là dans la salle des pas perdus du palais de justice, des dizaines de jeunes revendiquant leur appartenance religieuse, juive en l’occurrence, sont encadrés par des forces de sécurité. Les jeunes insultent des personnes qu’ils supposent être des proches des accusés. En effet, quand la mère de Youssouf Fofana, chef présumé de ce gang, était sortie de la salle en fin d’après-midi, les jeunes l’avaient poursuivie et huée, débordant les forces de l’ordre.
A ce propos, Sammy, jeune lycéen de 16 ans, ayant une kippa sur la tête, et drapeau israélien dans les mains, confie « Nous sommes présents pour soutenir la famille Halimi ». Sur un éventuel sentiment de vengeance, le jeune ajoutera que lui n’y pense pas spécialement car cela serait bête de répondre par la violence mais ne cache pas sa haine envers les 26 accusés.
D’ailleurs, dans un communiqué, le CRIF (Conseil représentatif des Institutions Juives de France) a condamné aujourd’hui, les « actes de violence perpétrés la veille par les jeunes Juifs » lors de l’ouverture du procès.
Le huis clos divise les avocats
Une fois les jurés choisis (5 femmes et 4 hommes), la présidente Nadia Ajjan a fait évacuer la salle, prononçant le huis clos puisque des mineurs au moment des faits sont impliqués.
Derrière les portes closes, la cour devait examiner plusieurs demandes de publicité des débats, notamment celles de la famille de la victime et certains avocat des accusés. L’avocate d’un accusé mineur à l’époque des faits dénonce de son côté « la volonté de protéger le camp judiciaire, par ce huis clos ».
Avant l’audience, l’avocate de Fofana, Isabelle Coutant-Peyre, explique à la presse que « ce n’est pas le diable » et qu’il a « été maltraité par une campagne de marketing politique et religieux ».
Défendre Fofana, qui a déjà épuisé une trentaine d’avocats, n’est pas facile : avant l’audience, Maitres Coutant-Peyre et Emmanuel Ludot ont indiqué que leur client réclamait la levée du huis clos. Deux heures plus tard, il y renonçait.
Les avocats demandent cependant que la circonstance aggravante d’antisémitisme soit abandonnée puisqu’elle ne figurait pas dans la procédure d’extradition de Fofana de Côte d’Ivoire.
Retour sur un crime crapuleux
A Bagneux (Hauts-de-Seine), les sentiments des habitants sont confus. Ces derniers ont du mal à assumer ce qu’il s’y est passé. Certains culpabilisent de n’avoir rien vu ou entendu et d’autres ont peur d’être stigmatisés, comme le confie Yasmine, âgée 26 ans : « C’est une bande de voyous et c’est loin d’être une guerre de religions ou d’antisémitisme ». Christine, vivant depuis 15 ans à la cité, se sent coupable de n’avoir rien vu : » Je suis partagée entre un sentiment de culpabilité et de peur puisque mon enfant aurait pu être la victime »
Neuf projets d’enlèvement ont été attribués à la bande avant celui d’Ilan Halimi, qui a été séquestré dans un appartement, puis un sous-sol d’immeuble, pendant trois semaines. Une jeune fille s’était chargée de l’attirer vers ses bourreaux, ces derniers demanderont ensuite une rançon de 400.000 euros aux parents.
La suite de l’histoire est des plus morbides. Ilan sera battu à mort et abandonné au bord d’une route de Ste-Geneviève-des-Bois.
La cour aura dix semaines, jusqu’au 10 juillet, pour démêler les responsabilités des accusés et connaître enfin la vérité.