Alors que Berlin est divisée, les quelques journaux de la presse de l’Est sont contrôlés et non-pluralistes. Les autorités ferment ceux qui critiquent la vie en RDA (République démocratique allemande). Pourtant, cela n’empêche pas les Est-berlinois de lire la presse avec intérêt. Des journaux clandestins les informent des réalités, mais meurent avec la chute du Mur. La majorité des journaux officiels ne survivront pas aux nouvelles logiques capitalistes. Certains pourtant résistent, tels que Mozaïc, un magazine pour enfants qui a réussi à gérer le tournant, ou Neues Deutschland, journal de l’ancien Parti communiste, devenu socialiste, qui «épouse les inquiétudes du lectorat», explique Régis Présent Griot, rédacteur en chef de La Gazette de Berlin[Loin de vouloir s’imposer comme un média de premier plan à Berlin, [La Gazette garde son caractère original, en publiant une grande partie de son contenu en langue française. Crée au 18è siècle, alors que la francophilie prônée par Frédéric II de Prusse s’impose dans les cercles berlinois, La Gazette a renoué avec son esprit originel : proposer un contenu dynamique et dépasser la frontière culturelle du Rhin.]]. Parmi ces lecteurs, «environ 12% d’allemands ostalgiques qui aimeraient revoir le Mur» ajoute-t-il. Seul le Berliner Zeitung, en s’émancipant de toute relation avec son passé à l’Est, est parvenu à se doter d’une stature régionale après la réunification.
A l’Ouest, le Mur a eu des conséquences tout à fait différentes. La ville est encerclée au cœur de la RDA et est donc coupée du reste de la RFA (République fédérale allemande). Un isolement qui rend difficile une émancipation des titres de presse. Les journaux se développent au niveau des Länder, Hambourg surtout (Der Spiegel) mais aussi Munich (Süddeutsche Zeitung). Après 1989, la situation a peu évolué. Le pays s’est habitué à cette organisation. De plus, «il refuse le tout-national qui lui rappelle trop les dérives du IIIè Reich hitlérien», précise M. Présent Griot. Aujourd’hui, aucun quotidien berlinois de l’Ouest ne réussit à s’imposer au niveau national, excepté le Tages Zeitung qui publie des éditions locales à Hambourg ou à Brême. Il en va de même pour les quotidiens de province, trop souvent cloisonnés dans les frontières de leur Länder.
«Je pense pourtant que Berlin sera à terme capitale de la presse. Plusieurs journaux s’y sont déjà installés», nuance t-il. Il y a quelques mois, le grand titre hambourgeois Bild organisait son exil vers la capitale, suscitant de nombreux commentaires. A la différence du paysage médiatique français, quelque peu sclérosé par le poids de la crise économique qui touche ses titres, la relative santé de la presse allemande lui donne davantage de marges de manœuvre pour évoluer: « Si la menace d’Internet existe aussi ici, elle remet beaucoup moins en cause la presse écrite », explique M.Présent Griot. « Moins chers et très soucieux de leur identité papier, les titres se vendent mieux qu’en France. Culturellement, on observe que les médias audiovisuels ont une emprise moins forte sur les Allemands, qui sont très attachés à la lecture ». Les grandes études européennes s’accordent à dire que la presse allemande est particulièrement indépendante face aux pouvoirs: « En France, on n’a pas de groupes industriels qui ne se concentrent que sur les médias », remarque M. Présent Griot. « Ici, même si l’on peut critiquer les grands groupes de presse, ces derniers n’ont pas d’intérêts économiques liés à l’armement ou aux travaux publics », comme c’est le cas avec les français Dassault ou Bouygues. Tout porte à croire que les vingt ans écoulés depuis la chute du Mur n’ont pas suffi à faire de la nouvelle capitale un centre médiatique de premier plan. Mais la tendance est au changement, et ce d’autant plus en cette période de crise économique: « La maintenance en l’état de la presse actuelle coûte très cher. Les grands journaux de province sont obligés de disposer de réseaux de correspondants berlinois toujours plus développés pour couvrir l’actualité dans la capitale. » précise M. Présent Griot. Sur le long-terme, et dans une logique de réduction des coûts, la centralisation de la presse écrite nationale à Berlin semble inéluctable.
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