Mardi 21 janvier, à la Chapelle Royale des Pénitents bleus de Montpellier, une messe est « célébrée pour le repos de l’âme de Louis XVI et des victimes de la Révolution française ». Oui, 221 ans après la mort de Louis XVI, certains regrettent encore l’homme et son système monarchique. Dans cette chapelle, des fleurs de lys sur fond bleu, symbole de la monarchie absolue, ornent la tapisserie près de l’autel. Il y a foule, certains sont même debout dans le fond. Du haut de sa chaire de vérité, le prêtre prononce un discours éminemment politique, dénonçant la « dictature » du système actuel, teinté de prosélytisme religieux. « Voilà deux siècles que la France a rompu l’alliance avec Dieu ! » affirme-t-il. Après la messe, le contact avec les « fidèles » se noue facilement. Parmi eux, étonnamment, une dizaine de jeunes entre18 et 30 ans, acquis à la cause du roi. Pierre, 23 ans, étudiant en droit, se décrit comme « royaliste de coeur ». « Les rois ont fait la France, on ne peut pas nier notre passé, mais on ne peut pas mettre non plus de côté les erreurs de la monarchie. » admet-il, ajoutant qu’il votera blanc aux municipales de mars, comme il l’a toujours fait pour chaque élection. La plupart des royalistes présents ce jour-là restent plus discrets sur leurs orientations politiques. Comme l’explique Pierre : « Chez les royalistes il y a de tout, il y a des gens qui ne votent pas ou votent blanc, comme moi, il y a des gens qui votent à gauche à droite et aussi à l’extrême droite. » Mais le fond du message reste une vive critique de l’héritage révolutionnaire et du système républicain incluant le vote au suffrage universel.
Les anarchistes et le vote : « je t’aime, moi non plus
L’organisation anarchiste Alternative Libertaire compte environ 500 membres à travers la France, dont une trentaine à Montpellier selon eux. Matthieu, Oscar et Max, respectivement 30, 23 et 35 ans, font partie de cette organisation. Le rendez-vous est pris dans un café du centre-ville où ils exposent leur vision de la politique. Tous les trois exigent « une gestion horizontale de la société », une constante, comme chacun sait, pour les anarchistes. Matthieu, le plus bavard du trio, a un avis bien tranché sur le système électoral français : « Les élections sont une sorte de mascarade, avec un bipartisme, où les différences sont cosmétiques : on ne peut pas changer les choses avec ces élections. C’est un système de représentation qui permet juste de gérer la société. Il n’y a rien de significatif qui peut sortir de là. » Pour les municipales, le trio s’abstiendra. « Les élus municipaux ont un pouvoir faible, illusoire », affirment-ils. Pourtant, ils n’ont pas toujours rejeté en bloc l’isoloir. Max, notamment, avoue voter blanc depuis une dizaine d’années. Pour eux, l’abstention est peu productive : « Ne pas voter n’est pas un outil de changement. Le changement passe par la rue, les grèves, par les manifestations, par l’effervescence. » Pour autant, aucun d’eux n’exclut de voter pour faire barrage s’ils l’estiment nécessaire.
« Élire quelqu’un, c’est se désengager politiquement »
Samedi 1er février, après une manifestation pour le droit à l’avortement organisée par des membres de la Coordination des Groupes Anarchistes (CGA), une partie du groupe se retrouve à La Mauvaise Réputation, une librairie anarchiste de Montpellier. Comme les membres d’Alternative Libertaire, Gilles, 40 ans, instituteur et Xavier, 32 ans, informaticien, refusent de voter. Sans pour autant se désintéresser totalement de la situation : « Ne pas voter implique de rester conscient politiquement. » Gilles explique : « Voter revient à donner un chèque en blanc à des gens sur lesquels on n’a aucun contrôle. Nous sommes pour la démocratie directe. » Plus concrètement, il assène : « Élire quelqu’un, c’est se désengager politiquement, on ne pense pas que c’est comme ça qu’il faut faire. On est par exemple pour un mandat impératif, où l’on vote pour quelque chose de bien précis et où on a un contrôle sur le mandat ». Xavier précise, avec sarcasme : « D’ailleurs, le mandat impératif est interdit dans la Constitution française : il est considéré comme nul et non avenu. ». En revanche, point de rejet catégorique du vote chez eux : bien au contraire, c’est ainsi que la CGA
fonctionne pour mener à bien ses projets. Selon les deux anarchistes, l’échelon municipal nécessite « un pouvoir horizontal, une assemblée pérenne au niveau des comités de quartier et des petites entités qui se fédèrent entre elle. » Avant de conclure : « On ne veut pas non plus quelque chose de totalement autarcique. Il y a des choses trop importantes qui doivent être décidées au niveau municipal ».
Valentin ne croit plus en la « démocratie »
Valentin a 25 ans, il ne se réclame d’aucun bord politique, ne fait partie d’aucune organisation ou association. Il n’a jamais eu de carte électorale et n’a donc, corollairement, jamais voté. Pour lui, la « démocratie que l’on nous vend n’a jamais vraiment existé ». Tout comme Matthieu d’Alternative Libertaire, il dénonce les ressemblances entre la gauche et la droite au point de faire un parallèle avec le système américain. Il développe, sur fond de critique du libéralisme : « Ils ont de plus en plus les mains liées, et le peu de chose qu’ils font est contreproductif et bien souvent sociétal plutôt que social. […] C’est pour ça que je ne joue pas à leur jeu ».
Qu’il s’agisse de Pierre le royaliste qui vote blanc, les anarchistes d’Alternative Libertaire que sont Matthieu, Oscar ou Max ou Gilles et Xavier de la CGA, l’engagement politique ne passe pas par le vote. Combien d’entre eux ne se rendront pas au rendez-vous des municipales de mars ? Combien de Valentin parmi tous ces jeunes, vivier des abstentionnistes, seront plus que difficile à convaincre pour les candidats à la mairie de Montpellier ?
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